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Date : 20080729

Dossier : T-837-07

Référence : 2008 CF 922

Ottawa (Ontario), le 29 juillet 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

PHARMASCIENCE INC.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

 

[1]               Pharmascience Inc. (la demanderesse) sollicite, en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, le contrôle judiciaire de la décision du 12 avril 2007 (la décision) par laquelle le ministre de la Santé (le ministre) a conclu que la demanderesse devait traiter des brevets canadiens nos 2,382,387 et 2,382,549 (les brevets 387 et 549) dans le cadre de sa présentation abrégée supplémentaire de drogue nouvelle (PASDN) déposée en application du paragraphe 5(1) du Règlement sur les médicaments breveté (avis de conformité), DORS/93-133 (le Règlement), pour les capsules génériques de 1,25 mg de ramipril.

LE CONTEXTE

(La présente partie s’inspire fortement de l’exposé conjoint des faits soumis par les parties.)

 

[2]               Avant le 10 juillet 2000, Sanofi-Aventis Canada Inc. (l’innovateur) avait obtenu quatre avis de conformité (les avis de conformité antérieurs) à l’égard des capsules de ramipril, qu’il a commercialisées sous la marque ALTACE. Ces capsules on d’abord été approuvées pour le traitement de l’hypertension.

 

[3]               Le 10 juillet 2000, la demanderesse a acheté des capsules d’ALTACE de 1,25 mg, 2,5 mg, 5 mg et 10 mg pour les utiliser comme produits de référence canadiens.

 

[4]               Le 13 février 2001, l’innovateur s’est vu octroyer un nouvel avis de conformité lié à la présentation n° 066094 (le cinquième avis de conformité).

 

[5]               Le ministre a reçu le 4 septembre 2001 la présentation abrégée de drogue nouvelle n° 073405 (PADN) de Pharmascience. Une copie de la lettre du 13 septembre 2001 par laquelle la Division des politiques sur les présentations et renseignements accusait, au nom du ministre, réception de la PADN du 4 septembre 2001 figure à onglet 3 de l’exposé conjoint. Comme on le reconnaissait dans cette lettre, telle que déposée, la PADN n° 073405 de Pharmascience visait les capsules de 1,25 mg, 2,5 mg, 5 mg et 10 mg de ramipril.

 

[6]               La demanderesse fondait sa PADN sur la prétendue bioéquivalence entre ses capsules de ramipril de 1,25 mg, 2,5 mg, 5 mg et 10 mg et les capsules de ramipril ALTACE de 1,25 mg, 2,5 mg, 5 mg et 10 mg de l’innovateur que la demanderesse avait achetées pour les utiliser comme produits de référence canadiens. Nul ne conteste qu’en ce qui concerne cette PADN, la demanderesse était tenue de traiter de tous les brevets inscrits en rapport avec les avis de conformité antérieurs

 

[7]               Dans la PADN, la demanderesse a présenté des données relatives à la biodisponibilité démontrant la bioéquivalence entre ses comprimés de 10 mg et les comprimés ALTACE de 10 mg. En conformité avec la politique sur la bioéquivalence des formulations proportionnelles, la demanderesse a demandé à être dispensée de l’obligation de produire des études de biodisponibilité démontrant la bioéquivalence entre ses comprimés de 1,25 mg, 2,5 mg et 5 mg et les capsules de ramipril ALTACE de concentrations correspondantes. La demanderesse a plutôt soumis des données démontrant la proportionnalité entre ses comprimés de 1,25 mg, de 2,5 mg et de 5 mg et son comprimé de ramipril de 10 mg.

 

[8]               À la PADN était jointe la copie d’une facture datée du 10 juillet 2000 pour l’achat auprès de l’innovateur d’échantillons de capsules ALTACE des quatre concentrations en cause (la facture).

