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Date : 20080812

Dossier : T‑2029‑06

Référence : 2008 CF 942

Ottawa (Ontario), le 12 août 2008

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE :

ANNA CHOW

demanderesse

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.  Introduction

[1]               Mme Anna Chow (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, de la décision rendue par l’arbitre Dan Butler (l’arbitre) le 13 octobre 2006. Dans cette décision, l’arbitre a rejeté les griefs présentés par la demanderesse en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑35 (l’ancienne Loi) abrogée et remplacée par la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, article 285. L’arbitre a conclu que les griefs portaient sur des questions de droits de la personne et qu’un autre recours administratif de réparation était ouvert à la demanderesse, dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la LCDP); par conséquent, dans ces circonstances, il n’avait pas compétence pour trancher les griefs en cause.

 

II. Le contexte

[2]               Les faits sont établis à partir des pièces jointes aux affidavits de Sandy Donaldson et de Drew Heavens, déposés respectivement au nom de la demanderesse et du défendeur.

 

[3]               La demanderesse a commencé à travailler chez Statistique Canada (l’employeur) en février 1997. À l’origine, elle occupait un poste doté pour une période déterminée. En février 1998, elle a gagné un concours pour un poste permanent. En octobre 1999, elle a pris un congé de maladie pour prendre soin de sa mère. En mai 2000, un mois après la mort de sa mère, la demanderesse a demandé des prestations d’invalidité. Le psychologue traitant de la demanderesse a fourni des lettres à l’employeur en mars, en août et en octobre 2000 au sujet de son incapacité à retourner au travail à ces dates. Son médecin traitant a également fourni des rapports médicaux en janvier et en juillet 2001.

 

[4]               En juin 2001, l’employeur a exigé que la demanderesse se soumette à une évaluation de santé menée par Santé Canada. Bien que la demanderesse se soit présentée au rendez‑vous du 6 juillet 2001, elle n’a pas signé le document qui aurait autorisé la communication de renseignements à l’employeur. Ces faits ont été précisés dans une lettre datée du 11 juillet 2001 envoyée par le Dr J. Lloyd‑Jones, médecin de l’Agence d’hygiène et de sécurité au travail (AHST) à Mme Johanne Grégoire, Division des opérations des ressources humaines chez l’employeur.

 

[5]               Dans une lettre datée du 12 juillet 2001, l’employeur a expliqué à la demanderesse la raison pour laquelle une évaluation de Santé Canada était exigée :

[traduction]

Dans ce but, Johanne Grégoire a fixé un rendez‑vous avec Santé Canada. Vous vous êtes présentée au rendez‑vous, mais vous n’avez pas signé le formulaire d’autorisation. Par conséquent, l’évaluation n’a pas été complétée. Lors de plusieurs de nos conversations et lors d’une discussion avec Mel Jones, il a été précisé clairement que votre retour au travail chez Statistique Canada, à n’importe quel titre, était conditionnel à ce que vous fassiez l’objet d’une évaluation complète. Vous avez demandé à être nommée à un poste à l’extérieur de la D.I.O., préférablement à l’extérieur de Statistique Canada pour des raisons liées au stress. [Non souligné dans l’original.]

 

L’évaluation de Santé Canada a pour but de déterminer si vous êtes prête ou non à retourner au travail et de préciser quelles restrictions, le cas échéant, doivent être respectées si vous retourniez au travail. Notre principale préoccupation est votre bien‑être. Nous considérons l’évaluation comme la première étape qui vous permettra d’avoir accès aux ressources qui vous permettront de reprendre votre carrière. Soyez assurée que les renseignements obtenus par Santé Canada demeurent strictement confidentiels. Bien que Statistique Canada soit le ministère qui demande l’évaluation, il a seulement le droit de savoir si vous êtes apte à retourner au travail ou non et quelles sont les restrictions qui doivent être respectées. Vous serez la seule informée de tout autre renseignement obtenu au cours de l’évaluation. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[6]               Dans une autre lettre datée du 31 juillet 2001, l’employeur a répété les raisons pour lesquelles il demandait une évaluation de Santé Canada, comme suit :

[traduction]

Encore une fois, l’évaluation de Santé Canada a pour but de déterminer si vous êtes prête ou non à retourner au travail et à préciser quelles restrictions, le cas échéant, doivent être respectées si vous retourniez au travail. Notre principale préoccupation est votre bien‑être. Nous considérons l’évaluation comme la première étape qui vous permettra d’avoir accès aux ressources qui vous permettront de reprendre votre carrière. Soyez assurée que les renseignements obtenus par Santé Canada demeurent strictement confidentiels. Bien que Statistique Canada soit le ministère qui demande l’évaluation, il a seulement le droit de savoir si vous êtes apte à retourner au travail ou non et quelles sont les restrictions qui doivent être respectées. Vous serez la seule informée de tout autre renseignement obtenu au cours de l’évaluation.

 

[7]               Le médecin de famille de la demanderesse a préparé un bref rapport daté du 5 août 2001, adressé à [traduction] « À qui de droit », dans lequel il fait savoir que la demanderesse était apte au travail depuis novembre 2000 et l’était demeurée depuis ce temps jusqu’à ce jour.

