Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080812

Dossier : IMM‑5455‑07

Référence : 2008 CF 944

Ottawa (Ontario), le 12 août 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

YOUNIS AHMED YOUNIS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi) pour le contrôle judiciaire d’une décision qu’un membre de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rendue le 3 décembre 2007 (la décision), dans laquelle il rejetait l’appel du demandeur visant la mesure de renvoi prise contre lui le 31 mars 2007, conformément à l’alinéa 36(1)a) de la Loi.

 

LE CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur, M. Younis Ahmed Younis, est entré au Canada à titre d’enfant à charge en 1993 lorsque sa mère a reçu le statut de réfugié. La mère et les trois frères du demandeur habitent au Canada. Ses trois sœurs et leur famille habitent en Iraq. Le demandeur a épousé Mme Natalie Moore, une citoyenne canadienne, dans une cérémonie religieuse en 2000, et ils se sont mariés au civil le 18 mars 2007. Le demandeur et Mme Moore ont deux filles qui ont six ans et quatre mois, respectivement.

 

[3]               Plusieurs condamnations au criminel ont été portées contre le demandeur, dont l’une sert de fondement à la mesure de renvoi prise contre lui. La première condamnation du demandeur a eu lieu en 1995, alors qu’il avait 14 ans. Il a été accusé en vertu de l’ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, L.R.C. 1985, ch. Y‑1 (LJC), abrogée par la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1 (LSJPA), d’agression sexuelle, en contravention de l’article 271 du Code Criminel (CC) et il a été condamné à un an de garde fermée, trois mois de garde ouverte et neuf mois de probation.

 

[4]               La deuxième condamnation du demandeur a eu lieu le 26 avril 2001, pour omission de comparaître, au sens du paragraphe 145(5) du CC, et omission de comparaître, au sens de l’alinéa 145(2)a) du CC.

 

[5]               Le 22 mars 2005, le demandeur a été accusé de quatre chefs de trafic de substances contrôlées (plus précisément, de cocaïne), en contravention du paragraphe 5(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19, et d’un chef de possession d’une substance désignée en vue d’en faire le trafic, au sens du paragraphe 5(2) de la même Loi.

 

[6]               Des accusations criminelles sont encore en suspens au sujet du demandeur. Le 20 mars 2006, un membre de la Gendarmerie royale canadienne de Nanaimo a préparé un rapport au procureur de la Couronne, qui comprenait une liste d’accusations criminelles proposées et de résumés de déclarations de témoins et d’observations de policiers, au sujet du comportement du demandeur le 17 mars 2007. La liste d’accusations criminelles proposées comprenait entre autres :

i)        Avoir proféré des menaces de mort envers Cher ZAIEE;

ii)       Avoir proféré des menaces de mort envers Natalie MOORE;

iii)     Avoir proféré des menaces de faire exploser et de faire brûler la résidence de Cher ZAIEE;

iv)     Avoir commis un méfait de moins de 5 000 $ pour avoir perforé le mur dans la résidence de Cher ZAIEE;

v)      Voies de fait pour avoir frappé et empoigné Cher ZAIEE et lui avoir infligé des ecchymoses sur les bras;

vi)     Voies de fait pour avoir essayé de donner un coup de tête à All ZAIEE.

 

[7]               Le 21 mars 2007, la Section de l’immigration a émis une ordonnance de renvoi contre le demandeur au motif qu’il était interdit de territoire pour grande criminalité, au sens de l’alinéa 36(1)a) de la Loi, en raison de sa condamnation pour trafic de drogues.

 

[8]               Le demandeur a porté la mesure de renvoi en appel et a demandé une mesure spéciale pour des motifs d’ordre humanitaire (demande CH), en vertu de la Loi. Il n’a pas contesté la validité légale de la mesure de renvoi et il n’était pas représenté par un avocat à l’audience. La SAI a rejeté l’appel du demandeur. C’est cette décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[9]               Dans sa décision, la SAI a fourni le résumé suivant des déclarations de culpabilité du demandeur :

15 août 1995

Saskatoon Youth Court

1)  agression sexuelle, au sens de l’article 271 du Code Criminel

2)  Défaut de respecter un engagement, au sens de l’article 145 du Code Criminel

 

1 an de garde fermée

3 mois de garde ouverte

9 mois de probation

Temps déjà passé

26 avril 2001

Calgary

Omission de comparaître, au sens du paragraphe 145(5) du Code Criminel

Omission de comparaître, au sens de l’alinéa 145(2)a) du Code Criminel

 

1 journée

 

150 $CAN sinon 3 jours

22 mars 2005

Possession d’une substance désignée en vue d’en faire le trafic, au sens du paragraphe 5(2) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances

11 jours avec 4 mois de détention présentencielle, 12 mois d’emprisonnement avec ordonnance de sursis et ordonnance d’interdiction obligatoire 109

 

[10]           La SAI a expressément déclaré qu’elle avait tenu compte des documents présentés par l’appelant (le demandeur en l’espèce), les contenus du dossier, les divulgations de l’avocat du ministre et les observations orales de l’appelant (le demandeur) et de l’avocat du ministre.

