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Date : 20080710

Dossier : T-1517-07/T-1518-07

Référence : 2008 CF 857

Winnipeg (Manitoba), le 10 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

BAYER INC.

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

VUE D’ENSEMBLE

 

[1]               Bayer Inc. (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire d'une décision du ministre de la Santé (le ministre) signifiée par lettre en date du 17 juillet 2007 (la décision), selon laquelle le brevet canadien no 2,167,970 (le brevet ‘970) n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets.

 

[2]               Le ministre a en effet conclu que le brevet ‘970 ne répondait pas aux conditions prévues par les modifications apportées, le 5 octobre 2006, au Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) (le Règlement AC ou le Règlement). En ce qui concerne la première des deux demandes (T-1517-07), celle visant le médicament CLIMARA, le ministre a décidé que le brevet ‘970 ne pouvait pas, au vu des paragraphes 4(3) et 4.1(2) du Règlement AC, être inscrit au registre des brevets au titre des suppléments à une présentation de drogue nouvelle (SPDN) numéros 065262 (SPDN 262) et 102243 (SPDN 243). Le ministre a estimé que le brevet ‘970 ne comporte pas de revendication d’une modification de la formulation ou de l’utilisation de l’ingrédient médicinal. Le ministre a également conclu que le SPDN 262 ne comportait aucune revendication d’une modification de la forme posologique, la forme posologique approuvée dans la présentation de drogue nouvelle initiale (PDN 041280) étant la même que la forme posologique figurant au SPDN 262. Le ministre a par ailleurs conclu que le brevet ‘970 ne contenait aucune revendication d’une forme posologique différente.

 

[3]               La seconde demande, portant le numéro T-1518-07, concerne la décision du ministre voulant que le brevet ‘970 ne puisse pas, aux termes des paragraphes 4(2) et 4.1(2) du Règlement AC, être inscrit au registre des brevets en tant que présentation de drogue nouvelle (PDN) sous les numéros 090778 (PDN 778) et 112524 (PDN 524), le ministre estimant que le brevet en question [traduction] « ne renferme aucune revendication de la forme posologique approuvée du médicament MENOSTAR, soit un timbre transdermique ».

 

[4]               Étant donné la similitude des deux demandes, et le fait qu’elles visent toutes deux une même décision, les deux demandes peuvent être examinées et tranchées en même temps.

 

LE CLIMARA et LE MENOSTAR

 

[5]               Les médicaments CLIMARA et MENOSTAR sont commercialisés au Canada par la demanderesse. Le CLIMARA est indiqué dans le traitement de symptômes ménopausiques et postménopausiques dus à une carence oestrogénique survenant naturellement ou induite par une intervention chirurgicale. Le MENOSTAR est indiqué pour la prévention de l’ostéoporose postménopausique chez les femmes dont la ménopause remonte à au moins cinq ans et qui présentent des signes d’ostéopénie (avec un indice de teneur minérale de l’os situé entre -1 et -2,5). L’ingrédient médicinal tant du CLIMARA que du MENOSTAR est le semi-hydrate d’œstradiol, les deux médicaments étant vendus au Canada sous forme de « timbre ».

 

[6]               Le timbre transdermique est appliqué directement sur l’épiderme. Il assure un apport systémique continu d'œstrogène en relâchant de l’œstradiol-17ß, la principale hormone oestrogénique sécrétée par l’ovaire. Les timbres transdermiques sont de deux types, le type « membrane » et le type « matrice ». Les timbres CLIMARA et MENOSTAR sont du type matrice. La couche matricielle est montrée entre une couche externe et une couche adhésive comportant une bande qui assure la libération de l’ingrédient médicinal. Dans les versions plus récentes, la matrice et la bande adhésive ne font plus qu’une seule couche.

 

[7]               Le CLIMARA et le MENOSTAR sont vendus par boîte de quatre timbres. Chaque timbre est dans un emballage protecteur scellé appelé [traduction] « pochette » dans la monographie de produit. Une substance dessiccative se trouve à l’intérieur de cette pochette protectrice. Pour employer le CLIMARA ou le MENOSTAR, le patient n’a qu’à ouvrir la pochette, retirer le timbre et l’appliquer sur la peau en suivant les indications. La pochette et le dessiccatif sont jetés avant l’application du timbre.

 

[8]               La PDN du CLIMARA a initialement été déposée le 27 décembre 1995 par Berlex Canada Inc., le fabricant de ce médicament. Un Avis de conformité a été délivré à Berlex le 16 juin 1997. Le CLIMARA a alors été approuvé en deux concentrations : 3,9 mg (le CLIMARA 50) et 7,8 mg (le CLIMARA 100). Le 3 janvier 2007, Berlex et la demanderesse ont procédé au fusionnement de leurs activités pharmaceutiques.

 

[9]               Depuis sa première homologation, le CLIMARA a fait l’objet de plusieurs SPDN en vue de faire approuver des modifications apportées aux présentations initiales. En ce qui concerne la demande T-1517-07, les deux SPDN suivantes, déposées respectivement le 1er février 2000 et le 31 octobre 2005, sont à retenir :

 

a)             Le SPDN 065262 a été déposé par Berlex en vue de l’homologation de deux nouvelles concentrations du CLIMARA, la version 2,0 mg (CLIMARA 25) et la version 5,85 mg (CLIMARA 75) et de l’homologation d’une nouvelle indication pour le CLIMARA, en l’occurrence la prévention de l’ostéoporose postménopausique. Ce SPDN a été approuvé en partie par la délivrance d’un Avis de conformité le 9 mars 2004. Le CLIMARA 25 n’a, lui, pas été homologué;

b)             Le SPDN 102243 a été déposé par Berlex en vue de l’homologation d’une monographie de produit révisée. L’Avis de conformité a été délivré le 11 septembre 2006.

 

[10]           La PDN originale concernant le MENOSTAR a été déposée le 2 avril 2004 par Berlex Canada Inc., le fabricant. Un Avis de conformité lui a été délivré le 8 août 2005. Le 5 mars 2007, une PDN administrative a été déposée afin d’indiquer dorénavant la demanderesse, et non plus Berlex, comme fabricant du MENOSTAR. Ce changement a été approuvé par la délivrance d’un Avis de conformité le 20 mars 2007.

 

LE BREVET ‘970

 

[11]           Le brevet ‘970 est intitulé [traduction] « Dispositif d’administration transdermique de médicament comportant un dessiccatif ». La demande a été déposée le 24 janvier 1996 et le brevet délivré le 10 avril 2007. Le brevet ‘970 appartient à la Minnesota Mining and Manufacturing Company (3M). La demanderesse a obtenu l’autorisation de 3M d’inscrire le brevet ‘970 sur la liste des brevets au titre du CLIMARA et du MENOSTAR.

 

[12]           Aux termes du paragraphe 4(6) du Règlement AC, la demanderesse devait, dans les 30 jours suivant la délivrance du brevet ‘970, proposer son adjonction au registre des brevets tenu par le ministre, en rapport avec toute présentation de drogue pouvant faire l’objet d’une telle inscription. La date de dépôt du brevet ‘970 précédant les dates de dépôt des SPDN en question, la demanderesse a pu, par lettre en date du 9 mai 2007, déposer le brevet ‘970 en vue de son inscription au titre du SPDN du CLIMARA approuvant les deux nouvelles concentrations, c’est‑à‑dire le CLIMARA 25 et le CLIMARA 75, et de la PDN originale du MENOSTAR et du changement apporté, dans les présentations, au nom du fabricant.

