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Date : 20080721

Dossier : IMM-5498-07

Référence : 2008 CF 893

Toronto (Ontario), le 21 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

Entre :

NASIB KAUR BARM (MORE)

demanderesse

 

et

 

 

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

défendeur

 

 

motifs du jugement et jugement

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui vise la décision datée du 5 décembre 2007 (la décision) par laquelle un commissaire de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI) a rejeté l’appel de la demanderesse concernant une mesure de renvoi prise contre elle le 27 février 2007, en vertu du paragraphe 40(2) de la Loi.

 

I. Contexte

 

[2]               La demanderesse, Mme Nasib Kaur Barm (More), est une citoyenne indienne âgée de 35 ans qui est arrivée au Canada à titre de personne à charge accompagnant son père dans le cadre de la demande de résidence permanente de ce dernier. Le 17 novembre 2001, le droit d’établissement lui a été accordé. Le 27 février 2007, la demanderesse a été déclarée interdite de territoire au Canada pour avoir, directement ou indirectement, fait une présentation erronée sur son âge dans la demande de visa de son père. La demanderesse avait neuf ans de plus que l’âge déclaré dans la demande. Compte tenu de cette présentation erronée, une mesure de renvoi a été prise contre elle.

 

[3]               La demanderesse a interjeté appel de la mesure de renvoi à la SAI, sollicitant des mesures spéciales pour des motifs d’ordre humanitaire en vertu de l’alinéa 67(1)c) de la Loi. Elle n’a pas contesté la légalité de la mesure de renvoi. La SAI a rejeté l’appel. La présente demande de contrôle porte sur cette décision.

[3]

II. Décision faisant l’objet du contrôle

 

[4]               La SAI a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la prise de mesures spéciales vu la situation de la demanderesse. La SAI a conclu que celle‑ci n’était pas crédible et qu’elle avait notamment tenté de minimiser sa responsabilité concernant la présentation erronée de sa véritable date de naissance. La SAI a déclaré ce qui suit au paragraphe 9 de la décision :

Selon moi, les déclarations contradictoires de l’appelante relativement à son âge tout comme le fait qu’elle ait omis de déclarer son premier mariage minent sa crédibilité et montrent clairement qu’elle n’a pas fait preuve de franchise dans ses échanges avec les autorités de l’Immigration dans les déclarations qu’elle a faites au cours de l’entrevue ou dans ses affirmations contraires à l’audience. À la lumière des déclarations visiblement trompeuses de l’appelante, je ne peux pas croire que celle‑ci n’a pas agi de façon délibérée lorsqu’elle a omis de déclarer sa véritable date de naissance. Quoi qu’il en soit, il était finalement de la responsabilité de l’appelante de vérifier que les renseignements qu’elle fournissait étaient exacts, et celle‑ci n’a pas réussi à démontrer que ces omissions pouvaient s’expliquer par des preuves raisonnables et crédibles.

 

 

[5]               La SAI a également indiqué d’autres contradictions et incohérences dans le témoignage de la demanderesse, et dit qu’elle avait menti sous serment dans un appel porté devant la SAI en 2004. Cet appel visait le parrainage du mari de la demanderesse en Inde.

 

[6]               La SAI a également examiné les difficultés auxquelles la demanderesse serait exposée si elle retournait en Inde, ainsi que son degré d’établissement au Canada, mais a conclu que ces facteurs n’étaient pas suffisants pour justifier un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi pour des motifs d’ordre humanitaire.

[6]

III. Questions en litige

 

Question préliminaire

 

[7]               La demanderesse a déposé trois affidavits : un affidavit qu’elle a elle‑même souscrit le 10 janvier 2008, un affidavit de Sukhminder Kaur Sihota et un affidavit de Balbinder Kaur Sall, tous deux souscrits le 24 avril 2008. La SAI n’était pas saisie des trois affidavits lorsqu’elle a rendu sa décision. Il est bien établi en droit, sauf pour certaines exceptions bien reconnues qui n’existent pas en l’espèce, que les éléments de preuve dont n’était pas saisi le décideur ne sont pas admissibles lors d’un contrôle judiciaire. Puisque ces affidavits ne sont pas visés par l’une des exceptions reconnues, mais constituent plutôt une réponse à la décision de la SAI, ils ne font pas partie du dossier du présent contrôle judiciaire. Ainsi, ils ne seront pas examinés dans le cadre de la présente demande.

