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Date : 20080718

Dossier : T-1184-05

Référence : 2008 CF 886

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

Entre :

ROGER JOHN DOCKSTADER

demandeur

et

 

LE PROCUREUR général du Canada

 

défendeur

 

motifs du jugement et jugement AMeNDÉ

AMENDANT L’INTITULÉ DE CAUSE

 

[1]               Le demandeur était un membre du Cadre des instructeurs de cadets, avait le grade de major et était le commandant de l'Escadron 800 Black Forest des Cadets de l’Air à Mississauga (l’escadron).

 

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision du Chef d’état-major de la Défense (le CEMD) datée du 31 mai 2005 (la décision du CEMD), laquelle rejetait les griefs du demandeur à l’égard de deux décisions prises par l’officier des cadets de la région (l’OCR).

 

[3]               La première décision est celle de l’OCR du 9 mars 2001 retirant au demandeur ses fonctions militaires en attendant l’issue d’une enquête (l’enquête) du Service national des enquêtes des Forces canadiennes (le SNE). Le grief relatif à cette décision a été déposé le 20 mars 2001 et il y était allégué, entre autres, que le demandeur n’avait pas obtenu de motifs pour la décision ou n’avait pas eu l’opportunité de présenter des observations conformément au paragraphe 101.08(5) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.

 

[4]               La deuxième décision, datée du 31 octobre 2001, était le refus de l’OCR de permettre au demandeur de reprendre son service actif à titre de commandant de l’escadron, lui offrant plutôt la possibilité de démissionner volontairement ou d’être muté à la réserve supplémentaire.

 

L’enquête

 

[5]               L’enquête a commencé au début du mois de mars 2001 et le rapport sur celle-ci (le rapport du SNE) est daté du 24 août 2001. L’enquête a été ouverte, en partie, en raison d’une plainte d’agression sexuelle déposée par une cadette qui était mineure au moment de l’incident allégué. Le SNE n’a cependant pas recommandé de mesure parce que la plaignante n’était pas disposée à poursuivre.

 

[6]               Le SNE a également examiné une plainte dans laquelle on reprochait au demandeur de ne pas avoir traité de manière appropriée les accusations d’une cadette à l’encontre d’un autre officier. Toutefois, cette plaignante a aussi décidé de ne pas poursuivre sa plainte; aucune mesure n’a donc été recommandée.

 

[7]               En outre, l’enquête portait sur des allégations de fraude à l’égard d’une somme d’environ 4 000 $ provenant de demandes falsifiées de remboursement pour des frais de repas réclamés relativement à trois sorties de cadets (une inspection annuelle, un voyage de ski et un voyage de vol à voile). Le SNE a interrogé trente-deux cadets et a obtenu les résultats suivants : trente cadets ont nié que la signature qui apparaissait sur les réclamations de frais de repas présentées après la sortie d’inspection était leur propre signature, dix-sept autres ont aussi nié avoir signé les réclamations de frais de repas pour le voyage de ski et six ont nié qu’il s’agissait de leur signature à l’égard du voyage de vol à voile.

 

[8]               De même, le nom de cadets qui n’avaient pas encore rejoint les rangs de l’escadron a été signé sur des réclamations de frais de repas pendant l’inspection annuelle et de nombreux cadets dont le nom apparaissait sur les réclamations de frais de repas ont déclaré qu’ils n’avaient pas participé aux sorties.

 

[9]               En conséquence, le SNE a été en mesure de conclure qu’il y avait eu fraude par falsification pendant que le demandeur était commandant. Même si le demandeur était un suspect, le SNE n’avait toutefois pas suffisamment de preuve pour tirer une conclusion sur l’identité du coupable. Sur les conseils de son avocat, le demandeur a refusé de parler aux enquêteurs du SNE et, même si plusieurs témoins ont déclaré qu’un capitaine Rulton était responsable des réclamations de frais de repas, celui-ci était décédé au moment de l’enquête.

 

[10]           Pour tous ces motifs, le SNE a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour porter des accusations.

 

[11]           Pendant le déroulement de l’enquête et alors que le demandeur avait été démis de ses fonctions, un nouveau commandant a été nommé pour diriger l’escadron pendant un mandat de quatre ans (le nouveau commandant). Il a commencé à occuper ses fonctions au cours du mois d’août 2001 et a connu un succès immédiat dans son nouveau rôle. Ceci transparaît dans une lettre du Comité de parrainage de l’escadron (les parrains), datée du 18 décembre 2001, indiquant que l’appui initial accordé au demandeur était [traduction] « complètement miné », après avoir diminué depuis un bon moment. Parmi les parrains, on retrouvait des membres de la Légion et les parents de cadets.