 

[11]           Dans sa décision, la SAI a appliqué la liste non exhaustive de facteurs énoncés dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] I.A.B.D. no 4 (QL), approuvée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 82, 2002 CSC 3 [l’arrêt Chieu]. Ces facteurs sont les suivants :

a.       la gravité des infractions à l’origine de l’expulsion;

b.      la possibilité de réadaptation, la durée de la période passée au Canada et le degré d’établissement au Canada;

c.       la famille au Canada et le bouleversement familial que l’expulsion entraînerait;

d.      le soutien que l’appelant peut obtenir de sa famille et de la collectivité;

e.       les difficultés que pourrait subir l’appelant dans le pays où il serait vraisemblablement renvoyé.

 

[12]           En tenant compte de ces facteurs dans son analyse, la SAI a conclu que l’infraction de trafic de drogues du demandeur était une infraction très sérieuse, qu’il n’avait pas démontré un degré appréciable de réadaptation et que sa présence au Canada était un risque à la santé et à la sécurité des Canadiens. La SAI a aussi conclu que le demandeur n’avait aucun degré d’établissement au Canada et qu’il n’avait pas démontré que lui ou sa famille éprouverait des difficultés s’il était renvoyé du Canada. La SAI a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il existait suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier qu’on lui accorde une mesure spéciale au sujet de l’ordonnance de renvoi prise contre lui.

 

[13]           La SAI a aussi déclaré qu’en se fondant sur la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Chieu, précité, elle ne pouvait pas examiner la question des difficultés en Iraq, parce que le demandeur avait obtenu le statut de réfugié.

[13]

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[14]           Les questions soulevées en l’espèce sont :

1.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur en acceptant en preuve le dossier de jeune contrevenant du demandeur?

2.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur en tenant compte du rapport à l’avocat de la Couronne?

3.                  La SAI a‑t‑elle commis une erreur en n’examinant pas si un pays de renvoi probable pouvait être établi et en concluant qu’elle ne pouvait pas tenir compte des difficultés en Iraq du fait que le demandeur a qualité de réfugié au sens de la Convention?

 

[15]           Le demandeur a retiré la troisième question lors de l’audition de la demande. Par conséquent, je ne l’examinerai pas dans les présents motifs.

 

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

 

 

[16]           La Loi prévoit qu’un résident permanent a le droit de porter en appel devant la SAI une ordonnance de renvoi prise contre lui pour différents motifs, y compris pour des motifs d’ordre humanitaire.

63. (3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise au contrôle ou à l’enquête.

63. (3) A permanent resident or a protected person may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision at an examination or admissibility hearing to make a removal order against them.

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

[…]

 

[…]

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

68. (1) Il est sursis à la mesure de renvoi sur preuve qu’il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

68. (1) To stay a removal order, the Immigration Appeal Division must be satisfied, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, that sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

 

ANALYSE

 

 

La norme de contrôle

 

 

[17]           À mon avis, les deux questions restantes soulevées dans la présente demande sont des questions qui portent sur l’admissibilité de la preuve. L’admission de documents qui n’auraient pas dû être admis constitue un manquement à l’équité procédurale. Il est bien établi que l’analyse de la norme de contrôle ne s’applique pas aux questions d’équité procédurale (Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29). L’équité procédurale soulève des questions de droit, pour lesquelles la norme de contrôle est celle de la décision correcte (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9). Lorsqu’il est conclu qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision doit être annulée (Sketchley c. Canada (Procureur général) (2005), [2006] 3 R.C.F. 392, 2005 CAF 404; Ha c. Canada, [2004] 3 R.C.F. 195, 2004 CAF 49).

 

1.    La SAI a‑t‑elle commis une erreur en admettant en preuve le dossier de jeune contrevenant du demandeur?

 

[18]           Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en admettant en preuve son dossier de jeune contrevenant.

 

[19]           À l’audience devant la SAI, l’agent d’audience a soutenu que le dossier de jeune contrevenant du demandeur était communicable et admissible en vertu de la LSJPA parce que le demandeur avait été déclaré coupable, à titre d’adulte le 26 avril 2001, de deux chefs d’omission de comparaître, chefs qui, d’après l’agent d’audience, avaient été déposés dans les cinq ans suivant la date à laquelle le demandeur avait terminé sa sentence. Cela signifie que la SAI pouvait avoir accès au dossier.