 

[8]               Dans une lettre datée du 22 octobre 2001, l’employeur a encore informé la demanderesse qu’une évaluation de l’AHST était nécessaire pour régler sa situation d’emploi. Un autre rendez‑vous a été fixé à cet effet le 5 novembre 2001. À la lumière d’une lettre datée du 1er novembre 2001 de l’employeur, il semble que la demanderesse ait consulté un avocat et le rendez‑vous a été reporté au 19 novembre 2001.

 

[9]               Pendant ce temps, dans une lettre datée du 9 novembre 2001, le médecin de famille de la demanderesse a encore une fois fait savoir que la demanderesse était apte au travail depuis novembre 2000. Le Dr Geller a affirmé que l’absence de la demanderesse de janvier à mai 2001 était motivée par des raisons autres que celles ayant obligé la demanderesse à prendre un congé prolongé d’octobre 1999 à octobre 2000. Selon le Dr Geller, la demanderesse était absente en 2001 en raison de traitements dentaires qu’elle a suivis à l’extérieur du Canada.

 

[10]           Le Dr Geller a en effet réitéré cette position dans une autre lettre adressée à l’employeur, datée du 26 novembre 2001.

 

[11]           Dans une lettre datée du 21 novembre 2001, le Dr L. Taras de l’AHST a écrit à Mme Lorraine Lys, chef, Relations de travail chez l’employeur. Le Dr Taras a fait savoir que la demanderesse s’était présentée le 19 novembre, mais que l’évaluation n’avait pas été complétée.

 

[12]           Dans une lettre datée du 3 décembre 2001, Mme Lys a répondu au Dr Taras. Dans sa lettre, Mme Lys donnait des détails des inquiétudes de l’employeur au sujet des difficultés de la demanderesse au travail. Mme Lys a déclaré qu’une demande précédente de prestations d’invalidité avait été refusée et que la demanderesse n’avait pas suivi la procédure d’appel à cet égard. Elle a demandé une opinion quant à l’aptitude de la demanderesse à retourner au travail et s’il était à prévoir que la demanderesse aurait besoin de congés prolongés à l’avenir.

 

[13]           Par lettre en date du 29 avril 2002, M. Richard Barnabé, statisticien en chef adjoint chez l’employeur, a écrit à la demanderesse au sujet de l’exigence toujours non satisfaite voulant qu’elle se soumette à une évaluation d’aptitude au travail par Santé Canada. Dans cette lettre, M. Barnabé a déclaré que [traduction] « [s]i vous ne satisfaites pas à cette exigence et ne vous soumettez pas à une évaluation médicale, la direction prendra des mesures pour mettre fin à votre emploi chez Statistique Canada ».

 

[14]           La demanderesse a répondu par une lettre datée du 7 mai 2002. Elle s’opposait à ce qu’elle qualifiait de mesures [traduction] « coercitives » de l’employeur relativement à l’évaluation d’aptitude au travail. Elle a fait savoir qu’elle avait accepté de faire l’objet d’une évaluation menée par l’AHST, mais qu’elle ne pouvait affirmer qu’elle avait donné son consentement de manière volontaire. Elle avait signé le formulaire d’autorisation, mais l’avait modifié pour montrer que son consentement avait été donné [traduction] « contre sa volonté ». Ce formulaire a été remis à l’AHST, mais, dans une lettre datée du 9 mai 2002, le Dr Taras a informé Mme Lys que l’évaluation ne pouvait se faire en l’absence de consentement volontaire de la demanderesse.

 

[15]           Par lettre datée du 22 mai 2002, la demanderesse a été informée que son emploi prendrait fin le 24 mai 2002, en raison de son manque de coopération dans les efforts visant à résoudre ses absences prolongées du travail, notamment sa participation à l’évaluation de Santé Canada. La demanderesse a été avisée de son droit de présenter un grief pour contester la décision de mettre fin à son emploi.

 

[16]           Selon la décision de l’arbitre, la demanderesse avait déposé un certain nombre de griefs relativement à son emploi avant son congédiement en mai 2002. Le 11 avril 2002, elle a reçu de l’employeur une réponse de dernier palier à 84 griefs qu’elle avait déposés. Le 3 mai 2002, la demanderesse a renvoyé 84 griefs à l’arbitrage en vertu de l’ancienne Loi. En fin de compte, seuls quatre de ces griefs ont été regroupés par la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Commission) dans le dossier numéro 166‑02‑313131.

 

[17]           Le 23 août 2002, l’ancienne Commission a fait savoir que l’audience sur ce dossier était prévue pour le 15 octobre 2002. Par lettre datée du 30 août 2002, la demanderesse a demandé que cette audience soit suspendue en attendant que la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) examine une plainte qu’elle avait déposée en vertu de la LCDP. L’employeur ne s’est pas opposé à cette demande et l’ancienne Commission a accordé le report.

 

[18]           Le 6 août 2002, la demanderesse a renvoyé d’autres griefs en arbitrage. Ces griefs n’ont pas été traités puisque tous les renseignements nécessaires n’avaient pas été présentés.

