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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date : 20080708

Dossier : IMM-61-08

Référence : 2008 CF 844

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

STANLEY BERNARD GONSALVES, PAULA SUSAN GONSALVES,

BRANDON JOSH GONSALVES, TRISTAN MARK GONSALVES,

TIFFANY AMANDA GONSALVES et KRYSTAL MARIE GONSALVES

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur principal, Stanley Gonsalves, son épouse, Paula Gonsalves, et leurs enfants Brandon Gonsalves, Tristan Gonsalves, Tiffany Gonsalves et Krystal Gonsalves, sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 10 décembre 2007. Dans cette décision, la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

FAITS

[2]               Tous les membres de la famille des demandeurs sont des citoyens de la Guyana de descendance indo-guyanaise. Ils sont entrés au Canada en août 2006 en soutenant craindre avec raison d’être persécutés du fait de leur race et de leur origine ethnique. Plus particulièrement, les demandeurs allèguent qu’en tant que personnes de descendance indo-guyanaise, ils ont fait l’objet de persécution par le groupe ethnique majoritaire du pays, les Afro-Guyanais.

 

[3]               Les demandeurs affirment que l’incident le plus grave de persécution s’est produit en mai 2006 lorsque le demandeur principal s’est fait accoster dans son atelier de mécanique automobile par cinq Afro-Guyanais qui lui ont demandé de leur donner tout son argent et ses bijoux. Le demandeur principal affirme que les cinq hommes sont entrés de force dans sa maison, attenante à son atelier de mécanique automobile, et qu’ils l’ont battu, ont fait des attouchements sur son épouse et ont frappé ses enfants. Après que le demandeur principal eut remis aux hommes entre 200 000 et 300 000 dollars guyanais et des bijoux, les cambrioleurs ont attaché les demandeurs par les mains et les pieds et les ont menacés, et ils auraient tiré plusieurs coups de fusil dans la maison.

 

[4]               Les demandeurs ont plus tard été libérés par des voisins qui leur ont dit qu’ils avaient appelé la police. Cependant, les policiers ne se sont pas rendus sur les lieux de l’incident car, selon les voisins, ils n’avaient pas de véhicule. Étant donné que les policiers ne se seraient pas déplacés, les voisins ont donc conduit les demandeurs au poste de police, où ils ont fait un rapport à la police et ont obtenu l’information nécessaire pour être examinés par un médecin. À la suite de l’incident, les policiers ont visité les lieux et ont interrogé plusieurs personnes au sujet du cambriolage, et l’une d’elles a été arrêtée et accusée une semaine plus tard. Trois mois après, en août 2006, les demandeurs se sont enfuis de la Guyana. Le demandeur principal ne sait pas si la police a été en mesure d’appréhender d’autres suspects.

 

[5]               Dans son formulaire de renseignement personnel (le FRP), le demandeur principal signale également un certain nombre d’autres incidents de mauvais traitements et de harcèlement par les Afro-Guyanais, notamment :

a.       le soir où un homme afro-guyanais a brisé la vitre de la fenêtre de la chambre à coucher du demandeur principal et a tenté d’entrer par effraction dans la maison des demandeurs;

b.      le jour où le demandeur principal a réparé le véhicule d’un homme afro‑guyanais qui a refusé de payer la facture et qui lui a répondu que, s’il signalait l’incident à la police, il mettrait le feu à sa maison et à son garage;

c.       les fois où les demandeurs ont senti qu’ils étaient suivis par des Afro‑Guyanais;

d.      les incidents au cours desquels les enfants du demandeur principal ont été menacés et harcelés à l’école par des professeurs et des élèves afro-guyanais. Le demandeur principal affirme que la situation s’est tellement aggravée qu’ils ont transféré les enfants dans une école catholique, croyant qu’ils seraient mieux traités. Cependant, le demandeur principal allègue que les enfants ont reçu un traitement semblable à l’école catholique et que, de toute façon, lui et son épouse, ne peuvent plus se permettre de les envoyer dans une école catholique.

