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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080710

Dossier : IMM-1163-07

Référence : 2008 CF 856

Ottawa (Ontario), le 10 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

SUZHEN FANG

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Suzhen Fang, une citoyenne de la République populaire de Chine, est entrée au Canada munie d’un permis de séjour temporaire pour s’occuper de son père malade. Elle déclare avoir commencé à pratiquer le Falun Gong pour apaiser son deuil à la suite du décès de son père. Étant donné que les autorités persécutent les disciples du Falun Gong, elle avait peur de rentrer en Chine et elle a présenté une demande d’asile. La Section de la protection des réfugiés (la Commission) a conclu que la demanderesse n’était pas crédible et a rejeté sa demande d’asile. Mme Fang sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

[2]               Le présent contrôle judiciaire soulève deux questions :

1.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en appréciant la crédibilité de

            Mme Fang?

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur en ne faisant pas une analyse

            distincte fondée sur l’article 97?

 

[3]               Je conclu que la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Mes motifs sont les suivants.

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en appréciant la crédibilité de Mme Fang?

[4]               Mme Fang soutient que la Commission a commis plusieurs erreurs dans l’appréciation de sa crédibilité. Elle prétend que la Commission a commis une erreur en n’acceptant pas ses explications et en rejetant, sans motifs valables, d’autres éléments de preuve. Elle reproche notamment à la Commission :   

·        de ne pas avoir accepté ses explications;

·        de ne pas avoir tenu compte des variations dans la pratique des exercices du Falun Gong;

·        de ne pas avoir accepté la preuve documentaire qu’elle a produite;

·        de ne pas avoir confirmé l’existence d’un site Web montrant la demanderesse en train de participer à une manifestation contre le gouvernement ;

·        d’avoir douté que les autorités chinoises prennent des mesures contre les membres de sa famille en Chine un an après la découverte de son appartenance au Falun Gong;

·        d’avoir tiré une conclusion défavorable de la ressemblance entre l’exposé circonstancié contenu dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) et celui de son frère.

 

[5]               Mme Fang fait valoir que la Cour peut modifier les conclusions de la Commission quant à la crédibilité lorsque celles-ci ne sont pas justifiées par des contradictions, des incohérences ou des absurdités. Mme Fang soutient également que la Commission est tenue d’exprimer en des termes clairs et non équivoques ses conclusions défavorables quant à la crédibilité (Kilola c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 401, aux paragraphes 46 et 50).

 

[6]               La présente demande a été entendue, mais non tranchée, avant que la Cour suprême du Canada rende son arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. Selon l’arrêt Dunsmuir, il y a désormais seulement deux normes de contrôle : la décision correcte et la décision raisonnable  (Dunsmuir, au paragraphe 34). Lorsque les questions à l’examen se rapportent aux faits et à la crédibilité, la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable (Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 427, au paragraphe 15).

 

[7]                Le témoignage d’un demandeur d’asile est présumé véridique (Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 776, au paragraphe 6). La présomption peut être réfutée lorsqu’il existe des incohérences et des contradictions dans le témoignage, de l’invraisemblance, et lorsque les faits articulés ne sont pas ceux à quoi on peut logiquement s’attendre (Jiang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 775, au paragraphe 15). Enfin, les conclusions de la Commission quant à la crédibilité appellent la retenue judiciaire (Lubana  c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, au paragraphe 7).

 

[8]               J’ai étudié le dossier de la Commission, y compris l’exposé circonstancié contenu dans le FRP et la transcription de l’audience devant la Commission. À mon avis, la Commission a bel et bien tenu compte des éléments de preuve concernant chacune des questions soulevées par Mme Fang. Je ne puis dire que les conclusions de la Commission quant à chacune des questions n’étaient pas justifiées. Je ne puis dire non plus que la Commission n’a pas motivé en des termes clairs et non équivoques ses conclusions quant à la crédibilité. La Commission a tenu compte de la preuve et a fourni de nombreux motifs à l’appui de sa conclusion selon laquelle Mme Fang n’était pas crédible. À mon avis, la conclusion de la Commission quant à la crédibilité n’est pas déraisonnable.   

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en ne faisant pas une analyse distincte fondée sur l’article 97?

[9]               Mme Fang prétend que la Commission a omis de faire une analyse distincte fondée sur l’article 97 relativement à la menace à sa vie ou au risqué de traitements ou peines cruels et inusités si elle retournait en Chine. Mme Fang soutient qu’il existait de la preuve objective indépendante à l’appui de sa prétention selon laquelle son adhésion au Falun Gong fait d’elle une personne à protéger. Cependant, la Commission a conclu que Mme Fang n’était pas crédible et était peu susceptible de susciter l’intérêt des autorités chinoises.

 

[10]           Dans Brovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 635, au paragraphe 17, la juge Layden-Stevenson a tenu les propos suivants :

Donc, même si une analyse distincte selon l’article 97 est souhaitable, l’omission de faire une telle analyse ne sera pas fatale dans des circonstances où aucun élément de preuve ne l’exigerait. Dans l’affaire qui nous occupe, il n’existait pas d’autres motifs à l’appui d’une conclusion que la demanderesse avait qualité de personne à protéger et, pour Mme Brovina, l’analyse du risque a été faite dans le contexte de la protection des réfugiés. De plus, la Commission a effectivement fait une brève analyse du risque visé à l’article 97 lorsqu’elle a tire la conclusion qu’ « il n’existe aucune raison de croire » que Mme Brovina fera face à quelque risque que ce soit si elle rentre en Albanie. La Commission ne disposait d’aucun élément de preuve objectif qui lui aurait permis de tirer une autre conclusion.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[11]           Dans ses observations quant à l’omission de la Commission de faire une analyse distincte fondée sur l’article 97, Mme Fang a également porté à l’attention de la Cour le paragraphe 19 de la décision Soleimanian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1660. Dans ce paragraphe, le juge Mosley faisait remarquer que le fait de réciter l’essentiel du contenu de l’article 97 n’équivaut pas à une analyse. Fait plus important, au paragraphe 22 de la même décision, le juge Mosley a déclaré :

La Cour semble être arrivée à un consensus selon lequel une analyse séparée de l’article 97 n’est pas requise lorsqu’il n’y a pas de preuve pouvant démontrer que le demandeur a qualité de personne à protégerBrovina c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [[2004] A.C.F. no 771], 2004 CF 635; Islam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [[2004] A.C.F. no 1711], 2004 CF 1391; Nyathi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [[2003] A.C.F. no 1409]¸ 2003 CF 1119; Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [[2004] A.C.F. no 1242], 2004 CF 1008

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[12]           Mme Fang a fondé sa demande sur le seul fait qu’elle était une disciple du Falun Gong dont l’identité était connue des autorités chinoises. La Commission n’a pas accepté sa prétention, car elle a conclu que la demanderesse n’était pas crédible. Selon moi, la conclusion de la Commission quant à la crédibilité n’était pas déraisonnable.

 

[13]           En conséquence, une analyse distincte fondée sur l’article 97 n’était pas nécessaire, car rien n’indique que Mme Fang a besoin d’être protégée.

 

[14]           La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

 « Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1163-07

 

 

INTITULÉ :                                       SUZHEN FANG c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 22 janvier 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mandamin

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 10 juillet 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert Moores

 

POUR LA DEMANDERESSE

Stephen Gold

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert E. Moores

Avocat

Burlington (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.                                               

Sous-procureur général du Canada                        

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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