 

[13]           Le brevet ‘970 comporte 15 revendications. Les revendications 1 à 8, 10 et 11 concernent un [traduction] « dispositif d’administration transdermique de médicament », comprenant un excipient non aqueux, un dessiccatif et un emballage imperméable, l’excipient et le dessiccatif se trouvant à l’intérieur de l’emballage. Les revendications 9, et 12 à 15 du brevet ‘970 décrivent une méthode permettant d’éviter, au moyen de ce dispositif d’administration transdermique, la précipitation de l’ingrédient médicinal.

 

[14]           L’administration de médicaments par voie transdermique présente plusieurs avantages par rapport à la voie buccale, en particulier pour les médicaments susceptibles de provoquer des troubles gastro-intestinaux ou de subir, dans le foie, une inactivation sensible de premier passage qui fait que si le médicament est pris par voie buccale, il n’en reste plus grand-chose pour se diffuser dans l’organisme. En outre, l’administration transdermique peut accroître la durée d’action de médicaments ayant une demi-vie biologique relativement courte, c’est-à-dire des médicaments qui perdent rapidement leur effet pharmacologique, en leur permettant d’atteindre sur plusieurs jours, un taux d’absorption stable, ce qui permet d’éviter les fluctuations du taux de concentration du médicament dans le sang qui résulte en général des prises par voie buccale.

 

[15]           Dans l’administration de médicaments par voie transdermique, le médicament qui se trouve dans le dispositif doit être absorbé à travers la peau avant de se répandre dans l’organisme. Le principal obstacle à cette absorption transdermique est la couche superficielle de l’épiderme, la couche cornée. En général, l’absorption transdermique d’un médicament se fait assez lentement, par diffusion, celle-ci dépendant du gradient de concentration du médicament à travers cette couche cornée. Le médicament passe de zones où il se trouve plus concentré à des zones de moindre concentration (le dessous de la couche cornée).

 

[16]           Le brevet ‘970 décrit un problème susceptible de se produire avec les dispositifs transdermiques. La formation d’hydrates insolubles due à l’exposition du médicament à des vapeurs d’eau peut entraîner une précipitation inattendue de la drogue au sein de l’excipient et la précipitation de ces hydrates va entraîner une baisse du taux d’absorption. La formation de ces hydrates solides provient du fait que plusieurs éléments du dispositif d’administration transdermique contiennent forcément de petites quantités d’eau. Le brevet ‘970 décrit une des solutions permettant d’éviter cette précipitation, en l’occurrence par l’emploi d’un dessiccatif absorbant l’humidité ambiante.

 

[17]           Au dire de la demanderesse, le sachet dessiccatif décrit dans le brevet ‘970 fait partie intégrante du dispositif d’administration par voie transdermique décrit dans la revendication no 1 étant donné que c’est cela qui assure la stabilité du produit. Voici en quels termes est rédigée la revendication no 1 du brevet ‘970 :

[traduction]


Un dispositif d’administration transdermique de médicament, constitué : d’un excipient non aqueux comprenant un médicament dissout formant un hydrate solide lorsque exposé à la vapeur d’eau; d’un sachet dessiccatif perméable à la vapeur d’eau et définissant un compartiment déshydratant comprenant un dessiccatif; d’un emballage imperméable à l’intérieur duquel se trouvent l’excipient et le sachet dessiccatif.

 

 

[18]           Selon la demanderesse, si l’on sépare le sachet dessiccatif du reste du dispositif, on ne peut pas obtenir un médicament à l’œstradiol stable à administrer au moyen de ce dispositif d’administration voie transdermique à motrice intégrée.

 

LA DÉCISION DU MINISTRE

 

[19]           Dans une lettre en date du 30 mai 2007, le ministre a fait savoir à la demanderesse que le brevet ‘970 ne répondait pas aux conditions prévues dans le Règlement AC. La lettre donnait à la demanderesse trente (30) jours pour déposer des observations écrites concernant l’admissibilité du brevet ‘970, observations dont le ministre tiendrait compte avant de rendre sa décision définitive sur la question de l’admissibilité du brevet en question. Le 29 juin 2007, la demanderesse a remis ses observations, faisant valoir que le brevet ‘970 était effectivement admissible à l’adjonction au registre des brevets.

 

[20]           Dans une lettre en date du 17 juillet 2007, le ministre a fait connaître sa décision définitive quant à l’admissibilité du brevet ‘970. En ce qui concerne le CLIMARA, le ministre a estimé que le SPDN 262 déposé visait l’approbation d’une formulation modifiée afin de pouvoir commercialiser le médicament en deux nouvelles concentrations, soit le 2 mg et le 5,7 mg, ainsi que l’homologation d’une nouvelle indication médicale, en l’occurrence la prévention de l’ostéoporose postménopausique. Le ministre a estimé que le brevet ‘970 ne contenait aucune revendication d’une formulation modifiée ni de revendication d’une nouvelle indication médicale de ce produit homologué par la délivrance d’un Avis de conformité à l’égard du SPDN 262. Le ministre a également estimé que le brevet ‘970 ne contenait aucune revendication d’un changement de forme posologique et qu’il n’y avait aucun changement par rapport au SPDN 262 :

[traduction]

 
En outre, selon l’alinéa 4(3)b) du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), un brevet figurant sur une liste de brevets à l’égard d’un supplément à une présentation de drogue nouvelle est admissible à l’adjonction au registre si le supplément concerne un changement de la forme posologique et si le brevet contient une revendication de la forme posologique différente approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation. La forme posologique approuvée dans le supplément à une présentation de drogue nouvelle originale (présentation no 041280) concernant le produit ci-dessus est un timbre transdermique, avec la même forme posologique que celle qui est indiquée dans le supplément à une présentation de drogue nouvelle no 065262. […] Par conséquent, le supplément à une présentation de drogue nouvelle no 065262 ne fait état d’aucun changement de la forme posologique. Le brevet ‘970 ne contient en outre aucune revendication d’une forme posologique différente.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[21]           Le ministre a par conséquent conclu que le brevet ‘970 n’était pas admissible à l’adjonction au registre des brevets au titre des SPDN 262 et 243, estimant que le brevet ne répondait pas aux conditions prévues au paragraphe 4(3) du Règlement AC.

 

[22]           En ce qui concerne le MENOSTAR, le ministre a estimé que le brevet ‘970 ne répondait pas aux conditions prévues à l’alinéa 4(2)c) du Règlement AC, le brevet ‘970 ne contenant aucune revendication de la forme posologique approuvée pour le timbre MENOSTAR. Selon le ministre, les revendications du brevet ‘970 visaient un nouveau type d’emballage. Par conséquent, le brevet ‘970 ne serait pas admissible à l’adjonction au registre des brevets à l’égard des PDN 778 et 524.

[22]

LA QUESTION EN LITIGE

 

[23]           La seule question en litige dans le cadre des présentes demandes est la suivante :

 

1.                  Le brevet ‘970 répond-il aux conditions prévues aux paragraphes 4(3), 4(2) et 4.1(2) du Règlement AC et est-il par conséquent admissible à l’adjonction au registre des brevets?

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

 

[24]           Sont pertinentes en l’espèce les dispositions suivantes du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité) :

2. Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

« revendication de la forme posologique » Revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation. (claim for the dosage form)

 

« revendication de la formulation » Revendication à l’égard d’une substance qui est un mélange des ingrédients médicinaux et non médicinaux d’une drogue et qui est administrée à un patient sous une forme posologique donnée. (claim for the formulation)

 

4. (1) La première personne qui dépose ou a déposé la présentation de drogue nouvelle ou le supplément à une présentation de drogue nouvelle peut présenter au ministre, pour adjonction au registre, une liste de brevets qui se rattache à la présentation ou au supplément.