 

[9]               On avait également joint à la PADN un rapport clinique d’Algorithme Pharma (du 23 mars 2001, modifié le 6 avril 2001) concernant la bioéquivalence entre les capsules de ramipril de 10 mg de la demanderesse et les capsules de ramipril ALTACE de 10 mg. Selon ce rapport, Algorithme Pharma aurait reçu les échantillons le 15 décembre 2000.

 

[10]           Le 24 février 2003, la demanderesse a soustrait de sa PADN les capsules de ramipril générique de 1,25 mg, à la demande de Santé Canada, pour manque de données quant à leur stabilité. L’examen de la PADN n’a ainsi été effectué qu’à l’égard des capsules de générique des concentrations de 2,5 mg, 5 mg et 10 mg.

 

[11]           Dans une lettre datée du 27 août 2003, le ministre disait convenir que les capsules de ramipril de 2,5 mg, 5 mg et 10 mg étaient bioéquivalentes aux capsules d’ALTACE sur le fondement d’études de bioéquivalence relatives aux capsules de 10 mg et de la démonstration faite de la proportionnalité, par rapport à celles-ci, des capsules de 2,5 mg et 5 mg, conformément à la politique sur la bioéquivalence des formulations proportionnelles. La demanderesse avait donc droit à un avis de conformité à l’égard de ces dernières capsules, sous réserve du respect du Règlement.

 

[12]           Le 6 novembre 2003, l’innovateur s’est vu délivrer un autre avis de conformité à l’égard d’ALTACE par suite de la présentation n° 082094 (le 6e avis de conformité). L’innovateur a fait inscrire au registre le brevet 549 après sa délivrance le 17 mars 2005 et le brevet 387 après sa délivrance le 21 juin 2005. Ces brevets ont été inscrits pour une nouvelle indication – le traitement suivant une crise cardiaque. La demanderesse ne vise toutefois pas à ce que ses capsules de ramipril générique soient approuvées pour le traitement des crises cardiaques. En d’autres termes, elle ne cherche pas à utiliser l’enseignement des brevets  387 et 547.

 

[13]           Le 30 décembre 2005, soit après la délivrance du 6e avis de conformité et l’inscription des brevets 387 et 549, la demanderesse a déposé la PASDN visant ses capsules de 1,25 mg de ramipril générique.

 

[14]           Dans sa PASDN, la demanderesse demandait à être dispensée de l’obligation de soumettre des études de biodisponibilité distinctes démontrant la bioéquivalence entre sa capsule de ramipril générique de 1,25 mg et la capsule d’ALTACE de 1,25 mg. Elle proposait de démontrer plutôt la proportionnalité entre sa capsule de ramipril générique de 1,25 mg et de sa capsule de ramipril de 10 mg ayant fait l’objet de sa PADN originale.

 

[15]           Le 3 novembre 2006, la Cour suprême du Canada a rendu l’arrêt AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CSC 49, [2006] 2 R.C.S. 560.

 

[16]           Le juge Ian Binnie, s’exprimant pour l’ensemble de la Cour suprême dans AstraZeneca, y a décrit les interactions et liens existant entre la Loi sur les aliments et drogues, L.R.C. 1985, ch. F-27 et le Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C. 1978, ch. 870 ainsi que la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P-4, et le Règlement. Il s’est ensuite penché sur les faits de l’affaire et a fait remarquer qu’AstraZeneca avait mis au point le Losec 20 pour le traitement des affections de l’estomac causées par l’hyperacidité. C’est le Losec 20 formulé à cette fin qu’Apotex demandait l’autorisation de copier. Toutefois, des brevets ont été inscrits au registre à l’égard d’une nouvelle version subséquent du Losec 20. Le brevet 037 décrivait une nouvelle forme posologique par administration orale et un nouveau procédé de fabrication et le brevet 470 enseignait une nouvelle forme d’oméprazole. Toutefois, cette nouvelle version du Losec 20, conçue pour le traitement de H. Pylori, n’a jamais été commercialisée.

