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Date : 20080728

Dossier : IMM-964-07

Référence : 2008 CF 920

Ottawa (Ontario), le 28 juillet 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

entre :

EDWARD JAMES KUNKEL

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

motifs du jugement et jugemenT

 

[1]               Par une décision du 9 janvier 2007 (la décision), une agente des visas (l’agente des visas) a rejeté la demande de visa de résident permanent, dans la catégorie des travailleurs qualifiés, d’Edward James Kunkel (le demandeur). Ce dernier demande le contrôle judiciaire, conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.R.C. 2001, ch. 27 (la Loi), de la décision de l’agente des visas.

 

 

résumé des faits

 

[2]               Le demandeur est un citoyen des États‑Unis. Le 22 mai 2001, il a commencé à travailler au Canada au moyen de permis de travail. Au départ, il travaillait pour Turbo Promote Inc et, le 29 octobre 2002, on lui a délivré un permis de travail pour Instaclick Inc. (Instaclick) au Canada.

 

[3]               Le demandeur possède et exploite aussi sa propre entreprise d’experts-conseils dont le siège est dans l’État de New York. Par la voie de son entreprise, le demandeur signait des contrats d’experts-conseils pour travailler pour des clients tels qu’Instaclick, dont il a déclaré que c’était le seul client de son entreprise au Canada. Le demandeur a déclaré que sa conjointe de fait et lui étaient les seuls employés de son entreprise.

 

 

            Les déclarations de culpabilité

 

[4]               Après avoir travaillé au Canada pendant plusieurs années, le demandeur a déposé une demande de visa de résident permanent le 7 juin 2004 (la demande). Dans sa demande, il a déclaré, entre autres choses, qu’il n’avait jamais été déclaré coupable d’aucun acte criminel ni d’aucune infraction dans quelque pays que ce soit. En fait, il a été déclaré coupable deux fois aux États-Unis pour conduite avec des capacités affaiblies, une fois le 17 mars 1995 et l’autre fois le 4 janvier 2001.

 

[5]               Toutefois, le demandeur a révélé ces déclarations de culpabilité dans ses observations à l’appui de la demande. Le 22 février 2006, il a aussi demandé sa réhabilitation à l’égard de ces déclarations de culpabilité.

 

[6]               Le demandeur s’est vu refuser l’entrée au Canada à trois reprises, en raison de ses déclarations de culpabilité. La dernière fois, le 27 décembre 2005, l’agent à la frontière a saisi le permis de travail du demandeur au motif que le demandeur n’avait pas, à l’époque, révélé la deuxième déclaration de culpabilité. Après avoir présenté de longues observations, le demandeur a ultérieurement obtenu un nouveau permis de travail temporaire au motif que son travail au Canada permettrait de préserver des emplois à Instaclick.

 

 

Le numéro de téléphone

 

[7]               Lors de l’examen de la demande, les responsables de l’immigration ont découvert le 10 février 2005 que le numéro de téléphone inscrit au nom de Instaclick semblait appartenir à une autre société, OrgasmCash.com. Une entrevue avec le demandeur était prévue pour le 9 janvier 2007 pour confirmer son emploi et d’autres éléments de la demande. Toutefois, le demandeur n’a pas été avisé avant l’entrevue de la différence de numéro de téléphone de Instaclick.

 

 

L’entrevue

 

[8]               Dans son affidavit, le demandeur prétend que l’agente des visas avait oublié que l’entrevue était prévue pour ce jour-là. Il allègue que l’entrevue a commencé avec plus d’une heure de retard et qu’elle a duré seulement 30 minutes. Toutefois, l’agente des visas a déclaré qu’elle s’était préparée et qu’elle était prête à interviewer le demandeur, que l’entrevue a commencé avec seulement quinze minutes de retard et que l’entrevue a duré environ quatre-vingt-dix minutes.

 

[9]               Le demandeur soutient que ce différend peut seulement être résolu au moyen d’un contre‑interrogatoire. Toutefois, il n’a rien entrepris pour contre‑interroger l’agente des visas. Parce qu’il n’y a eu aucun contre‑interrogatoire et parce que l’affidavit de l’agente des visas est corroboré par les notes détaillées du STIDI prises le jour de l’entrevue, les éléments de preuve de l’agente des visas prévalent.