 

(2) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache à la présentation de drogue nouvelle, s’il contient, selon le cas :

 

a) une revendication de l’ingrédient médicinal, l’ingrédient ayant été approuvé par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

b) une revendication de la formulation contenant l’ingrédient médicinal, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

c) une revendication de la forme posologique, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation;

 

d) une revendication de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard de la présentation.

 

(3) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache au supplément à une présentation de drogue nouvelle visant une modification de la formulation, une modification de la forme posologique ou une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, s’il contient, selon le cas :

 

a) dans le cas d’une modification de formulation, une revendication de la formulation modifiée, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

b) dans le cas d’une modification de la forme posologique, une revendication de la forme posologique modifiée, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

c) dans le cas d’une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal, une revendication de l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément.

 

4.1 (2) La première personne qui présente une liste de brevets se rattachant à la présentation de drogue nouvelle visée au paragraphe 4(2) peut, si cette liste est ajoutée au registre, la présenter de nouveau à l’égard de tout supplément à cette présentation de drogue nouvelle; elle ne peut toutefois présenter de nouvelle liste se rattachant à un supplément donné qu’en conformité avec le paragraphe 4(3).

2. In these Regulations,

“claim for the dosage form” means a claim for a delivery system for administering a medicinal ingredient in a drug or a formulation of a drug that includes within its scope that medicinal ingredient or formulation; (revendication de la forme posologique)

 

 

 

 

“claim for the formulation” means a claim for a substance that is a mixture of medicinal and non-medicinal ingredients in a drug and that is administered to a patient in a particular dosage form; (revendication de la formulation)

 

4. (1) A first person who files or who has filed a new drug submission or a supplement to a new drug submission may submit to the Minister a patent list in relation to the submission or supplement for addition to the register.

 

 

 

(2) A patent on a patent list in relation to a new drug submission is eligible to be added to the register if the patent contains

 

 

 

(a) a claim for the medicinal ingredient and the medicinal ingredient has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(b) a claim for the formulation that contains the medicinal ingredient and the formulation has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission;

 

(c) a claim for the dosage form and the dosage form has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission; or

 

 

(d) a claim for the use of the medicinal ingredient, and the use has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the submission.

 

(3) A patent on a patent list in relation to a supplement to a new drug submission is eligible to be added to the register if the supplement is for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient, and

 

 

 

 

 

(a) in the case of a change in formulation, the patent contains a claim for the changed formulation that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement;

 

 

(b) in the case of a change in dosage form, the patent contains a claim for the changed dosage form that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement; or

 

 

(c) in the case of a change in use of the medicinal ingredient, the patent contains a claim for the changed use of the medicinal ingredient that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement.

 

4.1 (2) A first person who submits a patent list in relation to a new drug submission referred to in subsection 4(2) may, if the list is added to the register, resubmit the same list in relation to a supplement to the new drug submission, but may not submit a new patent list in relation to a supplement except in accordance with subsection 4(3).

 

 

 

LES TÉMOINS EXPERTS

 

[25]           La demanderesse a signifié et versé au dossier la déposition de deux témoins, Eric Owston et Ping I. Lee. M. Owston, conseiller de la demanderesse pour les Affaires réglementaires, était avant cela, chez Berlex, directeur des Affaires réglementaires et de l’Assurance de la qualité. Son témoignage concerne les faits fondant les présentations déposées auprès des autorités en ce qui concerne le CLIMARA, ainsi que la correspondance échangée entre la demanderesse et le ministre. Le Dr Lee est professeur titulaire de la Chaire GlaxoSmithKline de pharmacie et d’administration de médicaments à la Faculté de pharmacie Leslie Dan de l’Université de Toronto. Il a un doctorat en chimie physique de l’Université de l’État du Michigan et un baccalauréat ès sciences en ingénierie chimique de l’Université nationale de Taiwan. Ses connaissances en matière d’administration de médicaments par voie transdermique proviennent d’une expérience acquise tant en milieu universitaire qu’au sein de l’industrie. La déposition du Dr Lee concerne l’administration transdermique de médicaments et la manière dont une personne versée dans l’art interpréterait le brevet ‘970. M. Owston et le Dr Lee n’ont pas été contre-interrogés.

 

[26]           Le ministre de la Santé a versé au dossier la déposition de Waleed Jubran, agent des brevets au Bureau des médicaments brevetés et de la liaison (BMBL). M. Jubran a un baccalauréat ès sciences en chimie de l’Université d’Ottawa et travaille au BMBL depuis l’obtention de son diplôme en 2002. M. Jubran a été contre-interrogé.

 

[27]           La demanderesse relève que M. Jubran n’a jamais formulé un médicament et n’a jamais non plus travaillé à Santé Canada en tant qu’examinateur de présentations de drogue nouvelle. Les défendeurs font pour leur part valoir, en ce qui concerne les auteurs des affidavits produits par la demanderesse, que ni l’un ni l’autre ne possède une expérience ou des connaissances spécialisées dans les questions relatives au Règlement AC et que, cela étant, leurs dépositions ne devraient guère se voir accorder de poids par la Cour lorsqu’il s’agit de décider si le brevet ‘970 est effectivement admissible à l’adjonction au registre des brevets.

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

 

[28]           Selon la demanderesse, en ce qui concerne la question de savoir si un brevet répond aux conditions prévues à l’article 4 du Règlement AC , toute décision du ministre de la Santé constitue une question d’interprétation réglementaire et la norme de contrôle applicable est la décision correcte. La demanderesse relève en outre que l’interprétation d’un brevet est en même temps une question de droit, même si la Cour peut tenir compte de l’interprétation qu’en donnerait une personne versée dans l’art. La demanderesse fait donc valoir qu’il n’y a aucunement lieu de s’en remettre à la manière dont le ministre de la Santé a interprété les revendications du brevet en question.

 

[29]           Les défendeurs font pour leur part valoir que, contrairement à ce qu’il en est des nombreuses affaires d’adjonction de brevet relevant de l’ancien Règlement AC, la question de savoir si le brevet ‘970 est admissible à l’adjonction au registre n’est pas, aux termes des dispositions réglementaires modifiées, uniquement une question de droit. Les défendeurs estiment que, selon les nouvelles exigences inscrites aux paragraphes 4(2) et 4(3) du Règlement AC modifié, pour qu’un brevet soit admissible à l’adjonction au registre, il est dorénavant explicitement prévu d’examiner la teneur de la présentation de drogue à l’égard de laquelle on sollicite l’adjonction. Selon les défendeurs, un tel examen est une question de fait qui relève nettement des compétences du ministre.

 

[30]           Ainsi, selon les défendeurs, la question de l’admissibilité d’un brevet au regard des paragraphes 4(2) et 4(3) du Règlement AC modifié doit à juste titre être considérée comme une question mixte de fait et de droit, c’est-à-dire une question qui, en ce qui concerne le contrôle judiciaire, relève de la norme de la décision manifestement déraisonnable. À l’appui de cette thèse, les défendeurs citent l’arrêt rendu par le juge en chef Richard dans l’affaire Ferring Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 276 (C.A.F.) :

7. […] À notre avis, la norme de contrôle est celle de la décision correcte pour les questions de droit, et celle de la décision manifestement déraisonnable pour les questions de fait (AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (ministre de la Santé), 2004 CF 1277, le juge Kelen, paragraphe 33).

8. J’ajouterais que, s’il s’agit d’une question mixte de droit de fait, alors la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable, à moins que la question de droit puisse être séparée de la question de fait, auquel cas la question de droit est revue selon la norme de la décision correcte.

