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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20080708

Dossier : IMM-10-08

Référence : 2008 CF 843

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Kelen

 

 

ENTRE :

ABIRAMIE RAMANATHAN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision datée du 8 novembre 2007 par laquelle un agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR), N. Sohal, a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à un risque de persécution si elle était renvoyée au Sri Lanka, son pays de citoyenneté.

 

 

 

FAITS

Contexte

[2]               La demanderesse est une citoyenne sri-lankaise d’origine tamoule âgée de 31 ans. Elle est entrée au Canada le 15 mai 2000, grâce au parrainage de son ex-fiancé en vue de l’obtention de la résidence permanente. Cependant, peu de temps après son arrivée, sa relation avec son ex-fiancé a pris fin et sa famille à lui a renoncé au mariage arrangé.

 

[3]               La demanderesse affirme que l’échec de ses fiançailles lui a causé un choc émotionnel et qu’elle a souffert de [traduction]  « graves troubles psychologiques », dont la dépression et des hallucinations auditives. Elle a donc consulté un médecin qui lui a prescrit des médicaments psychiatriques qu’elle prend toujours.

 

[4]               En février 2003, une mesure de renvoi a été prise contre la demanderesse puisqu’elle n’avait pas respecté les conditions relatives à sa demande de résidence permanente – c’est-à-dire qu’elle ne s’est pas mariée avec le répondant. À la suite de la prise de la mesure de renvoi, la demanderesse a été convoquée à une audience devant la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), où elle s’est représentée elle-même. Dans son affidavit, déclaré sous serment le 31 janvier 2007, la demanderesse affirme qu’elle souffrait d’une grave dépression à l’époque, mais qu’elle n’en a pas informé la Commission parce qu’elle avait honte de son état de santé. Le 9 mars 2004, la Commission a rejeté son appel. La demanderesse a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision, mais sa demande d’autorisation a été refusée.

 

[5]               Plus tard en 2004, la demanderesse a retenu les services d’un avocat et a présenté une demande d’ERAR fondée sur la crainte d’être renvoyée au Sri Lanka en raison des hostilités accrues entre le gouvernement et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (les TLET). Elle n’a soumis aucune observation sur son état mental car, comme elle l’a indiqué, elle n’avait pas informé son avocat à ce sujet. Le 25 octobre 2004, sa demande d’ERAR a été rejetée.

 

La demande d’ERAR

[6]               Le 22 janvier 2007, la demanderesse a présenté une deuxième demande d’ERAR qu’elle a complétée avec l’aide du même avocat qui la représente actuellement devant la Cour. La demande était fondée sur les conflits de plus en plus intenses entre les TLET et le gouvernement sri-lankais, ainsi que ses problèmes de santé mentale. Son renvoi était prévu pour le 12 février 2007, mais un agent d’exécution de la loi a accepté de différer son renvoi jusqu’à ce que les observations au soutien de sa demande d’ERAR puissent être examinées.

 

[7]               Le 8 novembre 2007, l’agent d’ERAR a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à un risque si elle était renvoyée au Sri Lanka. Il a commencé son analyse en reconnaissant que la situation des droits de la personne au Sri Lanka était de plus en plus tendue compte tenu de l’aggravation des relations entre le gouvernement et les TLET. L’analyse de l’agent d’ERAR repose en grande partie sur un document intitulé : « Operational Guidance Note : Sri Lanka », publié par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni le 5 novembre 2007, trois jours avant que l’agent ne rende sa décision. La Guidance Note, qui elle-même repose sur les témoignages recueillis par diverses organisations de défense des droits de la personne, décrit la situation en ces termes :

[traduction]  

Tant Amnistie Internationale (AI) que Human Rights Watch (HRW) rapportent l’augmentation des opérations militaires à grande échelle dirigées par le gouvernement et les TLET et l’aggravation de la situation des droits de la personne dans le pays. AI signale que le nombre de personnes prises pour cible semble augmenter et que, bien que la plupart des personnes qui aient été tuées depuis la division des TLET entretenaient des liens évidents soit avec les TLET, soit avec la faction Karuna, on constate une augmentation du nombre d’assassinats de civils ayant peu ou pas de liens évidents avec des activités armées. Les personnes prises pour cible seraient entre autres des journalistes, des universitaires, des professeurs et des fermiers, ainsi que d’anciens membres de groupes armés tamouls qui n’exercent plus d’activités armées depuis longtemps […]

 

[8]               L’agent d’ERAR a ensuite traité du cas particulier de la demanderesse, écrivant à la page 6 de la décision :

[traduction]

En ce qui concerne la situation propre à la demanderesse, il est à noter que je ne dispose pas d’une preuve suffisante pour conclure que les TLET ont déjà été intéressés en particulier à elle ou à des membres de sa famille par le passé. Il n’y a guère d’éléments, si même il y en a, établissant qu’elle a le profil d’une personne qui serait la cible des TLET, puisque la preuve documentaire indique que les personnes qui […] ont été prises pour cible sont souvent celles qui ont des intérêts opposés aux leurs.