En outre, la demanderesse a aussi fait état dans son FRP d’un incident au cours duquel elle avait été accostée dans une fête scolaire où elle était allée avec ses filles en 2005. Lors de cet incident, la demanderesse affirme que deux hommes afro-guyanais les ont suivies, elle et ses filles, un peu partout sur les lieux de la fête, qu’ils les ont ensuite confrontées et qu’ils ont menacées de les agresser sexuellement.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

[6]               Le 10 décembre 2007, la Commission a conclu que les demandeurs ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger. Pour arriver à sa décision, la Commission a admis, selon la preuve ayant été produite, que les demandeurs ont été cambriolés et battus par des cambrioleurs afro-guyanais en mai 2006. À cet égard, la Commission a indiqué à la page 4 de sa décision :

Le tribunal admet que les demandeurs d’asile ont, par malheur, été cambriolés et battus en mai 2006. Des rapports de police et des rapports médicaux présentés par les demandeurs d’asile corroborent les faits.

 

[7]               Cependant, bien qu’elle ait jugé que les demandeurs étaient crédibles quant à l’incident de mai 2006, la Commission a conclu qu’ils n’avaient pas réfuté la présomption selon laquelle ils pourraient obtenir la protection de l’État en Guyana, écrivant aux pages 4 et 5 :

Le tribunal n’est pas convaincu, comme il devrait l’être, que l’État ne serait pas raisonnablement disposé à déployer des efforts sérieux pour protéger les demandeurs d’asile s’ils devaient retourner en Guyana. Le tribunal estime que l’ensemble des éléments de preuve ne permet pas de conclure à un effondrement de l’État, et la présomption selon laquelle un État est capable de protéger ses citoyens n’a pas été réfutée. Un État n’a pas à fournir une protection parfaite à ses citoyens.

 

[8]               Par conséquent, après avoir examiné la preuve dont elle disposait, la Commission a accordé davantage de poids à la preuve documentaire indiquant qu’il existait une protection de l’État, et elle a conclu que les demandeurs avaient quitté la Guyana sans donner aux autorités de l’État la possibilité de terminer leur enquête. La Commission a déclaré à la page 9 de sa décision :

[…] Le tribunal estime que les demandeurs d’asile ont quitté la Guyana trop rapidement et que les autorités n’ont pas eu le temps de traduire en justice les auteurs du vol et de l’agression de la famille […]

 

Au moment d’analyser la question de la protection de l’État telle qu’elle est exposée dans les éléments de preuve documentaire, le tribunal estime que les demandeurs d’asile n’ont pas fourni une preuve claire et convaincante et réfutant la présomption de protection de l’État.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

[9]               Deux questions doivent être tranchées en l’espèce :

a.       La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que l’État serait raisonnablement disposé à protéger les demandeurs s’ils devaient retourner en Guyana?

b.      La Commission a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation indépendante des demandes présentées par les enfants?

 

NORME DE CONTRÔLE

[10]           Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9 (QL), la Cour suprême du Canada a conclu au paragraphe 62 que, dans la première étape d’une analyse relative à la norme de contrôle, la cour de révision « vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de [déférence] correspondant à une catégorie de questions en particulier ».

 

[11]           Dans Hinzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, 362 N.R. 1, la Cour d’appel fédérale a confirmé au paragraphe 38 que les questions concernant le caractère adéquat de la protection de l’État sont des « questions mixtes de fait et de droit habituellement susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable ». Cette norme avait été antérieurement appliquée dans un certain nombre de décisions de la Cour : voir Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 193, 45 Imm. L.R. (3d) 58; Nunez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1661, 51 Imm. L.R. (3d) 291; et Franklyn c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1259, [2005] A.C.F. no 1508 (QL).

 

[12]           Je souscris à ce raisonnement et conclus que la norme qu’il convient d’appliquer à la décision de la Commission en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Ainsi, tant et aussi longtemps que l’un des motifs de la Commission « tient la route dans la mesure où il peut résister à un examen assez poussé », la décision en cause est raisonnable et la Cour ne doit pas intervenir : voir Franklyn, précitée, au paragraphe 17. En ce qui concerne les pures questions de fait, la norme applicable est prévue à l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales.

