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Date : 20080709

Dossier : T-1727-07

Référence : 2008 CF 846

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

P&O PORTS INC. et WESTERN STEVEDORING CO. LTD.

demandeurs

et

 

LE SYNDICAT INTERNATIONAL DES DÉBARDEURS

ET DES MAGASINIERS, SECTION LOCALE 500

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

LA DEMANDE

 

[1]               La demande de contrôle judiciaire vise la décision no CAO-07-030 datée du 31 août 2007 (la décision) et les instructions afférentes données par M. Richard Lafrance en sa qualité d'agent d'appel (l'agent d'appel), nommé sous l'autorité de l'article 146 de la partie II du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, c. L-2 (le Code).

 

[2]               La décision fait suite à des appels interjetés par P&O Ports Inc. et Western Stevedoring Co. Ltd. (les employeurs) relativement à trois instructions données par des agents de santé et de sécurité (les agents de sécurité) dans lesquelles ceux-ci ont conclu que des activités professionnelles exigées par les employeurs constituaient un danger pour les employés.  Le Syndicat international des débardeurs et des magasiniers, section locale 500 (le syndicat), est défendeur dans la présente demande de contrôle judiciaire et représente les débardeurs à qui les employeurs confient la tâche de charger des grains dans leurs navires.

 

LES FAITS

 

 

[3]               Les employeurs sont des entreprises de manutention exerçant, notamment dans le port de Vancouver, des activités comme le chargement des grains. Ils se servent de bâches (les bâches) pour couvrir les panneaux de cale s’il pleut pendant le chargement des grains. L’ouverture des panneaux est suffisante pour les goulottes à grain, et les bâches protègent l’ouverture de la pluie.

 

[4]               Le 8 juillet 2005, l’agent de sécurité D’sa s’est rendu sur le site de chargement de grains pour enquêter sur un refus de bâcher de la part d’un employé représenté par le syndicat. On a montré à l’agent de sécurité D’sa comment les bâches sont attachées, et il a conclu que le bâchage n’est pas sécuritaire si les panneaux de cale sont ouverts, car il n’y a pas alors de protection sur le côté des panneaux.  Peu après, le même jour, l’agent de sécurité D’sa s’est rendu sur un deuxième navire que chargeait P&O Ports pour enquêter sur un autre refus de bâcher de la part d’un employé. À la suite de ses enquêtes, l’agent de sécurité a conclu à la présence de deux dangers :

Travail sur un panneau de cale ouvert non clôturé, à une hauteur supérieure à 2,4 m

Travail près du bord d’un panneau de cale dont la surface est glissante.

 

 

 

[5]               P&O Ports a reçu pour instruction, en vertu des alinéas 145(2)a) et b) du Code canadien du travail, [traduction] « de prendre immédiatement les mesures nécessaires afin de parer au danger et de protéger toute personne du danger » et [traduction] « de ne pas utiliser le lieu, la machine ou la chose à l'égard duquel l'avis de danger n° a été affiché conformément au paragraphe 145(3), jusqu'à ce que la présente instruction ait été exécutée. »

 

 

[6]               Le 16 août 2005, il y a eu un troisième refus de bâcher, de la part d’un employé de Western Stevedoring Co. L’agent de sécurité Yeung a enquêté à l’égard de cette plainte, mais, contrairement à l’agent de sécurité D’sa, il n’a pas vu en personne les activités de bâchage. À la suite de  conversations avec des débardeurs et des représentants des entreprises, il est arrivé à des constatations identiques et a communiqué des instructions identiques à celles données par l’agent de sécurité D’sa.

 

[7]               Les  employeurs ont interjeté appel des décisions des agents de sécurité auprès du Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail aux motifs que les instructions données par ces derniers n’étaient pas étayées par leurs conclusions de fait et subsidiairement, qu’il y aurait lieu de modifier les instructions, car ils avaient mis en place des procédures visant à supprimer les possibilités de danger établies par les agents de sécurité dans leurs rapports, ou à s’en protéger.

 

[8]               Les audiences ont eu lieu à Vancouver les 19 et 20 septembre 2006, et les 19 et 20 octobre 2006. Le 31 août 2007, l’agent d’appel a rendu sa décision, laquelle fait l’objet de la présente demande.

 

LA DÉCISION CONTESTÉE

 

[9]               L’agent d’appel devait décider si les employés ayant refusé de travailler étaient exposés ou non à un danger au sens de la partie II du Code, et si une instruction était nécessaire ou non pour rectifier la situation.

 

[10]           L’agent d’appel a tiré les conclusions suivantes :

1.         Les employés doivent travailler sur le dessus des panneaux de cale afin d'installer et  d'enlever des bâches;

2.         De temps à autre, afin de pouvoir enlever l'eau accumulée sur les bâches, des employés doivent tirer sur les bâches et les secouer. Pour être en mesure de faire écouler l'eau de la poche qui peut se former entre les panneaux de cale, il faut tirer vers le haut pour diriger l'eau dans la bonne direction. En outre, pour être en mesure de tirer vers le haut, il faut se tenir sur les panneaux;

 

3.      Il est raisonnable de croire qu'en raison des obstacles sur lesquels il est possible de trébucher, comme les taquets et les cales, qui sont cachés ou qui ne sont pas couverts par les bâches en plus de la poussière de grain, les grains ou l'eau, une personne pourrait, pendant qu'elle tire sur une bâche ou sur des cordes, trébucher ou glisser et tomber du panneau de cale et pourrait se blesser en tombant sur des pièces de machinerie ou d'autres surfaces ou choses telles que des tuyaux;