 

[19]           Le 19 décembre 2002, la demanderesse a renvoyé 33 griefs en arbitrage. L’employeur a donné sa réponse de dernier palier à ces griefs, ainsi qu’à 13 autres, le 1er août 2002.

 

[20]           Le 25 juillet 2003, l’ancienne Commission a répondu à une demande présentée par la demanderesse au sujet du statut des griefs qui avaient été renvoyés en arbitrage en décembre 2002. L’ancienne Commission a fait savoir que des dossiers avaient été ouverts pour 16 des griefs qui avaient été renvoyés en arbitrage le 19 décembre 2002. L’ancienne Commission a rejeté 17 griefs puisqu’ils semblaient ne pas relever de la compétence conférée à l’arbitre par les sous‑alinéas 92(10)b)(i) et (ii) de l’ancienne Loi. L’ancienne Commission a regroupé les autres griefs en trois dossiers, de la manière suivante :

i)                    Dossier no 166-02-32584, congédiement, soit les griefs 94, 95, 96, 97, 98, 120, 121, 122, 123, 124, 125, 126 et 127;

 

ii)                   Dossier no 166-02-32585, suspension, soit le grief 103;

 

iii)                 Dossier no 166-02-32586, sanction pécuniaire, soit les griefs 106 et 107.

 

[21]           Le 6 août 2003, l’employeur a avisé l’ancienne Commission qu’il contestait la compétence de l’arbitre pour entendre les dossiers no 166-02-32584 à 32586 au motif que les affaires n’avaient pas été renvoyées à l’ancienne Commission dans les délais prévus dans le Règlement et règles de procédure de la CRTFP, 1993, DORS/93‑348 (l’ancien Règlement). Le 11 août 2003, la demanderesse a demandé que ces dossiers soient mis en suspens en attendant que la CCDP tranche sa plainte.

 

[22]           Dans une lettre datée du 4 décembre 2003, la CCDP a fait savoir qu’elle ferait enquête sur la plainte présentée par la demanderesse en vertu de la LCDP.

 

[23]           L’enquêteur nommé pour examiner la plainte de la demanderesse en vertu de la LCDP a remis son rapport le 18 mars 2004 et a recommandé que la plainte de la demanderesse soit rejetée :

[traduction]

Il est recommandé, en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission rejette la plainte parce que :

·           après enquête, rien ne prouve que l’intimé a fait subir à la plaignante une différence de traitement défavorable en raison de sa déficience perçue;

·           la preuve révèle que l’intimé a tenté d’aider la plaignante à obtenir des prestations d’invalidité à long terme;

·           la preuve démontre que l’intimé a mis fin à l’emploi de la plaignante parce qu’elle a refusé de se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail menée par Santé Canada.

 

 

[24]           Entre‑temps, dans des observations écrites datées du 31 mars 2004, l’employeur a contesté la compétence de l’arbitre pour juger l’ensemble des renvois en arbitrage pour trois motifs. En premier lieu, l’employeur a soutenu que tous les griefs étaient inextricablement liés aux allégations de discrimination énoncées dans la plainte relative aux droits de la personne présentée par la demanderesse. Dans ces circonstances, ils ne relevaient pas de la compétence de l’arbitre sous le régime de l’article 92 de l’ancienne Loi à moins que la CCDP décide que la demanderesse doive épuiser les procédures de règlement de grief en vertu de la LCDP.

 

[25]           En second lieu, l’employeur a soutenu, relativement à la suspension et aux sanctions pécuniaires alléguées dans les dossiers no 166-02-31313, 32585 et 32586, qu’aucune mesure disciplinaire n’avait été prise et que rien ne prouvait qu’il était question dans un des griefs d’une violation de la convention collective. En conséquence, les griefs ne répondent pas aux exigences de l’article 92 de l’ancienne Loi.

 

[26]           En dernier lieu, pour ce qui est des dossiers no 166-02-32584 à 32586, l’employeur a soutenu que la demanderesse avait déposé ses griefs après l’échéance du délai de prescription prévu dans l’ancien Règlement.

 

[27]           Par une lettre datée du 6 octobre 2004, la CCDP a rejeté la plainte de la demanderesse pour les motifs suivants :

[traduction]

Avant de rendre leur décision, les membres de la Commission ont examiné le rapport qui vous a été communiqué précédemment ainsi que toutes les observations présentées en réponse à ce rapport. Après avoir examiné ces renseignements, la Commission a décidé, en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte parce que :

·           après enquête, rien ne prouve que l’intimé a fait subir à la plaignante une différence de traitement défavorable en raison de sa déficience perçue;

·           la preuve révèle que l’intimé a tenté d’aider la plaignante à obtenir des prestations d’invalidité à long terme;

·           la preuve démontre que l’intimé a mis fin à l’emploi de la plaignante parce qu’elle a refusé de se soumettre à une évaluation d’aptitude au travail menée par Santé Canada.