 

[17]           La Cour suprême du Canada a statué qu’en de telles circonstances, Apotex n’avait pas à traiter des brevets 037 et 470, puisque la drogue qui y était décrite n’avait jamais été commercialisée et ne pouvait donc pas être la drogue de référence utilisée par Apotex pour démontrer la bioéquivalence de son produit.

 

[18]           La Cour suprême a fait état du paragraphe 5(1) du Règlement, qui prévoit ce qui suit :

 

5. (1) Dans le cas où la seconde personne dépose une présentation pour un avis de conformité à l’égard d’une drogue, laquelle présentation, directement ou indirectement, compare celle-ci à une autre drogue commercialisée sur le marché canadien aux termes d’un avis de conformité délivré à la première personne et à l’égard de laquelle une liste de brevets a été présentée — ou y fait renvoi —, cette seconde personne doit, à l’égard de chaque brevet ajouté au registre pour cette autre drogue, inclure dans sa présentation :

a) soit une déclaration portant qu’elle accepte que l’avis de conformité ne sera pas délivré avant l’expiration du brevet;

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(i) la déclaration présentée par la première personne aux termes de l’alinéa 4(4)d) est fausse,

(ii) le brevet est expiré,

(iii) le brevet n’est pas valide,

(iv) elle ne contreferait aucune revendication de l’ingrédient médicinal, revendication de la formulation, revendication de la forme posologique ni revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal en fabriquant, construisant, utilisant ou vendant la drogue pour laquelle la présentation est déposée.

 

5. 1) If a second person files a submission for a notice of compliance in respect of a drug and the submission directly or indirectly compares the drug with, or makes reference to, another drug marketed in Canada under a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the second person shall, in the submission, with respect to each patent on the register in respect of the other drug,

 

(a) state that the second person accepts that the notice of compliance will not issue until the patent expires; or

(b) allege that

(i) the statement made by the first person under paragraph 4(4)(d) is false,

 

(ii) the patent has expired,

(iii) the patent is not valid, or

 

(iv) no claim for the medicinal ingredient, no claim for the formulation, no claim for the dosage form and no claim for the use of the medicinal ingredient would be infringed by the second person making, constructing, using or selling the drug for which the submission is filed.

[19]           La Cour suprême a déclaré ce qui suit à ce sujet :

36        Dans cette perspective, il me semble inéluctable que le terme « une autre drogue » au par. 5(1) renvoie à la véritable drogue de comparaison — et non à une drogue qui n’a jamais été disponible pour comparaison — et que le membre de phrase « à l’égard de chaque brevet inscrit au registre qui se rapporte à cette autre drogue » revêt le même sens.

 

37        L’ensemble de l’obligation que le Règlement AC impose au fabricant de produits génériques se fonde sur ses « travaux préalables » à l’égard des brevets qu’il incorpore à « une autre drogue pour en démontrer la bioéquivalence ».  La seule drogue qui correspond à cette description est la version du Losec 20 approuvée dans l’AC du 19 juin 1989.

 

H.  L’objet général de la loi

 

38        Je répète que le législateur a pris le Règlement AC dans le but déclaré de permettre aux fabricants d’effectuer les travaux préalables relatifs à l’invention brevetée (par. 55.2(4)).  Comme Apotex n’a pas utilisé les inventions brevetées décrites aux brevets 037 et 470, elle n’a pas à cet égard contrevenu au Règlement AC   

 

