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Date : 20080801

Dossier : T-1267-07

Référence : 2008 CF 932

Ottawa (Ontario), le 1er août 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

ALBERT ANGUS et WALTER JANVIER

demandeurs

et

 

LE CONSEIL TRIBAL DE LA PREMIÈRE

NATION DES CHIPEWYANS DES PRAIRIES

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une résolution du conseil de bande adoptée par le défendeur, le Conseil de bande de la Première nation des Chipewyans des Prairies (le conseil de bande), en date du 11 juin 2007 (la résolution). Par la résolution, le conseil de bande démettait de ses fonctions M. Albert Angus, que le conseil de bande précédent avait nommé président d’élection en vue de l’assemblée de mise en candidature (le 21 février 2007) ainsi que de l’élection prévues pour les postes de chef et de conseillers (le 28 février 2007) (l’élection) de la Première nation des Chipewyans des Prairies (la PNCP), et en vue d’éventuels appels des résultats d’élection. Les demandeurs demandent également à la Cour d’annuler la résolution et de délivrer une ordonnance de mandamus enjoignant au conseil de bande de permettre la tenue, en conformité avec le Code électoral de la PNCP, de l’appel des résultats d’élection interjeté par le demandeur Walter Janvier et, à cette fin, de verser à M. Angus, le président d’élection, les sommes nécessaires pour s’acquitter de son mandat quant aux appels portés sous le régime du Code électoral.

 

CONTEXTE

 

            L’élection et les appels

 

[2]               M. Albert Angus est membre de la réserve indienne de Thunderchild, en Saskatchewan. Le précédent conseil de bande de la PNCP l’avait nommé président d’élection, par résolution datée du 24 janvier 2007.

 

[3]               L’autre demandeur, M. Walter Janvier, est membre de la PNCP, dont il a été élu chef de 1984 à 2007, sauf pour un mandat au milieu des années 1990, à l’égard duquel il avait posé sa candidature, mais sans succès.

 

[4]               La réserve indienne IR n° 194A de la PNCP est située à Fort McMurray, en Alberta. Le conseil de bande défendeur est actuellement constitué des conseillers James Janvier, Marcel Janvier et Stuart Janvier, ainsi que du chef Vern Janvier, qui ont été élus le 28 février 2007.

 

[5]               Le chef et les conseillers de la PNCP ont été élus selon la coutume de la bande, tel que le permet l’article 2 de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, et ne sont pas assujettis à l’article 74 de cette loi ni au Règlement sur les élections au sein des bandes indiennes, C.R.C., ch. 952. L’élection du conseil de bande et les appels des résultats d’élection sont plutôt régis par le Code électoral de la PNCP (le Code électoral). Au moment de la tenue de l’élection, aucun règlement n’avait été pris en application du Code électoral. En vertu de l’article premier du Code électoral, la PNCP doit tenir des élections échelonnées visant à combler chaque année le tiers des postes au sein du conseil de bande.

 

[6]               Les dispositions du Code électoral qui suivent permettent de porter en appel les résultats d’une élection.

[traduction]

a.                   Les électeurs admissibles, s’ils sont au moins au nombre de cinq, peuvent, au moyen d’un document transmis au président d’élection dans les 14 jours suivant la tenue de l’élection, interjeter appel des résultats d’une élection.

 

b.                   Lorsqu’un appel est interjeté, le président d’élection convoque une assemblée des électeurs admissibles de la Bande; à l’assemblée, les membres de la Bande désignent, pour qu’il instruise l’appel, un comité d’appel constitué de trois personnes choisies parmi la liste des personnes prêtes à siéger à un comité d’appel pour la Première nation des Chipewyans des Prairies et dont la candidature a été retenue par le président d’élection.

 

c.                   Le comité d’appel instruit l’appel et procède à toute enquête qu’il estime nécessaire pour trancher l’appel, après quoi il tranche l’appel.

 

d.                   L’un ou l’autre des faits suivants constitue un motif d’appel :

 

1.                   le déni du droit de voter d’électeurs admissibles,

2.                   la participation au scrutin d’électeurs non admissibles,

3.                   une candidature non admissible,

4.                   une fraude électorale.

 

e.                   Le comité d’appel déclare l’élection invalide s’il estime prouvé le motif d’appel et conclut que ses répercussions suffisent pour avoir influencé les résultats de l’élection.

 

f.                     Le comité d’appel peut rejeter l’appel s’il estime que le motif d’appel, quoique prouvé, de peu de conséquence.

 

[7]               À l’issue du scrutin, M. Angus a établi un rapport daté du 4 mars 2007 faisant état des résultats du vote ainsi que de l’élection de Vern Janvier au poste de chef et de Stuart Janvier au poste de conseiller de la PNCP.

 

[8]               Après la tenue de l’élection, deux avis d’appel ont été déposés en conformité avec le Code électoral, où l’on contestait les résultats de l’élection. Un avis d’appel, daté du 5 mars 2007, a été déposé par M. Walter Janvier (l’appel de M. Janvier). Cet avis était signé par le nombre requis de cinq électeurs et il a été signifié au président d’élection dans les quatorze jours suivant la tenue de l’élection, soit dans le délai prévu par le Code électoral.

 

[9]               Les motifs d’appel qui suivent sont énoncés dans l’appel de M. Janvier.

a.                   Le jour du scrutin, des tiers ont intimidé et harcelé de nombreux électeurs admissibles de la PNCP dans le Communiplex.

 

b.                   Les mesures de sécurité prises ne suffisaient pas pour assurer le bon déroulement du scrutin; on a dû faire intervenir la GRC lorsqu’un candidat a été menacé de voies de fait au Communiplex.

 

c.                   On a permis à de nombreux électeurs non admissibles de voter, ce qui a faussé les résultats du vote.

 

d.                   Le scrutin a débuté tard et s’est terminé après les heures de scrutin affichées, ce qui, conjugué au climat d’intimidation, a incité de nombreux électeurs à quitter le Centre.

 

e.                   On peut douter de l’efficacité du contrôle de l’élection exercé par le président d’élection, vu que son attention était distraite par des personnes qui lui demandaient de vérifier leur inscription sur la liste ou qui tentaient de prouver leur admissibilité le jour même du scrutin, alors que se formait une file dernière eux.

 

 

 

[10]           Le motif du second appel – l’avis aussi daté du 5 mars 2007 qui a été déposé par M. Thomas Morice, un ancien conseiller défait lors de l’élection – c’était que des noms avaient été ajoutés à la liste le jour du scrutin. M. Morice n’est pas partie à la présente demande, mais les deux appels restent toujours à régler.

 

La correspondance entre M. Angus et le conseil de bande

 

[11]           Par une lettre datée du 16 mars 2007 et adressée au conseiller Stuart Janvier, M. Angus a, à titre de président d’élection, donné signification de deux avis d’appel reçus relativement à l’élection. M. Angus faisait alors aussi savoir qu’on pouvait obtenir copie des avis d’appel sur demande. Au nom du conseil de bande, le conseiller Stuart Janvier a transmis une lettre datée du 21 mars 2007 à M. Angus, pour l’informer que le conseil de bande ne reconnaîtrait pas la validité des avis d’appel à moins d’en recevoir copie.

 

[12]           Il est difficile de déterminer quand exactement le défendeur a reçu copie des avis d’appel. On a joint comme pièce à l’affidavit du 13 juillet 2007 d’Albert Angus une feuille de transmission de télécopie en date du 3 avril 2007 adressée à l’ancien conseiller Shaun Janvier, faisant état de la prétendue transmission de copie des avis d’appel par M. Angus. Rien dans la télécopie même, toutefois, n’indique qu’elle a bel et bien été transmise. Le 10 avril 2007, Mme Vivienne Beisel, ancienne avocate du conseil de bande, a envoyé une lettre à M. Angus où elle lui disait ne pas avoir encore reçu copie des avis d’appel et lui demandait de nouveau qu’on la lui fasse parvenir. Ce dont on peut toutefois être certain, c’est qu’au plus tard le 18 avril 2007 le conseil de bande avait reçu copie des avis d’appel.