 

4.      Le fait d'apposer un panneau ou de peindre une ligne ou d'utiliser tout autre avertissement visuel de démarcation n'est pas suffisant pour protéger un employé contre le risque de chute. Le port de bottes antidérapantes ne suffit pas pour empêcher une personne de glisser sur des grains de céréale ronds ou pour la protéger des risques de trébucher que posent par exemple les taquets;

 

5.      Les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d'éliminer ou de restreindre le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s'assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de tomber des panneaux de cale;

 

6.      Au moment des refus de travailler, dans les trois cas, les employés travaillaient sur les panneaux de cale. Du fait des risques de trébucher et de glisser sur les panneaux, il est raisonnable de croire que le risque de trébucher ou de glisser pendant l'exécution du travail sur les panneaux est une possibilité raisonnable et qu'elle augmente le risque de tomber des panneaux. En l'absence de mesures de prévention des chutes ou d'équipement de protection contre les chutes, le danger est réel et non hypothétique. De tels accidents sont déjà survenus, et une telle chute entraînerait vraisemblablement des blessures, avant que le risque ne soit écarté ou l'activité modifiée;

 

7.      Ce n'est pas l'usage des bâches qui constitue le danger, mais l'activité qui consiste à travailler sur une structure élevée non protégée en l'absence d'une mesure de prévention des chutes.

 

 

[11]           L’agent d’appel a reconnu dans sa décision que l’activité représentait un danger pour les employés, puis a modifié les instructions données par les agents de sécurité :

[Les salariés ayant refusé de travailler - Glen Bolkowy, Steve Suttie, M.A. St Denis travaillent] sur les panneaux de cale, une structure élevée non protégée, qui se situe à une hauteur de 2,4 m ou au-dessus des pièces mobiles d'une machine ou de toute autre surface ou chose sur laquelle l'employé pourrait se blesser en tombant, sans aucun dispositif de prévention des chutes ou de protection contre les chutes.

 

Cette situation expose l'employé au risque de chute dans des endroits où il est raisonnable de croire qu'il pourrait subir des blessures avant que l'activité ne soit modifiée.

 

Par conséquent, je vous ORDONNE PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger du danger l'employé ainsi que toute autre personne.

 

Je vous ORDONNE EN OUTRE PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)b) de la partie Il du Code canadien du travail, de n'exécuter aucun travail sur lesdits panneaux de cale jusqu'à ce que la présente instruction ait été exécutée, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en œuvre de l'instruction.

 

[12]           Les employeurs font observer que, du fait de la décision de l’agent d’appel et des instructions qu’elle contient, il n’y a eu depuis août 2005 aucun bâchage de navire et, partant, aucun chargement de grain par temps pluvieux dans le port de Vancouver.

QUESTIONS EN LITIGE

 

[13]           Les employeurs soulèvent dans la présente demande les questions qui suivent :

1.                  L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de la définition de « danger » au paragraphe 122(1) et dans l’application des paragraphes 145(1) et (2) lorsqu’il a ignoré, ou omis de prendre correctement en compte, les procédures mises en place par les employeurs pour corriger la situation ou le risque ou pour modifier la tâche?

2.                  L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et dans son application de la définition de « danger » au paragraphe 122(1) et dans l’application de l’alinéa 128(2)b) et des paragraphes 145(1) et (2) lorsqu’il a ignoré, ou omis de prendre correctement en compte, le fait qu’avec les procédures mises en place par les employeurs pour corriger la situation ou le risque ou pour modifier la tâche, le travail sur les panneaux de cale est pour les débardeurs une condition normale d’emploi?

3.                  L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de la définition prévue à l’article 122.2 et au paragraphe 125(1) du Code et aux articles 10.1 et 10.2 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) lorsqu’il a obligé les employeurs à prendre des mesures de prévention des chutes ou à mettre en place de l’équipement de protection contre les chutes, sans prendre correctement en compte :

a.                  les procédures en place, ou susceptibles de l’être, pour restreindre le risque éventuel;

 

b.                  le fait que l’équipement de protection contre les chutes ne peut raisonnablement être utilisé sur les panneaux de cale et, par conséquent, que son utilisation ne préviendrait pas ou ne réduirait pas les blessures occasionnées par le risque éventuel;

 

c.                  le fait que l’équipement de protection contre les chutes peut lui-même être source de risque.

 

 

4.                  L’agent d’appel a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire?

 

5.                  Y a-t-il eu manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale?

 

LA NORME DE CONTRÔLE

 

 

[14]           Dans son arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a réuni la norme de la décision manifestement déraisonnable et celle de la décision raisonnable simpliciter en une norme unique, celle de la raisonnabilité. Elle a également précisé le mode de détermination de la norme de contrôle dans les procédures de contrôle judiciaire, ce processus comportant deux étapes :

Premièrement, la cour de révision vérifie si la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier.  En second lieu, lorsque cette démarche se révèle infructueuse, elle entreprend l’analyse des éléments qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle : Dunsmuir, précité, au paragraphe 62.