 

 

[31]           Je considère que l’admissibilité à l’adjonction du brevet ‘970 dépend non seulement de l’interprétation des paragraphes 4(2) et 4(3) du Règlement AC, mais également de l’interprétation donnée aux revendications du brevet. La juge Gauthier a décidé dans la décision GD Searle & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 437 (C.F.), aux paragraphes 17 et 18, que certaines questions de pur droit peuvent être détachées des questions de fait, estimant, en reprenant la démarche retenue dans l’arrêt Ferring, que la norme qu’il convenait d’appliquer en l’occurrence était celle de la décision correcte. Je considère moi aussi qu’en l’espèce, en ce qui concerne les deux demandes de contrôle judiciaire, la norme applicable à la décision du ministre est celle de la décision correcte.

 

LA DEMANDE CONCERNANT LE CLIMARA (T-1517-07)

 

            Les arguments développés par la demanderesse

 

[32]           Le but du Règlement AC est de protéger les droits qu’un brevet confère aux innovateurs, en exigeant des fabricants de produits génériques qui sollicitent la délivrance d’un Avis de conformité qu’ils prennent en compte les brevets inscrits au registre. Le produit générique n’a à tenir compte que des brevets figurant au registre. Ainsi, l’adjonction d’un brevet au registre des brevets constitue la première étape, essentielle, permettant de garantir que la délivrance, pour un produit générique, d’un Avis de conformité n’entraînera aucune contrefaçon de brevet.

 

[33]           Le paragraphe 4(3) du Règlement AC fixe les conditions auxquelles un brevet, qui se rattache à un SPDN, doit satisfaire avant d’être inscrit au registre :

4. (3) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache au supplément à une présentation de drogue nouvelle visant une modification de la formulation, une modification de la forme posologique ou une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, s’il contient, selon le cas :

 

a) dans le cas d’une modification de formulation, une revendication de la formulation modifiée, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

b) dans le cas d’une modification de la forme posologique, une revendication de la forme posologique modifiée, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

c) dans le cas d’une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal, une revendication de l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément.

4. (3) A patent on a patent list in relation to a supplement to a new drug submission is eligible to be added to the register if the supplement is for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient; and

 

 

 

 

 

(a) in the case of a change in formulation, the patent contains a claim for the changed formulation that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement;

 

 

(b) in the case of a change in dosage form, the patent contains a claim for the changed dosage form that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement; or

 

 

(c) in the case of a change in use of the medicinal ingredient, the patent contains a claim for the changed use of the medicinal ingredient that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement.

 

 

[34]           La demanderesse ne prétend pas que le brevet ‘970 revendique une modification de la formulation ou une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal. La demanderesse fait valoir, plutôt, que le SPDN 262 devrait être considéré comme se rattachant à une modification de la forme posologique et que, de plus, le brevet ‘970 comporte la revendication d’une forme posologique différente et qu’il est donc admissible à l’adjonction au registre.

 

[35]           Les brevets revendiquant une forme posologique ne sont admissibles à l’adjonction au registre des brevets que depuis octobre 2006, date de certaines modifications apportées au Règlement AC. Une « [r]evendication de la forme posologique » est définie à l’article 2 du Règlement AC comme une « revendication à l’égard d’un mécanisme de libération permettant d’administrer l’ingrédient médicinal d’une drogue ou la formulation de celle-ci, dont la portée comprend cet ingrédient médicinal ou cette formulation ».

 

[36]           La raison d’être de la modification apportée à l’article 2 se trouve dans le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) qui accompagne les modifications apportées le 6 octobre 2006 au Règlement AC :

Bien que l’article 2 modifié définisse le terme « revendication de la forme posologique » en termes très généraux pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans ce domaine, l’objectif consiste à conférer une protection au nouveau système par lequel l’ingrédient médicinal approuvé ou une formulation contenant cet ingrédient est administré au patient. Parmi ces modes, mentionnons les comprimés et les capsules à libération contrôlée, les implants et les timbres transdermiques. Comme dans le cadre d’autres contenus, un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN (généralement telle qu’identifiée dans l’avis émis par le ministre, conformément à l’alinéa C08.004(1)a)). En outre, le brevet doit également contenir une revendication incluant dans sa portée l’ingrédient médicinal approuvé. […]

 

 

[37]           Ainsi, le REIR prévoit trois conditions pour qu’un brevet visant une forme posologique soit admissible à l’adjonction : (1) le brevet doit revendiquer un nouveau mécanisme d’administration de l’ingrédient médicinal; (2) la forme posologique revendiquée doit être approuvée dans le cadre d’un Avis de conformité; (3) le brevet doit contenir une revendication incluant, dans sa portée, l’ingrédient médicinal approuvé. Selon la demanderesse, le brevet ‘970 répond à ces trois conditions auxquelles est subordonnée l’adjonction du brevet au registre.

 

[38]           Les parties conviennent que la forme posologique revendiquée a été approuvée dans le cadre d’un Avis de conformité, mais ne s’entendent pas sur la question de savoir si le brevet ‘970 revendique effectivement un nouveau mécanisme d’administration.

 

[39]           Selon la demanderesse, le brevet ‘970 revendique un nouveau mécanisme d’administration étant donné que : a) la forme posologique ne se limite pas au timbre transdermique; b) les revendications du brevet ne se limitent pas à l’emballage ou au dessiccatif, mais comprennent également le timbre; c) la protection accordée à de tels brevets est en accord avec la définition qui est donnée de « forme posologique », et conforme à l’objet même de la modification apportée au règlement.

 

[40]           Selon la demanderesse, en décidant que le brevet revendique [traduction] « un emballage du produit comprenant un dispositif d’administration transdermique de médicament et un compartiment hydrophile comprenant un dessiccatif » plutôt que de revendiquer une « forme posologique », le ministre a, à tort, donné de la définition de « forme posologique », une interprétation trop restrictive. Toujours selon la demanderesse, pour décider que, aux fins du paragraphe 4(3), la forme posologique approuvée ne peut être que le timbre transdermique, le ministre s’est entièrement fondé sur la mention faite d’un [traduction] « timbre transdermique » dans les avis de conformité pertinents.

 

[41]           La demanderesse estime que le ministre, en dépit des mentions relevées dans les avis de conformité, aurait dû se pencher sur la question de savoir si la définition ne s’appliquait pas au dispositif d’administration dans son ensemble. Le fait qu’il soit, dans les Avis de conformité, fait état de cet aspect particulier du timbre transdermique, ne permet pas, selon la demanderesse, de trancher la question, car la description de la forme posologique figurant dans l’Avis de conformité n’est pas nécessairement conforme en tout point à la définition que le Règlement AC donne la « forme posologique ». Selon la demanderesse, le REIR envisage le cas où la forme posologique ne serait pas intégralement décrite dans l’Avis de conformité puisque, selon le résumé, la forme posologique est décrite dans la PDN « généralement telle qu’identifiée dans l’avis émis par le ministre, conformément à l’alinéa C08.004(1)a) » [non souligné dans l’original]. La demanderesse reconnaît donc que le timbre fait partie intégrante du dispositif d’administration transdermique, mais elle estime que le dispositif d’administration ne comprend pas uniquement le timbre.

 

[42]           La demanderesse fait en outre valoir qu’en insistant surtout sur l’emballage du produit, le ministre a tenté d’exclure un élément essentiel de la revendication no 1 du brevet ‘970, à savoir le timbre lui-même. À l’appui de sa thèse, la demanderesse relève qu’au paragraphe 32 de son affidavit, M. Jubran affirme ceci :

[traduction]


[…] le BMBL estime que le brevet ‘970 vise un emballage contenant un compartiment dessiccateur comprenant un dessiccatif, destiné à réduire ou à prévenir la précipitation pouvant se produire dans un timbre transdermique (excipient non aqueux comprenant une drogue qui y est dissoute) qui se trouve dans l’emballage. Cela étant, le brevet ‘970 ne vise pas une forme posologique.