 

[13]           Au moyen d’une lettre au conseil de bande également datée du 10 avril 2007, M. Angus signalait que le conseil de bande ne lui avait pas encore remis les sommes requises pour mettre en branle et mener à bien les appels. Il lançait comme avertissement : [traduction] « Si je ne reçois pas d’argent cette semaine, je n’aurai d’autre choix que de condure toutes les procédures à la réserve de Thunderchild où j’habite et d’accepter les fonds que les appelants voudront bien m’offrir pour aider à acquitter le coût des appels ». M. Angus faisait également parvenir au conseil de bande un budget, d’un montant total de 24 711,50 $ et précisant les frais estimatifs de la tenue des appels.

 

[14]           Par lettre datée du 12 avril 2007, le conseil de bande a informé M. Angus qu’il ne pourrait reconnaître le processus d’appel ni y prendre part avant d’avoir reçu copie des avis d’appel. Le conseil de bande déclarait également s’opposer à ce que des affaires de la PNCP soient traitées dans une autre réserve, particulièrement une réserve située dans une autre province.

 

[15]           Au moyen d’une lettre datée du 18 avril 2007, M. Angus a transmis par télécopie et par courrier copie des avis d’appel au conseil de bande. Il demandait alors également au conseil de bande de donner suite à sa demande d’approbation d’un budget pour la tenue des appels.

[16]           Par lettre datée du 3 mai 2007, Mme Beisel a informé M. Angus que le conseil de bande était en train de discuter du processus d’appel et du budget requis et que le chef Vern Janvier donnerait suite à sa demande dans les deux semaines. N’ayant reçu aucune réponse, M. Angus a avisé le conseil de bande en bonne et due forme, par lettre datée du 29 mai 2007, qu’il prendrait des mesures en vue de la tenue des appels la semaine suivante au cas où le conseil de bande ne l’informerait pas par écrit s’il allait ou non [traduction] « coopérer et financer » les appels.

 

[17]           Le 11 juin 2007, le conseil de bande a adopté une résolution qui avait pour effet de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection pour les besoins de l’élection et qui précisait que, [traduction] « dans le but sincère d’assurer le bien-être des membres [de la PNCP] et de préserver l’harmonie au sein de celle-ci », le conseil de bande se refuserait [traduction] « à admettre ou à tolérer que soit infligé à [la] collectivité le fardeau de la tenue d’une nouvelle élection si ce n’est selon les normes établies depuis des années ». Cette résolution du conseil de bande du 11 juin 2007 constitue la résolution ainsi que la décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Le règlement de l’affaire

 

[18]           Le 22 octobre 2007, le chef Vern Janvier, Mme Beisel, M. Angus, M. Walter Janvier et l’ancien avocat des demandeurs (M. David Holt) se sont réunis en vue du contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés en l’espèce. On n’a toutefois pas procédé aux contre-interrogatoires et, selon les demandeurs, on en est arrivé à un règlement permettant de trancher le différend à la source de la présente instance. Les défendeurs nient pour leur part qu’un règlement autorisé en bonne et due forme ait été conclu à quelque moment que ce soit, et disent qu’une autre procédure judiciaire pourrait s’avérer nécessaire pour résoudre les différends opposant les parties dans la présente affaire. Toutefois, pour les besoins de la présente demande, les demandeurs demandent à la Cour de prendre acte du fait que, le 25 octobre 2007, les avocats des deux parties ont confirmé les conditions du règlement, en la teneur établie par Mme Beisel. Le règlement renfermait notamment les dispositions qui vont suivre.

[traduction]

a.                   Le chef et le conseil s’engagent à révoquer la résolution du conseil de bande du 11 juin 2007 pour permettre qu’on procède à l’appel des résultats d’élection conformément aux conditions de l’entente énoncées ci-dessous.

 

b.                   Albert Angus retiendra la candidature d’au moins cinq personnes impartiales, objectives et à l’écart des affaires politiques et commerciales de la PNCP. M. Angus fera de son mieux pour achever la sélection préliminaire des candidats et arrêter son choix quant aux candidatures à retenir dans les 30 jours de la présente date. Avant la tenue de l’assemblée de la bande, il fera circuler dans la collectivité le curriculum vitae des candidats retenus.

 

c.                   Albert Angus assistera à l’assemblée de la bande convoquée pour la sélection des trois membres du comité d’appel parmi les cinq candidats retenus. Les trois membres du comité seront choisis au scrutin secret.

 

d.                   Une fois la sélection des membres du comité effectuée et une fois rédigé par M. Angus une note à l’intention de ces derniers et de la collectivité, les fonctions d’Albert Angus à titre de président d’élection prendront fin (sous réserve de sa convocation comme témoin par le comité d’appel).

 

e.                   La PNCP versera 13 000 $ à Albert Angus, par dépôt direct dans son compte de banque, pour qu’il s’acquitte de ses fonctions précédemment décrites.

 

f.                     Après le paiement de cette somme à Albert Angus et la révocation de la résolution du conseil de bande du 11 juin 2007, Walter Janvier fera retirer la pétition qui circule en vue de la destitution du chef, et les demandeurs Albert Angus et Walter Janvier veilleront à mettre fin à l’action susmentionnée [T-1267-07, la présente demande] sans frais.

 

[…]

 

g.                   Le comité d’appel instruira l’appel au sein de la collectivité.

 

[…]

 

[19]           Le 7 novembre 2007, M. Angus a transmis au conseil de bande, conformément aux conditions du règlement, une télécopie où figuraient le nom et le curriculum vitae de cinq personnes dont il avait retenu la candidature pour siéger au comité d’appel. Dans cette télécopie, M. Angus accusait également réception du [traduction] « dépôt d’honoraires de 13 000 $ » effectué par le conseil de bande.

 

[20]           Malgré les communications susmentionnées, toutefois, le conseil de bande a, par la résolution du 28 janvier 2008, confirmé sa décision antérieure énoncée dans sa résolution du 11 juin 2007 de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection et de désigner Mme Shirley Janvier comme présidente d’élection suppléante [traduction] « devant mener à bien toutes les fonctions non achevées liées à l’élection du 28 février 2007 ».

 

[21]           Selon les demandeurs, le conseil de bande n’a pris aucune mesure en vue du déroulement des appels après le versement de la somme de 13 000 $ à M. Angus, et ne les a aucunement avisés de sa décision de ne pas permettre la tenue des appels. Les demandeurs font également remarquer qu’au plus tard le 3 avril 2008, en conformité avec l’ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière chargé de la gestion de l’instance, tous les contre-interrogatoires avaient été menés, mais qu’on n’avait donné que partiellement suite aux engagements pris par les déposants du conseil de bande, soit le conseiller Stuart Janvier et le chef Vern Janvier, au moment du dépôt par les demandeurs de leur exposé du droit dans le cadre de la présente demande, malgré les demandes répétées faites par eux à ce sujet. Les demandeurs affirment la pertinence des engagements laissés sans suite quant aux questions en litige dans la présente demande, et disent que cela constitue une preuve additionnelle de la mauvaise foi du conseil de bande qui fait obstacle au processus d’appel et refuse de se reconnaître responsable des problèmes qui en découlent.

 

[22]           Le conseil de bande soutient pour sa part que le versement de la somme de 13 000 $ à M. Angus n’a pas été autorisé en bonne et due forme et que le règlement n’est pas exécutoire en droit.

 

[23]           Lors de l’audience relative à la présente affaire tenue à Vancouver le 19 juin 2008, les défendeurs ont concédé que les appels devraient être instruits et que la Cour devrait ordonner leur tenue conformément à la formule de consentement dont pourront convenir les parties. Les défendeurs conviennent que la seule question demeurant en litige, hormis celle des dépens, est celle de savoir si M. Angus devrait ou non jouer un rôle en tant que président d’élection dans le cadre des appels. Les défendeurs souhaiteraient pour diverses raisons que ce soit Mme Shirley Janvier, présidente d’élection suppléante, qui prenne en charge le processus d’appel.

 

[24]           Après la tenue de l’audience à Vancouver, les parties ont transmis à la Cour leur formule de consentement en vue de la tenue des appels et elles ont demandé que cette formule soit incluse dans toute ordonnance que je pourrais rendre dans le cadre de la présente demande.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[25]           Les questions en litige dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes :

[25]

a.                   La résolution du 11 juin 2007 constitue-t-elle une décision susceptible de contrôle par la Cour en application de la Loi sur les Cours fédérales?

