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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080717

Dossier : IMM-435-08

Référence : 2008 CF 883

Toronto (Ontario), le 17 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

RIGOBERTO ANTONIO MARTINEZ-SOTO

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Rigoberto Antonio Martinez-Soto demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration a refusé de surseoir à sa mesure d’expulsion, mesure dont il est frappé en raison de son interdiction de territoire pour grande criminalité.

 

[2]               M. Martinez-Soto est né le 24 mars 1959 au Salvador. Il a été admis au Canada comme réfugié au sens de la Convention le 22 mai 1986. Il est devenu alcoolique en raison d’angoisses causées par le traumatisme du fait qu’il avait été témoin des escadrons de la mort à l’œuvre au Salvador. Son abus d’alcool a contribué à ses longs antécédents criminels. Ses tentatives de lutte contre son abus d’alcool pendant cette période ont échoué. Après avoir été reconnu coupable de voies de fait causant des lésions corporelles, il a été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[3]               Après sa déclaration de culpabilité, M. Martinez-Soto a donné une nouvelle orientation à sa vie : il a cessé de boire, il a commencé à respecter les ordonnances judiciaires de surveillance et il a commencé à réussir, tant selon son agent de probation que selon son psychiatre, dans sa lutte contre sa dépendance à l’alcool et dans sa gestion des problèmes sous-jacents qui ont contribué à son abus d’alcool. Il n’a plus commis d’infraction criminelle.

 

[4]               M. Martinez-Soto a demandé un sursis à sa mesure d’expulsion à la Section d’appel de l’immigration (la SAI) conformément à l’article 68. La SAI a rejeté son appel, car elle a conclu qu’il n’avait pas prouvé, selon le critère civil de la prépondérance de la preuve, qu’il s’était réadapté.

 

[5]               La norme de contrôle applicable à la décision discrétionnaire d’un tribunal est la raisonnabilité, mais il faut « t[enir] dûment compte des conclusions du décideur ». Voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] A.C.S. n° 9, au paragraphe 49.

 

[6]               Dans la décision Ribic c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] D.S.A.I. no 4, la SAI a énoncé une liste de facteurs dont on doit tenir compte dans le cadre d’un appel contre une mesure d’expulsion. Parmi ces facteurs, il y a :

 

·                    la gravité de l’infraction ou des infractions à l’origine de l’expulsion;

·                    la possibilité de réadaptation ou, de façon subsidiaire, les circonstances du manquement aux conditions d’admissibilité, qui est à l’origine de la mesure d’expulsion; [Non souligné dans l’original.]

·                    la période passée au Canada;

·                    le degré d’établissement de l’appelant;

·                    la famille qu’il a au pays et les bouleversements que l’expulsion de l’appelant occasionnerait pour cette famille;

·                    le soutien dont bénéficie l’appelant, non seulement au sein de sa famille, mais également de la collectivité;

·                    l’importance des difficultés que causerait à l’appelant le retour dans son pays de nationalité.

 

[7]               Dans l’arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CSC 3, la Cour suprême du Canada a confirmé les facteurs énoncés dans la décision Ribic. Ce faisant, la Cour suprême a souligné qu’elle approuvait depuis longtemps l’interprétation large de la disposition équivalente qui était alors en vigueur. La Cour suprême a fait remarquer que les pouvoirs de réparation de la Commission étaient très souples : pour trancher un appel, la Commission peut l’accueillir, le rejeter ou ordonner un sursis à l’exécution de la mesure sous conditions.

 

[8]               Vu que la Cour suprême du Canada a adhéré à une interprétation large et vu son commentaire précis selon lequel la SAI peut surseoir à une mesure d’expulsion sous conditions, je conclus que l’interprétation à donner au facteur de réadaptation de la décision Ribic est, selon ce qui est expressément énoncé, la possibilité de réadaptation plutôt que la preuve de la réadaptation.

 

[9]               La SAI a appliqué une interprétation plus restrictive de la réadaptation que l’interprétation énoncée dans la décision Ribic, lorsqu’elle a décidé que M. Martinez‑Soto n’avait pas fait la preuve de sa réadaptation. Ce faisant, la SAI a à mon avis rendu une décision déraisonnable.

 

[10]           Aucune des parties n’a proposé de question grave à certifier.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’appel est renvoyé à un autre tribunal pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire;

2.                  aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M., M.A.Trad.jur.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                             IMM-435-08

 

INTITULÉ :                                            RIGOBERTO ANTONIO MARTINEZ-SOTO c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 16 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                  Le juge Mandamin

 

 

DATE DES MOTIFS :                          Le 17 juillet 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

J. Norris Ormston

 

POUR LE DEMANDEUR

John Provart

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS au DOSSIER :

 

Ormston, Bellissimo, Rotenberg

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c. r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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