 

[12]           Dans les faits, au moment où le rapport du SNE a été publié, le poste du demandeur comme commandant de l’escadron était occupé par le nouveau commandant. Même si le demandeur avait pu reprendre son service actif, son affectation aurait changé. Toutefois, l’OCR avait décidé qu’il ne reprendrait pas son service actif auprès de cadets.

 

[13]           Dans un courriel daté du 28 septembre 2001 (le courriel), l’OCR a indiqué ce qui suit à propos des perspectives du demandeur après la publication du rapport du SNE :

[traduction]

En ce qui a trait à l’objet B, je rencontrerai le mgén Daigle et le JAG vraisemblablement la semaine prochaine et il est prévu que le gén réintègre le maj Dockstater. Je veux cependant m’assurer que le major n’aura plus l’occasion de travailler avec les cadets. Pour ce qui est de l’examen financier, il sera effectué par le personnel du QG SREIFC.

 

[14]           Le 12 octobre 2001, le commandant du Service de recrutement, de l’éducation et de la formation des Forces canadiennes a envoyé une lettre au demandeur l’informant qu’il n’était plus démis de ses fonctions militaires. Cela signifiait qu’il pouvait reprendre son service. Toutefois, dans une lettre datée du 31 octobre 2001, l’OCR a avisé le demandeur qu’il ne reprendrait pas son service. Voici en partie ce qu’il a écrit :

[traduction]

L’enquête menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes (le SNEFC) […] à propos de diverses allégations, a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour appuyer des plaintes officielles contre vous. En conséquence, l’objet A [la lettre du cmdt du SREIFC du 12 octobre 2001] a annulé votre retrait des fonctions militaires.

 

Toutefois, l’examen de tous les aspects des questions en cause fait clairement ressortir que, pendant que vous avez commandé le 800 ECARC, des listes nominatives ont été présentées avec de fausses signatures. Ceci, combiné à d’autres aspects de votre rendement, comportement et sens des responsabilités à titre de commandant, a miné la réputation du mouvement des cadets. J’estime que ces lacunes sont incompatibles avec les qualités requises d’un officier supérieur du CIC occupant un poste de confiance et d’autorité.

 

Ma préoccupation primordiale est la sécurité et le bien-être des cadets et de veiller à ce que tous les participants dans le programme des cadets, tant civils que militaires, aient totalement confiance en tous les officiers nommés à des postes de responsabilité et de contrôle. Gardant ces préoccupations très présentes à l’esprit, je dois vous informer qu’à l’heure actuelle il n’y a aucun poste convenable auquel vous pourriez être nommé et que cette situation se poursuivra pendant une période indéterminée.

 

[C’est le Comité de règlement des griefs qui souligne.]

 

[15]           À mon avis, cette décision indiquait que la candidature du demandeur ne serait jamais prise en compte pour un poste au sein de l’escadron ni auprès d’aucun autre corps de cadets.

 

[16]           L’OCR a aussi donné un choix au demandeur : il pouvait obtenir sa libération ou être muté à la Réserve supplémentaire. Après un moment, le demandeur a choisi la mutation.

 

Le comité de règlement des griefs

 

[17]           Dans sa décision du 29 mars 2005, le Comité de règlement des griefs (le comité) a conclu que, lorsque le demandeur a été relevé de ses fonctions en mars 2001, il a été prévenu que l’enquête se déroulait mais n’a reçu aucun avis concernant la nature des allégations faites contre lui. Cela enfreignait les exigences de l’équité procédurale selon lesquelles il fallait, au minimum, un avis d’intention de retirer au demandeur son poste de commandement, la communication des renseignements à l’appui et un délai de réponse.

 

[18]           Le comité a cependant conclu que la décision de relever le demandeur de ses fonctions compte tenu de l’enquête était raisonnable parce que les allégations étaient sérieuses et que le bien‑être des cadets devait être pris en compte.

 

[19]           De plus, le comité a conclu que, lorsque le demandeur a été privé de l’occasion de reprendre ses fonctions après la levée de sa suspension, l’OCR a injustement omis de communiquer plusieurs autres allégations dont il avait tenu compte lorsqu’il a pris sa décision et qu’aucun élément de preuve n’étayait la décision de l’OCR. Le comité a recommandé que des efforts soient faits pour que le demandeur reprenne son service actif.