 

b.                   Le conseil de bande a-t-il agi sans compétence, ou a-t-il outrepassé sa compétence, en adoptant la résolution du 11 juin 2007 et en confirmant celle-ci le 28 janvier 2008?

 

c.                   S’il est répondu par l’affirmative à la seconde question, les demandeurs ont-ils droit à l’ordonnance de mandamus qu’ils sollicitent?

 

 

[26]           Les défendeurs ayant désormais concédé que les appels devaient être instruits et convenu avec les demandeurs de la formule de consentement à inclure dans l’ordonnance de la Cour, j’estime que la troisième question n’est plus objet de litige entre les parties. Il ne sera donc plus nécessaire d’examiner la demande de délivrance d’une ordonnance de mandamus.

 


ANALYSE

 

1.                  La résolution du 11 juin 2007 constitue-t-elle une décision susceptible de contrôle par la Cour en application de la Loi sur les Cours fédérales?

 

[27]           La résolution du 11 juin 2007 est une décision finale du conseil de bande qui est susceptible de contrôle par la Cour fédérale en vertu de la compétence que lui confère le paragraphe 18.1(4) qui va suivre de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi).

18.1(4) Les mesures prévues au paragraphe (3) sont prises si la Cour fédérale est convaincue que l'office fédéral, selon le cas :

 

a) a agi sans compétence, outrepassé celle-ci ou refusé de l’exercer;

 

 

b) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale ou toute autre procédure qu’il était légalement tenu de respecter;

 

c) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que celle-ci soit manifeste ou non au vu du dossier;

 

d) a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose;

 

e) a agi ou omis d’agir en raison d’une fraude ou de faux témoignages;

 

f) a agi de toute autre façon contraire à la loi.

18.1(4) The Federal Court may grant relief under subsection (3) if it is satisfied that the federal board, commission or other tribunal

 

( a) acted without jurisdiction, acted beyond its jurisdiction or refused to exercise its jurisdiction;

 

( b) failed to observe a principle of natural justice, procedural fairness or other procedure that it was required by law to observe;

 

( c) erred in law in making a decision or an order, whether or not the error appears on the face of the record;

 

 

( d) based its decision or order on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it;

 

( e) acted, or failed to act, by reason of fraud or perjured evidence; or

 

( f) acted in any other way that was contrary to law.

 

[28]           Le paragraphe 2(1) de la Loi donne une définition large à l’expression « office fédéral » :

« office fédéral » Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d'une prérogative royale, à l'exclusion de la Cour canadienne de l'impôt et ses juges, d'un organisme constitué sous le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provinciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867. […]

“federal board, commission or other tribunal” means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867 ; […]

 

[29]           Dans la décision Gabriel c. Canatonquin, [1978] 1 A.C.F. 124, conf. par [1980] 2 C.F. 792 (CAF), la Cour fédérale a statué qu’un conseil de bande relevait de sa compétence lorsqu’on avait affaire à une élection des membres du conseil se déroulant selon la coutume de la bande et non conformément à la Loi sur les Indiens. Plus récemment, dans la décision Vollant c. Sioui (2006), F.T.R. 48, 2006 CF 487, le juge de Montigny a résumé succinctement comme suit l’état du droit sur la question :

25.     Il est maintenant bien établi que les décisions prises par un conseil de bande, lorsqu'il exerce ou est réputé exercé son pouvoir de diriger la bande, peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire par la Cour fédérale. La jurisprudence regorge en effet de décisions où l'on a assimilé un conseil de bande à un « office fédéral » , pour les fins de l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales : voir, entre autres, Rider c. Ear (1979), 103 D.L.R.(3d) 168 (C.S. Alb.); Canatonquin c. Gabriel, [1980] 2 C.F. 792 (C.A.) (QL); Coalition To Save Northern Flood v. Canada (1995), 102 Man R. (2d) 223 (C.A. Man.). Il en ira ainsi non seulement lorsque le conseil exerce un pouvoir qui lui a été explicitement conféré par une loi fédérale, mais également lorsque la décision contestée s'appuie sur la coutume; s'il en va ainsi, c'est tout simplement parce que c'est la Loi sur les Indiens elle-même, plus précisément son paragraphe 2(1), qui reconnaît le caractère juridique de la coutume : voir Francis c. Conseil mohawk de Kanesatake,  [2003] 4 C.F. 1133 (QL), aux paragr. 13-17 (C.F.); Conatonquin c. Gabriel, précité; Frank c. Bottle, [1993] A.C .F. no 670 (QL); Scrimbitt c. Conseil de la bande indienne de Sakimay, [2000] 1 C.F. 513 (C.F.) (QL). Par voie de conséquence, les résolutions prises par un conseil de bande constituent des décisions au sens de la Loi sur les Cours fédérales et peuvent faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire.

 

[30]           Compte tenu de ce courant jurisprudentiel, il est clair que le conseil de bande est bien un « office fédéral » au sens de la Loi sur les Cours fédérales et que la résolution du 11 juin 2007 visée par la présente demande constitue une décision susceptible de contrôle par la Cour.

[30]


2.         Le conseil de bande a-t-il agi sans compétence, ou a-t-il outrepassé sa compétence, en adoptant la résolution du 11 juin 2007?

 

            La norme de contrôle

 

[31]            Les demandeurs soutiennent que la question en litige en est une de compétence et que la norme de contrôle applicable est donc, selon l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, celle de la décision correcte. Ils font valoir la décision de la Cour Gamblin c. Norway (2000), 198 F.T.R. 242, au paragraphe 39, où l’on cite l’arrêt C.P. Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3, au soutien du principe selon lequel, en matière de compétence, la décision en cause d’un conseil de bande doit être juste, et la cour de révision n’hésitera pas à l’annuler en cas contraire. En outre, tel que l’a déclaré le juge Beaudry dans la décision Martselos c. Première nation de Salt River, 2008 CF 8, au paragraphe 16, « la Cour n’a pas à faire preuve de retenue envers le conseil lorsqu’elle détermine s’il a exercé ses pouvoirs conformément au Règlement [sur les élections selon la coutume] ».

 

[32]           Le défendeur convient que, pour les questions de compétence, la norme de contrôle est bien celle de la décision correcte, mais il soutient qu’une fois établie la compétence du conseil de bande pour démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection, la Cour doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la décision de procéder à sa destitution. Le conseil de bande cite et fait valoir à cet égard la décision Pete c. Canada (Procureur général), 2005 CF 993, au paragraphe 75 (Pete), où j’ai statué comme suit :

75.     Il est vrai évidemment qu'il aurait pu y avoir d'autres façons pour le MAIN et le conseil de bande de gérer la situation. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ont eu tort de faire ce qu'ils ont fait. Ils ont eux aussi des obligations et des sensibilités. Ils devaient évaluer la situation et agir en accord avec leurs obligations respectives envers la Première nation et envers la demanderesse. Je ne puis voir aucune preuve convaincante d'une quelconque raison ou motivation à l'origine de la décision de démettre la demanderesse de ses fonctions de directrice générale des élections, si ce n'est la nécessité clairement exprimée de s'assurer que la confiance de la communauté dans le processus électoral soit préservée et que les élections elles-mêmes se déroulent d'une manière régulière et efficace. Il n'appartient pas à la Cour de reconsidérer la décision du conseil de bande ou du MAIN ou de substituer sa décision à la leur. Il n'y avait rien de déraisonnable, et certainement rien de manifestement déraisonnable, dans la manière dont ils ont résolu cette affaire.

 

[33]           À mon avis, la question de compétence soulevée en l’espèce, soit celle de savoir si le conseil de bande a outrepassé sa compétence en adoptant la résolution du 11 juin 2007, est susceptible de contrôle en fonction de la norme de la décision correcte. Et s’il est conclu que le conseil de bande a agi dans les limites de sa compétence, la norme de contrôle applicable à sa décision de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection et de mettre un frein à toute nouvelle procédure touchant l’élection, comme elle met en cause des questions d’équité et de justice naturelle, devrait aussi être celle de la décision correcte.

