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Date : 20080729

Dossier : IMM-4308-07

Référence : 2008 CF 925

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

DEREK SHAMIN ALIE, CAMILLE FAZELLA NARAINE,

 KEVIN ROMANO ALIE et STACEY LIANNA ALIE

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Je suis convaincu que la décision faisant l’objet du présent contrôle doit être annulée parce que l’agente, lorsqu’elle a pris en compte l’intérêt de l’enfant des demandeurs adultes qui est né au Canada, n’a pas centré son analyse comme il se doit sur les besoins de l’enfant; elle a plutôt mis l’accent sur les avantages pouvant découler du renvoi de sa famille du Canada ou sur les risques connexes.  

 

 

LES FAITS

[2]               Les demandeurs sont quatre membres de la même famille et tous citoyens du Guyana. En plus des deux adolescents, les parents ont également une petite fille, Sarah, qui est née au Canada en avril 2006. La présente affaire découle de la décision refusant aux demandeurs la résidence permanente au Canada qu’ils avaient demandée en invoquant des motifs d’ordre humanitaire en application de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[3]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision de l’agente au motif qu’elle est déraisonnable. Ils allèguent que l’agente n’a pas tenu compte de preuves substantielles quant au risque auquel ils feraient face s’ils retournaient au Guyana, où ils seraient considérés comme étant riches et seraient donc ciblés, ni dans son appréciation de leur établissement au Canada. Ils allèguent également que l’appréciation de l’agente de l’intérêt des enfants n’était pas raisonnable parce que le soutien familial et les liens sociaux qu’avaient les adolescents au Canada, de même que l’absence de tels liens au Guyana, n’ont pas été pris en compte.

 

ANALYSE

[4]               Malgré l’argumentation habile de l’avocat des demandeurs voulant que l’agente n’ait pas tenu compte des preuves pertinentes quant au risque auquel les demandeurs feraient face s’ils retournaient au Guyana ni dans son appréciation de leur établissement au Canada, la position présentée par le défendeur est correcte : on ne peut pas reprocher à l’agente de ne pas avoir tenu compte de facteurs ou de preuves dont elle ne disposait pas.

 

[5]               La demande dont était saisie l’agente a été établie et déposée par les demandeurs sans l’aide d’un expert-conseil ou d’un avocat. Les demandeurs ont sûrement fait de leur mieux. Cependant, la demande et les preuves présentées à l’appui sont malheureusement insatisfaisantes pour ce qui est d’établir les risques ou toute allégation quant à l’établissement que font maintenant valoir les demandeurs. Outre la déclaration des demandeurs selon laquelle ils risquent d’être ciblés s’ils retournent au Guyana, aucune preuve à l’appui n’a été fournie. Quant à l’établissement, les demandeurs ont communiqué des renseignements montrant qu’ils sont établis au Canada, mais n’ont présenté ni preuve ni observation démontrant qu’ils subiraient des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’ils quittaient le Canada. Il n’incombe pas à l’agent appréciant une demande d’avancer des hypothèses et de tirer des conclusions lorsque les renseignements fournis sont trop sommaires. Dans une telle situation, comme en l’espèce, on ne peut pas reprocher à l’agente d’avoir tiré les conclusions qu’elle a tirées, qui étaient raisonnables compte tenu de la preuve et des observations dont elle disposait.

 

[6]               Il en va de même pour ce qui est des plaintes des demandeurs concernant l’analyse de l’agente quant à l’intérêt des enfants. Les demandeurs ont exhorté la Cour à conclure que l’agente avait omis de tenir compte de facteurs tels que les liens sociaux qu’ont les deux adolescents (âgés de 18 et de 19 ans) avec leurs amis du voisinage, les liens familiaux qu’ils ont avec leurs grands‑parents, leurs tantes et d’autres parents au Canada et l’absence de parents au Guyana. Malheureusement, outre la simple affirmation dans la demande selon laquelle ces adolescents avaient obtenu leur diplôme d’études secondaires et qu’ils avaient obtenu de bonnes notes, que l’un souhaitait poursuivre ses études et que l’autre voulait poursuivre ses activités en tant qu’arbitre de soccer, et qu’ils ont de la famille au Canada et non au Guyana, aucune preuve ni observation n’a été présentée à l’agente à cet égard du type de celles que les demandeurs font maintenant valoir devant la Cour.

 

[7]               Je souscris à l’observation formulée par la juge Dawson dans Ahmad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 646, soit que « il appartenait aux demandeurs de préciser, avec preuve à l’appui, tout problème auquel un des membres de la famille serait confronté et qui se traduirait par des difficultés que l’on pourrait qualifier d’inusitées, d’injustifiées ou de disproportionnées ». Dans la présente affaire, les demandeurs n’ont pas respecté cette exigence et on ne peut pas critiquer la décision de l’agente pour leur manquement.

 

[8]               Néanmoins, j’accueillerai la présente demande parce que, à mon avis, l’agente a commis une erreur dans son appréciation de l’intérêt de l’enfant né au Canada. Au moment d’apprécier l’intérêt de cet enfant, l’agente a déclaré ce qui suit :

 

[traduction] En ce qui concerne Sarah, elle n’est âgée que d’un an et n’a pas encore commencé l’école. À cet égard, j’ai pris en compte l’intérêt de l’enfant né au Canada en appréciant le pour et le contre pour la famille de Sarah si elle retournait au Guyana, avec ou sans Sarah. J’estime qu’en retournant au Guyana, la famille de Sarah ne subirait pas de difficultés inhabituelles et injustifiées ou excessives justifiant une exception fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.   

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[9]               Je suis d’avis que l’agente a commis une erreur de droit dans son analyse de l’intérêt de Sarah, l’enfant né au Canada. Pour ce qui concerne ces considérations, l’accent doit être mis sur l’enfant même. En l’espèce, l’agente ne s’est pas concentrée sur Sarah ni sur les difficultés qu’elle subirait à la suite du renvoi possible de sa famille, avec ou sans elle. L’agente a plutôt centré son analyse sur les difficultés que subirait la famille de Sarah si elle était renvoyée du Canada, avec ou sans elle.

 

[10]           Étant donné cette erreur, la décision doit être annulée. Une appréciation convenable de l’intérêt de Sarah est requise avant qu’il soit possible de renvoyer les demandeurs du Canada.

 

[11]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier; aucune question ne sera certifiée.

 

[12]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie parce que l’agente n’a pas mené un examen approprié quant à l’intérêt de l’enfant né au Canada.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.         La présente demande est accueillie, la décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’il rende une nouvelle décision.

2.         Aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4308-07

 

STYLE OF CAUSE:                          DEREK SHAMIN ALIE, CAMILLE FAZELLA NARAINE, KEVIN ROMANO ALIE et STACEY LIANNA ALIE  

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)                                

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 juillet 2008                                

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 29 juillet 2008                                

 

 

COMPARUTIONS :

 

Waikwa Wanyoike

 

POUR LES DEMANDEURS

Manuel Mendelzon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WAIKWA WANYOIKE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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