 

 

[9]               Quant au risque que court la demanderesse d’être la cible du gouvernement sri-lankaise si elle était renvoyée dans son pays, l’agent d’ERAR a examiné les renseignements contenus dans la Guidance Note, qui indiquaient que, même si la plupart des personnes renvoyées ne sont que brièvement détenues pour être interrogées, celles qui ont des cicatrices évidentes sont davantage sujettes à des interrogatoires rigoureux et, éventuellement, à de mauvais traitements. Après examen de la preuve, l’agent d’ERAR a conclu que, puisqu’elle a fourni peu de détails sur les cicatrices qu’elle pouvait porter, la demanderesse [traduction] « n’avait pas le profil d’une personne qui serait la cible des autorités du Sri Lanka si elle était renvoyée dans ce pays ».

 

[10]           L’agent d’ERAR s’est également demandé si la demanderesse courrait le risque d’être victime d’extorsion du fait qu’elle [traduction] « serait perçue comme ayant beaucoup d’argent à cause de son séjour au Canada ». À cet égard, l’agent d’ERAR a examiné les éléments de preuve déposés par la demanderesse, à savoir le rapport de situation sur le besoin de protection internationale des demandeurs d’asile du Sri Lanka du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, daté de décembre 2006 (le rapport de situation du HCNUR). Après avoir examiné brièvement le contenu du rapport de situation du HCNUR, l’agent d’ERAR s’est ainsi exprimé à la page 8 :

[traduction]

J’ai examiné la preuve susmentionnée concernant le renvoi de demandeurs d’asile risquant d’être la cible d’extorsion et, bien que je reconnaisse qu’il existe une simple possibilité, je ne suis pas convaincu qu’il existe plus qu’une simple possibilité d’extorsion. En fait, le rapport du HCNUR, qui fait référence à au moins deux incidents d’extorsion par des agents d’immigration, révèle que, bien que de tels incidents soient une préoccupation, ils ne sont pas très fréquents.

 

 

[11]           Enfin, l’agent d’ERAR s’est demandé si la demanderesse serait exposée à un risque en raison de son sexe et des problèmes de santé mentale dont elle prétend souffrir. Il a conclu que de tels risques seraient considérablement réduits du fait que la demanderesse retournerait dans un pays où elle compte [traduction]  « un large réseau familial » pour lui fournir un soutien  affectif. Concernant l’état de santé mentale de la demanderesse, l’agent d’ERAR a une fois de plus souligné son large soutien familial, mais il a ajouté qu’elle avait fourni [traduction] « peu d’éléments de preuve médicaux pour expliquer l’incidence qu’un retour au Sri Lanka aurait sur elle ».

 

[12]           Par conséquent, l’agent d’ERAR a conclu qu’un retour au Sri Lanka n’exposerait pas la demanderesse à un risque au sens des articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR).

 

[13]           Par lettre datée du 27 novembre 2007, la demanderesse a été avisée qu’une décision avait été rendue, et elle a été priée de se présenter au bureau de l’ERAR le 18 décembre 2007 pour qu’on la lui remettre. En réponse, au moyen d’une lettre datée du 17 décembre 2007, l’avocat de la demanderesse a demandé d’avoir l’occasion de déposer des observations à jour concernant la situation régnant au Sri Lanka, étant donné que les observations initiales remontaient à presque un an. Sur ce fondement, il a joint un certain nombre de renseignements et de rapports à jour sur les droits de la personnes faisant état de [traduction]  « la situation des droits de la personne qui ne cesse de se détériorer chez les civils tamouls au Sri Lanka ».

