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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080724

Dossier : T-1775-07

Référence : 2008 CF 905

Ottawa (Ontario), le 24 juillet 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

Entre :

PAO CHI CHU

demandeur

et

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

motifs du jugement et jugement

 

[1]               M. Pao Chi Chu (le demandeur) interjette appel au titre du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi), et au titre de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, d’une décision du 5 septembre 2007 (la décision) de rejet de sa demande de citoyenneté rendue conformément au paragraphe 14(3) de la Loi par un juge de la citoyenneté (le juge).

 

[2]               Le demandeur est né à Taïwan et est un citoyen de la République populaire de Chine.

 

[3]               Le demandeur ainsi que son épouse et sa fille ainée sont entrés pour la première fois au Canada, comme résidents permanents, le 13 janvier 1988.

 

[4]               L’épouse du demandeur et sa fille ainée sont maintenant canadiennes. Le demandeur a aussi une deuxième fille, qui est née au Canada.

 

[5]               Le 8 février 1988, peu après son arrivée au Canada, le demandeur est retourné travailler à Taiwan.

 

[6]               Le demandeur a continué à passer la plupart de son temps à Taiwan au cours des quinze années suivantes, jusqu’au 3 juin 2003, où il est revenu au Canada. Il est resté au Canada jusqu’au 29 mars 2006, date à laquelle il a présenté une demande de citoyenneté (la demande). Par la suite, en juin 2006, il est retourné travailler à Taiwan.

 

[7]               Le 2 octobre 2006, on a demandé au demandeur de remplir un questionnaire sur la résidence. Le 27 octobre 2006, le demandeur a renvoyé un questionnaire partiellement rempli et par l’intermédiaire de son avocat, il s’est opposé au formulaire de la façon suivante :

[traduction]

Le questionnaire sur la résidence est un formulaire conçu pour les personnes qui font une demande de citoyenneté basée sur un mode de vie centralisé, qui sont résidentes de fait au Canada et ne sont pas physiquement résidentes. M. Chu fait une demande en tant que résident à temps plein. Le formulaire ne convient pas à sa situation, car les questions portent sur des périodes qui remontent à l’époque de l’arrivée de M. Chu et sur sa situation d’emploi en dehors des trois ou quatre années précédant la demande. Pour être admissible en tant que résident à temps plein, M. Chu est seulement tenu de prouver, selon la prépondérance de la preuve, qu’il a le nombre de jours requis. Son relevé des déplacements et son passeport à eux seuls répondent à cette question.

 

 

[8]               Dans sa demande, le demandeur a déclaré qu’il avait été physiquement présent pendant 1 100 jours au cours de la période de quatre ans qui va du 29 mars 2002 au 29 mars 2006 (la période). Soit cinq jours de plus que l’exigence de 1 095 jours.

 

[9]               Toutefois, le demandeur a omis de déclarer un séjour aux États-Unis en août 2002 au cours duquel il a obtenu le statut de résident permanent dans ce pays.

 

[10]           En conséquence, les parties sont d’accord que le demandeur n’était pas physiquement présent au Canada pendant les 1 095 jours requis. Le juge a conclu que le demandeur avait été présent au Canada pendant 1 090 jours, ou cinq jours de moins que le nombre de jours requis. Le demandeur n’est pas d’accord, il déclare qu’il ne lui manquait que deux jours par rapport à l’exigence, mais la décision n’a pas été centrée sur cette différence.

 

[11]           Puisque le demandeur n’avait pas les 1 095 jours de présence physique requis, le juge a aussi examiné le moment où le demandeur est devenu un résident fonctionnel au Canada, suivant en cela le juge James O’Reilly dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Nandre, 2003 CFPI 650, 234 F.T.R. 245. Dans cette décision, le juge O’Reilly a décidé que si un demandeur établit sa résidence fonctionnelle au Canada au moins 1 095 jours avant sa demande de citoyenneté, alors le demandeur peut répondre au critère de résidence malgré qu’il n’ait pas 1 095 jours de présence physique.

 

[12]           Le juge de la citoyenneté a conclu que le demandeur avait établi sa résidence fonctionnelle le 3 juin 2003. Toutefois, cela signifiait qu’il avait seulement 1 030 jours de résidence et non pas les 1 095 jours requis.

