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Date : 20080711

Dossier : IMM-5247-07

Référence : 2008 CF 855

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

DONAVINE NDAYIKEJE

LIONEL GAHINYUZA

(ALIAS LIONNEL GAHINYUZA)

 

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Donavine Ndayikeje et son cousin Lionel Gahinyuza sollicitent le contrôle judiciaire, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, d’une décision rendue le 26 octobre 2007 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), par laquelle la Commission a conclu que les demandeurs ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. 

 

[2]               La décision de la Commission repose sur sa propre conclusion que la preuve de Donavine Ndayikeje n’était pas crédible. La Commission a constaté des incohérences inexpliquées ainsi que des omissions graves dans la preuve présentée par Mme Ndayikeje, y compris des éléments de preuve se rapportant à des parties importantes de la demande. La Commission aurait examiné à la loupe la preuve soumise. Les demandeurs soutiennent que les omissions et les incohérences portaient sur des questions qui n’étaient pas essentielles à la demande. La Commission aurait également commis une erreur en se fondant sur les déclarations de Mme Ndayikeje dans les notes au point d’entrée, ce qui va à l’encontre de la décision de la Cour dans Sawyer c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1140, 2004 CF 935. En somme, les conclusions de la Commission ne seraient pas raisonnables. Je n’accepte pas cette observation.

 

[3]               Les demandeurs, citoyens du Burundi, ont présenté une demande d’asile le 26 juillet 2006 en raison de leurs opinions politiques et de leur affiliation à un groupe social particulier, au sens des articles 96 et 97 de la Loi. Les demandeurs craignent d’être persécutés par le Front de libération nationale (FLN), un groupe rebelle du Burundi. De plus, ils craignent d’être persécutés par le gouvernement. 

 

[4]               Donavine Ndayikeje soutient qu’elle a été enlevée par les rebelles du FLN le 10 février 2006 et qu’elle a été détenue dans un camp de rebelles. À son arrivée au camp, elle a constaté que son cousin Lionel Gahinyuza y était déjà. Les demandeurs ont été forcés à voler de la nourriture chez les civils pendant qu’ils étaient au camp. Environ trois mois après, ils se sont enfuis chez une tante qui habitait au Burundi. Il se sont rendus au Canada en transitant par les États-Unis. 

 

[5]               Il n’est pas contesté que des différences importantes sont notées sur le passeport utilisé par Donavine Ndayikeje pour voyager : la date de naissance qui y figurait n’était pas la même que celle fournie par Mme Ndayikeje dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP); la date inscrite sur le passeport est 1979 et aucun mois ni jour n’est précisé, alors que Mme Ndayikeje dit qu’elle est née en 1984. Pour expliquer cette erreur, Mme Ndayikeje a affirmé qu’un pasteur avait obtenu son passeport pour elle parce qu’il tentait d’organiser la visite d’un groupe de prière en France. Elle a déclaré que sa date de naissance avait été confondue avec celle d’une autre étudiante. Elle n’avait fourni aucun document de naissance officiel. Elle croit que le pasteur a obtenu ces renseignements auprès de l’école. À l’audience, elle a également témoigné ne pas avoir accompagné le pasteur au bureau des passeports lorsque celui‑ci a obtenu le passeport; il était seul pour faire les démarches.

 

[6]               Pour de nombreuses raisons, la Commission n’était pas convaincue par l’explication de Mme Ndayikeje. À mon avis, la preuve selon laquelle au Burundi il faut présenter une demande de passeport et aller chercher ce dernier en personne était suffisante pour compromettre cette partie de sa preuve.  

 

[7]               La Commission a également conclu que Mme Ndayikeje n’avait pris aucune mesure raisonnable pour remplacer ses papiers d’identité. Elle a témoigné que, après avoir constaté les erreurs sur le passeport, elle a obtenu les papiers d’identité appropriés du Burundi et les a ensuite envoyés par la poste à son avocat en novembre 2006. Il ne les a jamais reçus. Mme Ndayikeje l’a seulement appris juste avant la tenue de l’audience de la Commission. La Commission a fait remarquer que Mme Ndayikeje avait eu plus d’un an pour obtenir les papiers appropriés et qu’il n’était pas plausible qu’elle attende aussi longtemps pour s’informer auprès de son avocat quant à la réception des papiers. Il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion à la lumière de la preuve présentée.

 

[8]               Par conséquent, la Commission a conclu que Mme Ndayikeje n’avait pas fourni les papiers d’identité acceptables, comme le prévoit l’article 106 de la Loi. Cet article précise que la Commission doit prendre en compte, dans l’appréciation de la crédibilité du demandeur, le fait que le demandeur est muni de papiers d’identité acceptables. Si, comme c’est le cas en l’espèce, les papiers requis ne sont pas présentés, la Commission doit alors décider si une explication raisonnable a été fournie à cet égard ou si des mesures raisonnables ont été prises en vue d’obtenir les papiers exigés. Il s’agit précisément du processus suivi en l’espèce par la Commission. Son appréciation et sa conclusion sont raisonnables en ce qui a trait à la preuve de Mme Ndayikeje.

 

[9]               La Commission a poursuivi son appréciation de la déclaration selon laquelle les demandeurs craignaient de retourner au Burundi parce qu’ils redoutent le FLN. La Commission a soulevé quatre autres doutes quant à la crédibilité.