 

[15]           Dans Martin c. Canada (Procureur général), [2005] 4 R.C.F. 637, 2005 CAF 156 (ci-après Martin), la Cour d’appel fédérale a fixé la norme de contrôle à appliquer à l’égard de l’interprétation qu’un agent des appels a faite de la définition de « danger » prévue à la partie II du Code. La Cour d’appel a jugé que la cour de révision ne doit intervenir dans l’interprétation qu’un tribunal a faite de questions de droit découlant de sa loi constitutive que si cette interprétation est manifestement déraisonnable (Martin, aux paragraphes 17 et 18). La norme de la décision manifestement déraisonnable a également été appliquée à la question de savoir si un agent des appels avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire (Société canadienne des postes c. Pollard, 2007 CF 1362 [ci-après Pollard], Duplessis c. Canada (Procureur général) (2006), 290 F.T.R. 296, 2006 CF 482).

 

[16]           Étant donné la jurisprudence et la décision de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir, précité, je conclus que la raisonnabilité est la norme de contrôle qui s’applique à la décision de l’agent d’appel, car elle concerne à la fois l’interprétation et l’application de « danger » et les conclusions de fait. Je relève également que les décisions des agents d’appel sont protégées par des clauses privatives rigoureuses aux articles 146.3 et 146.4 du Code (Association des Employeurs Maritimes c. Syndicat des débardeurs S.C.F.P. Section locale 375 , 2006 CF 66, au paragraphe 33). L’objet du Code est énoncé à son article 122.1 : « La présente partie a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l’occupation d’un emploi régi par ses dispositions. » On a considéré que l’exhaustivité du régime prévu à la partie II du Code indique qu’il convient d’accorder une grande déférence aux décisions ou aux instructions prises en vertu de cette partie (Sachs c. Air Canada, 2006 CF 673). Finalement, en sa qualité de tribunal spécialisé, le Bureau canadien d’appel en santé et sécurité au travail mérite qu’on fasse preuve de déférence envers les décisions, telles que celles dont je suis saisi, qui relèvent de sa compétence.

 

[17]           La présente demande soulève enfin la question de l’équité procédurale. Il est bien établi que l’analyse de la norme de contrôle ne s’applique pas à de telles questions (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, 2003 CSC 29), lesquelles sont toujours examinées comme des questions de droit et, par conséquent, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique. Si la Cour conclut qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, la décision sera annulée (Sketchley c. Canada (Procureur général) (2005), [2006] 3 R.C.F. 392, 2005 CAF 404).

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

 

 

[18]           Les dispositions suivantes du Code s’appliquent à la présente demande de contrôle :

 

145. (1) S’il est d’avis qu’une contravention à la présente partie vient d’être commise ou est en train de l’être, l’agent de santé et de sécurité peut donner à l’employeur ou à l’employé en cause l’instruction :

 

a) d’y mettre fin dans le délai qu’il précise;

 

 

b) de prendre, dans les délais précisés, les mesures qu’il précise pour empêcher la continuation de la contravention ou sa répétition.

 

145. (2) S’il estime que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche constitue un danger pour un employé au travail, l’agent :

 

a) en avertit l’employeur et lui enjoint, par instruction écrite, de procéder, immédiatement ou dans le délai qu’il précise, à la prise de mesures propres :

 

 

 

 

(i) soit à écarter le risque, à corriger la situation ou à modifier la tâche,

 

(ii) soit à protéger les personnes contre ce danger;

 

b) peut en outre, s’il estime qu’il est impossible dans l’immédiat de prendre les mesures prévues à l’alinéa a), interdire, par instruction écrite donnée à l’employeur, l’utilisation du lieu, de la machine ou de la chose ou l’accomplissement de la tâche en cause jusqu’à ce que ses instructions aient été exécutées, le présent alinéa n’ayant toutefois pas pour effet d’empêcher toute mesure nécessaire à la mise en oeuvre des instructions.

 

 

 

 

146.1 (1) Saisi d’un appel formé en vertu du paragraphe 129(7) ou de l’article 146, l’agent d’appel mène sans délai une enquête sommaire sur les circonstances ayant donné lieu à la décision ou aux instructions, selon le cas, et sur la justification de celles-ci. Il peut:

 

a) soit modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions;

 

b) soit donner, dans le cadre des paragraphes 145(2) ou (2.1), les instructions qu’il juge indiquées.

 

146.3 Les décisions de l’agent d’appel sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

 

146.4 Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action de l’agent d’appel exercée dans le cadre de la présente partie.

145. (1) A health and safety officer who is of the opinion that a provision of this Part is being contravened or has recently been contravened may direct the employer or employee concerned, or both, to

 

(a) terminate the contravention within the time that the officer may specify; and

 

(b) take steps, as specified by the officer and within the time that the officer may specify, to ensure that the contravention does not continue or re-occur.

 

145. (2) If a health and safety officer considers that the use or operation of a machine or thing, a condition in a place or the performance of an activity constitutes a danger to an employee while at work,

 

(a) the officer shall notify the employer of the danger and issue directions in writing to the employer directing the employer, immediately or within the period that the officer specifies, to take measures to

 

(i) correct the hazard or condition or alter the activity that constitutes the danger, or

 

(ii) protect any person from the danger; and

 

(b) the officer may, if the officer considers that the danger or the hazard, condition or activity that constitutes the danger cannot otherwise be corrected, altered or protected against immediately, issue a direction in writing to the employer directing that the place, machine, thing or activity in respect of which the direction is issued not be used, operated or performed, as the case may be, until the officer’s directions are complied with, but nothing in this paragraph prevents the doing of anything necessary for the proper compliance with the direction.