 

[20]           Bien que le demandeur ait été déclaré coupable en vertu de l’ancienne LJC, la loi applicable est la LSJPA, puisque les dispositions de transition de cette loi rendent les articles 114 à 129 de la LSJPA applicables aux dossiers conservés en vertu des articles 40 et 43 de la LJC :

163. Les articles 114 à 129 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux dossiers relatifs à l’infraction de délinquance prévue par la Loi sur les jeunes délinquants, chapitre J‑3 des Statuts révisés du Canada de 1970, et aux dossiers tenus en application des articles 40 à 43 de la Loi sur les jeunes contrevenants, chapitre Y‑1 des Lois révisées du Canada (1985).

163. Sections 114 to 129 apply, with any modifications that the circumstances require, in respect of records relating to the offence of delinquency under the Juvenile Delinquents Act, chapter J‑3 of the Revised Statutes of Canada, 1970, and in respect of records kept under sections 40 to 43 of the Young Offenders Act, chapter Y‑1 of the Revised Statutes of Canada, 1985.

 

[21]           La LSJPA prévoit l’interdiction suivante contre la communication de dossiers de déclarations de culpabilité d’adolescents :

[21]

118. (1) Sauf autorisation ou obligation prévue par la présente loi, il est interdit de donner accès pour consultation à un dossier tenu en application des articles 114 à 116 ou de communiquer des renseignements qu’il contient lorsque l’accès ou la communication permettrait de constater que l’adolescent visé par le dossier a fait l’objet de mesures prises sous le régime par la présente loi.

118. (1) Except as authorized or required by this Act, no person shall be given access to a record kept under sections 114 to 116, and no information contained in it may be given to any person, where to do so would identify the young person to whom it relates as a young person dealt with under this Act.

 

[22]           Les termes « dossier » et « adolescent » sont définis au paragraphe 2(1) de la LSJPA comme suit :

« dossier » Toute chose renfermant des éléments d’information, quels que soient leur forme et leur support, notamment microforme, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, ou toute reproduction de ces éléments d’information, obtenus ou conservés pour l’application de la présente loi ou dans le cadre d’une enquête conduite à l’égard d’une infraction qui est ou peut être poursuivie en vertu de la présente loi.

 

“record” includes any thing containing information, regardless of its physical form or characteristics, including microform, sound recording, videotape, machine-readable record, and any copy of any of those things, that is created or kept for the purposes of this Act or for the investigation of an offence that is or could be prosecuted under this Act.

 

« adolescent » Toute personne qui, étant âgée d’au moins douze ans, n’a pas atteint l’âge de dix‑huit ans ou qui, en l’absence de preuve contraire, paraît avoir un âge compris entre ces limites. Y est assimilée, pour les besoins du contexte, toute personne qui, sous le régime de la présente loi, est soit accusée d’avoir commis une infraction durant son adolescence, soit déclarée coupable d’une infraction

“young person” a person who is or, in the absence of evidence to the contrary, appears to be twelve years old or older, but less than eighteen years old and, if the context requires, includes any person who is charged under this Act with having committed an offence while he or she was a young person or who is found guilty of an offence under this Act.

 

[23]           Le paragraphe 119(1) de la LSJPA énonce plusieurs exceptions à l’interdiction contre la communication des dossiers de déclarations de culpabilité d’adolescents. En particulier, les alinéas 119(1)h) et n) prévoient que tout juge, tout tribunal, toute commission d’examen, ou tout membre du personnel d’un ministère ou d’un organisme public canadien peut avoir accès aux dossiers criminels pendant la « période d’accès ». Celle-ci est calculée à compter de l’exécution complète de la peine spécifique relative à l’infraction que l’adolescent a commise. Elle dure trois ans pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité et cinq ans pour les infractions punissables par mise en accusation (LSJPA, alinéas 119(2)g)‑h)).

 

[24]           Le paragraphe 119(9) de la LSJPA prévoit une autre exception à l’interdiction pour laquelle, pendant la période d’accès, la personne est déclarée coupable d’une infraction à titre d’adulte :

119(9) Si, au cours de la période visée aux alinéas (2)g) à j), l’adolescent devenu adulte est déclaré coupable d’une infraction :

 

119(9) If, during the period of access to a record under any of paragraphs (2)(g) to (j), the young person is convicted of an offence committed when he or she is an adult,

 

a) l’article 82 (effet d’une absolution inconditionnelle ou de l’expiration de la période d’application des peines) ne s’applique pas à lui à l’égard de l’infraction visée par le dossier tenu en application des articles 114 à 116;

 

(a) section 82 (effect of absolute discharge or termination of youth sentence) does not apply to the young person in respect of the offence for which the record is kept under sections 114 to 116;

 

b) la présente partie ne s’applique plus au dossier et celui‑ci est traité comme s’il était un dossier d’adulte;

 

(b) this Part no longer applies to the record and the record shall be dealt with as a record of an adult; and

 

c) pour l’application de la Loi sur le casier judiciaire, la déclaration de culpabilité à l’égard de l’infraction visée par le dossier est réputée être une condamnation.