 

Le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi

[14]           Le renvoi du Canada de la demanderesse était initialement prévu pour le 28 février 2008. Le 25 février 2008, le juge Mosley a ordonné le sursis à l’exécution de cette mesure de renvoi jusqu’à ce qu’il soit statué de manière définitive sur la présente demande.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[15]           La demanderesse soumet à l’examen les deux questions suivantes :

a.       L’agent d’ERAR a-t-il violé les règles d’équité procédurale en rejetant sa demande?

b.      La décision de l’agent d’ERAR de rejeter sa demande d’ERAR était-elle déraisonnable?

 

NORME DE CONTRÔLE

[16]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. n9 (QL), la Cour suprême du Canada a repensé le nombre et la teneur des normes de contrôle, ainsi que la démarche analytique qui préside à la détermination de la norme applicable dans un cas donné. À la suite de cet arrêt, il est clair que la norme de la décision manifestement déraisonnable a été éliminée, et que les cours de révision ne doivent se concentrer que sur deux normes de contrôle, celle de la décision raisonnable et celle de la décision correcte. Dans Dunsmuir, la Cour suprême a également conclu que, lorsque le type de décision faisant l’objet d’un contrôle judiciaire a été évalué de manière approfondie par la jurisprudence, les décisions rendues subséquemment peuvent se fonder sur cette norme.

 

[17]           La première question soulevée par la demanderesse se rapporte aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Ces principes ne sont pas assujettis à l’analyse de la norme de contrôle établie par la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir. Ils constituent plutôt des questions de droit soumises à un examen fondé sur la norme de la décision correcte. Dans le cas où l’agent d’ERAR aurait violé les règles de justice naturelle et d’équité procédurale, il n’y aura pas lieu de faire preuve de retenue et la Cour annulera la décision : Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392.

 

[18]           La deuxième question porte sur le caractère raisonnable de la décision de l’agent d’ERAR et sur la question de savoir si l’agent d’ERAR a tenu dûment compte de l’ensemble des éléments de preuve lorsqu’il a rendu sa décision. Il ressort clairement à la suite de l’arrêt Dunsmuir, précité, que de tels facteurs doivent être révisés suivant la norme de la décision raisonnable : voir Erdogu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 407, [2008] A.C.F. n546 (QL) et Wa Kabongo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 348, [2008] A.C.F. n 453 (QL).

 

ANALYSE

Question no 1 : L’agent d’ERAR a-t-il violé les règles d’équité procédurale en rejetant la demande présentée par la demanderesse?

 

[19]           La demanderesse allègue que son droit à l’équité procédurale a été violé du fait que l’agent d’ERAR s’est fondé sur la Guidance Note du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni sans d’abord lui donner l’occasion d’examiner la Guidance Note et son application à son cas en particulier.

 

[20]           Comme je l’ai mentionné précédemment, la Guidance Note a été publiée par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni le 5 novembre 2007, trois jours avant que l’agent d’ERAR rejette la demande d’ERAR de la demanderesse. Par conséquent, il est clair que ce document n’était pas accessible au moment du dépôt des observations de la demanderesse au soutien de sa demande d’ERAR en janvier 2007. En outre, le dossier indique que l’agent d’ERAR n’a pas communiqué le résultat de son examen de la Guidance Note à la demanderesse avant de rendre sa décision.

 

[21]           De façon générale, les agents d’immigration peuvent prendre en compte les éléments de preuve qui ne se trouvent pas normalement dans les centres de documentation au moment du dépôt des observations du demandeur. Cependant, lorsque cette information fait état d’un changement survenu dans la situation générale d’un pays qui risque d’avoir une incidence sur l’issue du dossier, l’équité exige que le demandeur en soit informé pour commentaires. Ainsi que l’affirme la Cour d’appel fédérale dans Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 3 C.F. 461 (C.A.), aux paragraphes 22 et 26 :

¶ 22     […] lorsque l’agent d’immigration entend se fonder sur une preuve qui ne se trouve normalement pas dans les centres de documentation, ou qui ne pouvait pas y être consultée au moment du dépôt des observations du demandeur, l’équité exige que le demandeur soit informé de toute information inédite et importante faisant état d’un changement survenu dans la situation générale d’un pays si ce changement risque d’avoir une incidence sur l’issue du dossier.