 

146.1 (1) If an appeal is brought under subsection 129(7) or section 146, the appeals officer shall, in a summary way and without delay, inquire into the circumstances of the décision or direction, as the case may be, and the reasons for it and may

 

 

(a) vary, rescind or confirm the décision or direction; and

 

 

(b) issue any direction that the appeals officer considers appropriate under subsection 145(2) or (2.1).

 

146.3 An appeals officer’s décision is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

 

146.4 No order may be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an appeals officer in any proceeding under this Part.

 

 

L’ANALYSE

 

 

 

Question 1 : L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de la définition de « danger » au paragraphe 122(1) et dans l’application des paragraphes 145(1) et (2) lorsqu’il a ignoré, ou omis de prendre correctement en compte, les procédures mises en place par les employeurs pour corriger la situation ou le risque ou pour modifier la tâche?

 

 

[19]           Le mot « danger » est ainsi défini au paragraphe 122(1) pour l’application de la partie II du Code :

« danger » Situation, tâche ou risque — existant ou éventuel — susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade — même si ses effets sur l’intégrité physique ou la santé ne sont pas immédiats — , avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Est notamment visée toute exposition à une substance dangereuse susceptible d’avoir des effets à long terme sur la santé ou le système reproducteur.

“danger” means any existing or potential hazard or condition or any current or future activity that could reasonably be expected to cause injury or illness to a person exposed to it before the hazard or condition can be corrected, or the activity altered, whether or not the injury or illness occurs immediately after the exposure to the hazard, condition or activity, and includes any exposure to a hazardous substance that is likely to result in a chronic illness, in disease or in damage to the reproductive system.

 

 

           


Représentations des employeurs

 

[20]           Les employeurs soutiennent que la définition de danger établit une analyse en deux étapes. L’agent de sécurité doit tout d’abord « estimer que l’utilisation d’une machine ou chose, une situation existant dans un lieu de travail ou l’accomplissement d’une tâche » crée un risque ou une situation « susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade ». Il faut ensuite décider que ces blessures ou maladies sont susceptibles d’arriver « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée ». Selon les employeurs, ces deux conditions ne ont satisfaites que s’il existe un « danger » qui déclenche l’obligation de l’agent de sécurité de donner pour instruction à l’employeur de prendre des mesures pour écarter le danger.

 

[21]           Les employeurs s’appuient sur Cole et Air Canada, [2006] D.A.A.C.C.T. no 4, au paragraphe 70, pour soutenir qu’il incombait à l’agent d’appel de décider qu’ils avaient omis d’éliminer ou de restreindre le risque éventuel ou d’en protéger les employés,  et qu’il existait une probabilité raisonnable que le risque ou la situation cause des blessures qu’avant le risque soit écarté ou la situation corrigée. Dans Cole, l’agent d’appel Malanka, se fondant sur la décision de la juge Tremblay-Lamer dans Martin c. Canada (Procureur général), 2003 CF 1158 (C.F. 1re inst.) et sur celle du juge Gauthier dans Verville c. Canada (Service correctionnel), 2004 CF 767, a déclaré ce qui suit :

70 Compte tenu des dispositions déjà mentionnées du Code et des conclusions des juges Tremblay-Lamer et Gauthier, j'estime qu'il y a danger quand l'employeur n'a pu, dans une mesure raisonnable

- éliminer un danger, une situation ou une activité;

- contrôler un danger, une situation ou une activité dans une mesure raisonnable de sécurité;

- s'assurer que ses employés sont personnellement protégés contre un danger, une situation ou une activité;

et qu'on établit

- que les circonstances dans lesquelles le danger, la situation ou l'activité qui subsistent [sic] pourraient raisonnablement être susceptibles de causer des blessures ou des maladies pour une personne qui y serait exposée avant que le danger, la situation ou l'activité puissent être éliminés ou modifiés,

- qu'il existe une possibilité raisonnable que les circonstances se produisent à l'avenir par opposition à une simple possibilité ou à une forte probabilité.

 

 

[22]           Les employeurs soutiennent qu’en l’espèce, l’agent d’appel n’a pas réfléchi à la possibilité que le risque puisse être écarté ou la tâche modifiée. Il n’a pas non plus envisagé la possibilité que des ouvriers se blessent avant que le risque soit écarté. Il a simplement dit qu’« une personne pourrait, pendant qu'elle tire sur une bâche ou sur des cordes, trébucher ou glisser et tomber du panneau de cale et pourrait se blesser en tombant sur des pièces de machinerie ou d'autres surfaces ou choses tels que des tuyaux. »

 

[23]           Les employeurs allèguent que l’agent d’appel n’a pas tenu compte comme il l’aurait dû de la zone interdite de deux mètres qu’ils étaient en train de mettre en œuvre, ni des autres mesures qu’ils pouvaient mettre en place afin de répondre à l’inquiétude des employés quant à la possibilité de « tomber du panneau de cale ». Ils relèvent, pour étayer leur argument, que l’agent d’appel a déclaré à l’audience s’intéresser uniquement aux preuves du danger et des refus, pas à celles présentées par eux à l’égard de ce qui pourrait être sécuritaire ou non. Ceci, selon eux, indique que l’agent d’appel ne se préoccupait pas des mesures préventives possibles, notamment celles qu’ils avaient mises en œuvre, ce qu’il faut pourtant prendre en compte avant de conclure à l’existence d’un danger.