(c) for the purposes of the Criminal Records Act, the finding of guilt in respect of the offence for which the record is kept is deemed to be a conviction.

 

 

[25]           Le demandeur a été déclaré coupable, alors qu’il était adolescent, d’une agression sexuelle le 15 août 1995, en contravention avec l’article 271 du Code Criminel. Il a complété sa peine lorsque sa période de probation a expiré deux ans plus tard, le 15 août 1997. Sa condamnation suivante a eu lieu devant une cour adulte, le 26 avril 2001, auquel moment il avait 20 ans. Cette condamnation a eu lieu plus de trois ans après la peine qu’il a servie comme adolescent, mais en moins de cinq ans. Par conséquent, la question de savoir si le dossier de jeune contrevenant du demandeur relevait de la période d’accès et était accessible dépend de la question de savoir si la condamnation pour agression sexuelle portait sur une infraction punissable sur déclaration de culpabilité ou sur une infraction punissable par mise en accusation.

 

[26]           Le demandeur soutient que, dans la preuve dont la SAI était saisie, rien ne laissait entendre que lorsqu’il était adolescent, il avait été condamné pour une infraction punissable sur déclaration de culpabilité ou pour une infraction punissable par mise en accusation. Sans de telles preuves, le demandeur fait valoir que la SAI n’avait aucun moyen de déterminer si la déclaration de culpabilité du demandeur lorsqu’il était adolescent était communicable en vertu de la LSJPA.

 

[27]           Je note que l’article 271 du Code Criminel est une infraction mixte, ce qui signifie qu’elle peut entraîner une déclaration de culpabilité ou une mise en accusation, selon la façon dont le procureur général choisit de procéder avec l’accusation. Comme le demandeur l’a noté, lorsque aucun choix n’est fait au sujet de l’infraction mixte, on suppose que le procureur général a choisi de procéder par voie de déclaration de culpabilité, en vertu du paragraphe 121 du Code Criminel.

 

[28]           L’article 271 du Code Criminel prévoit comme suit :

271. (1) Quiconque commet une agression sexuelle est coupable :

 

271. (1) Every one who commits a sexual assault is guilty of

 

a) soit d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de dix ans;

 

(a) an indictable offence and is liable to imprisonment for a term not exceeding ten years; or

 

b) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d’un emprisonnement maximal de dix‑huit mois.

(b) an offence punishable on summary conviction and liable to imprisonment for a term not exceeding eighteen months.

 

[29]           De plus, la peine du demandeur d’un an de garde fermée, de trois mois de garde ouverte et de neuf mois de probation ne précise pas si le procureur général a décidé de procéder par voie de déclaration de culpabilité ou par voie de mise en accusation.

 

[30]           En réponse, le défendeur soutient qu’il ne revenait pas à la SAI d’examiner la décision du Service de police de Saskatoon de communiquer le dossier de jeune contrevenant du demandeur à l’avocat du ministre. En fait, la tâche de la SAI était d’examiner si la preuve dont elle était saisie était crédible et digne de foi et de décider du poids qu’elle donnerait à cette preuve.

 

[31]           Selon le défendeur, la SAI peut examiner toute la preuve dont elle est saisie qu’elle considère crédible ou digne de foi. L’article 67 de la Loi exige que la SAI tienne compte des « autres circonstances de l’affaire » lorsqu’elle décide s’il existe suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la prise de mesures spéciales au sujet d’une ordonnance de renvoi. De plus, l’article 175 de la Loi prévoit que la SAI n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve et qu’elle peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision :

175. (1) Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section d’appel de l’immigration :

 

175. (1) The Immigration Appeal Division, in any proceeding before it,

 

(a) dispose de l’appel formé au titre du paragraphe 63(4) par la tenue d’une audience;

 

(a) must, in the case of an appeal under subsection 63(4), hold a hearing;

 

(b) n’est pas liée par les règles légales ou techniques de présentation de la preuve;

 

(b) is not bound by any legal or technical rules of evidence;

 

(c) peut recevoir les éléments qu’elle juge crédibles ou dignes de foi en l’occurrence et fonder sur eux sa décision.

(c) may receive and base a decision on evidence adduced in the proceedings that it considers credible or trustworthy in the circumstances.