 

L’argumentation des parties

 

[34]           Pour pouvoir soutenir que le conseil de bande a agi sans compétence ou a outrepassé sa compétence, les demandeurs qualifient la résolution du 11 juin 2007 du conseil de bande de décision de refuser un appel des résultats de l’élection et de destituer le président d’élection.

 

[35]           Ils soutiennent, en ce qui concerne la décision de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection, que, puisque le Code électoral régit toutes les questions liées à l’élection du conseil de bande, c’est de ce code que doit découler tout pouvoir de prendre pareille décision. Les demandeurs font valoir son article 4 pour prétendre que le Code électoral prévoit expressément que le président d’élection est désigné par le conseil de bande et demeure en fonction [traduction] « pour assurer le respect des dispositions du Code électoral », notamment pour les besoins de tout appel des résultats d’une élection. Selon les demandeurs, en outre, l’actuel conseil de bande ne dispose pas du pouvoir en vertu du Code électoral de modifier la décision de nommer le président d’élection prise par l’ancien conseil de bande. Selon les demandeurs, en effet, le président d’élection occupe une charge publique et dispose des pouvoirs que le Code électoral lui confère; le conseil de bande, par conséquent, n’a pas compétence pour le démettre de ses fonctions.

 

[36]           Les demandeurs soutiennent également que la décision du conseil de bande correspond au refus d’un appel des résultats de l’élection. Ils prétendent que le conseil de bande a fait abstraction du processus d’appel prévu au Code électoral, alors qu’il ne disposait aucunement du pouvoir de prendre une décision touchant la procédure d’élection sans s’être d’abord conformé aux règles en matière d’élections consacrées dans le Code électoral de la PNCP. Celui‑ci, selon les demandeurs, établit une procédure bien précise pour les appels des résultats d’élection. Comme le prévoit l’article premier du Code électoral, soutiennent les demandeurs, le processus est engagé au moyen d’un avis d’appel consigné par écrit par cinq électeurs admissibles et transmis au président d’élection dans les 14 jours de la date des élections. Les demandeurs soutiennent qu’en l’espèce, le président d’élection a bien reçu dans ce délai deux avis d’appel consignés par écrit et signés par cinq électeurs admissibles. Ils ajoutent qu’après réception des deux avis, le président d’élection a établi un budget en vue de l’appel des résultats de l’élection, puis a transmis au conseil de bande ce budget et les avis d’appel. À la mi-avril 2007, le conseil de bande n’avait plus à obtenir d’autre document du président d’élection pour déclencher le processus d’appel. Les demandeurs affirment qu’une fois en possession de tous les documents nécessaires, le conseil de bande devait permettre au président d’élection de convoquer une assemblée des électeurs admissibles de la bande en vue de la sélection d’un comité d’appel en application du Code électoral. Or, soutiennent les demandeurs, le conseil de bande a laissé de côté la pratique établie de la PNCP énoncée dans le Code électoral, et a agi sans compétence, ou a outrepassé sa compétence, en prenant une décision touchant la procédure d’élection sans d’abord s’être conformé au Code électoral.

 

[37]           Le conseil de bande réplique que, contrairement à ce que prétendent les demandeurs, l’article 4 du Code électoral ne traite pas expressément de la durée du mandat du président d’élection, du pouvoir éventuel de démettre le président d’élection de ses fonctions ou de quoi que ce soit qui concerne les appels des résultats d’élection. Le conseil de bande soutient également qu’est inexacte la prétention des demandeurs selon laquelle le [traduction] « conseil de bande ne dispose pas du pouvoir en vertu du Code électoral de modifier la décision de nommer le président d’élection prise par l’ancien conseil de bande ». En effet, selon le défendeur, mis à part une allusion générale au Code électoral, les demandeurs ne citent aucun précédent à l’appui d’un tel principe de droit. Le conseil de bande soutient qu’il avait compétence pour démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection, en faisant remarquer que la plupart des lois régissant des élections prévoient la possibilité de révoquer des fonctionnaires électoraux; ils citent à titre d’exemples la Loi électorale du Canada, L.C. 2009, ch. 9, la Election Act, R.S.A. 2000, ch. E-1, et la Local Authorities Election Act, R.S.A. 2000, ch. L-21.

 

[38]           Le conseil de bande fait également valoir la décision Pete, précitée, où la Cour a examiné si le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ainsi que le chef et le conseil d’une première nation, pouvait démettre un président d’élection de ses fonctions. Le défendeur soutient que, même si la décision Pete avait trait à une élection de bande tenue en conformité avec la Loi sur les Indiens, le raisonnement qui y est énoncé peut nous éclairer en l’espèce, puisque, dans Pete, la question en litige était également de savoir si le conseil de bande avait le pouvoir de destituer un fonctionnaire électoral – en l’occurrence une directrice générale des élections – en poste. Dans la décision Pete, la Cour a examiné les dispositions pertinentes de la Loi sur les Indiens, de la Loi d’interprétation et du Règlement sur les élections au sein des bandes d’Indiens et, bien qu’il n’y ait dans ces textes aucune disposition prévoyant expressément la révocation d’un président d’élection, elle a statué que le conseil de bande disposait d’un tel pouvoir dans cette affaire, sur le fondement du raisonnement qui va suivre (paragraphes 67 et 68).

67.     Toute personne investie du rôle consistant à s'assurer, au nom de la Première nation et du ministre, que les élections au sein des conseils de bande se déroulent d'une manière conforme aux textes applicables doit avoir la confiance et l'approbation à la fois de la Première nation et du ministre tout au long du processus. Par exemple, si elle agissait d'une manière qui n'a pas reçu l'agrément du ministre et qu'elle ne pouvait pas être révoquée, alors le ministre n'aurait aucun moyen de s'assurer que ses obligations générales de fiduciaire sont remplies. Dès que le ministre pense que le processus électoral est menacé, il lui incombe d'intervenir par tous les moyens requis pour s'acquitter de ses obligations réglementaires et fiduciaires. S'il lui faut pour cela recommander la révocation d'un président d'élection, alors le ministre doit avoir le loisir de faire cette recommandation. S'il n'y avait aucun moyen de révoquer un président d'élection après qu'il a été nommé, le ministre serait alors empêché de remplir juridiquement dans ce contexte les obligations réglementaires et fiduciaires qui lui incombent, notamment l'obligation de s'assurer que les élections des conseils de bande se déroulent d'une manière régulière et transparente, qui s'accorde avec le régime établi dans la Loi sur les Indiens et dans le Règlement.

 

68.       Je crois donc que le MAIN doit avoir le pouvoir de requérir la révocation d'un président d'élection nommé en vertu du Règlement lorsque telle révocation est nécessaire pour que les obligations du ministre aux termes de la Loi sur les Indiens et aux termes du Règlement soient remplies. Lorsque le président d'élection a été nommé par un conseil de bande avec l'agrément du ministre, la procédure applicable consiste à soulever la question auprès du conseil de bande concerné et à obtenir l'assentiment et l'approbation du conseil. C'est exactement ce qui est arrivé ici. Naturellement, le pouvoir ne peut être exercé pour une quelconque autre fin qui ne s'accorde pas avec l'économie, les dispositions particulières et l'objet général de la Loi sur les Indiens et du Règlement. Mais nul ne prétend ici qu'il a été exercé de la sorte.

 

[39]           Après avoir conclu dans la décision Pete que le conseil de bande avait le pouvoir de révoquer un président d’élection, la Cour a également conclu qu’il existait dans cette affaire des motifs suffisants pour procéder à une telle révocation. En effet, la directrice générale des élections concernée avait envoyé des bulletins de vote postaux contenant des erreurs, puis avait tenté de rectifier la situation en envoyant de nouveaux bulletins corrigés. La confusion qui en était résultée constituait un motif de révocation suffisant. La Cour a en outre statué dans la décision Pete que la Première nation devait avoir confiance dans la directrice générale des élections, mais que comme on pouvait estimer cette confiance perdue dans cette affaire, la demande de contrôle judiciaire de la directrice devait être rejetée.