 

 

[28]           La demanderesse a sollicité le contrôle judiciaire de la décision rendue par la CCDP dans le dossier no T‑1993‑04. Par une ordonnance en date du 5 janvier 2006, la demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse a été radiée sans autorisation de la modifier, en vertu des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 (les Règles), au motif que la demanderesse n’avait pas respecté certaines échéances qui avaient été établies par la Cour. Sa demande de contrôle judiciaire n’a pas été tranchée sur le fond.

 

[29]           L’arbitre a entendu l’affaire le 20 et le 21 février ainsi que le 10 avril 2006. Des observations écrites datées du 28 juin, du 5, du 11 et du 26 juillet, ainsi que du 25 août 2006 ont également été présentées. Dans sa décision datée du 13 octobre 2006, l’arbitre a examiné les arguments présentés par la demanderesse et par l’employeur.

 

[30]           D’abord, l’arbitre s’est penché sur les arguments de la demanderesse au sujet du respect des échéances et de l’admissibilité des arguments relatifs à la compétence présentés par l’employeur. Il a conclu que ni l’une ni l’autre des objections n’étaient fondées. La demanderesse était celle qui avait demandé une suspension de la procédure d’arbitrage afin d’obtenir une décision sur la plainte qu’elle avait déposée auprès de la CCDP. L’employeur n’était pas en retard quand il a soulevé ses objections quant à la compétence. La demanderesse n’a pas subi de préjudice en raison du moment auquel l’employeur a soulevé ses objections ni en raison de leur nature.

 

[31]           L’arbitre a rejeté les arguments de la demanderesse selon lesquels il était interdit à l’employeur de soulever une objection quant à la compétence parce qu’il ne l’avait pas fait au début de l’audience. L’arbitre a conclu que l’objection avait été soulevée devant l’ancienne Commission et dans le respect des échéances.

 

[32]           L’arbitre a accepté les observations de l’employeur voulant que les griefs de la demanderesse outrepassaient la compétence de l’arbitre parce que ces griefs portaient essentiellement sur des questions de droits de la personne qui avaient fait l’objet d’une procédure devant la CCDP et pour lesquelles le tribunal n’avait pas exigé, en vertu du pouvoir que lui confère la loi à cet égard, que la demanderesse épuise la procédure de règlement de grief. L’arbitre, aux paragraphes 91 à 93 de ses motifs, s’est penché de la manière suivante sur cette ordonnance :

¶91      Les alinéas 41(1)a) et 44(2)a) de la LCDP disposent que la CCDP peut décider de ne pas se saisir d’une plainte s’il existe « […] des procédures d’appel ou de règlement des griefs qui [...] sont normalement ouverts [...] ». Ces dispositions sont libellées comme suit :

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

                                                a) la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts;

 

[…]

44.            (2) La Commission renvoie le plaignant à l’autorité compétente dans les cas où, sur réception du rapport, elle est convaincue, selon le cas :

a) que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts […]

 

Le fonctionnaire qui prétend avoir été victime d’actes discriminatoires peut déposer un grief auprès de son employeur, lequel constitue « l’autorité compétente » mentionnée au paragraphe 44(2) de la LCDP.

 

¶92      Dans les griefs dont je suis saisi, il est acquis que la CCDP n’a pas demandé à la fonctionnaire s’estimant lésée d’épuiser la procédure de règlement des griefs en vertu des alinéas 41(1)a) ou 44(2)a) de la LCDP.

 

¶93      La fonctionnaire s’estimant lésée observe que la CCDP a rejeté sa plainte en vertu de l’alinéa 44(3)b) de la LCDP sans indiquer pour quel motif. Je ne comprends pas tout à fait à quoi elle veut en venir en faisant cette distinction. Je prends toutefois acte du fait que la CCDP n’indique pas, à tout le moins, en être venue à la conclusion que la plainte outrepassait sa compétence.

 

 

III. Les observations

 

A. Les observations de la demanderesse

[33]           La demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle en ne tenant pas compte du caractère véritable de ses griefs, particulièrement le motif donné par l’employeur pour son congédiement. Elle prétend que, à titre d’employée nommée pour une période indéterminée, elle ne pouvait être congédiée qu’en vertu de l’alinéa 11(2)f) de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F‑11 (alinéa maintenant abrogé). Elle affirme que la décision de l’arbitre ne mentionne pas la lettre de congédiement de l’employeur, laquelle précise qu’elle était congédiée pour avoir refusé de voir le médecin choisi par l’employeur. Elle soutient que l’omission par l’arbitre de mentionner les motifs de son congédiement constitue une erreur de droit découlant d’une omission d’examiner la preuve pertinente.

 

[34]           La demanderesse s’appuie sur la décision rendue dans Canada (Procureur général) c. Grover, [2007] A.C.F. no 58, dans laquelle l’employeur avait exigé que l’employé consulte un médecin qu’il n’avait pas choisi. L’employé considérait que la majeure partie de la conduite de l’employeur était motivée par la discrimination. Après avoir entamé la procédure de règlement de grief, l’arbitre a conclu que le caractère véritable de l’affaire relevait du droit du travail et pouvait faire l’objet d’une procédure de règlement de grief sous le régime de l’ancienne Loi.