 

[32]           Je ne suis pas d’accord avec le défendeur que la SAI n’avait pas l’obligation d’évaluer si le dossier de jeune contrevenant du demandeur avait été communiqué correctement. La SAI doit déterminer l’admissibilité, la fiabilité et le poids à donner à la preuve qui lui est présentée. Bien que la SAI n’est pas liée par les mêmes règles légales ou techniques en matière de preuve qu’un tribunal, je ne crois pas que cela lui donne l’autorité d’admettre un dossier de jeune contrevenant, lorsque la deuxième condamnation a eu lieu après la période d’accès. À mon avis, la communication d’un tel rapport constituerait non seulement un manquement à l’article 118 de la LSJPA, mais elle constituerait aussi un manquement à l’équité procédurale qui est garantie dans les audiences devant la SAI. Dans la décision Atkinson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] I.A.D.D. no 171, la SAI était d’avis (voir les paragraphes 60 à 62) qu’une autorisation officielle de communication de matériel est nécessaire avant que ce matériel puisse être présenté en preuve, et je suis du même avis.

 

[33]           Je souhaite distinguer ma conclusion en l’espèce de celle de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sittampalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] 3 R.C.F. 198, 2006 CAF 326, au paragraphe 49, dans lequel le juge Linden, au nom de la Cour, déclarait ce qui suit :

49.     La Commission n’est pas liée par des règles de preuve strictes dans le cadre des enquêtes. Une fois que le tribunal administratif détermine que la preuve est crédible et digne de foi, celle‑ci est admissible et la question de savoir comment elle a été obtenue est pertinente seulement pour déterminer le poids qu’il convient d’y accorder : article 173 de la LIPR.

 

[34]           Je conclus que la SAI avait l’obligation de déterminer si le dossier de jeune contrevenant du demandeur était admissible avant de déterminer si le dossier était crédible et digne de foi, et avant de déterminer le poids à donner à ce dossier.

 

[35]           À mon avis, la SAI en l’espèce ne s’est jamais penchée sur la question de savoir si le dossier de jeune contrevenant avait été communiqué correctement, et le paragraphe 175(1) de la LIPR ne lui enlève pas cette obligation (voir Atkinson, précitée, aux paragraphes 60 et 61). La SAI a simplement accepté le dossier sans faire aucune analyse. Rien dans les documents dont elle était saisie ne permettait de déterminer si le dossier était communicable. L’imprimé du CIPC n’est pas un dossier criminel officiel et de plus, ce dossier contenait des erreurs. Le Parlement avait l’intention d’assurer que de tels dossiers restent confidentiels et, par conséquent, il y a un contrôle important de la communication de ces dossiers. Le fait que la SAI n’a pas tenu compte des dispositions claires au sujet de la communication de dossiers de jeune contrevenant, qui sont énoncées explicitement dans la LSJPA, en se fondant sur les dispositions générales de la LIPR (paragraphe 175(1)) semble contraire à l’intention du Parlement. Lorsque des dossiers ou des documents comme ceux‑ci sont protégés par une loi, à mon avis, la SAI a l’obligation d’examiner si les documents qui lui ont été présentés ont été communiqués correctement.

 

[36]           Le défendeur soutient de plus que la SAI possédait des preuves irréfutées selon lesquelles le dossier de jeune contrevenant du demandeur avait été retenu et communiqué correctement à l’avocat du ministre. Le défendeur déclare que le dossier criminel du demandeur indique clairement à première vue que le dossier a été retenu en vertu de l’article 45.01 de la LJC. Le dossier criminel indique :

[36]

******* Ces antÉcÉdents criminels comprennent des affaires portÉes devant le Tribunal de la jeunesse, dossiers qui peuvent Être conservÉs aux termes du paragraphe 45.01 de la Loi sur les jeunes contrevenants (1996) *******

 

[37]           Le défendeur fait valoir que le dossier de jeune contrevenant du demandeur a donc été retenu en vertu de l’article 45.01 de la LJC et qu’il était accessible pour inspection puisque le demandeur a été déclaré coupable d’une infraction criminelle à titre d’adulte au cours de la période applicable après avoir purgé sa peine comme adolescent. De plus, le défendeur soutient que si le dossier de jeune contrevenant du demandeur avait été correctement retenu en vertu de la LJC, alors il avait été correctement retenu en vertu de la LSJPA, puisque les dispositions de la LSJPA qui portent sur la détention et la communication de dossiers de jeune contrevenant sont identiques aux dispositions de l’ancienne LJC.

 

[38]           En fait, les arguments du défendeur reviennent à dire que le dossier de jeune contrevenant ne pouvait être retenu que si le demandeur avait commis une infraction pendant la période d’accès. En d’autres mots, la SAI devrait être en mesure de se fier au fait que le dossier a été retenu pour prouver la légalité de sa communication. Le défendeur soutient que rien ne donne à penser que le dossier n’était pas communicable et qu’il n’avait pas été accepté correctement en preuve.