 

[40]           Le conseil de bande de la PNCP prétend disposer du même pouvoir de révoquer un président d’élection nommé en vertu du Code électoral, si ce dernier a perdu sa confiance. Il avance trois arguments au soutien de sa prétention.

 

[41]           Le conseil de bande soutient premièrement que le Code électoral, une création de la PNCP, lui confère le pouvoir général de prendre des règlements, pourvu que [traduction] « le chef et le conseil peuvent approuver les règlements et formulaires jugés nécessaires à l’application du code électoral fondé sur la coutume de notre bande indienne ». D’après le conseil de bande, cette disposition confère au chef et au conseil un pouvoir général qui comprend celui de destituer le président des élections, dans la mesure où cela est compatible avec l’objet général du Code électoral.

 

[42]           Le conseil de bande soutient deuxièmement que le pouvoir général octroyé au chef et au conseil par le Code électoral comprend le pouvoir d’annuler des mesures prises par le chef et le conseil précédents. Selon le Code électoral, ce sont le chef et le conseil qui nomment le président d’élection. En l’absence de disposition contraire expresse, soutient le conseil de bande, le chef et le conseil ont donc le pouvoir de destituer le président d’élection, si le motif en est compatible avec l’objet général du Code électoral.

 

[43]           Troisièmement, le conseil de bande prétend disposer du pouvoir de destituer un président d’élection nommé en vertu du Code électoral parce qu’il a adopté le 22 février 2008 un règlement qui autorise la destitution et la substitution d’un président d’élection ainsi que, le 28 février 2008, une résolution confirmant la résolution du 11 juin 2007 ayant pour effet de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection et de lui substituer Mme Shirley Janvier.

 

[44]            Le conseil de bande n’a pas traité de la contestation par les demandeurs de sa décision de refuser un appel des résultats de l’élection. Lors de l’audition de la présente affaire, il a concédé que les appels des résultats d’élection devaient être tenus de manière conforme à la formule de consentement figurant dans l’ordonnance de la Cour.

 

CONCLUSIONS

 

La décision Pete

 

[45]           D’entrée de jeu, j’estime nécessaire de dire bien clairement que la présente affaire ne ressemble en rien à l’affaire Pete quant aux faits ou aux principes en cause, si ce n’est que, dans les deux cas, il est question de révocation d’un président d’élection.

 

[46]           Dans la décision Pete, la Cour avait affaire à la révocation d’une directrice générale des élections avant la tenue d’une élection en conformité avec la Loi sur les Indiens et les règlements applicables, à la demande du MAINC qui agissait à titre de fiduciaire et qui bénéficiait de la coopération du conseil de bande en place avant l’élection.

 

[47]           En l’espèce, la Cour est saisie de la prétendue révocation d’un président d’élection par le conseil de bande en place après une élection et dont la légitimité a été contestée au moyen d’un appel interjeté en vertu du propre Code électoral de la PNCP. Après avoir fait obstacle aux appels et tenté d’y échapper pendant des mois, le conseil de bande concède désormais qu’il convient d’autoriser la tenue des appels. La seule question qui demeure en litige est de savoir si M. Angus, le président d’élection, nommé par l’ancien conseil de bande en conformité avec le Code électoral, devrait être la personne chargée de dresser et présenter pour examen aux membres de la PNCP une liste de candidats aux postes de membres du comité d’appel de celle-ci.

 

[48]           Le conseil de bande s’appuie sur la décision Pete pour prétendre qu’un conseil de bande dispose du pouvoir général de destituer un président d’élection; toutefois, les faits d’espèce dans cette décision et le raisonnement qui y est tenu ne lui donnent pas raison.

 

Les principes généraux dans la présente affaire

 

[49]           En l’espèce, c’est du Code électoral de la PNCP ou des principes généraux du droit électoral intégrés dans ce code que doit découler tout pouvoir dont serait investi le conseil de bande de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection.

 

[50]           Les défendeurs se trouvent en l’espèce dans une situation très précaire. Ils tentent en fait maintenant de justifier leur mise en échec des appels légitimes interjetés en vertu du Code électoral en disant qu’ils n’ont pas confiance dans la capacité de M. Angus de s’acquitter de ses fonctions. Ce qu’ils ne semblent pas comprendre, c’est qu’en retardant le processus d’appel et en tentant de le déjouer, ils ont miné leur propre légitimité et fait planer un doute sur leurs propres motifs et sur leur droit de parler au nom de la PNCP sur cette question.

 

[51]           M. Angus a été désigné régulièrement président d’élection en application du Code électoral de la PNCP. Et nul ne conteste que les appels dont il est question en l’espèce ont été interjetés en conformité avec le Code électoral. Il ne fait non plus aucun doute qu’en vertu du Code électoral, c’est le président d’élection qui doit convoquer une assemblée des électeurs admissibles de la bande, à qui il va soumettre une liste de candidats qu’il recommande pour combler les postes de membres du comité d’appel. Plus important encore, c’est cette assemblée d’électeurs admissibles qui va choisir les membres de ce comité.

 

[52]           Tel qu’il ressort clairement du Code électoral, le conseil de bande nouvellement élu n’est investi d’aucun pouvoir d’intervention dans le processus. Il y a pour cela bien sûr un excellent motif, et le présent différend en est un exemple patent. Un conseil de bande dont la légitimité pour représenter la PNCP a été contestée par suite d’une élection litigieuse ne peut disposer du pouvoir de s’immiscer dans le processus d’appel prescrit par le Code électoral, ni de s’ingérer dans la relation directe devant exister, selon le Code électoral, entre le président d’élection et les électeurs admissibles, non plus que de faire obstacle à ce processus où à cette relation. C’est envers les électeurs admissibles de la PNCP que M. Angus a des obligations, et non envers le conseil de bande nouvellement élu, avec lequel il peut très bien avoir un différend en raison d’appels des résultats d’élection. Permettre au conseil de bande nouvellement élu de s’interposer entre le président d’élection et les électeurs admissibles porterait atteinte au Code électoral et mettrait ainsi en échec la volonté qui y est exprimée des membres de la PNCP. Le président d’élection doit demeurer indépendant et libre d’agir dans les limites prescrites par le Code électoral, sans ingérence d’individus ou de groupes pouvant très bien avoir un intérêt propre à faire en sorte que soit contrecarré le but manifeste visé par le processus d’appel sous le régime du Code électoral.           

 

[53]           En l’espèce, le conseil de bande nouvellement élu a concédé, un an et demi après l’élection litigieuse, qu’il faudrait permettre la tenue des appels. Il est bien vrai que le conseil de bande n’avait aucun motif valable de s’opposer aux appels, et le fait que des efforts considérables ont dû être consentis et qu’une poursuite a dû être intentée pour obtenir cette concession fait voir sous un mauvais jour le traitement de cette question par le conseil de bande. Si le problème venait véritablement de M. Angus, cela ne donnait pas au conseil de bande le pouvoir de s’opposer globalement au processus d’appel. L’obligation incombant alors au conseil de bande aurait été de s’attaquer sans délai à tout problème occasionné, selon lui, par M. Angus, en conformité avec les principes d’équité et de justice naturelle, de manière à ce que les appels interjetés en toute légitimité puissent se dérouler de manière efficace et opportune en application du Code électoral. Le fait que le conseil de bande n’ait pas agi de la sorte va non seulement à l’encontre du Code électoral, mais fait aussi douter fortement de la sincérité des motifs qu’il invoque maintenant pour s’en prendre à M. Angus et justifier ainsi le temps et les ressources qu’il a consacrés pour faire obstacle au processus d’appel.

 

[54]           Le conseil de bande fait aussi valoir que, selon le Code électoral lui-même, [traduction] « le chef et le conseil peuvent approuver les règlements et formulaires jugés nécessaires à l’application du code électoral fondé sur la coutume de notre bande indienne ».

 

[55]           Toutefois, il s’agit là manifestement d’une disposition facilitante. Elle impose au conseil de bande l’obligation de veiller à ce que le Code électoral soit appliqué conformément à ses dispositions. Elle ne confère pas à un conseil de bande nouvellement élu le pouvoir de modifier la fonction et l’objet premiers du Code électoral par voie de règlement ou de formulaire. Et tout « règlement » ou « formulaire » en cause doit « donner effet » au code. Le conseil de bande ne peut s’autoriser de cette disposition pour adopter des résolutions et des règlements lui permettant de faire obstacle au processus d’appel ou de s’interposer entre les électeurs admissibles et leur président d’élection régulièrement désigné.