39        En imposant le délai de 24 mois prévu par le Règlement AC, la Cour d’appel fédérale compromet l’atteinte de l’équilibre recherché par le législateur entre les objectifs de la LAD et son règlement (mettre à la disposition du public des drogues efficaces et non nocifs) et ceux de la Loi sur les brevets et son règlement (prévenir le recours abusif à l’exception à la contrefaçon de brevets qui concerne les travaux préalables).  Étant donné la stratégie commerciale évidente (et tout à fait compréhensible) des sociétés pharmaceutiques innovatrices qui consiste à perpétuer les brevets à l’égard de leurs produits en ajoutant des caractéristiques secondaires à un produit originel même après l’expiration du brevet relatif à ce produit, la décision de la Cour d’appel fédérale récompenserait cette pratique même si le fabricant de produits génériques (et donc le public) ne retire aucun bénéfice des brevets inscrits ultérieurement au registre.  À mon avis, le par. 5(1) du Règlement AC exige une analyse portant sur des brevets précis, à savoir que le fabricant de produits génériques n’a besoin de traiter que des brevets inscrits à l’égard des demandes visées par l’AC relatif à la drogue de comparaison, en l’occurrence la version de 1989 du Losec 20.

 

40        Si AstraZeneca avait commercialisé un produit Losec 20 fondé sur les AC obtenus ultérieurement et si Apotex avait fait référence à ce produit modifié pour démontrer la bioéquivalence de son produit, Apotex aurait eu à déposer un avis d’allégation à l’égard des brevets 037 et 470.

 

41        Or, il est clair qu’AstraZeneca n’a jamais commercialisé de produit fondé sur les AC subséquents et que les conditions préalables à toute obligation que pourrait avoir Apotex aux termes du par. 5(1) ne sont donc pas réunies.

 

[20]           Le ministre reconnaît que, pour donner suite à l’arrêt AstraZeneca, il a élaboré une politique informelle (la première politique) en vertu de laquelle un fabricant de génériques n’était pas tenu de traiter des brevets inscrits en regard de présentations déposées après l’acquisition par ce fabricant de la drogue de comparaison canadienne d’un innovateur. Il en découle qu’en l’espèce, la date de la facture devait faire office de date de démarcation.

 

[21]           Le juge Roger Hughes a décrit cette politique comme suit dans la décision Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 300, 55 C.P.R. (4th) 271 (paragraphes 63 et 64) :

63                Dès la publication de l’arrêt AstraZeneca au début de novembre 2006, le ministre, en partie sous l’aiguillon de certains fabricants de génériques, a entrepris l’élaboration d’un processus qui permettrait de traiter la question de savoir si le fabricant du générique est tenu de traiter un ou plusieurs brevets particuliers sur la liste de brevets. Ce processus est exposé dans les affidavits d’Anne Elizabeth Bowes, directrice adjointe de la Direction des produits thérapeutiques (DPT), qui est l’unité relevant du ministre de la Santé chargée du Règlement AC. Ce processus porte seulement sur les demandes de PADN soumises par les fabricants de génériques avant la modification du Règlement AC du 5 octobre 2006. Mme Bowes explique que le processus comporte deux étapes : 

 

1.      Premièrement, la date à laquelle le fabricant du générique a acheté la drogue de comparaison sert à déterminer les avis de conformité qui ont été délivrés à l’égard de la drogue de comparaison. Selon la position du ministre, le fabricant du générique doit traiter tous les brevets inscrits sur la liste en rapport avec l’avis de conformité pertinent à compter de cette date.

 

2.      Deuxièmement, dans le cas où d’autres avis de conformité ont été délivrés à l’innovateur après la date d’achat de la drogue de comparaison, le ministre décide si le fabricant du générique a ou n’a pas utilisé les changements apportés à la drogue de comparaison depuis la date d’achat originale. Dans l’affirmative, le fabricant du générique doit traiter tous les brevets ajoutés à la liste de brevets après la date d’achat qui sont pertinents à l’égard des changements dont il a tiré parti.

 

64     La preuve établit que le ministre prend en considération les observations du fabricant du générique ou de ses avocats sur la date d’achat de la drogue de comparaison et sur le fait de savoir si le fabricant du générique a tiré parti de tout avis de conformité ultérieur délivré à l’innovateur. De même, le ministre prend en compte des éléments qui sont évidents au dossier de la demande de PADN du fabricant du générique, comme la date à laquelle les données sur la drogue de comparaison ont été déposées, en vue d’établir la date la plus tardive à laquelle cette drogue aurait pu être achetée. La « date par défaut » pour établir l’achat de la drogue de comparaison, en l’absence d’autres renseignements, est réputée être la date de dépôt de la PADN.