 

[10]           Premièrement, avant l’audience, Mme Ndayikeje n’a allégué craindre que le FLN. À l’audience, elle a également affirmé craindre les représentants du gouvernement au Burundi. Son explication pour justifier les erreurs commises était qu’elle était à ce moment‑là [traduction] « traumatisée et effrayée ». La Commission a jugé invraisemblable que Mme Ndayikeje ait été traumatisée et effrayée au moment de remplir son FRP étant donné qu’elle était en présence de son avocat et qu’elle était bel et bien éloignée du Burundi. La Commission a conclu que Mme Ndayikeje avait présenté cette récente déclaration pour renforcer sa demande d’asile. La Commission a également conclu qu’elle avait le droit de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité de Mme Ndayikeje. Ces conclusions sont raisonnables à mon avis. De plus, en ce qui concerne l’observation des demandeurs selon laquelle la Commission a examiné à la loupe la preuve soumise, je constate que l’élément de crainte est un fait important de la demande de Mme Ndayikeje.

 

[11]           Deuxièmement, à l’audience, Mme Ndayikeje a affirmé pour la première fois qu’elle avait vu les rebelles du FLN prendre des évadés comme exemple en les capturant et en les assassinant. Elle a soutenu avoir été témoin de cela plus de quatre fois au cours des trois mois pendant lesquels elle a été détenue par les rebelles. L’explication qu’elle a donnée pour ne pas avoir divulgué ces renseignements auparavant était la même, soit parce qu’elle était « effrayée ». Encore une fois, la Commission n’a pas cru que cette explication était plausible pour justifier l’omission d’une allégation si importante. La Commission a de nouveau tiré une conclusion défavorable de ce qu’elle estimait être une invention récente. Ses conclusions étaient raisonnables à mon avis. De plus, en ce qui concerne l’observation des demandeurs selon laquelle la Commission a examiné à la loupe la preuve soumise, je constate que l’allégation voulant que les rebelles visent et assassinent les évadés est très pertinente à la déclaration selon laquelle les demandeurs craignent retourner au Burundi en raison des rebelles. Un autre point important est que le témoignage de Mme Ndayikeje, révélant que les rebelles poursuivent effectivement les évadés en vue de les capturer de nouveau et de les assassiner, est la seule preuve qui a été présentée.

 

[12]           Troisièmement, la déclaration de Mme Ndayikeje à l’agent au point d’entrée et les renseignements qu’elle a fourni dans son FRP quant aux circonstances de son enlèvement étaient différents. Dans les notes au point d’entrée, elle a affirmé avoir été enlevée lorsqu’elle était à l’école. Dans son FRP et son témoignage, elle a déclaré avoir été enlevée lors de son retour de l’école à la maison, après un trajet de 30 minutes en autobus. Son explication pour justifier cette erreur était qu’elle était fatiguée à son arrivée au Canada. La Commission n’a pas jugé cette explication comme satisfaisante étant donné que son enlèvement était un événement déclencheur. 

 

[13]           Les demandeurs soutiennent que dans la décision Sawyer, la Cour déconseille l’utilisation des notes au point d’entrée de la façon dont la Commission les a utilisées en l’espèce. Le défendeur se fonde sur les motifs invoqués par la juge Dawson dans Puvaneswaran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1543, pour étayer la proposition à l’effet que la Commission peut se fonder sur les notes au point d’entrée dans le contexte de réponses à des questions de base. Dans la présente affaire, je conclus que la Commission n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a comparé l’explication donnée par Mme Ndayikeje à l’agent au point d’entrée et sa dernière explication. Mme Ndayikeje n’a pas nié sa déclaration à l’agent au point d’entrée ni le fait que les notes au point d’entrée reflétaient fidèlement ses propos à ce moment‑là. Malgré la proposition de l’avocat selon laquelle les notes au point d’entrée sont ambiguës, Mme Ndayikeje n’a pas soutenu cette position lorsque la Commission l’a interrogée. Par conséquent, j’estime que l’appréciation et la conclusion de la Commission étaient raisonnables et qu’il lui était loisible de les avancer au vu de la preuve. Il s’agit là d’un autre fait essentiel à la demande devant la Commission.

 

[14]           Enfin, dans les notes au point d’entrée, Mme Ndayikeje a affirmé que le pasteur s’était rendu seul à l’ambassade des États-Unis afin d’obtenir un visa pour les États-Unis, alors qu’à l’audience et dans son FRP, elle a déclaré l’avoir accompagné. Encore une fois, elle a expliqué qu’elle était fatiguée lorsqu’elle a fait la première déclaration. La Commission n’a pas considéré cette explication comme satisfaisante parce que, exception faite de la question du visa et des détails quant au lieu de son enlèvement, le document expose un récit cohérent. À mon avis, en me fondant sur l’ensemble de la preuve présentée devant la Commission, il était loisible à la Commission de tirer cette conclusion.

 

[15]           Par conséquent, parce qu’il était raisonnablement loisible à la Commission de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité, en se fondant sur les incohérences inexpliquées et les omissions graves dans la preuve de Mme Ndayikeje, les conclusions de la Commission respectent la norme de la décision raisonnable. La Commission n’a commis aucune erreur susceptible de révision; la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[16]           Ni l’une ni l’autre des parties n’a proposé de question à certifier et il n’y en a aucune à certifier.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Il n’y a aucune question à certifier.

 

                                                                                                                « Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu, traductrice

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5247-07

 

INTITULÉ :                                       DONAVINE NDAYIKEJE

                                                            LIONEL GAHINYUZA

                                                            (ALIAS LIONNEL GAHINYUZA) c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 juillet 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Zinn

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 11 juillet 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

 

POUR LES DEMANDEURS

Tamrat Gebeyehu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. CLIFFORD LUYT

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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