 

La décision du CEMD

 

[20]           Le CEMD n’était pas tenu de donner suite aux conclusions et aux recommandations du comité et, en l’espèce, il les a ignorées en partie.

 

[21]           Le CEMD a convenu avec le comité que la décision initiale de l’OCR de relever le demandeur de ses fonctions était raisonnable mais n’a pas fait d’observation concernant la conclusion du comité selon laquelle l’omission de communiquer les allégations faisant l’objet de l’enquête en temps opportun était inéquitable.

 

[22]           En ce qui a trait à la deuxième décision de l’OCR, le CEMD n’était pas d’accord avec le comité. Il a indiqué que l’OCR avait le droit de refuser de réintégrer le demandeur dans ses fonctions à titre de commandant de l’escadron, mais qu’il aurait dû l’informer de tous ses motifs.


 

[23]           La décision du CEMD se terminait comme suit à ce sujet :

[traduction]

[…] Je suis également convaincu que, malgré les erreurs procédurales commises par l’OCR lorsqu’il a décidé de ne pas vous réintégrer dans votre poste de commandant de l’escadron 800, aucune autre décision n’aurait pu être prise compte tenu de l’activité frauduleuse exercée durant votre commandement, de votre décision de ne pas collaborer à l’enquête sur la fraude et de l’absence de confiance du comité de parrainage à votre égard.

 

 

[24]           Je constate que la décision du CEMD ne portait pas sur les aspects plus larges de la deuxième décision de l’OCR, outre le fait qu’il ne retournerait pas à l’escadron, le demandeur ne servirait jamais à titre d’officier dans un escadron de cadets.

 

[25]           La décision du CEMD indiquait également que l’omission du demandeur de collaborer avec le SNE pendant l’enquête sur les conseils de son avocat était un élément que l’OCR avait le droit de prendre en compte dans le cadre de sa décision de ne pas permettre au demandeur de reprendre son service actif.

 

[26]           En dernier lieu, la décision du CEMD critiquait le demandeur pour avoir omis de collaborer avec les Forces canadiennes en faisant des commentaires sur la fraude une fois l’enquête terminée. Cette occasion s’est présentée le 14 juillet 2004 lorsque le comité a communiqué le rapport du SNE au demandeur. Toutefois, il a refusé à deux reprises de présenter des observations lorsque le comité le lui a demandé et il a également refusé de le faire dans le cadre de l’examen fait par le CEMD.

 

LES Questions non litigieuses

 

[27]           Il n’est pas contesté qu’un très grand nombre de fausses signatures figure sur des réclamations de frais de repas (la fraude) et que cette fraude s’est produite alors que le demandeur commandait l’escadron. Il n’est pas non plus contesté que le demandeur avait la responsabilité de veiller à ce que la gestion des finances de l’escadron se déroule conformément à l’éthique.

 

[28]           De plus, il n’est pas contesté que le programme des cadets est une coentreprise entre le ministère de la Défense nationale et les parrains et qu’un commandant ne peut exercer ses fonctions efficacement sans le soutien des parrains.

 

Les Questions en litige

 

[29]           Le demandeur a abandonné ses arguments constitutionnels pendant les plaidoiries.

 

[30]           Les autres questions en litige étaient de savoir si :

1.                  le CEMD a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’incidence des deux délais sur le demandeur;

2.                  le CEMD a commis une erreur en omettant de mentionner le courriel de l’OCR daté du 28 septembre 2001;

3.                  le CEMD a commis une erreur lorsqu’il a tiré une inférence défavorable de  l’omission du demandeur de collaborer aux efforts déployés par le SNE et les Forces canadiennes pour identifier la personne responsable de la fraude.

 

La norme de contrôle

 

[31]           Il faut tout d’abord qualifier les questions en litige. À mon avis, les deux premières questions se rapportent à l’équité procédurale et la troisième soulève des questions de droit.

 

[32]           Les questions d’équité procédurale ne commandent aucune retenue. De plus, les questions de droit particulières en l’espèce sont suffisamment à l’extérieur du domaine d’expertise du CEMD pour justifier l’application de la norme de la décision correcte (voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 55).