 

[22]           Le juge Hughes a statué que la première politique du ministre était en conformité avec le raisonnement tenu par la Cour suprême dans l’arrêt AstraZeneca (paragraphe 65); la Cour d’appel fédérale a confirmé la décision du juge Hugues (2007 CAF 276).

 

[23]           Le juge Hughes a toutefois laissé entendre dans la décision Ferring, à titre d’obiter dictum, qu’il pourrait être à-propos de modifier comme suit (paragraphe 65) la première politique du ministre :

Si je devais modifier cette politique, je le ferais sous deux aspects. […] La date de dépôt de la PADN par le fabricant du générique serait meilleure [que la date d’achat de la drogue de comparaison], car elle figure au dossier et elle est logiquement la dernière date à laquelle le fabricant du générique aurait pu obtenir la drogue de comparaison.

 

 

[24]           Par suite de cette suggestion faite par le juge Hughes dans la décision Ferring, le ministre a modifié sa politique pour faire en sorte qu’aient à être traités tous les brevets inscrits à la date du dépôt d’une PADN ou d’une PASDN à l’égard de la version générique d’une drogue (la seconde politique).

 

[25]           Se fondant sur l’arrêt AstraZeneca et la première politique, la demanderesse a demandé au ministre de confirmer qu’elle n’était pas tenue de traiter des brevets 387 et 549 dans le cadre de sa PASDN visant ses capsules de ramipril générique de 1,25 mg. Le ministre n’a pas répondu à cette demande même si, semble-t-il, Novopharm et Apotex ont pour leur part obtenu les autorisations requises, sur le fondement de la première politique, pour leurs versions génériques du ramipril.

 

[26]           Le 12 avril 2007, le ministre a rendu la Décision, portant qu’en vertu de l’article 5 du Règlement le demandeur devait traiter des brevets 387 et 549 au sujet des capsules de ramipril générique de 1,25 mg faisant l’objet de la PASDN du 30 décembre 2005.

 

[27]           Dans une lettre datée du 30 avril 2007, la demanderesse a sollicité le réexamen de la partie de la Décision concernant les capsules de 1,25 mg, demande que le ministre a rejetée par lettre datée du 8 juin 2007.

 

[28]           Par ailleurs, dans une lettre datée du 17 mai 2007, le ministre a accordé dispense de l’obligation de fournir des données sur la biodisponibilité dans le cadre de la PASDN, et reconnu que les capsules de ramipril d’une concentration de 1,25 mg de la demanderesse était bioéquivalentes, au titre de la politique sur la bioéquivalence des formulations proportionnelles, aux capsules d’ALTACE de même concentration. Sous réserve du respect du Règlement, la demanderesse avait donc droit à la délivrance d’un avis de conformité pour ses capsules de 1,25 mg.

 

[29]           Le tableau qui suit se fonde sur un tableau figurant dans l’exposé conjoint des faits. On y énumère les avis de conformité que l’innovateur s’est vu délivrer à l’égard de l’ALTACE, ainsi que  les présentations qui ont donné lieu à ces avis de conformité et les brevets inscrits au Registre des brevets en rapport avec ces présentations :

Date de l’avis de conformité

N° de la présentation

Date de dépôt de la présentation

Motif de la présentation

N° du brevet

Date de dépôt du brevet

Date de l’ajout

 

 

 

 

 

 

 

 

Les avis de conformité antérieurs

3 oct. 1993

08257

7 juillet 1992

Présentation de drogue nouvelle

206

20 oct. 1981

11 avril 2001

 

 

 

 

948

26 nov. 1991

25 juin 2004

30 sept. 1994

24206

10 mars 1994

Énoncé d’un processus de fabrication modifié

206

089

948

20 oct. 1981

10 août 1990

26 nov. 1991

11 avril 2001

10 nov. 2003

25 juin 2004

5 juin 1996

043465

13 mai 1996

(Fusion de société)