 

 

[43]           La demanderesse cite à cet égard le principe énoncé dans l’arrêt Lister c. Norton Brothers and Co. (1886), 3 R.P.C. 199 (Ch. D.), selon lequel un brevet [traduction] « doit être lu par un esprit désireux de comprendre, et non pas par un esprit désireux de ne pas comprendre ». La demanderesse soutient en outre que les revendications doivent recevoir une interprétation téléologique, c’est-à-dire être interprétés à la lumière de tout ce qui est exposé dans le brevet, y compris les spécifications. La demanderesse se fonde pour cela sur la déposition du Dr Lee, selon qui le dispositif d’administration transdermique revendiquée dans le brevet ‘970 comporte trois éléments : un timbre transdermique, un dessiccatif et un emballage. Selon le Dr Lee, il faut, pour obtenir un produit pouvant être utilement commercialisé, que les trois éléments du dispositif d’administration de médicament par voie transdermique dont il est fait état dans la revendication no 1 soient réunis. C’est dire que chacun de ces éléments est nécessaire au bon fonctionnement du dispositif. La demanderesse fait, par ailleurs, valoir que si le sachet dessiccatif tel que décrit est séparé du reste du dispositif, il n’y a plus d’œstradiol stable car la stabilité du produit dépend de la matrice intégrée qui est à la base même de ce dispositif d’administration de médicament par voie transdermique.

 

[44]           La demanderesse soutient en outre que la définition de « forme posologique » devrait, tout en tenant compte du sens ordinaire des termes de la définition et du but de la modification apportée au Règlement, qui est d’élargir la protection dont bénéficient les brevets visant une forme posologique, englober l’objet revendiqué dans le brevet ‘970. La demanderesse relève que le dessiccatif est un élément important du « dispositif d’administration » de l’ingrédient médicinal, car il empêche le médicament de former un hydrate solide, évitant ainsi sa précipitation. Le dessiccatif améliore donc le fonctionnement du timbre en empêchant la baisse du taux d’administration du médicament qu’entraînerait une cristallisation de celui-ci et, cela étant, améliore la viabilité commerciale du timbre transdermique. La demanderesse soutient, de plus, que l’objet des revendications du brevet ‘970 relève bien de la définition de « forme posologique », étant donné qu’il est conforme au but des modifications apportées au Règlement qui est de permettre l’adjonction au registre de formes posologiques nouvelles. Selon la demanderesse, ce qui permet d’administrer correctement le médicament au patient c’est le dispositif d’administration pris dans son intégralité et elle fait donc valoir que c’est ce dispositif dans son ensemble qui mérite d’être protégé aux termes du Règlement AC.

 

[45]           En ce qui concerne la question de savoir si le SPDN 262 contient une modification de la forme posologique, la demanderesse considère que, même si le ministre ne voit pas dans la modification apportée par le SPDN 262 une modification de la forme posologique, un changement de concentration entraîne nécessairement une modification de la forme posologique. Par conséquent, le SPDN constitue une présentation admissible.

 

Les arguments des défendeurs

 

[46]           Les défendeurs font pour leur part valoir que le SPDN 262 ne représente pas une modification de la forme posologique au sens où l’entend le paragraphe 4(3) du Règlement AC, et relèvent que, à l’origine, le CLIMARA a été approuvé en tant que timbre transdermique et que c’est encore à ce titre qu’il demeure approuvé.

 

[47]           Les défendeurs estiment, également, que le simple fait que les revendications du brevet ‘970 mentionnent, de manière générale, le timbre transdermique ne doit pas porter à conclure que le brevet ‘970 revendique une forme posologique. À l’appui de cet argument, ils invoquent par analogie l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 105, dans lequel le juge Evans a signalé que le fait qu’une des revendications d’un brevet mentionne le médicament en question ne justifie pas la conclusion voulant que, aux fins du Règlement AC, le brevet comporte « une revendication pour le médicament en soi ».

 

[48]           Les défendeurs relèvent que, pour parvenir à cette conclusion, le juge Evans a repris à son compte toute une série de jugements reconnaissant que dans les cas où les éléments essentiels d’un brevet concernent de nouvelles formulations ou formes posologiques, plutôt que les médicaments pouvant être administrés dans ces nouvelles formulations ou sous ces nouvelles formes posologiques, on ne peut pas dire que le brevet comporte « une revendication pour le médicament en soi », bien que les revendications du brevet mentionnent explicitement les médicaments en question (voir Glaxo Group Ltd. c. Novopharm Ltd. (1998), 144 F.T.R. 252 (C.F. 1re inst.); Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2002), 225 F.T.R. 110, 2002 CFPI 1248 (C.F. 1re inst.); Novartis Pharmaceuticals Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 243 F.T.R. 160, 2003 CAF 299 (C.A.F.) [ci-après Novartis], conf. 2002 CFPI 1042; Eli Lilly Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2003), 235 F.T.R. 134, 2003 CFPI 676 (C.F. 1re inst.); Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général) (2004), 251 F.T.R. 195, 2004 CF 370 (C.F.)^; GlaxoSmith Kline Inc. c. Canada (Procureur général) (2005), 40 C.P.R. (4th) 193, 2005 CAF 197 (C.A.F.), conf. 2004 CF 1725; Janssen-Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé) (2003), 229 F.T.R. 268, 2003 CFPI 286, conf. par [2004] A.C.F. no 242 (C.A.F.); Abbott Laboratories Limited c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 865).

 

[49]           Selon les défendeurs, le brevet ‘970 mentionne le timbre transdermique, mais ne revendique pas une forme posologique, de même que dans la jurisprudence citée ci-dessus les revendications des brevets mentionnaient des ingrédients médicinaux spécifiques mais n’ont pas été jugées comme équivalant à une « revendication pour l’ingrédient médicinal en soi ».

 

ANALYSE

 

            Le brevet ‘970 contient-il une revendication d’une forme posologique?

 

[50]           En ce qui concerne le CLIMARA, le ministre a décidé, entre autres, que le brevet ‘970 ne visait pas une forme posologique.

 

[51]           Selon la demanderesse, le brevet ‘970 constitue une solution unique aux problèmes qui surviennent lorsque l’œstradiol forme des hydrates insolubles après avoir été exposé à des vapeurs d’eau. L’humidité qui s’introduit dans l’emballage peut entraîner, pendant la période de stockage, la formation d’un hydrate insoluble qui provoque une modification radicale du taux de libération du médicament. Selon la demanderesse, le dispositif mentionné dans le brevet ‘970 constitue un moyen irremplaçable de résoudre ce problème de stabilité en combinant le dispositif d’administration transdermique de médicament à un sachet dessiccatif qui élimine toute humidité et permet d’assurer la stabilité physique du dispositif transdermique. C’est dire que, selon la demanderesse, le sachet dessiccatif décrit dans le brevet ‘970 fait partie intégrante du dispositif d’administration transdermique exposé dans la revendication no 1 du brevet. Si l’on sépare le sachet dessiccatif du reste du dispositif, on ne peut plus assurer la stabilité de l’œstradiol, car sa stabilité dépend de cette combinaison d’un dispositif d’administration transdermique de médicament au sein d’une matrice intégrée.