[7]

[8]               Dans la présente demande, la question en litige est la suivante :

1.         Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de motifs d’ordre humanitaire, la SAI a‑t‑elle tiré une conclusion de fait erronée en ignorant ou en interprétant mal des éléments de preuve dont elle était saisie?

 

 

IV. Dispositions législatives pertinentes

 

40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi; […]

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act; […]

 

(2) Les dispositions suivantes s’appliquent au paragraphe (1) :

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

a) l’interdiction de territoire court pour les deux ans suivant la décision la constatant en dernier ressort, si le résident permanent ou l’étranger n’est pas au pays, ou suivant l’exécution de la mesure de renvoi; […]

 

(a) the permanent resident or the foreign national continues to be inadmissible for misrepresentation for a period of two years following, in the case of a determination outside Canada, a final determination of inadmissibility under subsection (1) or, in the case of a determination in Canada, the date the removal order is enforced; […]

 

67. (1) Il est fait droit à l’appel sur preuve qu’au moment où il en est disposé :

 

67. (1) To allow an appeal, the Immigration Appeal Division must be satisfied that, at the time that the appeal is disposed of,

 

[…]

 

[…]

 

c) sauf dans le cas de l’appel du ministre, il y a — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — des motifs d’ordre humanitaire justifiant, vu les autres circonstances de l’affaire, la prise de mesures spéciales.

 

(c) other than in the case of an appeal by the Minister, taking into account the best interests of a child directly affected by the decision, sufficient humanitarian and compassionate considerations warrant special relief in light of all the circumstances of the case.

 

 

V. Analyse

 

 

Norme de contrôle

 

 

[9]               Dans le récent arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a statué qu’il existait maintenant uniquement deux normes de contrôle : la norme de la décision raisonnable et la norme de la décision correcte. Le choix de la norme de contrôle applicable implique un processus en deux étapes. Premièrement, la cour examine la jurisprudence antérieure pour décider si la norme de contrôle pertinente a déjà été établie. Lorsque cette démarche se révèle infructueuse, la cour procède à une analyse des quatre facteurs qui sont compris dans l’analyse des normes de contrôle.

 

[10]           Selon la demanderesse, il s’agit en l’espèce de questions portant sur l’équité procédurale (soutenant que la SAI a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve dont elle était saisie). Je conclus que ses observations mettent en question les conclusions de fait de la SAI. Il est bien établi que la cour de révision doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard des conclusions de fait de la SAI concernant une décision discrétionnaire prise en vertu du paragraphe 61(1) de la Loi. La cour ne modifiera pas la décision de la SAI si celle‑ci a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et sans tenir compte de considérations étrangères à l’affaire ou non pertinentes (Chang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 157, au paragraphe 21).

 

[11]           Les conclusions de la SAI quant à la crédibilité sont également des conclusions de fait et elles doivent faire l’objet d’une grande retenue de la part de la cour de révision. La SAI a eu l’occasion d’entendre et de voir la demanderesse témoigner à l’audience et elle est ainsi la mieux placée pour évaluer sa crédibilité. Comme l’a déclaré le juge Beaudry dans la décision Sanichara c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 276 F.T.R. 190, 2005 CF 1015, au paragraphe 20,

20.  Dans une audition de novo, la SAI est en droit de déterminer la plausibilité et la crédibilité des témoignages et des autres éléments de preuve dont elle est saisie. L’importance qu’il faut accorder à cette preuve est également une question sur laquelle elle a le pouvoir de se prononcer. Tant et aussi longtemps que les conclusions et les inférences tirées par la SAI sont raisonnables au vu du dossier, il n’y a pas de raison de modifier sa décision. Quand une audience a été tenue, il faut faire preuve d’encore plus de retenue à l’égard des conclusions relatives à la crédibilité.

 

 

[12]           Il est bien établi que les décisions de la SAI fondées sur des conclusions de fait ne peuvent être annulées à moins qu’elles ne répondent au critère énoncé à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, qui prévoit que la Cour peut annuler une décision de l’office fédéral si la décision est fondée « sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose ». Dans le passé, la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait aux questions de ce genre. Compte tenu de l’arrêt Dunsmuir, précité, et du degré de retenue dont il faut faire preuve à l’égard des conclusions quant à la crédibilité et des conclusions de fait de la SAI, je conclus que la norme de contrôle applicable à la décision est la norme de la décision raisonnable. Comme l’a déclaré la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, cette norme « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Ainsi, la décision devrait être maintenue à moins que je ne conclue, étant donné les faits et le droit, que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables ».