 

[…]

 

¶ 26     Le fait qu’un document ne devienne accessible qu’après le dépôt des observations d’un demandeur ne signifie absolument pas qu’il contient des renseignements nouveaux ni que ces renseignements sont pertinents et qu’ils auront une incidence sur la décision. À mon avis, l’obligation de communiquer un document au demandeur se limite aux cas où un agent d’immigration s’appuie sur un document important postérieur aux observations et où ce document fait état de changements survenus dans la situation générale du pays qui risquent d’avoir une incidence sur sa décision.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[22]            Dans Sinnasamy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 67, [2008] A.C.F. n 77 (QL), le juge de Montigny a été saisi d’une affaire semblable à celle en l’espèce; c’est-à-dire que le demandeur soutenait que son droit à l’équité procédurale avait été violé du fait que l’agent d’ERAR avait pris en compte la Guidance Note du ministère de l’Intérieur sans d’abord lui donner l’occasion de faire des commentaires. Dans cette affaire, l’argument du demandeur était principalement fondé sur le fait que le document ne se trouvait pas dans la cartable national de documentation de la Commission sur le Sri Lanka et qu’il n’était pas reconnu comme un rapport sur les droits de la personne, mais plutôt comme un document d’orientation pour les agents chargés des demandes d’asile au Royaume-Uni qui formulent des recommandations sur la manière de traiter les demandes émanant du Sri Lanka.

 

[23]           Dans sa décision, le juge de Montigny a analysé les énoncés susmentionnés formulés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mancia, précité, et il a conclu au paragraphe 39 que l’agente d’ERAR avait le droit de se fonder sur la Guidance Note puisque celle-ci provenait d’une source fiable et qu’elle « confirme simplement la preuve disponible d’autres sources et rassemble cette preuve » :

¶ 39     En l’espèce, je crois que l’agente d’ERAR pouvait à juste titre se fonder sur la Operational Guidance Note du ministère de l’Intérieur du Royaume‑Uni concernant le Sri Lanka, étant donné qu’il s’agit d’un document accessible au public provenant d’un site Web digne de confiance et bien connu. Le fait que le rapport ne figure pas dans les documents de référence de la CISR ne veut pas dire qu’il n’est pas accessible au public. Je ne suis pas prêt à reconnaître que tous les documents qui peuvent être consultés sur Internet sont « accessibles au public » lorsqu’il s’agit de déterminer ce qu’exige l’équité dans le contexte d’un ERAR; en effet, cela imposerait un fardeau insurmontable pour le demandeur étant donné que, de nos jours, presque tout est accessible en direct, mais je suis d’avis que l’agente d’ERAR pouvait consulter le document particulier ici en cause sans en informer le demandeur. À maints égards, ce document confirme simplement la preuve disponible d’autres sources et rassemble cette preuve. Il ne révèle pas de changements nouveaux et importants dans la situation générale ayant cours dans le pays, même s’il ne correspond pas tout à fait aux constatations dont fait état le document du HCNUR […]

[Non souligné dans l’original.]

 

Il faut toutefois souligner que, même si le juge de Montigny a conclu que le recours de l’agente d’ERAR à la Guidance Note ne violait pas les règles d’équité procédurale, l’agente a néanmoins commis une erreur en ne tenant pas compte des conclusions contradictoires du rapport de situation du HCNUR, sur lesquelles s’était fondée la demanderesse.

 

[24]            En l’espèce, la demanderesse ne conteste pas le fait que l’agent d’ERAR pouvait se fonder sur la Guidance Note pour examiner le bien-fondé de sa demande. Cependant, elle soutient que, compte tenu de la date à laquelle la décision de l’agent d’ERAR a été rendue, celui-ci devait lui donner l’occasion de faire des commentaires sur la Guidance Note avant de rendre sa décision.

 

[25]           Après examen du dossier, la Cour conclut que la décision de l’agent d’ERAR a été rendue sept jours après l’acceptation volontaire de la demanderesse de se désister d’une demande de contrôle judiciaire et d’une requête en vue de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi du Canada la visant, et trois jours après la publication par le ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni de la Guidance Note sur laquelle l’agent d’ERAR s’est fondé. La Guidance Note a rejeté le rapport de situation du HCNUR daté de décembre 2006 et a été un élément préjudiciable et important qui a eu une incidence sur l’issue du dossier de la demanderesse. Je suis d’avis que l’agent d’ERAR avait l’obligation de donner à la demanderesse l’occasion de faire des commentaires sur la Guidance Note avant de rendre sa décision.

 

Question no 2 : La décision de l’agent d’ERAR de rejeter la demande d’ERAR était-elle déraisonnable?