 

ANALYSE

Question no 1 :   La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que l’État serait raisonnablement disposé à protéger les demandeurs s’ils devaient retourner en Guyana?

 

[13]           Le point de départ d’une évaluation de la protection de l’État découle d’un arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. Dans cette affaire, la Cour a statué que la protection des réfugiés est une forme de protection supplétive qui ne s’applique que dans le cas où le pays de nationalité n’offre pas de protections.

 

[14]           En outre, la Cour a conclu à la page 725 que, sauf dans les situations d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il existe une présomption générale selon laquelle l’État a la capacité de protéger ses citoyens :

[…] En l’absence d’une preuve quelconque, la revendication devrait échouer, car il y a lieu de présumer que les nations sont capables de protéger leurs citoyens. La sécurité des ressortissants constitue, après tout, l’essence de la souveraineté. En l’absence d’un effondrement complet de l’appareil étatique, […] il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur.

 

[15]           Bien que la présomption relative à la protection de l’État puisse être réfutée, il n’en sera ainsi que si le demandeur d’asile fournit une preuve « claire et convaincante » de l’incapacité de l’État d’assurer une protection. Comme l’a indiqué le juge La Forest aux pages 724 et 725 de l’arrêt Ward, un demandeur peut, entre autres, présenter le « témoignage de personnes qui sont dans une situation semblable à la sienne et que les dispositions prises par l’État pour les protéger n’ont pas aidées, ou son propre témoignage au sujet d’incidents personnels antérieurs au cours desquels la protection de l’État ne s’est pas concrétisée ».

 

[16]           Cependant, il importe aussi de souligner que, dans l’arrêt Ward, la Cour suprême a clairement indiqué que, bien qu’il soit tenu de fournir une preuve « claire et convaincante » de l’incapacité de l’État d’assurer une protection, le demandeur ne doit pas mettre sa vie en danger en sollicitant la protection simplement pour démontrer son inefficacité. Le juge La Forest a écrit à la page 724 :

En outre, le fait que le demandeur doive mettre sa vie en danger en sollicitant la protection inefficace d’un État, simplement pour démontrer cette inefficacité, semblerait aller à l'encontre de l’objet de la protection internationale.

 

Voir également Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1211, [2007] A.C.F. no 1563 (QL), par le juge Shore.

 

[17]           Dans son examen de la question de la protection de l’État soulevée en l’espèce, la Commission s’est appuyée sur la preuve documentaire, ainsi que sur le propre témoignage des demandeurs au sujet de l’agression et du cambriolage survenus en mai 2006. Relativement à l’incident de mai 2006, la Commission a conclu que, selon le témoignage des demandeurs, la police a entrepris une enquête sur l’agression et le cambriolage, et que les demandeurs ont donc quitté « trop rapidement et que les autorités n’ont pas eu le temps de traduire en justice les auteurs du vol et de l’agression de la famille ». À cet égard, la Commission a exposé ce qui suit à la page 9 de sa décision :

Indépendamment du fait que les demandeurs d’asile ont reçu l’aide des autorités et qu’une personne a été arrêtée en relation avec le vol qualifié dont ils ont été victimes, les autorités se sont assurées que les familles des demandeurs d’asile reçoivent des soins médicaux appropriés, ont pris leur déclaration, ont poursuivi leur enquête et ont arrêté un suspect.

 

 

[18]           En ce qui a trait à la preuve documentaire, la Commission s’est fondée tant sur le rapport de 2007 du Département d’État des États-Unis sur la situation en Guyana (dossier certifié du tribunal aux pages 163-172), que sur un document daté du 13 octobre 2006 intitulé « Whether Indo Guyanese are targeted because of their ethnic origin by different sectors of society, such as the police, criminal gangs and political groups » (dossier certifié du tribunal aux pages 173 et 174). En fait, la Commission s’est servie de cette preuve, qu’elle a décrite comme provenant de « sources fiables et indépendantes », pour conclure que les demandeurs pourraient se réclamer d’une protection adéquate de l’État en Guyana. En conséquence, la Commission a conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption relative à la protection de l’État telle qu’elle est exposée dans l’arrêt Ward, précité.