 

[52]           La demanderesse soutient donc que le brevet ‘970 revendique, entre autres, une « forme posologique » au sens où ce terme est employé dans le Règlement, que le brevet ‘970 a été proposé en rapport avec un SPDN concernant une modification de la forme posologique et que les revendications en question comprennent une modification de forme posologique approuvée dans le cadre d’un Avis de conformité, le brevet ‘970 étant, par conséquent, admissible à l’adjonction au registre des brevets en ce qui a trait aux médicaments CLIMARA de la demanderesse.

 

[53]           Le BMBL a considéré que [traduction] « le brevet ‘970 vise un emballage comportant un sachet dessiccatif qui réduit ou prévient la précipitation qui pourrait se produire dans le dispositif d’administration transdermique de médicament (un excipient non aqueux comprenant une drogue qui y est dissoute) ». Autrement dit, les défendeurs soutiennent que l’invention qu’expose le brevet ‘970 est celle qui est décrite aux lignes 18 et 19 de la page 2 de l’exposé, c’est-à-dire que [traduction] « l’invention offre une méthode d’empêcher, dans un dispositif d’administration transdermique de médicament, la précipitation de la drogue dissoute dans l’excipient ». On retrouve la même chose aux lignes 1 à 6 de la page 3 de l’exposé dans les termes suivants : [traduction] « par l’emploi d’un dessiccatif l’invention parvient à réduire ou à éviter la précipitation (c.-à-d., la cristallisation) dans les dispositifs d’administration transdermique de médicaments contenant des médicaments qui, lorsqu’ils sont exposés à l’eau donnent lieu à la formation d’hydrates ».

 

[54]           Toute analyse de la question de savoir si le brevet ‘970 est admissible à l’adjonction au registre des brevets exige que l’on examine et interprète le brevet dans son intégralité, ainsi que l’intention et l’objet des dispositions réglementaires portant sur la question. Je reprends à mon compte les propos exprimés par le juge Hugessen dans la décision Abbott Laboratories Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CF 865 :

[traduction]


20.       Je considère que, dans ce passage, le protonotaire fait preuve d’une connaissance approfondie des principes régissant l’interprétation des revendications d’un brevet. Il a lu intégralement le brevet, y compris l’exposé. Il s’est penché sur l’ensemble des revendications, examinant chacune à la lumière des autres et n’a ni manqué de distinguer les diverses revendications, ni excédé les termes dans lesquels elles sont formulées, ou fait appel à une notion vaporeuse telle que la « nature de l’invention ». Son analyse se fonde sur les termes de l’exposé et sur les preuves d’experts versés au dossier, sans toutefois se laisser enfermer par celles-ci. […]

 

 

[55]           Il me semble découler de l’application de ces principes à l’interprétation du brevet ‘970 que le dispositif d’emballage décrit dans le brevet est conçu de manière à éviter les problèmes qui surviennent lorsque le médicament est exposé à l’humidité, ce qui entraîne en effet une modification du taux d’absorption du médicament administré au patient.

 

[56]           Autrement dit, l’invention exposée dans le brevet ‘970 vise à améliorer l’ingrédient administré au patient et non pas la forme posologique. Il me semble ressortir des preuves produites en l’espèce que l’exposition de l’œstradiol à l’humidité entraîne la formation d’hydrates et que cela entraîne une modification du taux de libération de la drogue. Mais le fait d’empêcher la formation d’hydrates a tout de même pour but d’améliorer ce qui est administré au patient au moyen d’un timbre transdermique, et non pas d’améliorer la forme posologique. L’invention brevetée a pour fonction de protéger les excipients tels que, en l’occurrence, l’excipient non aqueux.

 

[57]           J’estime que cette interprétation ressort clairement d’une lecture intégrale du brevet ‘970. Elle est explicitement mentionnée à la page 185, lignes 9 à 18 de l’exposé :

[traduction]


Il reste toujours un peu d’eau dans les divers éléments du dispositif d’administration transdermique de médicament. Cette eau n’est pas incorporée de propos délibéré, mais s’introduit fortuitement au cours de la fabrication ou en raison de l’humidité ambiante lors de la fabrication et du stockage. Certaines drogues tendent à réagir au contact de cette eau, entraînant la formation d’éléments relativement insolubles (p. ex., des hydrates solides). Par conséquent, on constate, dans certains dispositifs d’administration transdermique comprenant des drogues dissoutes, un certain degré de précipitation pendant la période d’entreposage. Ce problème est au moins en partie dû à des formes hydratées de la drogue. Cette invention permet donc d’empêcher la précipitation de l’ingrédient médicinal qui, dans le dispositif d’administration transdermique de médicament, est dissous dans un excipient […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[58]           Cette interprétation trouve confirmation à la 186, lignes 1 à 6 de l’exposé :

[traduction]


Par l’emploi d’un dessiccatif, cette invention permet de réduire ou d’éviter la précipitation (c.-à-d., la cristallisation) dans les dispositifs d’administration transdermique de médicaments contenant des drogues qui, lorsqu’elles sont exposées à l’eau, prennent une forme hydratée. Le sachet dessiccatif est petit, mince et souple, ce qui permet de l’incorporer à l’emballage flexible du dispositif d’administration transdermique de médicament présenté sous forme de dose individuelle sans avoir à modifier la forme ou l’apparence de l’emballage.

 

 

[59]           Autrement dit, l’invention revendiquée dans le brevet ‘970 réduit ou évite la précipitation. C’est cela qui permet d’éviter la baisse du taux d’administration du médicament que risque d’entraîner la cristallisation du produit lorsque la drogue est administrée au patient. Selon moi, ce simple fait ne suffit pas à faire de l’invention un des éléments de la forme posologique.

 

[60]           Il ressort, à mon avis, clairement de la page 186, lignes 15 à 26 de l’exposé, que lorsque est évoqué, dans le brevet ‘970, un timbre transdermique (« excipient non aqueux »), ces mentions se veulent générales et sont uniquement destinées à illustrer le fait que l’invention a justement pour fonction de protéger de tels excipients :

[traduction]


Tel qu’employé ici, le terme « excipient non aqueux » s’entend d’un excipient ne comportant que de toutes petites quantités d’eau, disons moins de un à cinq pour cent du poids total, une telle quantité d’eau pouvant, en effet, se trouver fortuitement dans les matériaux employés qui n’auraient pas été préalablement asséchés. Citons, parmi les excipients pouvant servir à cela, des adhésifs à pression pour peaux sensibles (tels qu’exposés dans les brevets É.-U. no RE 24,906 (Ulrich), 4,732,808 (Krampe) et 5,232,702 (Pfister)), les matrices polymériques non adhésives (telles qu’exposées dans les brevets É.-U. no 4,814,173 (Song)) et autres systèmes-réservoir (tels qu’exposés dans les brevets É.-U. no 4,834,979 (Gale), 4,820,525 (Leonard) et 5,310,559 (Shaah)). Un transporteur très souvent utilisé est l’adhésif acrylique à pression tel qu’exposé, par exemple, dans le brevet É.-U. no 5,223,261 (Nelson et autres) et la demande en coinstance 08/305,883, fréquemment transférée.

 

 

[61]           La revendication no 1 du brevet ‘970 concerne un [traduction] « dispositif d’administration transdermique de médicament » comprenant les éléments suivants :

[traduction]


[…] un excipient non aqueux comportant une drogue qui y est dissoute, et qui, si elle est exposée à la vapeur d’eau, forme un hydrate solide; un sachet dessiccatif perméable à la vapeur d’eau définissant un compartiment hydrophile comprenant un dessiccatif; un emballage imperméable à la vapeur d’eau, dans lequel se trouvent l’excipient et le sachet dessiccatif.