206

089

948

20 oct. 1981

10 août 1990

26 nov. 1991

11 avril 2001

10 nov. 2003

25 juin 2004

31 déc. 1996

033131

24 déc. 1994

Indication supplémentaire : traitement à la suite d’un infarctus aigu du myocarde

206

089

948

20 oct. 1981

10 août 1990

26 nov. 1991

11 avril 2001

10 nov. 2003

25 juin 2004

 

 

 

 

 

 

 

Le 10 juillet 2000 – la facture

Le 5e avis de conformité

13 fév. 2001

066094

3 avril 2000

Nouvelle indication: le traitement des patients à risque cardio-vasculaire aggravé

206

089

948

20 oct. 1981

10 août 1990

26 nov. 1991

11 avril 2001

10 nov. 2003

25 juin 2004

 

Le 4 septembre 2001 – la PADN

Le 6e avis de conformité

6 nov. 2003

082094

15 janv. 2003

Mise à jour de la section sur la pharmacologie clinique de la monographie eu égard au traitement des patients à risque cardiovascu-laire aggravé

206

948

549

387

20 oct. 1981

26 nov. 1991

30 août 2000

25 août 2000

19 nov. 2003

30 juin 2004

17 mars 2005

28 juin 2005

Le 30 décembre 2005 – la PASDN

29 mai 2006

105810

8 mai 2006

Changement de dénomination du fabricant

206

089

948

549

387

20 oct. 1981

10 août 1990

26 nov. 1991

30 août 2000

25 août 2000

2 juin 2006

2 juin 2006

2 juin 2006

2 juin 2006

2 juin 2006

[Je souligne.]

 

[30]           Comme le fait voir le tableau ci-dessus, le 10 juillet 2000, soit la date de l’achat des échantillons d’ALTACE aux fins des essais comparatifs de la demanderesse, les avis de conformité délivrés à l’innovateur relativement au ramipril étaient les avis de conformité antérieurs. En date du 4 septembre 2001, soit la date du dépôt de la PADN de la demanderesse, le 5e avis de conformité avait également été délivré à l’innovateur par suite de la présentation n° 066094, mais aucun nouveau brevet n’avait été inscrit au registre en rapport avec le 5e avis de conformité. Une fois la PASDN déposée, toutefois, le 6e avis de conformité avait été délivré et les brevets 549 et 387 avaient été inscrits au registre.

 

ANALYSE

 

[31]           La demanderesse soutient que l’arrêt AstraZeneca s’applique aux faits d’espèce. Selon moi, toutefois, les faits diffèrent dans l’une et l’autre affaire. Dans la présente affaire, contrairement à l’affaire AstraZeneca, la drogue visée par les brevets 387 et 549 est commercialisée. La preuve révèle cependant qu’en l’espèce, tout comme dans l’affaire AstraZeneca, la drogue de comparaison, qui a été approuvée pour le traitement de l’hypertension, n’est pas visée par les brevets 387 et 549, et la demanderesse ne cherche pas à ce que sa drogue soit approuvée pour le traitement des patients à risque cardiovasculaire aggravé. Cela veut dire que la demanderesse, pour paraphraser le paragraphe 38 de l’arrêt AstraZeneca, n’a pas en fait utilisé les inventions brevetées décrites aux brevets 387 et 549.

 

[32]           Le fait qu’en l’espèce la demanderesse aurait pu utiliser ces derniers brevets (tandis que dans l’affaire AstraZeneca une telle utilisation était impossible) ne change en rien ce que j’estime être le principe fondamental énoncé dans l’arrêt AstraZeneca. Ce principe est le suivant : un fabricant de générique n’a à traiter que des brevets inscrits en rapport avec les avis de conformité déposés au moment où il a acheté la drogue de comparaison qu’il a choisie aux fins de sa PADN. Le ministre a par conséquent commis une erreur de droit en exigeant que la demanderesse traite des brevets 387 et 549.