 

[33]           En tirant cette conclusion, je tiens compte des observations du défendeur selon lesquelles les éléments de la question no 3 sont des questions mixtes de fait et de droit qui, selon l’analyse complète menée par madame la juge Layden-Stevenson dans la décision Armstrong c. Canada (Procureur général), 2006 CF 505, devraient être examinées selon la norme de la décision raisonnable. Bien que je sois d’accord avec les conclusions de la juge dans ce jugement, je rejette l’observation du défendeur à propos de la nature de la question no 3. À mon avis, la question no 3 ne comporte aucune composante factuelle. La preuve selon laquelle le demandeur n’a jamais aidé le SNE ou les Forces canadiennes à identifier le faussaire n’a pas été contredite.

ANALYSE

 

            Question no 1

 

[34]           Le premier délai est celui décrit comme la période entre la publication du rapport du SNE le 28 août 2001 et la décision de l’OCR du 31 octobre 2001 de ne pas permettre au demandeur de reprendre ses fonctions. Le demandeur soutient que le délai lui a causé un préjudice parce que, si l’OCR avait agi immédiatement après la publication du rapport du SNE, il aurait pu réintégrer le demandeur dans ses fonctions de commandant de l’escadron au début du mois de septembre à un moment où les parrains lui accordaient encore leur soutien.

 

[35]           À mon avis, cette observation n’est pas convaincante pour deux raisons. Premièrement, le 28 août 2001, le nouveau commandant avait assumé le commandement de l’escadron pour un mandat de quatre ans. Aucun poste de commandant de l’escadron n’était vacant au début du mois de septembre. De plus, le demandeur n’a pas contesté la pertinence de la nomination du nouveau commandant. Il a cependant indiqué dans ses plaidoiries orales que le nouveau commandant aurait peut-être dû être nommé de manière « intérimaire », mais on ne m’a présenté aucune décision indiquant qu’un officier démis de ses fonctions peut uniquement être remplacé par un officier sur une base « intérimaire ».

 

[36]           De plus, si le poste de commandant avait été vacant, il n’y a aucune preuve claire indiquant quelle aurait été l’attitude des parrains à l’égard du retour du demandeur en tant que commandant à la fin du mois d’août 2001. Il est vrai, comme l’indique le demandeur, que les parrains auraient eu moins de temps pour s’enthousiasmer à l’égard du nouveau commandant, mais je ne suis pas disposée à présumer qu’ils auraient soutenu le demandeur, plus particulièrement parce que leur lettre du 18 décembre 2001 déclarait que leur soutien à son égard [traduction] « diminuait » depuis un bon moment.

 

[37]           Le deuxième délai allait de mars 2001, moment où le premier grief a été déposé, au 29 mars 2005, lorsque le comité a rendu sa décision. La preuve démontre que le comité avait à cette époque des arriérés de 800 dossiers et qu’il tranchait ceux-ci selon l’ordre de réception des griefs. Ce délai administratif était très malheureux, mais il n’était pas inéquitable au sens juridique en l’absence de preuve de préjudice.

 

[38]           Dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, au paragraphe 121, la Cour suprême du Canada a indiqué que, dans des cas de délai administratif, il y a préjudice quand la capacité d’une partie de recevoir une audition équitable est, d’une façon ou d’une autre, compromise. Il n’y a aucune preuve d’un tel préjudice en l’espèce.

 

[39]           Pour ces motifs, j’ai conclu que les délais décrits ci-dessus ne constituaient pas des manquements aux exigences de l’équité procédurale et que, par conséquent, le CEMD n’avait pas commis d’erreur en omettant de tenir compte de leur incidence.

 


Question no 2             Le courriel

 

[40]           Le comité a mentionné le courriel du 28 septembre 2001 dans lequel l’OCR a indiqué qu’il ne voulait pas que le demandeur reprenne du service auprès de cadets. Cependant, comme le demandeur le fait valoir, le CEMD n’a pas mentionné le courriel. Cet oubli révèle un vice grave dans la décision du CEMD. Celle-ci mettait l’accent sur la question de savoir si le demandeur pouvait récupérer son poste de commandant de l’escadron, mais ne traitait pas de ce qui constituait un refus permanent de permettre au demandeur de reprendre du service actif auprès de cadets en quelque endroit que ce soit. Dans les faits, cette décision mettait un terme à la carrière du demandeur à titre d’instructeur de cadets.