 

[39]           À mon avis, cet argument ne porte pas réellement sur la question. Il n’y a aucune preuve concluante au dossier selon laquelle la déclaration de culpabilité du demandeur pour agression sexuelle avait été traitée par voie de déclaration de culpabilité ou par voie de mise en accusation. La seule preuve existante est la clause contenue sur le dossier criminel, notée ci‑dessus, et la référence par l’agente d’audience dans la transcription, où il est inscrit qu’elle a déclaré comme suit :

 

[traduction]

Je ne savais pas que nous pouvions communiquer ces renseignements [au sujet de la déclaration de culpabilité du demandeur lorsqu’il était mineur] et j’ai appris seulement lundi que, en raison de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, s’il était déclaré coupable d’une autre infraction au cours des cinq années suivant la fin de la peine qu’il avait purgée pour la condamnation dont il a fait l’objet lorsqu’il était mineur, alors le dossier était communicable.

[Transcription de l’audience à la page 4, lignes 9 à 13.]

 

[40]           L’agente a aussi déclaré « J’ai simplement ajouté [l’imprimé du CIPC] afin que vous [le membre de la SAI] puissiez voir où il a été déclaré coupable en 1995, quelle était sa peine et à quel moment la déclaration de culpabilité suivante a eu lieu. Pour que vous puissiez voir que c’était communicable » [Transcription de l’audience à la page 4, lignes 39 à 41].

 

[41]           À mon avis, la SAI n’a pas examiné correctement si le dossier de jeune contrevenant du demandeur était communicable. Les motifs de la SAI n’indiquent pas si une analyse a été faite. À mon avis, il est clair que la SAI s’est fondée sur la clause qui se trouvait sur le dossier criminel et sur les observations de l’agente d’audience. Je conclus que cette preuve n’était pas suffisante pour affirmer, sans autre renseignement, que l’infraction avait été poursuivie par mise en accusation.

 

[42]           Je ne suis pas convaincu que le seul fait que le policier qui a préparé le document résumant le dossier criminel du demandeur ait inclus la clause dans le dossier soit suffisant pour établir que l’infraction a été poursuivie par mise en accusation. Sans autre preuve, je ne peux pas être certain que le policier n’a pas commis une erreur lorsqu’il a inclus la clause dans la déclaration qui contenait le dossier criminel du demandeur. De plus, la transcription n’est pas très claire à savoir si l’agente d’audience a obtenu les renseignements selon lesquels l’infraction a été poursuivie par mise en accusation. Je reconnais que l’agente d’audience a une obligation de franchise. Cependant, sans fournir de preuve à l’appui de ses observations selon lesquelles le dossier de jeune contrevenant du demandeur était communicable parce que, comme elle l’a déclaré, il avait été [traduction] « déclaré coupable d’une autre infraction au cours des cinq années suivant la fin de la peine qu’il avait purgée pour la condamnation dont il a fait l’objet lorsqu’il était mineur », je ne peux pas conclure que la preuve établit suffisamment que l’infraction a été poursuivie par mise en accusation et que le dossier de jeune contrevenant du demandeur était donc admissible. À mon avis, l’agente d’audience se fiait sur la clause qui se trouvait sur la déclaration du policier. J’ai déjà conclu que cette déclaration n’était pas suffisante pour établir que le dossier de jeune contrevenant du demandeur pouvait bien être communiqué. Pour ces motifs, je conclus que la SAI n’a pas correctement examiné si le dossier de jeune contrevenant du demandeur était admissible. À mon avis, il s’agit d’une erreur de droit.

 

[43]           Le dossier démontre que la SAI ne s’est pas penchée sur cette question importante et, même si elle l’avait fait, aucune preuve fiable ne lui a été présentée à savoir si l’affaire avait été traitée par déclaration de culpabilité ou par mise en accusation. La SAI a simplement accepté le dossier de jeune contrevenant au motif qu’il était pertinent.

 

[44]           La SAI s’est clairement fondée sur cette preuve et elle y a fait référence dans sa décision. Elle est pertinente quant aux questions de réadaptation et de crédibilité sur lesquelles la SAI a fondé sa décision. Je ne peux pas conclure que la SAI aurait tiré les mêmes conclusions sans cette preuve, et il est impossible de dire si la preuve aurait dû être admise. Par conséquent, pour ce seul motif, l’affaire devrait être renvoyée pour nouvel examen.

 

Le rapport à l’avocat de la Couronne

 

[45]           Bien que je sois d’avis que la présente demande devrait être accueillie sur le seul fondement de la première question, le demandeur souligne que le rapport à l’avocat de la Couronne figure aussi dans la décision de la SAI comme fondement pour le rejet de l’appel. Cela affecte les questions de réadaptation et les tentatives du demandeur de minimiser ses activités criminelles du passé.