 

[35]           La demanderesse soutient également avoir suivi les directives données par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Boutilier c. Canada (Conseil du Trésor), [2000] 3 C.F. 27, quand elle a décidé de porter sa plainte devant la CCDP. La Cour d’appel fédérale a statué que les employés ayant un différend en matière de droits de la personne devaient déposer leurs plaintes devant la CCDP. En l’espèce, la demanderesse a suivi cette procédure, mais la CCDP a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de renvoyer sa plainte en arbitrage comme le permettait l’ancienne Loi.

 

[36]           La demanderesse affirme que la CCDP a rejeté sa plainte parce qu’il s’agissait d’une question de droit du travail. Elle soutient que l’arbitre, en rejetant le point de vue de la CCDP à cet égard en le qualifiant de « sans intérêt », a commis une erreur susceptible de contrôle. Dans l’arrêt Boutilier, la Cour d’appel fédérale a jugé que seule la CCDP avait le pouvoir discrétionnaire de renvoyer l’affaire à l’ancienne Commission en vertu de l’alinéa 41(1)a). La demanderesse soutient qu’il est contraire au régime établi par la LCDP de ne pas tenir compte de l’opinion de la CCDP en rejetant sa plainte. Elle prétend que la CCDP a tiré en vertu de l’article 44 des conclusions semblables à celles qu’elle aurait pu tirer en vertu de l’article 41.

 

[37]           À titre subsidiaire, la demanderesse soutient que la décision de l’arbitre ne résisterait pas à un contrôle selon la norme de la décision raisonnable simpliciter et devrait être annulée.

 

[38]           Le défendeur soutient que la décision de l’arbitre devrait être examinée selon la norme de la décision raisonnable simpliciter, en raison de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247.

 

[39]           Selon le défendeur, en raison du cadre législatif établi par l’ancienne Loi, l’arbitre n’a pas compétence pour juger un grief quand le sujet porte sur une question relative aux droits de la personne. Il a été reconnu que la procédure établie par la LCDP constitue un recours administratif de réparation ouvert sous le régime d’une loi fédérale pour l’application du paragraphe 91(1) de l’ancienne Loi. À cet égard, le défendeur invoque les décisions Chopra c. Canada (Conseil du Trésor), [1995] 3 C.F. 445, et Boutilier.

 

[40]           Le défendeur soutient en outre que l’opinion de l’arbitre au sujet de la valeur à accorder aux conclusions de la CCDP sur les motifs du congédiement de la demanderesse doit être examinée en contexte. D’après le défendeur, l’arbitre ne faisait qu’affirmer que l’avis de la CCDP sur le fond ne joue pas un rôle déterminant pour établir la compétence aux fins de l’arbitrage. Aux paragraphes 99 et 100 de ces motifs, l’arbitre a affirmé ce qui suit :

¶99      Ailleurs dans son argumentation, la fonctionnaire s’estimant lésée emprunte des chemins contraires. En plus de se demander si l’enquêteur de la CCDP [traduction] « [...] a outrepassé sa compétence [...] », elle réagit à sa conclusion en déclarant ceci : [traduction] « Nous estimons bien humblement que cette conclusion ne ressort pas à la compétence de la CCDP, mais à celle du tribunal d’arbitrage [...] ». Si elle entend par cela que c’est à l’arbitre de grief régi par l’ancienne Loi, plutôt qu’à la CCDP, qu’il appartient de déterminer si son licenciement résulte d’une mesure disciplinaire, je souscrirais alors inconditionnellement à son argument. Les conclusions tirées par la CCDP quant aux motifs d’un licenciement, qui débordent le cadre de la question de savoir s’il y a eu une violation de la LCDP, ne peuvent être considérées comme ayant une valeur décisive ou même probante aux fins de l’arbitrage de grief. C’est en effet l’arbitre de grief qui a la compétence requise pour tirer une telle conclusion en se fondant sur les déclarations sous serment et les témoignages entendus à l’audience d’arbitrage – lesquels peuvent être différents de l’information recueillie par l’enquêteur du CCDP –, que l’autre partie aura eu l’occasion de contester.

 

¶100    Cela étant dit, je n’accorde aucune importance à la conclusion de la CCDP quant aux motifs de licenciement de la fonctionnaire s’estimant lésée. Je crois également que la décision de la CCDP de ne pas lui demander d’épuiser la procédure de règlement des griefs ne me dessaisit pas de la responsabilité de déterminer ma compétence en l’espèce. Cela ne veut pas dire que le rapport d’enquête et la décision de la CCDP sont sans intérêt.

 

 

[41]           Finalement, le défendeur affirme que l’arbitre n’a commis aucune erreur en évaluant le caractère véritable des griefs de la demanderesse. Bien qu’aucun des griefs ne mentionne expressément de question relative aux droits de la personne, l’arbitre a soigneusement analysé les griefs, en comparant leur libellé avec celui des plaintes soumises à la CCDP. Il a correctement cerné le caractère fondamental des griefs et a raisonnablement conclu que la nature des griefs était la même que celle des plaintes déposées à la CCDP.