 

[56]           Si un conseil de bande nouvellement élu relève certains problèmes à l’endroit du président d’élection, il dispose de recours pour y remédier. Astreint à l’obligation de faciliter les appels sous le régime du Code, le conseil de bande doit manifestement s’assurer que le financement requis pour leur déroulement soit adéquat et fourni en temps opportun. Le conseil de bande peut également faire connaître ses préoccupations aux membres de la bande lors d’une assemblée dûment convoquée ou, si cela est pertinent, lors de l’assemblée des électeurs admissibles convoquée pour l’examen des candidatures proposées par le président d’élection pour les postes du comité d’appel. Des recours en justice peuvent également être exercés, notamment auprès de la Cour. En l’espèce, toutefois, le conseil de bande nouvellement élu a tout simplement dépensé du temps et des ressources en vue de contrer de légitimes appels des résultats d’élection et de tenter de justifier ses actes en portant contre M. Angus des accusations qu’il a omis d’étayer, ou de traiter d’une manière conforme aux dispositions du Code électoral ou aux exigences des autres voies de recours juridique disponibles et qui font entorse aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale.

 

[57]           Le conseil de bande affirme maintenant, après avoir été traîné devant la Cour, qu’il ne fera plus obstacle aux appels des résultats de l’élection, mais qu’il souhaite simplement que sa propre candidate, Mme Shirley Janvier, remplace M. Angus dans le cadre du processus d’appel.

 

[58]           Mme Shirley Janvier pourrait très bien être une présidente d’élection parfaitement qualifiée et impartiale qui s’acquitterait convenablement de ses fonctions. Mais telle n’est pas la question. Autoriser une telle substitution de président d’élection sans motif juridique ou substantiel, ce serait reconnaître comme principe qu’il est loisible au conseil de bande de désigner sa propre candidate pour mener à bien le processus d’appel. Cela, assurément, n’est pas prévu par le Code électoral et, à mon avis, le conseil de bande n’a présenté à la Cour aucun fondement juridique ou factuel qui justifie qu’il agisse ainsi hors des limites fixées par le Code, ou qui soit compatible avec les faits d’espèce et les principes de justice naturelle et d’équité procédurale.

 

[59]           Le conseil de bande défendeur n’a pu démontrer qu’il avait le moindrement compétence, en vertu du Code électoral ou de toute loi ou procédure de portée générale pouvant être applicable en l’espèce, pour tenter comme il l’a fait de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection.

 

Les reproches à l’endroit de M. Angus

 

[60]           Le conseil de bande prétend avoir agi de manière raisonnable lorsqu’il a adopté la résolution du 11 juin 2007 prévoyant la destitution de M. Angus, puisque ce dernier avait perdu sa confiance et celle des membres de la PNCP. Le conseil de bande mentionne les facteurs qui vont suivre au soutien de son argument.

a.                   M. Angus n’a quitté la Saskatchewan que le soir avant l’élection et n’a pas consacré suffisamment de temps à sa préparation.

b.                   Le scrutin a débuté tardivement le jour de l’élection parce que M. Angus avait jugé nécessaire de se rendre au poste de la GRC pour la prise de mesures de sécurité (ce qu’il aurait pu faire à l’avance si son temps de préparation avait été suffisant).

c.                   Pour tenter de maintenir l’ordre, M. Angus a dû convoquer au bureau de scrutin le candidat sortant au poste de chef.

d.                   Il a fallu plus d’un mois à M. Angus pour transmettre copie des avis d’appel au conseil de bande, malgré les demandes qui lui en avaient été faites par celui-ci et par un conseiller, une avocate et le chef.

e.                   Avant de transmettre copie des avis d’appel au chef et au conseil, M. Angus a établi un budget qui, selon ces derniers, prévoyait des dépenses excessives.

f.                     Avant de transmettre copie des avis d’appel, M. Angus a menacé de faire se dérouler les appels dans une réserve de Première nation de la Saskatchewan – une idée choquante pour les membres de la PNCP.

g.                   Avant de transmettre copie des avis d’appel, M. Angus a aussi menacé, pour financer la procédure d’appel, de demander aux appelants de verser ce qu’ils étaient désireux de payer, cela faisant craindre qu’on puisse acheter cette procédure et donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité.

h.                   Lorsque M. Angus a réuni des curriculum vitae de candidats pour le comité d’appel, il a inclus, selon ses propres dires des candidats de l’extérieur de la PNCP pour éviter d’éventuels conflits d’intérêts. Les membres de la PNCP présumaient que les membres du comité proviendraient de la proche collectivité, et ils n’appréciaient pas que le comité d’appel puisse compter des membres venant de si loin, ni qu’il faille acquitter les frais en découlant.

i.                     Même si M. Angus tentait d’éviter la présentation de candidats pouvant se trouver en conflit d’intérêts, il a présenté une personne ayant été engagée comme négociateur principal dans le cadre d’une très importante transaction par le conseil tribal d’Athabasca – conseil régional de la PNCP. En tant que membre du comité, ce négociateur aurait été en présence et aurait reçu des directives de Walter Janvier, l’une des personnes ayant interjeté appel des résultats de l’élection et un individu qu’il connaissait déjà personnellement.

 

[61]           Outre ces facteurs, le défendeur relève les allégations portées contre M. Angus par les appelants mêmes dans leurs avis d’appel. Ces allégations, soutient le conseil de bande, mettent directement en question le comportement de M. Angus en tant que président d’élection. Donc, selon le conseil de bande, si M. Angus devait prendre part plus avant au processus d’appel, cela minerait la confiance de la PNCP envers ce processus.

 

[62]           Le conseil de bande fait également valoir qu’il est quelque peu « étrange » que M. Walter Janvier fasse cause commune avec M. Angus et exige que celui-ci continue d’exercer ses fonctions de président d’élection, et ce, alors qu’il a porté contre lui des allégations d’incompétence et de méfait dans le cadre de son appel des résultats de l’élection. Le conseil de bande fait par ailleurs remarquer que l’appel de M. Janvier repose notamment sur le motif qu’on avait [traduction] « dû faire intervenir la GRC lorsqu’un candidat [avait] été menacé de voies de fait », M. Walter Janvier était le candidat même ayant eu affaire avec la GRC, et à qui celle-ci avait demandé de quitter le bureau de scrutin.

 

[63]           Selon le conseil de bande, en outre, l’incident mettant en cause la GRC le jour de l’élection serait également étrange du fait qu’un différend serait survenu quant au nombre d’agents électoraux autorisés pour chaque candidat sur le lieu du scrutin, et que M. Angus avait alors refusé de maîtriser la situation et avait plutôt demandé à M. Walter Janvier de se présenter au bureau de scrutin pour ce faire.

 

[64]           Le conseil de bande fait finalement remarquer que, le 2 mars 2007, la Law Society of Saskatchewan avait ordonné la suspension de M. Angus, qui ne l’en avait pas informé. Le conseil de bande soutient que M. Angus avait choisi délibérément de ne pas lui faire part de cette information, mais qu’il l’avait néanmoins apprise par son avocat, qui en avait lui-même pris connaissance en lisant le journal Star Phoenix.

 

[65]           Les demandeurs soutiennent pour leur part que M. Angus s’est correctement acquitté de ses fonctions de président d’élection, et qu’il n’existe aucune preuve de conduite irrégulière ou de partialité de sa part. Quant à l’allégation du conseil de bande concernant les frais excessifs prévus au budget de M. Angus, les demandeurs soutiennent que ce dernier avait demandé les sommes en cause en vue de la tenue des appels. Les demandeurs font remarquer à cet égard que, bien que le conseiller Stuart Janvier ait déclaré dans son affidavit que l’ensemble des conseillers estimaient exagérées les sommes prévues au budget, il avait concédé, lors de son contre-interrogatoire, qu’il n’avait jamais établi lui-même un tel budget et n’en avait même jamais vu un avant de passer en revue le budget établi par M. Angus. Le conseiller Stuart Janvier a en outre admis ne pas avoir parlé au nom des autres conseillers lorsqu’il avait dit estimer exagérées les sommes figurant dans le budget proposé. Les demandeurs soulignent également que le chef Vern Janvier a admis en contre‑interrogatoire que le budget du président d’élection ne lui posait pas problème, mais que, ce qui le préoccupait véritablement, c’était la période de trois jours qui, d’après la prévision de M. Angus, était nécessaire pour mener à bien le processus d’appel. Le chef Vern Janvier estimait plutôt qu’une seule journée suffirait à cette fin.