 

[10]           D’après les notes du STIDI, l’agente des visas a révélé toutes ses préoccupations relativement à la demande pendant l’entrevue, y compris la différence de numéro de téléphone. Les notes du STIDI révèlent que la discussion relative au numéro de téléphone s’est déroulée de la façon suivante :

 

[traduction]

J’ai ensuite fait référence à notre analyse préliminaire (le fondement de l’exigence de l’entrevue) et j’ai lu à voix haute nos questions sur l’inscription du numéro de téléphone de Instaclick Inc., qui apparaît comme le numéro d’une société différente, « OrgasmCash.com » et j’ai demandé au sujet d’expliquer cette apparente différence de renseignement. Au début, le sujet n’a pas répondu, ensuite, il a dit que « OrgasmCash.com » est un des clients de Instaclick. Je lui ai demandé pourquoi une société inscrirait le numéro de téléphone d’un de ses clients comme étant le sien. Le sujet n’a pas répondu. Plus tard, il a déclaré que sa lettre avait été transmise à notre bureau par son ancien consultant en immigration. J’ai demandé comment cela avait une pertinence quelconque puisque les lettres de recommandation professionnelles de 2004 et de 2006 avaient la même adresse, le même numéro de télécopie et le même numéro de téléphone. Le sujet n’a pas répondu.

 

[11]           L’agente des visas a aussi posé au demandeur de nombreuses questions relativement à son emploi à Instaclick. Le demandeur a donné des réponses contradictoires sur le début de son emploi à Instaclick. Il a d’abord dit qu’il travaillait à Instaclick depuis 2002, mais plus tard il a dit qu’il avait commencé à y travailler en 2003. Il n’a pas donné de date de début précise.

 

[12]           Le demandeur allègue qu’il est compétent en tant que consultant en gestion car il a permis de préserver trente à quarante emplois à Instaclick. Toutefois, l’agente des visas a conclu que lorsqu’on lui [traduction] « a donné l’occasion d’expliquer comment et quand il était parvenu à ce résultat, le demandeur a buté sur ses mots et finalement, il n’a pas été en mesure de donner une explication satisfaisante. »

 

[13]           L’agente des visas a aussi noté que le demandeur a donné des renseignements contradictoires sur son rôle à Instaclick. Il avait fourni deux lettres d’emploi, l’une du 10 février 2004 et l’autre du 5 décembre 2006, lesquelles donnaient à entendre qu’il était un employé de Instaclick. Toutefois, il a aussi fourni des contrats de consultation entre Instaclick (comme « client ») et son entreprise d’experts-conseils (comme « consultant », contrats que le demandeur avait signés en tant que « président »). La clause 9 des contrats de consultation est libellée de la façon suivante :

 

[traduction]

9.         Le consultant, un entrepreneur indépendant. Le consultant est un entrepreneur indépendant et ni le consultant ni le personnel du consultant ne seront réputés être des employés du client.

 

[14]           L’agente des visas a aussi posé au demandeur des questions sur ses déclarations de culpabilité et il n’a pas été coopératif. Les notes du STIDI font mention de la discussion de la façon suivante :

[traduction]

Le demandeur n’a pas reconnu qu’il avait été déclaré coupable pour conduite avec des capacités affaiblies en 2001— il a fait référence à une déclaration de culpabilité de 1998. Il n’a pas répondu directement à mes questions sur son omission de révéler tous ses antécédents criminels. La crédibilité du sujet est grandement remise en cause et il en a été dûment averti. C’est seulement lorsque j’ai lu à voix haute les renseignements du Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), dans lequel j’ai appris que l’approbation pour sa réhabilitation (relative à sa première déclaration de culpabilité) avait été annulée, que le sujet a reconnu sa déclaration de culpabilité de 2001.

 

 

            La décision

 

[15]           L’agente des visas a conclu que le demandeur avait omis de confirmer son rôle ou ses fonctions tant au sein de son entreprise d’experts-conseils qu’au sein de Instaclick. Elle a aussi conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait travaillé comme consultant en gestion, le poste qu’il avait indiqué dans la demande.

 

[16]           L’agente des visas a donc décidé que le demandeur n’avait pas qualité de travailleur qualifié. En particulier, il ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 75(2)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement), qui dispose ce qui suit :

 

Qualité

(2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

Skilled workers

(2) A foreign national is a skilled worker if

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full-time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part-time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

 

 

[17]           De plus, l’agente des visas a conclu que le demandeur avait omis de fournir des renseignements complets sur ses antécédents professionnels et ses déclarations de culpabilité. Elle a donc décidé qu’il avait contrevenu au paragraphe 16(1) de la Loi qui dispose que « [l]’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis. »

 

LES questions EN LITIGE et LA norme de contrôle

 

[18]           Les questions en litige sont les suivantes :

1.                  L’agente des visas avait‑elle l’obligation de révéler la différence de numéro de téléphone avant l’entrevue?

2.                  L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait pas démonté son expérience professionnelle comme consultant en gestion?

3.                  L’agente des visas a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a omis de reconnaître que le demandeur avait révélé ses déclarations de culpabilité?

 

[19]           La première question est relative à l’équité procédurale et, par conséquent, ne commande pas de retenue. Les deuxième et troisième questions sont des questions mixtes de fait et de droit pour lesquelles la norme de contrôle est la raisonnabilité.