[26]           La demanderesse soutient que, même s’il n’y a pas eu manquement à l’équité procédurale, l’agent d’ERAR a néanmoins commis une erreur en rejetant sa demande. L’argument de la demanderesse a pour fondement la mauvaise interprétation de l’agent d’ERAR et son omission d’avoir tenu dûment compte de la preuve contenue dans le rapport de situation du HCNUR qui, selon la demanderesse, justifie suffisamment sa demande d’asile. La Cour est d’accord avec elle.

 

[27]           Dans la décision, l’agent d’ERAR s’est fondé sur un rapport de situation postérieur du HCNUR intitulé « Renvois de demandeurs d’asile tamouls portant des cicatrices », daté du 1er janvier 2005, qui était cité dans la Guidance Note du ministère de l’Intérieur et qui indiquait que les Tamouls portant des cicatrices couraient un risque en cas d’expulsion. L’erreur de l’agent est d’avoir ignoré ou de ne pas s’être rendu compte que ce rapport de situation était périmé, et qu’il avait été remplacé par un rapport de situation du HCNUR plus récent daté de décembre 2006, qui indiquait qu’aucun Tamoul – portant des cicatrices ou non – ne devrait être expulsé au Sri Lanka dans la situation actuelle. Cette déclaration s’applique à la demanderesse. L’agent d’ERAR n’aurait pas dû s’appuyer sur la déclaration contenue dans le rapport de situation de janvier 2005 étant donné qu’il était périmé et que les renseignements y figurant avaient changés.

 

[28]           Comme je l’ai déjà dit, le dernier rapport de situation du HCNUR a été publié en décembre 2006 et, tout comme la Guidance Note du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni sur laquelle s’est fondé l’agent d’ERAR, il décrit en détails la détérioration de la relation entre le gouvernement sri-lankais et les TLET et l’incidence que cette détérioration a eu sur le besoin d’offrir une protection internationale aux demandeurs d’asile. En plus de fournir une mise à jour générale sur les plus récents changements, le rapport de situation du HCNUR sert de guide sur la façon d’évaluer les demandes de protection internationale émanant du Sri Lanka. Au sujet des Tamouls venant du Nord ou de l’Est du Sri Lanka, le document fait état de ce qui suit aux pages 12 et 13 :

[traduction]

                                             i.              Toutes les demandes d’asile des Tamouls venant du Nord ou de l’Est devraient être prises en considération d’une façon favorable. En ce qui concerne les personnes qui sont considérées comme ayant été prises pour cible par l’État, les TLET ou d’autres agents non étatiques, elles devraient être reconnues comme des réfugiés selon les critères établis par la Convention de 1951, sauf si elles sont visées par le critère d’exclusion qui y est prévu.

 

[...]

 

[29]           Dans la décision, l’agent d’ERAR a cité cet énoncé avant d’examiner la situation propre à la demanderesse et le risque qu’elle courrait si elle était renvoyée au Sri Lanka. La demanderesse allègue que l’agent d’ERAR a commis une erreur en interprétant à tort cet énoncé comme signifiant que l’asile ne devrait être accordé que lorsque le demandeur a été victime par le passé de persécution par l’État, les TLET ou autres agents non étatiques. Dans sa décision, l’agent d’ERAR  ne tient pas compte du fait que, dans le même rapport de situation du HCNUR, il est aussi indiqué [traduction] qu’« [a]ucun Tamoul venant du Nord ou de l’Est ne devrait être renvoyé de force tant que la situation au Sri Lanka ne se sera pas notablement améliorée sur le plan de la sécurité ». Cet énoncé s’appliquerait à la demanderesse, qu’elle ait été persécutée ou non par le passé. L’agent d’ERAR a de façon déraisonnable omis de tenir compte de la recommandation du HCNUR.

 

[30]           Par conséquent, pour ces motifs, la présente demande est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent d’ERAR pour réexamen. Les parties et la Cour conviennent que la demanderesse peut déposer auprès du nouvel agent d’ERAR des observations à jour dans les trois semaines suivant la présente ordonnance.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que :

La demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit renvoyée à un autre agent d’ERAR pour réexamen après que la demanderesse aura déposé les nouvelles observations conformément aux présents motifs.

 

 

« Michael A. Kelen »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-10-08

 

INTITULÉ :                                       ABIRAMIE RAMANATHAN c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION, LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Kelen

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raoul Boulakia

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Todd

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raoul Baoulakia

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DÉFENDEURS

 

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