 

[66]           En réponse au reproche formulé par le conseil de bande quant aux candidatures soumises aux électeurs admissibles pour examen, en vue de combler les postes au comité d’appel, les demandeurs font remarquer que, lors de son contre-interrogatoire, M. Stuart Janvier a déclaré que les candidats présentés par M. Angus ne lui posaient [traduction] « pas problème », à l’exception de M. Blaine Favel, décrit par M. Stuart Janvier comme une personne [traduction] « ayant peut-être un conflit d’intérêts » et qui ne constituait [traduction] « pas un bon candidat ». Les demandeurs font également ressortir que tant M. Stuart Janvier que le chef Vern Janvier ont concédé en contre-interrogatoire que la sélection des membres du comité d’appel se faisait lors d’une assemblée de la bande convoquée à cette fin. La prétendue partialité de M. Favel pourrait ainsi être examinée par les membres de la PNCP à cette occasion.

 

Conclusions

 

[67]           À mon avis, les allégations portées contre M. Angus ne peuvent servir de fondement raisonnable à la décision de démettre M. Angus de ses fonctions de président d’élection, même si le conseil de bande avait eu le pouvoir et la compétence requis pour le destituer comme il a tenté de le faire en l’espèce.

 

[68]           Le problème, c’est que toutes les allégations demeurent sans fondement et qu’aucune d’elles n’a passé le crible des mesures de protection découlant des principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Certaines importantes allégations ont d’ailleurs été contredites lors des contre-interrogatoires du chef Vern Janvier et du conseiller Stuart Janvier. Ce que le conseil de bande tente de faire, c’est de ternir l’image de M. Angus au moyen d’insinuations pour pouvoir affirmer que les membres de la PNCP n’ont plus confiance en lui.

 

[69]           Toutefois, on ne m’a présenté aucune preuve que les membres de la PNCP auraient ainsi perdu confiance en M. Angus. La seule preuve dont je dispose, c’est que le conseil de bande nouvellement élu soulève maintenant des objections à l’endroit de M. Angus; si toutefois le conseil de bande a eu un différend avec M. Angus, c’est parce qu’il a tenté de l’empêcher d’exercer les fonctions dont l’investit le Code électoral. Le conseil de bande a tenté d’empêcher la tenue d’appels légitimes. Si on avait eu des préoccupations au sujet de M. Angus, la notion d’application régulière de la loi et les règles de justice naturelle auraient pu et dû être appliquées pour y apporter remède, et ce, il y a fort longtemps.

 

[70]           On demande par exemple à la Cour de présumer que, parce que M. Angus et M. Walter Janvier sont codemandeurs en l’espèce, il existe une certaine crainte de partialité parce qu’ils agissent de concert. Je ne trouve rien d’« étrange » à ce qu’un président d’élection et une personne faisant appel des résultats d’une élection soient parties à une demande de contrôle judiciaire visant une décision qui était destinée à empêcher la tenue d’appels légitimes et qui, pour ce motif, fait obstacle tant à M. Angus comme président d’élection qu’à M. Walter Janvier en tant qu’appelant.

 

[71]           Je ne parviens pas non plus à comprendre pourquoi la relation entre M. Angus et la Law Society of Saskatchewan pourrait entraîner une perte de confiance en ce dernier en tant que président d’élection, alors que le conseil de bande n’a pas établi, ni même demandé, pourquoi M. Angus avait été suspendu, ni montré en quoi cette suspension pourrait être pertinente quant à la situation actuelle ou quant aux fonctions de M. Angus comme président d’élection ou à leur exécution.

 

[72]           La question des allégations portées dans les appels mêmes et celle de savoir si on peut en attribuer la reponsabilité d’une manière quelconque à M. Angus pose tout autant problème. Le conseil de bande a fait obstacle à ces appels et a empêché que leurs motifs soient soumis aux électeurs admissibles de la PNCP. Le conseil de bande souhaite maintenant que la Cour reconnaisse ces allégations comme motifs valables de sa propre décision de destituer M. Angus. Ce sont là toutefois des questions qu’il appartient aux membres de la PNCP d’apprécier et de juger, et le conseil de bande a tout simplement empêché qu’un tel processus ne se déroule.

 

[73]           L’examen des contre-interrogatoires révèle que le conseil de bande n’a pas pris en compte la notion d’application régulière de la loi non plus que les principes de justice naturelle ou d’équité procédurale lorsqu’il a tenté de se défaire de M. Angus, lequel tente pour sa part de s’acquitter des fonctions dont l’investit le Code électoral.

 

[74]           Les motifs des appels constituent de simples allégations que le comité des appels va apprécier. Si ces allégations suffisaient en elles-mêmes pour démontrer la perte de confiance à l’endroit du président d’élection, la conséquence en serait que le conseil de bande pourrait contourner entièrement le processus d’appel des résultats d’élection en destituant le président d’élection sur le seul fondement de motifs d’appel allégués dans un avis d’appel. Je ne crois pas que ce soit là l’objet véritable des avis d’appel ou du Code électoral et, par conséquent, je ne tiendrai pas compte de ces motifs en vue d’établir si la prétendue perte de confiance du conseil de bande et des membres de la PNCP en la capacité de M. Angus d’exercer les fonctions de président d’élection repose sur des motifs raisonnables.

 

[75]           Les demandeurs soutiennent également que le conseil de bande a agi sans compétence, ou a outrepassé sa compétence, lorsqu’il a adopté la résolution du 11 juin 2007, par laquelle il a refusé dans les faits qu’appel soit interjeté des résultats de l’élection. Les dispositions pertinentes de la résolution du 11 juin 2007 sont les suivantes :

[traduction]

[…] VU que le chef et le conseil ont examiné les éléments qui suivent afin que soit tournée la page quant à la dernière élection :

 

            - le mandat de l’ancien chef et son omission de dûment ratifier la liste des membres

- le défaut manifeste de l’ancien chef une fois encore de consulter les membres en vue de l’approbation d’une liste d’électeurs, malgré les préoccupations exprimées à ce sujet

            - le fait que les élections aient eu lieu malgré ces irrégularités

- l’importance de l’écart dans le résultat final du scrutin placé sous votre surveillance et votre autorité

- le désordre financier dont ont hérité le chef tribal et le conseil nouvellement élus, qui vous en ont fait part, cette situation nous empêchant de verser les sommes additionnelles que vous avez demandées pour la coordination du processus d’appel

- le fait que vous compreniez parfaitement tout ce qui précède, tout cela ne laissant d’autre choix au chef et au conseil que de demander la cessation de toute mesure  future concernant l’élection des dirigeants de la Première nation des Chipewyans des Prairies,

 

PAR CONSÉQUENT, IL EST RÉSOLU que, dans le but sincère d’assurer le bien-être des membres de la Première nation des Chipewyans des Prairies et de préserver l’harmonie au sein de celle-ci, le chef et le conseil se refuseront à admettre ou à tolérer que soit infligé à notre collectivité le fardeau de la tenue d’une nouvelle élection si ce n’est selon les normes établies depuis des années […]

 

 

[76]           Lorsque l’avocat des demandeurs l’a contre-interrogé le 3 avril 2008, le conseiller Stuart Janvier a fourni l’explication qui suit quant au sens à donner à l’expression [traduction] « dans le but sincère d’assurer le bien-être des membres de la Première nation des Chipewyans des Prairies et de préserver l’harmonie au sein de celle-ci, le chef et le conseil se refuseront à admettre ou à tolérer que soit infligé à notre collectivité le fardeau de la tenue d’une nouvelle élection si ce n’est selon les normes établies depuis des années » :

Q   Qu’est-ce que cela veut dire?