 

[24]           Les employeurs avancent aussi que, si des employés sont enjoints de ne travailler que dans une zone où la possibilité de tomber est écartée, le travail sur une plateforme surélevée ne constitue pas un « danger » au sens du paragraphe 122(1) du Code. Ils allèguent que le risque – existant ou éventuel – que présente le fait de travailler sur une plateforme surélevée a été écarté dans de tels cas et qu’il n’y a pas de danger.

 

[25]           Les employeurs ajoutent que la conclusion de l’agent d’appel qu’en dépit des mesures qu’ils avaient mises en place, des employés pouvaient tomber n’est que simple conjecture ou hypothèse, et ne satisfait pas au critère d’une conclusion de « danger », que la Cour d’appel fédérale a établi dans Martin, précité, au paragraphe 37 :

Je conviens qu'une conclusion de danger ne peut reposer sur des conjectures ou des hypothèses. Mais lorsqu'on cherche à déterminer si l'on peut raisonnablement s'attendre à ce qu'un risque éventuel ou une activité future cause des blessures avant que le risque puisse être écarté ou que la situation soit corrigée, on traite nécessairement de l'avenir. Les tribunaux administratifs sont régulièrement appelés à interpréter le passé et le présent pour tirer des conclusions sur ce à quoi on peut s'attendre à l'avenir. Leur rôle en pareil cas consiste à apprécier la preuve pour déterminer les probabilités que ce qu'affirme le demandeur se produise plus tard.

 


Représentations du syndicat

 

[26]           Le syndicat soutient que l’agent d’appel a interprété le terme « danger » conformément à la jurisprudence établie. La définition de « danger », que prévoit le paragraphe 122(1) du Code, a été expliquée par la juge Dawson dans Pollard, précité, aux paragraphes 66 à 68 :        

66        En droit, pour que l’on puisse dire qu’un risque existant ou éventuel constitue un « danger » au sens de la partie II du Code, les faits doivent établir ce qui suit :

1)      la situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel – en question se présentera probablement;

2)      un employé sera exposé à la situation, à la tâche ou au risque quand il se présentera;

3)      l’exposition à la situation, à la tâche ou au risque est susceptible de causer une blessure ou une maladie à l’employé à tout moment, mais pas nécessairement chaque fois;

4)      la blessure ou la maladie se produira sans doute avant que la situation ou le risque puisse être corrigé, ou la tâche modifiée. 

67      L’élément final requiert un examen des circonstances dans lesquelles on pourrait s’attendre à ce que la situation, la tâche ou le risque entraîne une blessure ou une maladie. Il doit exister une possibilité raisonnable que de telles circonstances se produiront dans l’avenir. Voir la décision Verville c. Canada (Service correctionnel) (2004), 253 F.T.R. 294, paragraphes 33 à 36. 

68      Dans l’arrêt Martin, précité, la Cour d'appel fédérale a donné des indications additionnelles sur la méthode à employer pour savoir si l’on peut s’attendre à ce qu’un risque éventuel ou une tâche future entraîne une blessure ou une maladie. Au paragraphe 37 de ses motifs, la Cour d’appel faisait observer qu’une conclusion de « danger » ne saurait reposer sur des conjectures ou des hypothèses. La tâche d’un agent d'appel, de l’avis de la Cour d'appel, consistait à apprécier la preuve et à dire s’il était probable que les circonstances susceptibles de causer la blessure se produisent dans l’avenir.

 

 

 

[27]           Le syndicat fait valoir que les employeurs se trompent en disant que la locution « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée » exige une analyse en deux étapes. Il relève que la Cour a analysé cette locution dans Verville, précité, et a déclaré ce qui suit au paragraphe 34 :

34         [...] Comme il est indiqué dans l'affaire Martin, précitée, la blessure ou la maladie peut ne pas se produire dès que la tâche aura été entreprise, mais il faut plutôt qu'elle se produise avant que la situation ou la tâche ne soit modifiée. Donc, ici, l'absence de menottes sur la personne d'un agent correctionnel impliqué dans une empoignade avec un détenu doit être susceptible de causer des blessures avant que des menottes ne puissent être obtenues du poste de contrôle ou par l'intermédiaire d'un surveillant K-12, ou avant que tout autre moyen de contrainte ne soit fourni.

 

 

[28]           Le syndicat s’appuie également sur l’analyse de la même expression dans la décision Employés et Syndicat uni du transport et Laidlaw Transit Ltd. - Para Transpo Division, [2001] D.A.A.C.C.T. no 19, aux paragraphes 34 et 35 :

34        Dans la décision non publiée rendue par l’agent d’appel Serge Cadieux dans l’affaire opposant Darren Welbourne à la société Canadien Pacifique Limitée, décision n°1-008, en date du 22 mars 2001, l’agent d’appel Cadieux a écrit ce qui suit aux paragraphes 19 et 20 :

 

[19] La situation, la tâche ou le risque – existant ou éventuel, mentionné dans la définition doit être susceptible de causer des blessures à une personne qui y est exposée, ou de la rendre malade, avant que le risque soit écarté, la situation corrigée ou la tâche modifiée. Donc, cette notion «d’être susceptible de causer» exclut toutes situations hypothétiques.