 

 

[62]           Mais, reprenant, par analogie, le raisonnement adopté par la Cour d’appel fédérale dans son arrêt Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CAF 105, le fait que des timbres transdermiques soient mentionnés dans les revendications du brevet ‘970 ne veut pas dire que, pris dans son intégralité, le brevet contient la revendication d’une forme posologique. Il importe, en effet, de lire et de considérer le brevet dans son ensemble afin de pouvoir décider quelle est, au juste, l’invention revendiquée. Ce que le juge Evan a dit, dans l’arrêt Biovail au sujet de ce qui constitue une « revendication pour le médicament en soi » aux fins du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité), me paraît instructif en l’espèce, puisque je dois, en l’occurrence, considérer le brevet ‘970 dans son ensemble afin de décider s’il contient effectivement une revendication visant une forme posologique :

7.         Je ne suis pas d’accord. La question de savoir si le brevet revendique une composition, qui peut être « le médicament en soi », ou un mécanisme d’administration du médicament, est une question d’interprétation du brevet. Chacune des revendications du brevet doit être examinée séparément, mais elle ne doit pas être interprétée indépendamment des autres revendications et du reste du brevet. Selon moi, lorsqu’on examine dans le contexte de l’ensemble du brevet ‘684, la revendication 30 doit être interprétée comme une revendication pour l’utilisation des polymères pour obtenir une libération lente de six des 40 ingrédients radioactifs mentionnés dans le brevet. L’invention revendiquée n’est donc pas le médicament en soi.

 

[63]           Raisonnant par analogie, il m’appartient en l’espèce d’interpréter le brevet ‘970 dans son ensemble afin de décider s’il revendique une forme posologique ou s’il ne fait que mentionner une forme posologique qui ne fait pas vraiment partie de l’invention revendiquée. J’estime, en prenant en compte le contexte du brevet ‘970 dans son ensemble, que les mentions faites du timbre transdermique sont de nature générale et ne constituent pas l’invention revendiquée par le brevet. Je ne peux pas, par conséquent, affirmer que le brevet ‘970 peut être interprété comme contenant la « revendication d’une forme posologique » et j’estime que l’interprétation donnée par le ministre est la bonne.

 

[64]           Comme l’affirme la demanderesse, l’invention du brevet ‘970 offre un moyen unique de résoudre le problème qui survient au niveau de la stabilité lorsque le médicament est exposé à l’humidité ambiante. Ce moyen consiste à conditionner le dispositif transdermique dans un emballage contenant un dessiccatif. Selon la demanderesse cela [traduction] « maintient la stabilité physique du dispositif transdermique ». Si j’ai bien compris ce que le Dr Lee affirme dans son affidavit, le dessiccatif absorbe [traduction] « toute humidité présente initialement et toute humidité qui pourrait s’introduire par la suite dans l’emballage au cours de la période de stockage » (paragr. 44) et l’emballage isole l’excipient ainsi que le sachet dessiccatif dans un dispositif matriciel, du milieu ambiant (paragr. 37) auxquels sont exposés les dispositifs ne bénéficiant pas d’un tel emballage protecteur. J’estime, par conséquent, que l’invention doit être interprétée comme assurant la stabilité du médicament administré au moyen d’un dispositif matriciel.

 

[65]           Le fait d’« empêcher la précipitation » contribue à l’efficacité du médicament administré au patient au moyen d’un dispositif matriciel, mais cela ne veut pas dire que l’invention en question englobe tous les éléments constitutifs de ce produit, y compris la forme posologique.

 

[66]           Selon la demanderesse, les trois principaux éléments du mécanisme d’administration de ce médicament (l’excipient, le sachet dessiccatif et l’emballage imperméable à la vapeur d’eau) font [traduction] « tous partie intégrante du dispositif d’administration du médicament décrit dans la revendication no 1 » et [traduction] « si l’on sépare de l’ensemble du dispositif le sachet dessiccatif, on ne dispose plus de ce médicament stable à l’œstradiol administré par un dispositif d’administration transdermique de médicament ».

 

[67]           Je considère, cependant, que dans ce contexte, le terme « partie intégrante » veut simplement dire que le sachet dessiccatif assure la stabilité du médicament, qui peut alors être administré de manière plus efficace au patient au moyen d’un timbre transdermique. Cela ne voudrait donc pas dire que le sachet dessiccatif fait partie intégrante d’une forme posologique qui devient par là même inséparable de l’invention revendiquée dans le brevet ‘970. L’invention brevetée revendiquée dans le cadre du brevet ‘970 a pour fonction de protéger les excipients tels que les excipients non aqueux.

 

La preuve

 

[68]           Avant de parvenir à la conclusion que le brevet ‘970 ne revendique pas une forme posologique, j’ai repris à mon compte les propos tenus par le juge Hugessen dans la décision Abbott Laboratories et pris en compte la preuve d’expert versée au dossier.

 

[69]           Je relève notamment que, au paragraphe 37 de son affidavit, le Dr Lee décrit le problème général auquel sont exposés les dispositifs d’administration transdermique de médicaments comprenant un dispositif de type matriciel (l’excipient), expliquant que le brevet ‘970 :

[traduction]

 

[…] décrit le problème qui risque de se poser avec de tels dispositifs; à savoir la précipitation inattendue de la drogue véhiculée par l’excipient qui, exposée à la vapeur d’eau forme des hydrates insolubles, la précipitation des hydrates étant susceptible de diminuer le taux d’administration du médicament.

 

 

[70]           Selon lui, ce problème se pose [traduction] « parce que les divers éléments du dispositif d’administration transdermique de médicament contiennent en général de minimes quantités d’eau » (paragraphe 38) et que le brevet ‘970 décrit une solution permettant [traduction] « d’empêcher la précipitation d’un médicament tel que l’œstradiol qui, lorsqu’il est exposé à de la vapeur d’eau, forme des hydrates insolubles dans l’excipient […] » (paragraphe 39). La solution consiste à [traduction] « employer un dessiccatif pour absorber l’humidité ambiante ».

 

[71]           Il ajoute que [traduction] « le brevet ‘970 décrit chacun des éléments constitutifs d’un dispositif d’administration transdermique de médicament permettant de régler les divers aspects du problème. La revendication no 1 englobe chacun de ces éléments constitutifs » (paragraphe 40).

 

[72]           Le Dr Lee explique ensuite chacun de ces éléments constitutifs du [traduction] « dispositif d’administration transdermique de médicament » qui permet de [traduction] « résoudre les divers aspects du problème ». Il précise que l’excipient est bien un des éléments constitutifs du dispositif, mais ajoute que le brevet ‘970 [traduction] « envisage divers excipients matriciels tels que l’adhésif acrylique à pression » (paragraphe 41).

 

[73]           Voici comment, au paragraphe 47 de son affidavit, il résume la question :

[traduction]


À mon avis, une personne moyennement versée dans l’art comprendrait, en lisant le brevet, que des dispositifs d’administration transdermique de médicaments peuvent, de manière commercialement viable, être créés pour l’œstradiol à condition que le dispositif comporte les divers éléments constitutifs, y compris un excipient, un dessiccatif et un emballage. Autrement dit, le dispositif d’administration de l’œstradiol fourni au patient comprend tous ces éléments, y compris le sachet dessiccatif.

 

 

[74]           Je crois comprendre que, selon le Dr Lee, l’« excipient » fait partie intégrante d’un [traduction] « dispositif utilement commercialisable d’administration transdermique » de l’œstradiol, mais je ne pense pas qu’il dise que l’invention exposée dans le brevet ‘970 soit constituée par la partie « excipient non aqueux » du dispositif. Selon le Dr Lee, le problème que le dispositif d’administration était censé résoudre n’a pas été résolu par la partie « excipient non aqueux » du dispositif, car cet élément était déjà connu. Le problème de la formation d’hydrates insolubles due à l’humidité ambiante a été résolu par l’emploi d’un sachet dessiccatif et d’un emballage imperméable à la vapeur d’eau, l’emballage contenant à la fois l’excipient et le sachet dessiccatif, comme permet de le constater la lecture du brevet dans son ensemble, y compris l’exposé.