 

[41]           Compte tenu du libellé du courriel et de la lettre du 31 octobre 2001 cités ci-dessus, il n’était pas loisible au CEMD de déclarer ce qui suit :

[traduction]

À l’instar d’autres commandants de corps de cadets qui terminent leur mandat de commandant, d’autres possibilités d’emploi étaient extrêmement limitées dans votre cas. C’est ce que l’OCR vous a indiqué dans sa lettre. Il a également dit qu’il n’y avait pas de poste convenable pour vous à ce moment-là ni dans un avenir prévisible. Privé d’un poste, vous étiez, comme c’est le cas d’autres commandants, tenu d’être muté à la Réserve supplémentaire ou d’obtenir votre libération.

 

En tant que membre de la Réserve supplémentaire, vous demeurez admissible à postuler une mutation pour figurer de nouveau sur la liste des instructeurs de cadets ou à un autre sous-élément de la Force de réserve lorsqu’une vacance appropriée sera disponible.

[Non souligné dans l’original.]

 

[42]           Cette déclaration passait sous silence les véritables propos de l’OCR. Il a indiqué qu’il n’y avait pas de poste convenable pour une [traduction] « période indéterminée » et non dans un [traduction] « avenir prévisible ». De plus, compte tenu du courriel, il n’y avait absolument aucune possibilité pour le demandeur de postuler avec succès une mutation de la Réserve supplémentaire à un poste d’instructeur de cadets.

 

Question no 3             Omission de collaborer à la découverte de la raison de la fraude

 

                        3(a)      L’enquête

 

[43]           L’avocat du défendeur a convenu que le CEMD a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’OCR avait le droit de tirer une inférence défavorable de l’exercice par le demandeur du droit de garder le silence pendant l’enquête.

 

3(b)      La situation postérieure à l’enquête

 

[44]           Le défendeur indique cependant que le droit du demandeur de garder le silence a cessé à la fin de l’enquête et que le CEMD a conclu avec justesse que l’OCR  avait le droit de tirer une inférence défavorable de l’omission de faire des observations sur la fraude lorsque le comité et le CEMD lui ont demandé de le faire.

 

[45]           Cette prétention s’appuie sur une série de décisions rendues par des arbitres dans le contexte du droit du travail. Ils ont conclu dans ces décisions qu’en présence d’une preuve prima facie de faute, il incombe à l’employé de collaborer à l’enquête de son employeur.

 

[46]           Appliquée en l’espèce, cette proposition signifierait que, quand le SNE a conclu son enquête, le demandeur était tenu de collaborer aux efforts déployés par les Forces canadiennes en vue d’identifier la personne qui avait commis la fraude.

 

[47]           La difficulté avec cette prétention est que, si le demandeur avait collaboré et, par exemple, avait admis avoir fait de fausses réclamations de frais de repas, rien n’aurait empêché le SNE de rouvrir son enquête et de recommander des accusations au pénal. Dans une telle situation, le droit de garder le silence n’aurait plus de signification. Pour ce motif, j’ai conclu que le CEMD a erré en droit lorsqu’il a tiré une inférence défavorable de l’omission du demandeur de collaborer une fois l’enquête terminée.


JUGEMENT

Pour tous ces motifs, la cour statue que :

·        La demande est accueillie avec dépens.

·        La décision du CEMD est par les présentes annulée et l’affaire est renvoyée pour réexamen.

·        Dans le réexamen, le CEMD est tenu de prendre en compte, entre autres choses, le caractère approprié de la décision de l’OCR de mettre fin à la carrière du demandeur à titre d’instructeur de cadets et il est tenu d’ignorer l’omission du demandeur de collaborer à l’enquête et aux enquêtes ultérieures des Forces canadiennes, du comité et du CEMD à propos de la fraude.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

Dossier :                                        T-1184-05

                                                           

 

 

Intitulé :                                       ROGER JOHN DOCKSTADER c.

                                                            le procureur général du Canada

                                                           

 

Lieu de l’audience :                 Toronto

 

 

DATE de l’audience :               Le 11 février 2008

 

 

Motifs du jugement

ET JUGEMENT  :                             La juge Simpson

 

 

Date des motifs

ET DU JUGEMENT :                       Le 18 juillet 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Joshua J. Gleiberman                                                                pour le demandeur

 

Shelley Quinn                                                                           pour le défendeur

Michelle Ratpan

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Kelly, Greenway, Bruce                                                           pour le demandeur

Avocats

Oshawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     pour le défendeur

Toronto (Ontario)

 

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