[12]

            1.         Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de motifs d’ordre humanitaire, la SAI a‑t‑elle tiré une conclusion de fait erronée en ignorant ou en interprétant mal des éléments de preuve dont elle était saisie?

 

[13]           La demanderesse soutient que la SAI a ignoré et mal compris des parties importantes de la preuve. Elle fait valoir que la SAI n’a pas tenu compte du fait que la présentation erronée en l’espèce n’était pas directement attribuable à un acte de sa part, mais que son père était la personne qui avait fait une présentation erronée sur son âge dans sa demande de résidence permanente. Elle soutient également que la SAI n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse, lorsqu’elle a appris que le renseignement concernant sa date de naissance était inexact après que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada l’en eût avertie, a rapidement reconnu l’erreur. Selon la demanderesse, la SAI aurait dû tenir compte de cette reconnaissance dans son évaluation des raisons d’ordre humanitaire dans le dossier de la demanderesse.

 

[14]           La demanderesse prétend également que la SAI a mal interprété les éléments de preuve en concluant qu’elle avait tenté de minimiser sa responsabilité à l’égard de la présentation erronée. La demanderesse fait valoir qu’elle a accepté la responsabilité de la présentation erronée et qu’elle n’a pas tenté de la minimiser. Elle fait de plus valoir que la SAI a mal interprété ou mal compris les éléments de preuve dont elle était saisie en concluant qu’elle blâmait les autres pour la fausse déclaration et que l’omission de déclarer sa véritable date de naissance était délibérée. La demanderesse soutient qu’elle n’a blâmé personne à proprement parler, mais que, selon son témoignage, elle s’était simplement fiée à son père concernant le renseignement et qu’elle n’avait aucune raison de douter qu’il fournirait des renseignements exacts. De plus, elle prétend que c’était son père, et non elle, qui a délibérément déclaré une fausse date de naissance et que cela a été fait à son insu.

 

[15]           La demanderesse soutient également que la SAI a été influencée par le contenu d’un autre appel porté devant elle qui visait son mari. La demanderesse conteste la déclaration de la SAI selon laquelle « elle veut maintenant me faire croire que personne ne l’attend en Inde, en dépit du fait qu’elle est légalement mariée au moins une fois [...] ». Selon la demanderesse, la SAI a ignoré la preuve qu’elle a conclu, dans le cadre de l’appel concernant le parrainage de son mari, que son mari ne l’avait épousée que pour être admis au Canada. De plus, dans le cadre de cet appel, la demanderesse a témoigné que son mari et la famille de ce dernier lui avaient dit qu’elle ne pourrait pas demeurer dans leur foyer en Inde, à moins que son mari ne soit en mesure de venir au Canada. La demanderesse soutient que la SAI a ignoré les éléments de preuve corroborant son témoignage dans la conclusion de la SAI à l’égard de l’appel antérieur.

 

[16]           La demanderesse prétend aussi que la SAI a ignoré des éléments de preuve en tirant la conclusion selon laquelle elle n’éprouverait pas de difficultés si elle était renvoyée en Inde. Elle fait valoir que la SAI était saisie d’éléments de preuve selon lesquels elle avait toujours vécu avec son père avant de venir au Canada et que son père ne serait pas en mesure de retourner en Inde en raison de problèmes de santé et parce qu’il n’avait plus la citoyenneté indienne. En outre, la SAI était saisie d’éléments de preuve selon lesquels la demanderesse ne serait pas en mesure d’habiter avec son mari à son retour en Inde et qu’elle éprouverait des difficultés dans ce pays parce que, selon elle, une personne ayant connu deux échecs conjugaux serait très mal perçue par la société indienne, et qu’il serait donc probable qu’elle ne puisse pas se remarier.

 

[17]           Finalement, la demanderesse conteste la conclusion de la SAI selon laquelle son degré d’établissement au Canada est insuffisant pour justifier une exemption pour des motifs d’ordre humanitaire. La demanderesse fait valoir que la SAI était saisie d’éléments de preuve montrant son établissement et que la SAI n’y a prêté aucune attention. Elle soutient que les conclusions de la SAI concernant sa fausse déclaration ont vicié son évaluation de ce facteur et que, par conséquent, la SAI a omis de traiter cette question d’une manière complète et équitable.