 

[46]           Dans la décision Thuraisingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2004), 251 F.T.R. 282, 2004 CF 607, au paragraphe 35, la juge MacTavish, après avoir examiné la jurisprudence sur cette question, a fait la distinction suivante :

35.  […] À mon avis, il faut établir une distinction entre le fait de se fonder sur le fait qu’une personne a été accusée d’une infraction criminelle et le fait de se fonder sur la preuve qui sous‑tend les accusations en question. Le fait qu’une personne a été accusée d’une infraction ne prouve rien : il s’agit seulement d’une allégation. Par contre, la preuve sous‑tendant l’accusation peut être suffisante pour justifier qu’un avis selon lequel une personne constitue un danger présent ou futur pour autrui au Canada soit émis de bonne foi.

 

[47]           Le demandeur souligne que, en fonction des faits en l’espèce, aucune accusation n’a été portée, ce qui signifie que le rapport à l’avocat de la Couronne n’est pas fiable en l’absence de preuve qui démontrerait qu’il caractérise correctement les faits sous‑jacents. Le demandeur déclare que la SAI, en l’espèce, a simplement accepté le rapport. De plus, ce rapport en particulier est suspect puisqu’il est anonyme et que les noms des agents d’enquête ont été effacés, et qu’aucun agent ou témoin n’a témoigné devant la SAI au sujet de la justesse des faits. Ces renseignements n’ont jamais été vérifiés et la SAI a simplement omis de déterminer s’ils étaient dignes de foi.

 

[48]           Le demandeur rappelle à la Cour l’explication du juge Moseley dans la décision Rajagopal c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) 2007 CF 523, au paragraphe 43 :

43. […] Ce faisant, elle a mal qualifié la nature du constat de police. Le constat renfermait des allégations consignées par le policier au cours de son enquête sur la plainte et non les conclusions de fait tirées par le tribunal qui avait reconnu la culpabilité du demandeur et lui avait infligé une peine. Bien que la SAI eusse pu citer des éléments de preuve ou des témoignages pour appuyer l’argument suivant lequel, selon la prépondérance des probabilités, le constat de police qualifiait probablement de façon exacte les faits constitutifs de l’infraction, la SAI ne l’a pas fait. Il n’appartient pas à la Cour de revenir sur la preuve ou de l’évaluer de nouveau pour justifier les conclusions de la SAI.

 

 

[49]           Cependant, le défendeur souligne que la façon dont la SAI a utilisé le rapport dans la décision en l’espèce ne se heurte pas au problème qui se pose pour de nombreuses autres affaires plus vieilles. En l’espèce, la SAI a obtenu une preuve directe du demandeur lui‑même en ce qui a trait au fondement factuel des infractions qui sont mentionnées dans le rapport. Il a tenté de minimiser sa responsabilité, mais il n’a pas nié les faits sur lesquels les infractions mentionnées dans le rapport ont été fondées. Par conséquent, le défendeur soutient que rien n’empêchait la SAI d’admettre en preuve et de mentionner le rapport à l’avocat de la Couronne, puisque le demandeur avait confirmé le fondement factuel. Le fait que la SAI ait admis le rapport en preuve et l’ait utilisé ne comprenait aucune erreur inhérente puisque le demandeur avait fourni une confirmation factuelle de la justesse des faits.

 

[50]           Le demandeur soutient qu’il n’y a aucun lien étroit entre le rapport et ce qu’il a admis dans son témoignage. Par exemple, comme le dossier certifié du Tribunal l’indique à la page 173, lignes 19 à 22, le demandeur a présenté sa propre version des événements au sujet de l’agression de la gardienne. Il a admis qu’il l’avait poussée. Il a nié que son frère avait menacé sa femme. Une fois de plus, à la page 171, lignes 28 à 32, il déclare qu’il a dit à sa femme qu’il [traduction] « devrait » la tuer, mais qu’il ne l’a pas menacée de le faire.

 

[51]           Le demandeur soutient que la SAI a simplement accepté le rapport, sans déterminer, en fonction de la prépondérance des probabilités, s’il était fiable. Même si le demandeur manque de crédibilité, cela ne signifie pas que le rapport est fiable et la SAI ne s’est pas prononcée sur cette question importante.

 

[52]           En ce qui a trait à l’incident en question dans le rapport à l’avocat de la Couronne, la SAI a conclu que le demandeur « a essayé d’amoindrir les circonstances entourant les infractions commises le 17 mars 2006 à Nanaimo, quoiqu’il ait admis que l’incident avait bel et bien eu lieu. » Après avoir cité amplement le rapport, la SAI a déclaré « [j]e remarque que l’incident du 17 mars 2006 a eu lieu pendant que l’appelant purgeait une ordonnance de sursis et que celui‑ci a enfreint la condition 1, soit celle de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite. » la SAI a poursuivi en notant comme suit :

Appelé à préciser l’incident du 17 mars 2006, l’appelant n’a pas nié qu’il avait bel et bien eu lieu, mais il a tenté de minimiser l’importance de ses actions en laissant entendre que ses gestes s’expliquaient par un malentendu, car il avait été provoqué par la gardienne qui l’empêchait de voir sa fille. Il a insisté sur le fait que ses menaces n’étaient pas sérieuses, tout en admettant avoir endommagé le mur de l’appartement. L’appelant a nié avoir frappé sa femme et traumatisé sa fille par ses actions.