 

[42]           Le défendeur fait observer que la décision rendue dans Grover n’est pas utile à la demanderesse. Dans chaque affaire, la question de la compétence doit être tranchée en fonction de la preuve. En l’espèce, la tâche de l’arbitre était de cerner le caractère véritable des griefs. Ici, l’arbitre a correctement, ou du moins raisonnablement, établi que le caractère véritable des griefs était le même que celui de la plainte déposée à la CCDP.

 

IV. Analyse et dispositif

[43]           La première question à trancher est celle de la norme de contrôle applicable. La demanderesse soutient que la décision de l’arbitre devrait être examinée selon la norme de la décision correcte aux motifs que l’arbitre a commis des erreurs de droit. Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter, si ce n’est la décision raisonnable.

 

[44]           Dans l’arrêt qu’elle a rendu récemment dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a affirmé qu’il n’y a que deux normes de contrôle, c’est‑à‑dire la norme de la décision correcte et la norme de la raisonnabilité. Au paragraphe 47, le juge Bastarache et le juge Lebel ont affirmé ce qui suit :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[45]           Au paragraphe 50, le juge Bastarache et le juge Lebel ont affirmé que la « norme de la décision correcte doit continuer de s’appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit ». Au paragraphe 54, ils ont formulé des remarques sur la nécessité de faire preuve de déférence quand la décision en cause provient d’un tribunal spécialisé :

La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l’application de la norme de la raisonnabilité. Lorsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise : Société Radio‑Canada c. Canada (Conseil des relations du travail), [1995] 1 R.C.S. 157, par. 48; Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, par. 39.  Elle peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 72. L’arbitrage en droit du travail demeure un domaine où cette approche se révèle particulièrement indiquée. […]

 

 

[46]           En l’espèce, la décision en cause a été rendue par un tribunal d’expérience dans le domaine du droit du travail. Avant l’arrêt Dunsmuir, la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait aux décisions d’arbitres s’étant prononcés sur la compétence. À cet égard, je fais référence à l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Barry c. Canada (Conseil du Trésor) (1997), 221 N.R. 237 (C.A.F.), dans lequel la Cour a affirmé ce qui suit à la page 239 :

Il est vrai qu’avant l’abrogation de la clause privative, la Cour suprême avait statué dans Canada (Procureur général) c. AFPC, [1993] 1 R.C.S. 941 […] que la norme de contrôle appropriée au regard des décisions d’un arbitre agissant en vertu de la Loi était de déterminer si la décision était « manifestement déraisonnable ». À notre avis, rien n’a changé du fait de l’abrogation de la clause privative.

 

 

[47]           À mon sens, compte tenu de l’arrêt Dunsmuir et de la jurisprudence antérieure relative au contrôle judiciaire d’une décision d’un arbitre, la norme de contrôle appropriée en l’espèce est la raisonnabilité. L’arbitre ne se penchait pas sur une question de droit en décidant de sa compétence de juger les griefs de la demanderesse.

 

[48]           Comme je l’ai mentionné précédemment, la demanderesse a déposé son premier grief en 2002. L’arbitre a rendu sa décision le 13 octobre 2006. De par l’article 285 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, l’ancienne Loi a été abrogée. Les dispositions transitoires de la Loi sur la modernisation de la fonction publique prévoient que les griefs qui n’ont pas été tranchés définitivement avant l’entrée en vigueur de certaines dispositions de la nouvelle loi sont assujettis à l’ancienne Loi. À ce sujet, je cite la Loi sur la modernisation de la fonction publique, partie V, article 61, qui est rédigé ainsi :

61. (1) Sous réserve du paragraphe (5), il est statué conformément à l’ancienne loi, dans sa version antérieure à la date d’entrée en vigueur de l’article 208 de la nouvelle loi, sur les griefs présentés sous le régime de l’ancienne loi s’ils n’ont pas encore fait l’objet d’une décision définitive à cette date.

 

61. (1) Subject to subsection (5), every grievance presented in accordance with the former Act that was not finally dealt with before the day on which section 208 of the new Act comes into force is to be dealt with on and after that day in accordance with the provisions of the former Act, as they read immediately before that day.

 

(2) Pour l’application du paragraphe (1), l’arbitre de grief choisi sous le régime de l’ancienne loi et saisi d’un grief avant l’entrée en vigueur de l’article 209 de la nouvelle loi, peut continuer l’instruction de celui‑ci. Si l’arbitre est un membre de l’ancienne Commission, il ne peut continuer l’instruction du grief que si le président le lui demandé.

 

(2) For the purposes of subsection (1), an adjudicator under the former Act may continue to hear, consider or decide any grievance referred to him or her before the day on which section 209 of the new Act comes into force, except that if the adjudicator was a member of the former Board, he or she may do so only if requested to do so by the Chairperson.

 

(3) Le membre de l’ancienne Commission qui continue l’instruction d’un grief au titre du paragraphe (2) agit sous l’autorité du président.

 

(3) The Chairperson has supervision over and direction of the work of any member of the former Board who continues to hear, consider or decide a grievance under subsection (2).

 

(4) En cas de refus d’un arbitre de grief de continuer l’instruction d’un grief au titre du paragraphe (2), le président peut renvoyer le grief à un membre de la nouvelle Commission selon les modalités et aux conditions qu’il fixe dans l’intérêt des parties.