 

[19]           Les demandeurs allèguent toutefois que la Commission a commis une erreur en tirant sa conclusion, puisque la preuve sur laquelle elle s’est fondée révèle l’existence de tensions de longue date entre le groupe des Afro-Guyanais et celui des Indo-Guyanais en Guyana, et que de telles tensions ont clairement créé un sentiment de méfiance à l’égard de la capacité des autorités de fournir une protection efficace aux Indo-Guyanais dans des incidents criminels liés à la race.

 

[20]           Après avoir examiné les documents en question, ainsi qu’un document daté du 2 février 2006 intitulé « Guyana : Information sur la violence criminelle, la réponse policière et la protection offerte par l’État », qui figurait également dans le Cartable national de documentation sur la Guyana accessible à la Commission, je conclus, au vu de cette preuve, à l’existence de tensions de longue date entre le groupe des Afro-Guyanais et celui des Indo-Guyanais en Guyana, et à l’incapacité des autorités de l’État de fournir aux Indo-Guyanais une protection efficace en raison d’une formation insuffisante, du manque de matériel et de personnel, et d’un grand manque de ressources. Plus précisément, le document daté du 2 février 2006 concernant les actes criminels avec violence et la réponse policière en Guyana prouve clairement que l’efficacité de la protection de la police s’est affaiblie en raison des tensions raciales qui prévalent dans le pays :

En ce qui concerne la discrimination raciale, Freedom House a remarqué que les organismes chargés de l’exécution de la loi avaient été [traduction] « sérieusement égratignés » par des allégations de discrimination raciale : un certain nombre d’Indo-Guyanais prétendent que la police, composée principalement d’Afro-Guyanais, les ignore alors que les Afro-Guyanais soutiennent [traduction« que le gouvernement manipule la police à ses propres fins » […]

 

[21]           Une conclusion semblable a été tirée par le juge Teitelbaum dans Katwaru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 612, 62 Imm. L.R. (3d) 140, où il a énoncé au paragraphe 19, après avoir examiné exactement les mêmes documents dont dispose actuellement la Cour :

19        Les preuves documentaires indiquent que l’efficacité de la police guyanaise est « très limitée » en raison d’une formation insuffisante, du manque de matériel, du manque de personnel chronique, du manque de ressources et de contraintes budgétaires aiguës [...] On y apprend également que d’autres facteurs limitent l’efficacité de la police, notamment le manque de confiance de la population, la polarisation raciale des agents et le comportement généralement peu professionnel de la police […] En somme, on comprend que les faiblesses de la police sont chroniques et que, par conséquent, l’efficacité de la protection de l’État est gravement compromise.

 

Dans Katwaru, le juge Teitelbaum a poursuivi en concluant que, même si le gouvernement avait fait de « gros efforts » pour régler le problème de la criminalité, rien n’indiquait si cela avait permis d’améliorer l’efficacité de la protection de l’État.

 

[22]           En l’espèce, même si la Commission considère la preuve documentaire comme une source impartiale déclarant que les demandeurs ont accès à une protection adéquate de l’État en Guyana, un examen de cette preuve soulève des questions graves quant à l’efficacité de la protection offerte. Par exemple, lorsque les policiers étaient en cours d’enquête sur le cambriolage, la preuve indique que l’efficacité des enquêtes de ce genre est considérablement réduite par les tensions raciales qui prévalent dans le pays.

 

[23]           Dans sa décision, la Commission ne précise pas comment ces problèmes réduisent l’efficacité de la protection prétendument offerte aux demandeurs en Guyana. Étant donné que cette preuve contredit la conclusion finale de la Commission, un tel examen était justifié dans l’analyse de la Commission : voir Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (1re inst.) par le juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale). Sur ce fondement, la Cour conclut que la Commission aurait dû examiner cette preuve avant de tirer sa conclusion. Il s’agit d’une erreur susceptible de contrôle et, par conséquent, la décision de la Commission doit pour ces motifs être annulée.