 

[20] L’expression «avant que le risque soit écarté ou la situation corrigée» a été interprétée comme signifiant que des blessures ou une maladie vont probablement être causées sur place et à l’instant, c’est-à-dire immédiatement [Brailsford c. Worldways Canada Ltd. (1992), 87 di 98 (CCRT) Bell Canada c. Travail Canada (1984), 56 di 150 (CCRT). Toutefois, dans la définition actuelle du terme «danger», la mention de risque, de situation ou de tâche doit être interprétée en tenant compte du risque, de la situation ou de la tâche existants ou éventuels, ce qui semble éliminer de la notion précédente de danger le préalable que des blessures ou la maladie se produiront raisonnablement sur-le-champ. En fait, les blessures ou la maladie ne peuvent découler que de l’exposition au risque, à la situation ou à la tâche. Donc, étant donné la gravité de la situation, il doit y avoir un niveau raisonnable de certitude qu’il y aura effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s’il y a une exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu’on élimine le risque, que l’on corrige la situation ou que l’on modifie la tâche. En sachant cela, on ne peut attendre qu’un accident se produise, d’où le besoin d’agir rapidement et immédiatement dans de telles situations.

 

Ainsi, pour qu’il puisse exister un danger au sens du Code, il doit y avoir un niveau raisonnable de certitude qu’il y aura effectivement une blessure ou une maladie immédiatement s’il y a une exposition au risque, à la situation ou à la tâche, à moins qu’on élimine le risque, que l’on corrige la situation ou que l’on modifie la tâche. En l’espèce, afin de déterminer s’il existe un degré raisonnable de certitude, il est indispensable d’examiner les faits spécifiques du cas.

 

 

[29]           Le syndicat soutient que l’allégation des employeurs, selon laquelle avant de décider de l’existence d’un danger, l’agent d’appel devait décider si le risque pouvait être écarté ou la situation corrigée avant que ceux-ci n’entraînent de façon probable des blessures ou une maladie, est erronée. Selon le syndicat, une telle formulation de la définition de danger n’est pas conforme à la définition employée dans Verville ou dans Employés et Syndicat uni du transport. Le syndicat fait valoir de surcroît que le Code n’exige pas la prise en compte de ce que l’employeur peut faire à l’avenir pour éliminer la tâche à risque. Le Code fait état des mesures qui sont réellement en place et qui atténueront immédiatement le risque.

 

[30]           Le syndicat souligne de plus que la prétendue réponse des employeurs au risque (la zone interdite de deux mètres, pour être précis) n’a jamais été mise en œuvre par l’un d’entre eux et que, lorsque les agents de sécurité ont donné leurs instructions le 8 juillet et le 16 août 2005, il n’existait aucune procédure écrite de bâchage des panneaux de cale. L’agent d’appel a relevé cette absence de procédure écrite au paragraphe 49 de sa décision :

G. Thompson [le surintendant responsable des grains pour Western Stevedoring] a ajouté qu'il n'existait aucune procédure écrite concernant l'installation de bâches sur les panneaux de cale au moment des refus. Depuis ce temps, les employeurs ont proposé des procédures qui ont été élaborées en consultation avec le syndicat et la British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA). Mais après quelques réunions, on n'en est arrivé à aucun consensus.

 

 

[31]           Le syndicat relève que le gestionnaire responsable du service des grains chez P&O Ports, M. B. Wall, a lui aussi témoigné qu’il n’existait pas de procédure normalisée établie à l’égard du secteur pour attacher, surveiller ou détacher les bâches. M. Wall a déclaré que des documents  intitulés [traduction]  « Procédure d’attache des bâches de type Panamex » et [traduction] « Procédure de débâchage des Panamex » ont été préparés et achevés environ un mois avant l’audience.

 

[32]           Qui plus est, les employeurs ont avancé de façon subsidiaire la notion d’une zone interdite de deux mètres, pas comme une mesure qu’ils avaient mise en place. Ceci est appuyé par ce qu’énonce la décision de l’agent d’appel au paragraphe 83 :

Subsidiairement, T. Roper a fait valoir que les lignes directrices proposées par l'employeur pour l'installation des bâches sur les panneaux de cale éliminaient le prétendu danger. Par conséquent, il n'existait aucun danger, si  jamais ce fut le cas.  [Non souligné dans l’original.]

 

 

[33]           Le syndicat ajoute que les agents de sécurité ont conclu non seulement que le fait de tirer sur la bâche tout en se tenant au bord du panneau de cale constituait un danger, mais aussi qu’il existait un deuxième danger (celui de travailler sur un panneau de cale ouvert). Il faudrait donc que les procédures mises en œuvre par les employeurs éliminent ou restreignent également ce deuxième danger ou en protègent les employés.