 

(4) If an adjudicator under the former Act refuses to continue to hear, consider or decide a grievance referred to in subsection (2), the Chairperson may, on any terms and conditions that the Chairperson may specify for the protection and preservation of the rights and interests of the parties, refer the grievance to a member of the new Board.

 

(5) Si le grief visé au paragraphe (1) est renvoyé à l’arbitrage après la date d’entrée en vigueur de l’article 209 de la nouvelle loi, l’arbitre de grief qui en est saisi est choisi conformément à la nouvelle loi.

 

(5) If a grievance referred to in subsection (1) is referred to adjudication after the day on which section 209 of the new Act comes into force, the provisions of the new Act apply with respect to the appointment of the adjudicator.

 

(6) Pour l’application des paragraphes (2) et (5), l’arbitre de grief jouit des pouvoirs dont disposait un arbitre de grief sous le régime de l’ancienne loi.

(6) For the purposes of subsections (2) and (5), the adjudicator may exercise any of the powers an adjudicator under the former Act could have exercised under that Act.

 

[49]           La principale tâche de l’arbitre était de répondre à l’objection relative à la compétence soulevée par le défendeur. Les articles 91 et 92 de l’ancienne Loi sont pertinents à cet égard, en particulier les dispositions suivantes :

91. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et si aucun autre recours administratif de réparation ne lui est ouvert sous le régime d’une loi fédérale, le fonctionnaire a le droit de présenter un grief à tous les paliers de la procédure prévue à cette fin par la présente loi, lorsqu’il s’estime lésé :

 

a) par l’interprétation ou l’application à son égard :

 

(i) soit d’une disposition législative, d’un règlement -- administratif ou autre --, d’une instruction ou d’un autre acte pris par l’employeur concernant les conditions d’emploi,

 

(ii) soit d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) par suite de tout fait autre que ceux mentionnés aux sous-alinéas a)(i) ou (ii) et portant atteinte à ses conditions d’emploi.

 

[…]

 

 

 

 

 

 

S.R., ch. P‑35, art. 90.

 

 Arbitrage des griefs

 

 Renvoi à l’arbitrage

 

Renvoi d’un grief à l’arbitrage

 92. (1) Après l’avoir porté jusqu’au dernier palier de la procédure applicable sans avoir obtenu satisfaction, un fonctionnaire peut renvoyer à

l’arbitrage tout grief portant sur :

 

a) l’interprétation ou l’application, à son endroit, d’une disposition d’une convention collective ou d’une décision arbitrale;

 

b) dans le cas d’un fonctionnaire d’un ministère ou secteur de l’administration publique fédérale spécifié à la partie I de l’annexe I ou désigné par décret pris au titre du paragraphe (4), soit une mesure disciplinaire entraînant la suspension ou une sanction pécuniaire, soit un licenciement ou une rétrogradation visé aux alinéas 11(2)f) ou g) de la Loi sur la gestion des finances publiques;

 

c) dans les autres cas, une mesure disciplinaire entraînant le licenciement, la suspension ou une sanction pécuniaire.

 

[…]

 

 

 

 

91. (1) Where any employee feels aggrieved

 

(a) by the interpretation or application, in respect of the employee, of

 

(i) a provision of a statute, or of a regulation, by‑law, direction or other instrument made or issued by the employer, dealing with terms and conditions of employment, or

 

(ii) a provision of a collective agreement or an arbitral award, or

 

(b) as a result of any occurrence or matter affecting the terms and conditions of employment of the employee, other than a provision described in subparagraph (a)(i) or (ii),

 

in respect of which no administrative procedure for redress is provided in or under an Act of Parliament, the employee is entitled, subject to subsection (2), to present the grievance at each of the levels, up to and including the final level, in the grievance process provided for by this Act.

 

 

R.S., c. P‑35, s. 90.

 

 Adjudication of Grievances

 

Reference to Adjudication

 

Reference of grievance to adjudication

 92. (1) Where an employee has presented a grievance, up to and including the final level in the grievance process, with respect to

 

(a) the interpretation or application in respect of the employee of a provision of a collective agreement or an arbitral award,

 

(b) in the case of an employee in a department or other portion of the public service of Canada specified in Part I of Schedule I or designated pursuant to subsection (4),

 

(i) disciplinary action resulting in suspension or a financial penalty, or

 

(ii) termination of employment or demotion pursuant to paragraph 11(2)(f) or (g) of the Financial Administration Act, or

 

(c) in the case of an employee not described in paragraph (b), disciplinary action resulting in termination of employment, suspension or a financial penalty,

 

and the grievance has not been dealt with to the satisfaction of the employee, the employee may, subject to subsection (2), refer the grievance to adjudication.