 

ANALYSE

            Première question                  L’équité procédurale

 

[20]           Le demandeur allègue que, dans la présente affaire, l’agente des visas avait l’obligation de révéler la différence relativement au numéro de téléphone de Instaclick bien avant l’entrevue. Les responsables de l’immigration étaient au courant de la différence depuis presque deux ans, mais ils en ont informé le demandeur seulement lors de l’entrevue. Le demandeur estime que l’agente des visas a violé l’obligation d’équité procédurale en le surprenant avec cette différence.

 

[21]           Il est bien établi qu’un décideur a l’obligation de révéler les éléments de preuve extrinsèque pour permettre à un demandeur d’y répondre. Voir à ce sujet les paragraphes 20 et 21 de la décision du juge Marshall Rothstein, Dasent c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 720 (1re inst.), infirmée pour d’autres motifs, (1996), 107 F.T.R. 80 (C.A.).

 

[22]           Toutefois, je suis d’avis que l’agente des visas a donné au demandeur l’occasion de répondre à la différence de numéro de téléphone lorsqu’elle a posé la question pendant l’entrevue. Ce n’était pour ainsi dire pas une question compliquée. En conséquence, dans les circonstances de la présente affaire, l’agente a répondu aux exigences de communication de la preuve et à l’obligation d’équité procédurale.

 

Deuxième question                La raisonnabilité de la décision

 

[23]           Il est évident d’après les notes du STIDI, que le demandeur avait de la difficulté à répondre aux questions les plus simples relativement à sa relation avec Instaclick. Il n’a pas été en mesure d’expliquer de façon adéquate comment il pouvait être un employé et un consultant indépendant en même temps. Il n’a pas été en mesure de fournir de détail sur ce qu’il a fait pour Instaclick, tel que la façon dont il avait permis de préserver des emplois dans cette société. Il n’a pas été en mesure d’expliquer la raison pour laquelle un client de Instaclick qui était situé dans le même immeuble avait le même numéro de téléphone. Il n’a même pas été en mesure de fournir des renseignements cohérents sur l’année où il a commencé à travailler à Instaclick, encore moins une date exacte de début d’emploi.

 

[24]           L’entrevue a eu lieu après que le permis de travail du demandeur eut été saisi et après qu’il eut fait, par le moyen de longues observations écrites, une demande de délivrance d’un permis temporaire qui a abouti. Il vaut aussi la peine de mentionner que les entrevues sont seulement prévues lorsque la demande soulève des interrogations. Dans le présent contexte, on se serait attendu à ce que le demandeur ait été mieux préparé pour l’entrevue et qu’il ait été en mesure de répondre aux questions simples qui lui étaient posées.

 

[25]           Selon moi, il était loisible à l’agente des visas, sur la base de l’entrevue et des éléments de preuve documentaire dont elle disposait, de conclure que le demandeur n’avait pas démontré qu’il avait au moins une année d’expérience comme consultant en gestion. Pour ce motif, le demandeur n’avait pas la qualité prévue à l’alinéa 75(2)a) du Règlement.

 

Troisième question                Les déclarations de culpabilité

 

[26]           La conclusion de l’agente des visas selon laquelle le demandeur n’avait pas satisfait aux exigences de l’alinéa 75(2)a) du Règlement était suffisante pour qu’elle rejette la demande. Comme j’ai déjà conclu que l’agente des visas n’a pas fait d’erreur susceptible de contrôle à cet égard, je n’ai donc pas besoin d’examiner si elle a commis des erreurs relativement à la troisième question, puisque de telles erreurs n’auraient aucun effet sur l’issue de la demande ou du présent contrôle judiciaire.

 


 

JUGEMENT

 

ATTENDU QUE j’ai examiné les documents déposés et que j’ai entendu les observations des avocats des deux parties à Toronto le 12 juin 2008;

 

ET ATTENDU QUE j’ai été avisée qu’aucune question à certifier n’est posée;

 

La cour statue que, pour les motifs énoncés ci‑dessus, la demande est rejetée.

 

 

Sandra J. Simpson

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M, M.A.Trad.jur.

 

 

 

 

 


cour fédérale

 

avocats inscrits au dossier

 

 

 

DOssier :                                                 IMM-964-07

 

intitulé :                                               EDWARD JAMES KUNKEL c. le ministre de

                                                                    la citoyenneté et DE l’immigration

 

Lieu de l’audience :                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE de l’audience :                        Le 12 juin 2008

 

motifs du jugement

et jugement :                                       La juge Simpson

 

DATE des motifs :                               Le 28 juillet 2008

 

 

 

comparutions :

 

Guidy Mamann

pour le demandeur

 

Deborah Drukarsh

pour le défendeur

 

avocats inscrits au dossier :

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

Guidy Mamann

Mamann & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

pour le défendeur

 

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