 

Conclusions

 

[34]           À mon avis, l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur lorsque dans son évaluation de l’existence éventuelle du danger, il n’a pas tenu pas compte des procédures que les employeurs ont proposées de mettre en place pour écarter le risque, corriger la situation ou modifier la tâche. La décision dans son ensemble laisse entendre sans ambiguïté que l’agent d’appel a évalué si les procédures qui étaient en place ou bien en projet suffisaient à éliminer et restreindre le risque éventuel ou à en protéger les employés. Sa décision fait état des points soulevés par les employeurs (qu’ils ont de nouveau soulevés dans la présente demande), et ses conclusions sont présentées aux paragraphes 145, 146, 147 et 148 :

[145] Même si des témoins des appelants ainsi que B. Johnston ont déclaré dans leurs témoignages que, tant et aussi longtemps que les employés ne travaillent pas près du bord des panneaux de cale, il n'existe pas de danger, j'estime qu'il est raisonnable de croire qu'en raison des obstacles sur lesquels il est possible de trébucher, comme les points d'amarrage et les cales, qui sont cachés ou qui ne sont pas couverts par les bâches en plus de la poussière de grain, les grains ou l'eau, une personne pourrait, pendant qu'elle tire sur une bâche ou sur des cordes, trébucher ou glisser et tomber du panneau de cale et pourrait se blesser en tombant sur des pièces de machinerie ou d'autres surfaces ou choses tels que des tuyaux.

[146] B. Johnston a déclaré que, selon l'esprit du RSST, il estimait qu'une zone interdite de deux mètres autour du périmètre des panneaux était suffisante pour protéger les employés contre les chutes. Toutefois, il n'a fourni aucune preuve technique ou mécanique démontrant qu'une zone interdite de deux mètres suffisait à protéger les employés contre les risques de chute des panneaux de cale pendant qu'ils travaillent sur ces panneaux. Comme l'a mentionné L. Terai, B. Johnston a omis de mentionner que, bien que le RSST exige que des filets de sécurité soient installés de chaque côté d'une passerelle, ces mêmes passerelles doivent être clôturées de façon sécuritaire à une hauteur libre d'au moins 915 mm tel que l'exige le Règlement sur l'outillage de chargement [Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. 1985, ch. S-9; Règlement sur l'outillage de chargement, C.R.C., ch. 1494, partie III, sous-alinéa 8(2)(ii)].

[147] Enfin, je suis d'accord avec A. Laumonier qui a affirmé que le fait d'apposer un panneau ou de peindre une ligne ou d'utiliser tout autre avertissement visuel de démarcation n'est pas suffisant pour protéger un employé contre le risque de chute. Comme le prévoit l'article 122.2 du Code, les mesures de prévention devraient consister avant tout dans l'élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture d'équipement de protection. Un panneau d'avertissement n'est pas une mesure de prévention.

[148] B. Johnston ne m'a pas convaincu que le port de bottes antidérapantes était suffisant pour empêcher une personne de glisser sur des grains de céréale ronds. Bien que le port de bottes antidérapantes ait sa place dans ce genre de travail, ces bottes constituent normalement une protection contre les surfaces mouillées et graisseuses ou huileuses, et non contre les objets roulants comme les grains de céréale ou les risques de trébucher comme les points d'amarrage.

[35]           L’agent d’appel a donc, de toute évidence, examiné les procédures ou les lignes directrices en place et celles que les employeurs ont proposées, et il a estimé que « les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d'éliminer ou de restreindre le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s'assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale ». Il a explicitement examiné la zone de deux mètres proposée, où il serait interdit de travailler, mais a décidé que les éléments de preuve ne suffisaient pas pour prouver que l’établissement d’une telle zone garantirait que les employés ne tomberaient pas des panneaux de cale (paragraphe 146 de sa décision). Il est arrivé à cette conclusion en particulier du fait qu’en raison des obstacles sur lesquels il est possible de trébucher, comme les points d'amarrage et les cales, qui sont cachés ou qui ne sont pas couverts par les bâches en plus de la poussière de grain, les grains ou l'eau,  il serait possible de glisser sur le côté du panneau de cale (paragraphe 145 de sa décision).

 

[36]           Quant aux autres lignes directrices proposées, notamment celle de ne faire travailler que dans des zones où il n’y a pas de risque de chute, et celle de prendre des mesures pour retirer tout produit de la surface des panneaux de cale avant d’attacher ou de détacher les bâches, je suis également convaincu que l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur en ne les prenant pas en compte dans sa décision que les employeurs avaient négligé d’éliminer ou de restreindre le risque éventuel ou d’en protéger les employés.

 

[37]           Le fait que des propositions aient été rédigées ne signifie pas que le danger ait été éliminé ou restreint, ou que les employeurs avaient réellement garanti que les employés étaient personnellement protégés. De par leur nature même, ces propositions ne sont que des plans ou des propositions de procédure à mettre en œuvre. Elles ne sont que des propositions de mesure à adopter pour parvenir à éliminer ou à restreindre le risque, ou à garantir que les employés sont protégés. On ne peut affirmer que le danger n’existe plus du fait qu’ont été présentées des propositions qui restent à mettre en œuvre.

 

[38]           Je suis d’accord avec le syndicat à cet égard que l’expression du Code « avant que, selon le cas, le risque soit écarté, la situation corrigée » ne requiert pas d’examiner ce que l’employeur peut peut-être faire à l’avenir pour éliminer la tâche à risque. Cette expression désigne plutôt des mesures qui sont réellement en place et atténuent immédiatement le risque. Pour décider s’il y a danger, il faut évaluer la tâche ou le risque éventuel tel qu’il existe ou tel qu’il pourrait exister, et se demander s’il est susceptible de blesser l’employé avant qu’il ne soit écarté ou que la situation ne soit corrigée. Par conséquent, à mon avis, l’agent d’appel n’était pas tenu d’examiner ce que les employeurs pourraient faire à l’avenir pour éliminer la tâche à risque.