 

[75]           Le dispositif fourni au patient comporte tous les éléments décrits par le Dr Lee, mais cela ne peut pas vouloir dire que, parce que le patient reçoit non seulement l’excipient non aqueux mais également les deux autres éléments constitutifs du dispositif, le brevet ‘970 devrait, pour cette raison, être interprété comme renfermant une invention dont tous les éléments constituent une partie inséparable d’une forme posologique. J’estime que, dans son affidavit, le Dr Lee ne tient pas compte du fait que les diverses allusions à [traduction] « l’excipient non aqueux » ont pour but de bien faire comprendre que la fonction de l’invention est de protéger ces excipients et non de faire partie intégrante de la « forme posologique » du médicament. Je considère donc que, cela étant, il me faut aller au-delà des explications qu’il fournit dans son affidavit et tenir compte des conséquences que peuvent avoir, pour le brevet ‘970 dans son ensemble, les propos tenus par le juge Evan dans l’arrêt Biovail.

 

[76]           Le médicament fourni au patient comporte un timbre transdermique assorti d’un dessiccatif et d’un emballage qui élimine du dispositif toute humidité et qui maintient la stabilité physique du médicament administré au moyen d’un timbre. Le brevet ‘970 vise à assurer que le médicament administré au moyen de ce timbre ne contient aucune humidité susceptible d’entraîner la formation d’hydrates insolubles, ces hydrates insolubles pouvant en effet agir sur le taux de libération du médicament. Je considère que l’invention que renferme le brevet vise au maintien de la stabilité du médicament; elle ne comprend pas la forme posologique, qui est, en l’occurrence, le timbre. L’emballage en plastique et la bande de dessiccatif ne font pas partie de l’administration transdermique de l’ingrédient médicinal. J’estime par conséquent que, ainsi que le font valoir les défendeurs, la décision du ministre voulant que la forme posologique soit le timbre lui-même, qui n’est pas revendiqué dans le brevet ‘970, est confirmée par les avis de conformité du CLIMARA ainsi que par la monographie de produit.

 

LE RÈGLEMENT

 

[77]           Voici ce que prévoit le paragraphe 4(3) du Règlement :

4. (3) Est admissible à l’adjonction au registre tout brevet, inscrit sur une liste de brevets, qui se rattache au supplément à une présentation de drogue nouvelle visant une modification de la formulation, une modification de la forme posologique ou une modification de l’utilisation de l’ingrédient médicinal, s’il contient, selon le cas :

 

a) dans le cas d’une modification de formulation, une revendication de la formulation modifiée, la formulation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

b) dans le cas d’une modification de la forme posologique, une revendication de la forme posologique modifiée, la forme posologique ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément;

 

c) dans le cas d’une modification d’utilisation de l’ingrédient médicinal, une revendication de l’utilisation modifiée de l’ingrédient médicinal, l’utilisation ayant été approuvée par la délivrance d’un avis de conformité à l’égard du supplément.

4. (3) A patent on a patent list in relation to a supplement to a new drug submission is eligible to be added to the register if the supplement is for a change in formulation, a change in dosage form or a change in use of the medicinal ingredient, and

 

 

 

 

 

(a) in the case of a change in formulation, the patent contains a claim for the changed formulation that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement;

 

 

(b) in the case of a change in dosage form, the patent contains a claim for the changed dosage form that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement; or

 

 

(c) in the case of a change in use of the medicinal ingredient, the patent contains a claim for the changed use of the medicinal ingredient that has been approved through the issuance of a notice of compliance in respect of the supplement.

 

[78]           Voici en quels termes le Résumé de l’étude d’impact de la réglementation (REIR) accompagnant la modification apportée au Règlement, décrit la portée des nouvelles dispositions touchant la « forme posologique » :

Bien que l’article 2 modifié définisse le terme « revendication de la forme posologique » en termes très généraux pour tenir compte des progrès qui seront réalisés dans ce domaine, l’objectif consiste à conférer une protection au nouveau système par lequel l’ingrédient médicinal approuvé ou une formulation contenant cet ingrédient est administré au patient. Parmi ces modes, mentionnons les comprimés et les capsules à libération contrôlée, les implants et les timbres transdermiques. Comme dans le cas d’autres contenus, un brevet relatif à une forme posologique doit contenir une revendication pour la forme posologique précise décrite dans la PDN (généralement telle qu’identifiée dans l’avis émis par le ministre, conformément à l’alinéa C08.004(1)a)).

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[79]           Il ressort clairement du REIR que le Règlement a pour but de « conférer une protection au nouveau système par lequel l’ingrédient médicinal approuvé, ou une formulation contenant cet ingrédient est administré au patient ». En employant le mot « système », le REIR indique également clairement que cela englobe, par exemple, « les comprimés et les capsules à libération contrôlée, les implants et les timbres transdermiques ».

 

[80]           Je considère que le brevet ‘970 ne revendique pas « un nouveau système par lequel l’ingrédient médicinal approuvé ou […] est administré au patient » au sens où l’entend le REIR.

 

[81]           Le brevet ‘970 vise, et revendique, un emballage qui améliore la stabilité de l’ingrédient médicinal jusqu’au moment où cet ingrédient est administré au patient, et à ce moment-là, l’invention est jetée et le médicament est administré au patient au moyen d’un timbre transdermique.

 

[82]           L’invention est l’emballage qui améliore la stabilité et l’efficacité du médicament. Or, d’après moi, il ne s’agit pas d’une « forme posologique » ou d’un « nouveau système » au sens où, comme l’explique le REIR, le Règlement AC l’entend

 

[83]           Je conviens avec les défendeurs que les diverses allusions à un [traduction] « excipient non aqueux » dans les revendications du brevet ‘970 sont accessoires par rapport à l’invention revendiquée dans le brevet ‘970 pris dans son ensemble et ne constituent pas une « revendication de la forme posologique » au sens où l’entend le Règlement AC.

 

[84]           Je considère que le SPDN en question ne représente pas une modification de la forme posologique au sens où l’entend le paragraphe 4(3) du Règlement sur les médicaments brevetés (Avis de conformité). Ayant déjà conclu que le brevet ‘970 n’est pas admissible à l’adjonction au registre des brevets au titre du SPDN 262, il n’y a pas lieu d’examiner ce qu’il en est du SPDN 243.

 

LA DEMANDE MENOSTAR (T-1518-07)

 

[85]           Les arguments que la demanderesse fait valoir dans le cadre de la demande MENOSTAR, T-1518-07, sont identiques à ceux qu’elle a développés dans la demande CLIMARA au sujet d’une modification de la forme posologique. J’ai déjà conclu que le brevet ‘970 ne contient aucune revendication d’une modification de la forme posologique. En conséquence, la demande MENOSTAR doit, elle aussi, être rejetée.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE

 

1.                  Les demandes de contrôle judiciaire sont rejetées, les défendeurs ayant droit aux dépens au titre de ces deux demandes.

 

 

 

 

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche

Juriste-traducteur et traducteur-conseil


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1517-07/T-1518-07

 

INTITULÉ :                                       BAYER INC. c. LE MINISTRE DE LA SANTÉ et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 28 mai 2008

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 juillet 2008

 

 

ONT COMPARU :

 

Gunars Gaikis

Nancy Pei

POUR LA DEMANDERESSE

David Cowie

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Avocats

Toronto (ON)

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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