 

La norme de contrôle

 

[33]           La Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt AstraZeneca (paragraphe 25) que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte. Compte tenu toutefois d’un autre arrêt de la Cour suprême, Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick¸ 2008 CSC 9, la Cour pourrait maintenant conclure que la norme applicable est celle de la décision raisonnable. Cependant, même si tel était le cas, l’application de la seconde politique par le ministre dans la décision ici en cause n’a pas constitué une interprétation raisonnable de l’arrêt AstraZeneca. Dans la décision, en effet, on a fait abstraction de l’obligation de procéder à une analyse portant sur des brevets précis ainsi que de l’existence de la facture, et on a statué que la demanderesse était tenue de traiter de brevets n’ayant rien à voir avec l’objet visé par elle en fabriquant une version générique du ramipril.

 

Prétentions du ministre

 

[34]           Le ministre souhaite échapper à l’obligation, imposée par la Cour suprême dans l’arrêt AstraZeneca, de procéder à une analyse portant sur des brevets précis. Il suggère comme approche que, si un différend se soulève quant à savoir de quels brevets il faudrait traiter, on intente une procédure d’interdiction, la Cour devant alors trancher le différend dans le cadre d’une requête en jugement sommaire présentée en application du paragraphe 6(5) du Règlement.

 

[35]           J’ai rejeté cette approche pour les trois motifs suivants :

a)                  Premièrement, au paragraphe 22 de l’arrêt AstraZeneca, la Cour suprême du Canada a déclaré que le ministre avait pour rôle de préciser les brevets sur lesquels un fabricant de produits génériques peut se fonder pour les « travaux préalables ».

b)                  Deuxièmement, comme la Cour suprême du Canada a qualifié de « draconien » le régime de la procédure d’interdiction visé au Règlement, en raison du sursis qui en découle automatiquement, on ne devrait pas recourir à ce régime en vue de dégager le ministre de ses responsabilités (se reporter à Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, [1998] 2 R.C.S. 193, paragraphe 33).

c)                  Troisièmement, il n’est pas ardu de procéder à une analyse portant sur des brevets précis. Dans la plupart des cas, des factures feront voir quelle drogue le fabricant de génériques a achetée à titre de drogue de référence ou de comparaison. Dans d’autres cas, des rapports d’étude ou des dépôts sous le régime de la LAD connexes permettront de constater quelles drogues ont été utilisées à des fins de comparaison; on peut en effet présumer que l’achat a précédé l’étude. Si toutefois un différend subsiste, ou en l’absence de preuve crédible, on pourra recourir, comme solution de repli, à la date de présentation de la PADN ou de la PASDN. Si enfin la décision du ministre pose problème, elle pourra toujours faire l’objet d’un contrôle judiciaire.

 

ORDONNANCE

 

            VU les documents déposés ainsi que les observations des avocats de chacune des parties que j’ai entendues à Toronto (Ontario), le 12 février 2008;

 

LA COUR ORDONNE, pour les motifs énoncés précédemment, que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, et que le ministre examine de nouveau la demande présentée par le demandeur, en appliquant la première politique de telle manière que le demandeur n’ait pas à traiter des brevets 387 et 549.

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-837-07

                                                           

 

 

INTITULÉ :                                       PHARMASCIENCE INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET AL.

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 12 FÉVRIER 2008

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE SIMPSON

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :             LE 29 JUILLET 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

DONALD MACODRUM                                                       POUR LA DEMANDERESSE

MARK MITCHELL

 

 

FREDERICK WOYIWADA                                                   POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

LANG MICHENER LLP                                                        POUR LA DEMANDERESSE

AVOCATS

TORONTO (ONTARIO)

 

JOHN H. SIMS, c.r.                                                                POUR LES DÉFENDEURS

OTTAWA (ONTARIO)

 

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