 

R    Cela veut dire que le chef et le conseil ont décidé, après avoir consulté les aînés, que les faits – le processus d’appel allant de l’avant tel qu’il a transpiré, que la collectivité ne tolérerait pas qu’il en soit ainsi.

 

Q   De sorte qu’il n’y ait pas d’appel, est-ce exact?

 

R    Oui, essentiellement.

 

Q   De sorte que les résultats de l’élection du 28 février 2007 soient maintenus, est-ce exact?

 

R    Oui.

 

Q   Alors on dit dans une résolution du conseil qu’il n’y aura pas d’appels chez les Chipewyans, est-ce exact?

 

R    Oui.

 

Q   Une résolution du conseil de bande a-t-elle déjà été retirée?

 

R    Non.

 

Q   C’est donc toujours la décision du conseil, est-ce exact?

 

R    Oui.

 

Q   Des résolutions du conseil de bande adoptées par la suite peuvent-elles avoir pour effet de modifier cette décision?

 

R    Non.

 

Q   C’est donc la seule résolution du conseil de bande qui ait été adoptée relativement à l’élection du 28 février?

 

R    Oui.

 

Q   Serait-il alors exact de dire, M. Janvier, que l’objet de votre affidavit est de veiller à ce que ne soit interjeté aucun appel des résultats de l’élection du 28 février 2007?

 

R    Oui – à moins que la situation ne change et qu’Albert Angus et sa partialité ne soient plus associés au processus.

 

(Contre-interrogatoire du conseiller Stuart Janvier, pages 37 et 38.)

 

[77]           Les demandeurs ont raison de dire que le Code électoral prescrit une procédure d’appel et que le conseil de bande était tenu de s’y conformer. Je conclus à cet égard qu’en adoptant la résolution du 11 juin 2007, le conseil de bande a tenté de contourner la procédure établie dans le Code électoral et a dénié le droit d’appel aux personnes qui ont déposé des avis d’appel en application de ce code. À mon avis, en prenant une telle décision, le conseil de bande a outrepassé sa compétence. Le conseil de bande ne peut décider, par une simple résolution qu’il adopte, qu’on peut faire abstraction du Code électoral et qu’un appel n’aura pas lieu. Le conseil de bande ne peut non plus par voie de résolution, sans tenir compte de la notion d’application régulière de la loi et des principes d’équité procédurale, destituer tout simplement un président d’élection qui, en vertu du Code électoral, a l’obligation de superviser le processus d’appel et qui, en fait, est responsable devant les électeurs de la PNCP. En l’espèce, la façon d’agir du conseil de bande n’était pas conforme à la notion d’application régulière de la loi, non plus qu’aux principes établis de justice naturelle et d’équité procédurale. Le conseil de bande n’a fait valoir devant la Cour aucun précédent ni aucun principe qui justifierait ou rendrait acceptable son comportement à ce jour dans la présente affaire. Les contre-interrogatoires du chef Vern Janvier et du conseiller Stuart Janvier ne donnent pas à croire qu’on a affaire à un conseil de bande ayant connaissance des obligations que lui imposent tant le Code électoral que les règles de l’équité procédurale. Le conseil de bande a en fait empêché les membres de la PNCP de prendre des décisions qu’il leur revient de prendre, suivant le Code électoral.

 

[78]           Le comportement du conseil de bande à ce jour le place dans une situation précaire et conflictuelle quant aux reproches qu’il formule maintenant pour mettre en question la capacité de M. Angus de mener à bien les appels comme président d’élection sous le régime du Code électoral. En outre, les motifs invoqués à cette fin ne sont toujours pas étayés ou sont contredits par le conseil de bande lui-même. Le conseil de bande n’a pas traité les motifs  de manière équitable ou conformément aux règles habituelles de justice naturelle, et sa position sur cette question me semble déraisonnable et insoutenable. M. Angus demeure le président d’élection régulièrement désigné pour mener à bien les appels en application du Code électoral.

[78]

            La mesure de redressement

 

[79]           Beaucoup de choses ont changé depuis que les demandeurs ont dû introduire la présente demande. Le défendeur a désormais reconnu qu’il ne pouvait faire obstacle aux appels et il a convenu que la Cour devait ordonner la tenue des appels conformément à une procédure convenue qu’il faut intégrer à une ordonnance rendue par elle.

 

[80]           En conséquence, la seule question qu’il reste à la Cour à trancher est de savoir si M. Angus a été destitué de ses fonctions de président d’élection et n’est plus en mesure de faciliter les appels en application du Code électoral.

 

[81]           Pour les motifs énoncés ci-dessus, j’ai conclu que M. Angus n’avait pas été démis légalement de ses fonctions de président d’élection. Il demeure en fonction pour mener à bien les appels en application du Code électoral. Si le conseil de bande souhaite faire valoir des préoccupations quant à la capacité de M. Angus de faciliter les appels et de s’acquitter des fonctions dont il est investi par le Code électoral, ces préoccupations pourront être exprimées et prises en compte dans le cadre du processus d’appel et du processus de sélection des membres du comité d’appel, si elles ont un lien quelconque avec ces processus et avec les questions et critères que le Code électoral demande expressément aux membres de la PNCP et au comité d’appel d’examiner. Lorsque ces préoccupations sont examinées, le cas échéant, elles devront l’être en conformité avec la notion d’application régulière de la loi et les principes de justice naturelle et d’équité.

 

[82]           Au stade actuel, la Cour ne souhaite pas empêcher les membres de la PNCP d’examiner ces questions de la manière qui leur convient et conformément à leur propre code. Il n’est pas nécessaire de délivrer une ordonnance de mandamus puisque la décision de destituer M. Angus est annulée pour les motifs énoncés ci-dessus et que le conseil de bande a convenu que le processus d’appel devait être mené à bien en conformité avec l’ordonnance de la Cour.

 

[83]           Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens, l’une ou l’autre pourra s’adresser à la Cour quant aux dépens pour la présente demande, au moyen d’observations écrites ou en se présentant devant la Cour à un moment et d’une manière dont il faudra convenir.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

 

  1. La demande est accueillie en partie, et la résolution du 11 juin 2007 du conseil de bande – et toute confirmation subséquente de celle-ci – est annulée par les motifs énoncés ci-dessus, de sorte que M. Angus demeure le président d’élection aux fins des appels qui, comme en conviennent les deux parties, devront se dérouler en conformité avec le Code électoral.

 

  1. Le processus d’appel se déroulera de la manière qui suit, dont les parties ont convenu et tel que la Cour le prescrit :

Dans les 14 jours suivant la date de la présente ordonnance, le défendeur, le conseil tribal de la Première nation des Chipewyans des Prairies, prendra toutes les mesures nécessaires pour la tenue d’une assemblée des électeurs admissibles de la bande en vue de la sélection des membres d’un comité d’appel (l’assemblée de la bande) en conformité avec le Code électoral de la Première nation des Chipewyans des Prairies en vigueur au moment de l’élection du 28 février 2007 (l’élection), tel que joint à la pièce B de l’affidavit d’Albert Angus dans la présente affaire. Dans les 14 jours suivant l’assemblée de la bande, le comité d’appel nouvellement élu tiendra sa première rencontre et établira le processus qu’il suivra pour l’instruction de l’appel des résultats de l’élection. Le comité d’appel sera constitué de trois membres, choisis par les électeurs admissibles lors de l’assemblée de la bande susmentionnée conformément à l’ordonnance de la Cour.

 

 

  1. Le défendeur pourra faire valoir toute préoccupation qu’il a quant au comportement de M. Angus en tant que président d’élection dans le cadre du processus d’appel et en conformité avec la notion d’application régulière de la loi et les règles d’équité procédurale et de justice naturelle.

 

  1. Les parties pourront s’adresser à la Cour relativement à la question des dépens de la manière énoncée dans les motifs.

 

« James Russell »  

                                                                                                                        Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1267-07

 

INTITULÉ :                                       Albert Angus et Walter Janvier c.

Le conseil Tribal de la première nation

des Chipewyans des Prairies

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 19 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 1er août 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sandeep K. Dhir

POUR LES DEMANDEURS

 

Jeffrey R.W. Rath

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Field LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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