 

[18]           La demanderesse a présenté plusieurs observations qui, à mon avis, indiquent simplement qu’elle est en désaccord avec les conclusions de la SAI. Elle n’a pas établi que la SAI a ignoré ou mal interprété des éléments de preuve dont elle était saisie, fondant ainsi sa décision sur une conclusion de fait erronée ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait. Il est important de se rappeler que la décision de la SAI d’accorder ou non une exemption des dispositions de la Loi pour des motifs d’ordre humanitaire est une décision de nature discrétionnaire et qu’elle appelle la retenue nécessaire de la Cour.

 

[19]           Je ne suis pas d’accord pour dire que la SAI a mal interprété la preuve en concluant que l’appelante a minimisé la fausse déclaration ou que la SAI a commis une erreur en ignorant les éléments de preuve corroborants concernant la question de savoir si la demanderesse pourrait rester avec son mari à son retour en Inde. La SAI a conclu ce qui suit au paragraphe 7 de la décision :

Tout d’abord, l’appelante a tenté de minimiser sa responsabilité dans les fausses déclarations. Elle a déclaré qu’elle ne savait ni lire ni écrire et que sa date de naissance avait été donnée par son père lorsque celui‑ci avait présenté sa demande d’établissement. Elle m’a dit que, jusqu’à tout récemment, elle avait toujours cru être née en 1981 et non en 1972. Je ne considère pas l’appelante comme crédible. Ce n’est pas la première fois qu’elle fait une fausse déclaration sous serment devant la Commission. En 2004, lorsqu’elle a parrainé son époux, elle a déclaré qu’il s’agissait de son premier mariage, alors que, en fait, elle avait épousé un premier homme vers 1996. Pendant le contre‑interrogatoire, sommée par le conseil de la ministre de s’expliquer à ce sujet, l’appelante s’est confondue en excuses. Qui plus est, elle veut maintenant me faire croire que personne ne l’attend en Inde, en dépit du fait qu’elle est légalement mariée au moins une fois, et que la police l’arrêterait là‑bas puisqu’elle est une femme seule.

 

[20]           Selon l’alinéa 40(1)a) de la Loi, il n’est pas nécessaire qu’une présentation erronée soit directe. Une personne peut également être interdite de territoire pour avoir fait indirectement une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la Loi. Comme l’indique le défendeur, le dossier est truffé de fausses déclarations de la part de la demanderesse concernant ses antécédents de mariage et son âge et la SAI avait un fondement substantiel sur lequel appuyer ses conclusions. L’avocat de la demanderesse souligne qu’il faudrait tenir compte de l’analphabétisme et du manque d’instruction de la demanderesse dans toutes ces questions. Toutefois, en lisant la décision, il est clair que la SAI a tenu compte de ces facteurs lorsqu’elle s’est prononcée sur les fausses déclarations de la demanderesse et sa crédibilité. Bon nombre de contradictions étayent les conclusions de la SAI. Il m’apparaît clairement que la SAI n’a pas ignoré la preuve de la demanderesse. Elle en a simplement rejetée la majeure partie et a conclu qu’elle était une personne qui avait abusé du système et qui ne pouvait pas être crue. J’estime que la SAI n’a pas commis d’erreur en concluant que, malgré l’ignorance alléguée de la demanderesse à l’égard des fausses déclarations, la demanderesse avait directement ou indirectement fait une présentation erronée sur son âge. Même s’il était vrai que la demanderesse s’appuyait sur son père pour fournir des renseignements exacts concernant son âge et que les renseignements fournis par son père à son insu étaient inexacts, cela n’empêcherait pas l’application de l’article 40 de la Loi. La fausse déclaration demeure une fausse déclaration directe ou indirecte qui, en l’espèce, a entraîné une erreur dans l’application de la Loi. En conséquence, je conclus que la SAI n’a pas commis d’erreur à cet égard.