 

[53]           En ce qui a trait à son analyse à ce sujet, la SAI a conclu que le demandeur n’avait pas démontré un degré appréciable de réadaptation. Dans sa conclusion, la SAI a déclaré que « les jeunes enfants et la mère ont droit à une existence exempte de violence » et que « [l]es enfants de l’appelant sont directement touchés par cette décision, mais l’appelant n’avait aucun contact important avec eux, et la fille de ce dernier a exprimé des craintes pour la sécurité de sa mère. » La SAI a alors conclu qu’en tenant compte de l’intérêt supérieur des enfants affectés par la décision, il n’existait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la prise de mesures spéciales compte tenu de la situation du demandeur.

 

[54]           Dans la décision Veerasingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1661 au paragraphe 6, la juge Snider, pour la question à savoir si la SAI avait commis une erreur en se fondant sur une accusation qui avait été retirée, a conclu que l’analyse suivante devait être effectuée lorsqu’on examinait le traitement que la SAI faisait de l’existence d’accusations criminelles déposées contre un demandeur :

6     Appliquant ces principes à l’espèce, les questions que je dois aborder sont les suivantes :

 

1.   La SAI s’est‑elle appuyée sur l’accusation ou sur la preuve sous‑tendant celle‑ci pour en venir à sa conclusion?

 

2.   La preuve sous‑tendant l’accusation est‑elle fiable et crédible et, de ce fait, suffisante pour justifier une opinion de bonne foi selon laquelle, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, le demandeur devrait être renvoyé du Canada?

 

La SAI a commis une erreur si elle s’est appuyée sur l’accusation pour en venir à sa décision ou si la preuve sous‑jacente est insuffisante.

 

[55]           Après avoir lu la décision, il est clair que la SAI s’est fondée sur le rapport et sur les accusations qui y étaient proposées afin d’appuyer sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas démontré un degré appréciable de réadaptation, que le demandeur posait un danger et qu’il n’était donc pas dans le meilleur intérêt des enfants que le demandeur reste au Canada. Ce faisant, la SAI a omis de faire la distinction nécessaire entre le fait que les accusations proposées n’étaient que de simples allégations et celui que le demandeur n’avait pas été déclaré coupable des infractions. Je note que la SAI a conclu que le demandeur « a essayé d’amoindrir les circonstances entourant les infractions commises le 17 mars 2006 à Nanaimo, quoiqu’il ait admis que l’incident avait bel et bien eu lieu » et qu’elle avait aussi conclu que le demandeur « a enfreint la condition 1, soit celle de ne pas troubler l’ordre public et d’avoir une bonne conduite ». En fonction de la preuve dont elle était saisie, y compris du témoignage du demandeur dans lequel il nie beaucoup des allégations, ainsi que le fait que le demandeur n’a pas été déclaré coupable des accusations décrites dans le rapport, la conclusion de la SAI selon laquelle le demandeur a commis les infractions décrites dans le rapport était, à mon avis, déraisonnable. Bien que la SAI pouvait examiner la preuve découlant des accusations en question, elle ne pouvait pas conclure que cette preuve était suffisante pour déterminer que le demandeur était coupable des infractions décrites dans le rapport.

 

[56]           De plus, comme je l’ai noté plus haut, la décision de la SAI ne comporte aucune analyse au sujet de la fiabilité et de la crédibilité du rapport à l’avocat de la Couronne. L’absence de toute analyse à ce sujet laisse entendre que la SAI ne s’est pas penchée sur la question de déterminer si le rapport était fiable et crédible. Cette omission constitue une erreur de droit.

 

[57]           Pour les motifs précédents, je conclus que la décision de la SAI doit être annulée.

 

[58]           Les avocats doivent signifier et déposer toute observation au sujet de la certification d’une question de portée générale dans les sept jours suivant la réception des présents motifs du jugement. Chaque partie aura alors une période de trois jours de plus pour signifier et déposer toute réponse aux observations de la partie opposée. Par la suite, je rendrai un jugement.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5455‑07

 

INTITULÉ :                                       Younis Ahmed Younis c. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 août 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Adrian D. Huzel

POUR LE DEMANDEUR

R. Keith Reimer

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Embarkation Law Group

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.