 

[24]           En outre, la Cour estime que la Commission a limité son analyse à l’incident de mai 2006 sans tenir compte des autres incidents de persécution présumée ayant été soulevés par les demandeurs, plus particulièrement les préoccupations du demandeur principal au sujet du traitement subi par les enfants demandeurs, ainsi que les menaces d’agression sexuelle décrites par la demanderesse dans l’exposé circonstancié de son FRP.

 

[25]           Quoiqu’il en soit, les incidents soulevés par les demandeurs sont pertinents quant à l’évaluation du caractère adéquat de la protection de l’État en Guyana, et l’omission de la Commission d’en avoir tenu compte dans ses motifs constitue une erreur susceptible de révision.

 

[26]           Les demandeurs soutiennent que la Cour devrait renvoyer l’affaire à la Commission avec comme instruction qu’elle considère les demandeurs comme des réfugiés au sens de la Convention. Je ne suis pas de ce point de vue. Il n’appartient pas à la Cour de décider s’il existe une protection de l’État efficace en Guyana, mais plutôt d’examiner la décision de la Commission pour déterminer si elle était raisonnable. Ayant conclu que la décision n’était pas raisonnable, l’affaire doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

Question no 2 :   La Commission a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation indépendante des demandes présentées par les enfants?

 

[27]           Les demandeurs font également valoir que la Commission a commis une erreur en ne procédant pas à une évaluation indépendante des demandes des enfants demandeurs qui, selon eux, contenaient leurs propres éléments indépendants devant être évalués. Cependant, comme le défendeur l’a souligné, les exposés circonstanciés des FRP des enfants demandeurs ne prévoient pas de demande de nature individuelle mais sollicitent plutôt que leur demande soit fondée sur celle de leurs parents.

 

[28]           Bien que j’accepte la thèse du défendeur à cet égard, le demandeur principal, dans l’exposé circonstancié de son FRP, a fourni une preuve abondante sur le préjudice subi et les mauvais traitements dont ses enfants ont été victimes par les professeurs et les enfants afro-guyanais. De plus, la demanderesse a aussi signalé un incident au cours duquel des hommes afro-guyanais les avaient menacées, elle et ses filles, lors d’une fête scolaire en 2005.

 

[29]           Comme je l’ai indiqué plus haut, aucune de ces questions n’a été soumise ou examinée par la Commission dans sa décision. Ainsi, dans la mesure où ces préoccupations font partie des exposés circonstanciés des FRP du demandeur principal et de son épouse, la Commission devait tenir compte de l’effet de ces mauvais traitements sur les enfants. En omettant de le faire, la décision de la Commission était déraisonnable et ne peut résister à un examen assez poussé. Elle doit donc être annulée pour ce motif également et être renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

QUESTION CERTIFIÉE

[30]           Les demandeurs ont proposé deux questions aux fins de certification au sujet de l’état de la jurisprudence sur la question de la protection de l’État – la protection de l’État doit-elle être « efficace ou adéquate »? Et, quel est son rapport avec la jurisprudence voulant qu’elle n’ait pas à être « parfaite »? Le défendeur s’oppose à la certification de ces questions au motif qu’elles ont déjà été tranchées par la Cour d’appel fédérale. J’estime que ces questions ne sont pas déterminantes en l’espèce et qu’elles ne doivent donc pas être certifiées. Je ne ferai aucun commentaire quant à savoir si ces questions ont déjà été tranchées par la Cour d’appel fédérale puisqu’une telle conclusion n’est pas utile dans la présente affaire.

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.

2.                  L’affaire est renvoyée à la Commission pour qu’un tribunal différemment constitué rende une nouvelle décision.

 

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-61-08

 

INTITULÉ :                                       STANLEY BERNARD GONSALVES ET AL. c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 25 juillet 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Kelen

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LES DEMANDEURS

Jennifer Dagsvik

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rocco Galati Law Firm

Corporation professionnelle

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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