 

[13]           Selon le demandeur, le juge : 

1.                  a commis une erreur lorsqu’il a omis a d’inclure dans ses calculs les périodes pendant lesquelles le demandeur était au Canada après son arrivée, mais avant d’avoir établi sa résidence fonctionnelle le 3 juin 2003;

2.                  a commis une erreur lorsqu’il a appliqué le critère de résidence fonctionnelle sans en avertir le demandeur.

 

LA Norme de contrôle

 

[14]           Le premier point met en jeu une question de droit qui relève du domaine d’expertise spécialisée du juge. Pour cette raison, sur la base d’une analyse des principes établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 55, j’ai conclu que la norme de contrôle appropriée est la raisonnabilité. Le deuxième point est une question d’équité qui ne commande pas la déférence.

 

ANALYSE

 

[15]           À mon avis, il est bien établi en droit que seules les périodes de résidence, après que la résidence fonctionnelle est établie, sont comptées.

 

[16]           Sur ce point, je me fonde sur l’analyse du juge Denis Pelletier dans la décision Sud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1999), 180 F.T.R. 3, dans laquelle il a déclaré ce qui suit au paragraphe 5 :

5 La résidence ne commence à s'accumuler que lorsqu'elle a été établie. Ce principe a été confirmé par la Cour d'appel fédérale peu après la décision du juge Thurlow dans Re Papadogiorgakis [1978] 2 R.C.F. 208, dans une affaire appelée Re Pattni [1980] A.C.F. no1017. Dans Papadogiorgakis, le juge Thurlow a établi le principe de résidence par déduction par lequel les périodes d'absence du Canada pourraient entrer dans le calcul de l'exigence de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Il est implicite dans Papadogiorgakis que la résidence doit d'abord être établie avant que des périodes d'absence puissent compter à titre de périodes de résidence. Cela a été rendu explicite dans Pattni :

 

Pour que les absences physiques du Canada puissent quand même être assimilées à une résidence au pays, le requérant doit d'abord avoir établi une telle résidence au Canada.

 

[17]           J’ai examiné les observations du demandeur présentées après l’audience et je ne suis pas convaincue par son interprétation de la décision Sud. Au contraire, je suis d’accord avec la conclusion du juge Edmond Blanchard dans la décision Zhang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 483, [2008] A.C.F. nº 603, dans laquelle il dit que dans la décision Nandre, le juge O’Reilly a clairement énoncé qu’un demandeur doit d’abord prouver qu'il a établi sa résidence, puis qu'il l’a maintenue pendant trois des quatre années précédant la demande de citoyenneté.

 

[18]           Selon moi, aucun précédent ne permet d’étayer l’allégation du demandeur selon laquelle lorsqu’on mène une analyse de la résidence fonctionnelle, il faut créditer le demandeur du temps qu’il a passé au Canada en tant que résident permanent avant d’établir sa résidence fonctionnelle.

 

[19]           En ce qui a trait au deuxième point, le juge n’avait pas l’obligation d’examiner la résidence fonctionnelle. Le demandeur a établi très clairement dans sa réponse laconique au questionnaire sur la résidence que sa demande reposait uniquement sur sa présence physique. En conséquence, dès qu’il a été décidé à bon droit que la présence physique était insuffisante, l’affaire était close; voir la décision Pourghasemi (1993), 62 F.T.R. 122. Dans ces circonstances, le juge n’avait aucune obligation d’avertir le demandeur que sa demande était examinée sur la base d’un autre critère.

 


JUGEMENT

 

ATTENDU QUE j’ai examiné les documents déposés;

 

ATTENDU QUE j’ai entendu les observations des avocats des deux parties à Vancouver le 27 mars 2008;

 

ET ATTENDU QUE j’ai examiné les observations présentées par les avocats des deux parties après l’audience;

La cour statue que, pour les motifs énoncés ci‑dessus, le présent appel est rejeté avec dépens.

 

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              T-1775-07

 

INTITULÉ :                                             PAO CHI CHU. c. LE MINISTRE DE LA

      CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       VANCOUVER (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 27 MARS 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                  LA JUGE SIMPSON

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 24 JUILLET 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lawrence Wong

 

POUR LE DEMANDEUR

Hilla Aharon

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wong Pederson

Cabinet d’avocats

Vancouver (C.‑B.)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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