 

[21]           Je conclus de plus que, dans son appréciation de la crédibilité de la demanderesse, la SAI n’a pas commis d’erreur en tenant compte du fait que la demanderesse avait menti sous serment dans son appel porté devant la SAI en 2004, lorsqu’elle a omis de divulguer son premier mariage. Je ne crois pas que l’appréciation de la crédibilité de la demanderesse par la SAI était uniquement fondée sur ses omissions d’avoir fourni des renseignements véridiques, mais je conclus qu’il ne s’agissait que d’un facteur dans l’appréciation de la crédibilité de la demanderesse par la SAI. Après avoir lu la décision dans son ensemble, il est clair que la SAI a conclu que la demanderesse n’était pas crédible compte tenu de ses déclarations contradictoires, notamment les déclarations concernant son âge, ses réponses évasives, son affirmation invraisemblable qu’elle avait toujours cru qu’elle avait neuf ans de moins que son âge réel, de même que son omission antérieure de divulguer son premier mariage et ses antécédents de mensonges sous serment à la SAI. Compte tenu de la grande retenue qui doit être accordée à la SAI concernant ses conclusions quant à la crédibilité, je conclus qu’il était raisonnablement loisible à la SAI de conclure que la demanderesse n’était pas crédible et de rejeter son témoignage en conséquence.

 

[22]           Je conclus également que la SAI n’a pas ignoré des éléments de preuve en tirant la conclusion selon laquelle la demanderesse ne rencontrerait pas de difficultés si elle était renvoyée en Inde. La décision indique clairement que la SAI a tenu compte du témoignage de la demanderesse mais ne pouvait l’accepter et a conclu que les difficultés qu’éprouverait la demanderesse, s’il en était, au cas où elle serait renvoyée du Canada, n’étaient pas à ce point importantes qu’elles justifiaient la prise de mesures spéciales vu la situation de la demanderesse. La SAI déclare ce qui suit aux paragraphes 11 et 12 de la décision :

Bien que l’appelante ait expliqué qu’elle vivrait des moments difficiles après son retour en Inde, il est à noter que celle‑ci a vécu en Inde pendant environ 29 ans avant de venir s’établir au Canada et que, au cours de cette période, elle n’a éprouvé aucune difficulté, et il n’y a aucune raison de croire qu’elle subirait un quelconque préjudice si elle était expulsée du Canada.

 

Je crois savoir que l’appelante est très proche de son père et qu’elle habite avec lui. Toutefois, les bouleversements que l’appelante et son père vivraient après le retour de celle‑ci en Inde ne sont pas suffisants pour me permettre de conclure que l’expulsion de l’appelante lui causerait des difficultés excessives. En outre, le père peut toujours accompagner l’appelante en Inde s’il le désire. Il a participé de son plein gré à la présentation de fausses déclarations et il devrait être disposé à en accepter les conséquences.

 

[23]           Il est bien établi en droit qu’à l’occasion d’un contrôle judiciaire, la Cour ne doit pas apprécier à nouveau la preuve (Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 277 F.T.R. 216, 2005 CF 1059). Compte tenu de la preuve dont la SAI était saisie, je conclus qu’il était raisonnablement loisible à celle‑ci de conclure que les difficultés que pourrait rencontrer la demanderesse si elle était renvoyée du Canada n’étaient pas suffisantes pour justifier la prise de mesures spéciales vu la situation de la demanderesse.

 

[24]           Je conclus également que la SAI n’a pas commis d’erreur en décidant du degré d’établissement de la demanderesse au Canada. La SAI a accepté le témoignage de la demanderesse concernant son emploi stable, son engagement dans la collectivité et le fait que ses liens d’amitié avec des Canadiens montraient un certain établissement au Canada. Toutefois, la SAI a conclu que le degré d’établissement de la demanderesse et les difficultés avec lesquelles elle serait aux prises si elle retournait en Inde n’étaient pas suffisants pour justifier une exemption des dispositions de la Loi à son égard. Cette conclusion n’était pas déraisonnable et ne constituait donc pas une erreur susceptible de contrôle.

 

[25]           À mon avis, même si la SAI avait accepté que la demanderesse avait participé involontairement à la présentation erronée sur son âge et son état civil, la SAI était fondée à conclure que la prise de mesures spéciales n’étaient pas justifiée. Les motifs de la SAI démontrent qu’elle a soupesé et examiné de façon appropriée les éléments de preuve dont elle était saisie. À mon avis, la demanderesse a omis d’établir que la SAI a commis une erreur susceptible de contrôle.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5498‑07

 

INTITULÉ :                                       NASIB KAUR BARM (MORE) c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 21 juillet 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Mir Huculak

 

Pour la demanderesse

Lisa Laird

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Mir Huculak

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour la demanderesse

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

Pour le défendeur

 

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