 …

 

[50]           Au paragraphe 103 de sa décision, l’arbitre a défini la question dans les termes suivants :

¶ 103   Tout cela confirme que l’arbitre de grief doit examiner minutieusement les griefs de manière autonome afin de déterminer s’ils touchent ou non aux droits de la personne – la question fondamentale que doit se poser l’arbitre de grief, suivant la logique de Boutilier, pour déterminer s’il existe un autre « [...] recours administratif de réparation […] » au sens du paragraphe 91(1) de l’ancienne Loi. Au paragraphe 20 de Kehoe c. Conseil du Trésor (Développement des ressources humaines Canada), 2001 CRTFP 9, la Commission ajoute une précision importante en indiquant que l’interdiction prévue au paragraphe 91(1) s’applique dans les cas où les questions de droits de la personne constituent « [...] l’élément essentiel [...] » du grief au lieu d’y être « [...] simplement accessoires [...] ». La question qui se pose en l’espèce est donc la suivante : est‑ce qu’il ressort de l’examen des griefs et des dossiers dont je suis saisi que les questions soulevées par la fonctionnaire s’estimant lésée se rapportent à des questions ou des actions dont « l’élément essentiel » touche aux droits de la personne? Ou, pour reprendre les propos de l’arbitre de grief au paragraphe 47 de l’affaire Cherrier, est‑ce qu’« […] un élément de la nature des droits de la personne est au cour du grief [...] »?

 

 

[51]           Dans l’arrêt Boutilier, au paragraphe 17, la Cour d’appel fédérale a rejeté les appels des demandeurs et a adopté le raisonnement suivant tiré de la décision rendue en première instance :

[…] lorsqu’une restriction énoncée au paragraphe 91(1) ou (2) prive un employé de son droit non absolu de déposer un grief, celui‑ci ne peut par la suite envisager de renvoyer le grief à l’arbitrage en vertu du paragraphe 92(1). Si un employé essaie d’agir de la sorte, l’arbitre n’a pas compétence pour connaître de ce grief.

 

[…]

 

En vertu du paragraphe 91(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, le législateur a également choisi de priver un employé lésé de son droit non absolu de présenter un grief dans des circonstances où un autre recours administratif de réparation existe sous le régime d’une loi fédérale. Par conséquent, lorsqu’un grief potentiel porte essentiellement sur une plainte d’acte discriminatoire dans le contexte de l’interprétation d’une convention collective, les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquent et régissent la procédure à suivre. En pareilles circonstances, l’employé lésé doit donc déposer une plainte auprès de la Commission. L’affaire peut uniquement être entendue comme un grief en vertu des dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique dans le cas où la Commission détermine, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré aux alinéas 41(1)a) ou 44(2)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la procédure de règlement des griefs doit d’abord être épuisée.

 

[52]           La Cour a noté, au paragraphe 23 que :

Si le plaignant peut se prévaloir d’un autre recours administratif de réparation, ce recours doit être épuisé dans la mesure où il fournit une réparation « véritable ». Ce recours n’a pas à fournir une réparation égale ou supérieure, à condition qu’il traite la plainte « de façon raisonnable et efficace quant au fond du grief de l’employé ».

 

[53]           L’arbitre s’est penché sur la question de la compétence que l’employeur avait légitimement soulevée. Il a conclu que le caractère véritable de la plainte de la demanderesse était une question de droits de la personne qu’elle avait choisi de soumettre à la CCDP.

 

[54]           L’arbitre a fondé sa décision relative à la question de la compétence sur le motif que les faits donnant lieu au grief de la demanderesse sont les mêmes que ceux sur lesquels elle s’est appuyée pour déposer sa plainte devant la CCDP. Cet organisme a fait enquête sur la plainte et a jugé que la preuve ne suffisait pas pour recommander que la plainte fasse l’objet d’une enquête complète devant le Tribunal canadien des droits de la personne.

 

[55]           Pour ce qui est de la preuve dont a été saisi l’arbitre, y compris la plainte de la demanderesse à la CCDP datée du 8 mai 2003 ainsi que sa lettre datée du 30 août 2002 à l’ancienne Commission, dans laquelle elle demandait que la procédure de grief soit mise en suspens en attendant que soit terminée la procédure devant la CCDP, la décision de l’arbitre selon laquelle il n’avait pas compétence, était raisonnable.

 

[56]           Il était loisible à la CCDP, lorsqu’elle a rendu sa décision sur la plainte de la demanderesse, d’ordonner à la plaignante d’utiliser les « procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts », aux termes de l’alinéa 44(2)a) de la LCDP. La CCDP n’a pas exercé ce pouvoir discrétionnaire. La décision de la Commission à cet égard ne fait pas l’objet de la présente procédure. Le caractère adéquat de l’autre procédure de réparation, c’est‑à‑dire le recours au processus de règlement des plaintes sous le régime de la LCDP, n’est pas la question déterminante; c’est l’existence de cette autre procédure qu’il faut prendre en considération.

 

[57]           En conséquence, je suis convaincue que la décision de l’arbitre satisfait à la norme de la raisonnabilité et que rien ne justifie une intervention de la Cour. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée avec dépens.

 

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑2029‑06

 

INTITULÉ :                                       ANNA CHOW c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                            DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 octobre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              La juge Heneghan

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 12 août 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Champ

POUR LA DEMANDERESSE

 

Karl Chemsi

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Allen, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, LLP/s.r.l.

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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