 

[39]           Il me semble que les employeurs ne sont tout simplement pas d’accord avec les motifs et les conclusions de l’agent d’appel sur cette question, et qu’ils veulent que la Cour examine l’affaire à nouveau et apprécie à nouveau la preuve. Je ne pense pas que ce soit le rôle de la Cour dans la présente demande. Les motifs et les conclusions de l’agent d’appel sur ce point sont, à mon avis, fondés sur une interprétation correcte de la signification de « danger » selon le Code et la jurisprudence pertinente, et appartiennent aux issues possibles acceptables. On peut ne pas être d’accord avec l’agent d’appel, et même arriver à une conclusion différente, mais ceci ne signifie pas pour autant que la décision soit erronée ou déraisonnable.

 

Question 2 : L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de la définition de « danger » au paragraphe 122(1) et dans l’application de l’alinéa 128(2)b) et des paragraphes 145(1) et (2) lorsqu’il a ignoré, ou omis de prendre correctement en compte, le fait qu’avec les procédures mises en place par les employeurs pour corriger la situation ou le risque ou pour modifier la tâche, le travail sur les panneaux de cale est pour les débardeurs une condition normale d’emploi?

 

 

 

Représentations des employeurs

 

[40]           Les employeurs soutiennent que l’agent d’appel a négligé de prendre en compte les procédures mises en œuvre pour protéger les employés du risque ou de la tâche perçus comme un danger, et de conclure que les risques résiduels sont une condition normale de travail au sens de l’alinéa 128(2)b) du Code.

 

[41]           Si, pendant que des employés travaillent sur un panneau de cale, des procédures sont en place pour garantir qu’ils ne travaillent près du bord du panneau, le fait que les employés puissent trébucher ou glisser ne constitue pas un danger au sens du Code, selon les employeurs, car le travail sur des surfaces glissantes ou des surfaces où l’on est susceptible de trébucher est une condition normale de l’emploi chez eux. Ils soutiennent que, d’après les témoignages des employés appelés à la barre par le syndicat, l’éventualité de glisser ou de trébucher sur la surface d’un navire est un risque normal et ordinaire du travail de débardeur.

 

Représentations du syndicat

 

 

[42]           Le syndicat fait observer que l’agent d’appel fait précisément état de cette question et de cet argument au paragraphe 150 de sa décision, qu’il développe et dont il décide aux paragraphes 151, 152, 153 et 154. La séquence pertinente des questions figure également au paragraphe 99, dont le paragraphe 152 constitue une révision. Les conclusions s’appuient sur le fondement factuel énoncé aux paragraphes 155 et 156.

 

[43]           Le syndicat affirme que le danger dont il s’agit au paragraphe 156 est « l'activité qui consiste à travailler sur une structure élevée non protégée en l'absence d'une mesure de prévention des chutes ».

 

[44]           Le syndicat avance qu’il appert du témoignage de M. Brooks que les employés ne peuvent se tenir au milieu du panneau de cale et faire le travail qui leur a été assigné. Il s’agit d’un travail actif, il leur faut se déplacer sur les différents panneaux, se baisser et se relever, changer les bâches de place et retirer de l’eau. On ne peut exécuter toutes ces tâches sans entrer dans la zone de danger.

 

Conclusions

 

[45]           L’alinéa 128(2)b) du Code prévoit une exception à l’égard d’une conclusion de danger, si celui-ci est une condition normale d’emploi :

[45]

128. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l’employé au travail peut refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche s’il a des motifs raisonnables de croire que, selon le cas :

 

a) l’utilisation ou le fonctionnement de la machine ou de la chose constitue un danger pour lui-même ou un autre employé;

 

b) il est dangereux pour lui de travailler dans le lieu;

 

 

c) l’accomplissement de la tâche constitue un danger pour lui-même ou un autre employé.

 

 

(2) L’employé ne peut invoquer le présent article pour refuser d’utiliser ou de faire fonctionner une machine ou une chose, de travailler dans un lieu ou d’accomplir une tâche lorsque, selon le cas :

 

a) son refus met directement en danger la vie, la santé ou la sécurité d’une autre personne;

 

b) le danger visé au paragraphe (1) constitue une condition normale de son emploi.

128. (1) Subject to this section, an employee may refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity, if the employee while at work has reasonable cause to believe that

 

 

 

(a) the use or operation of the machine or thing constitutes a danger to the employee or to another employee;

 

 

(b) a condition exists in the place that constitutes a danger to the employee; or

 

(c) the performance of the activity constitutes a danger to the employee or to another employee.

 

2) An employee may not, under this section, refuse to use or operate a machine or thing, to work in a place or to perform an activity if

 

 

 

(a) the refusal puts the life, health or safety of another person directly in danger; or

 

(b) the danger referred to in subsection (1) is a normal condition of employment.

 

 

[46]           L’agent d’appel a conclu au paragraphe 152 :

 

[152] Je crois qu'avant qu'un employeur puisse affirmer qu'un danger est une condition de travail normale, il doit reconnaître chaque risque, existant et éventuel, et il doit, conformément au Code, mettre en place des mesures de sécurité visant à éliminer le danger, la situation ou l'activité; s'il ne peut l'éliminer, il doit élaborer des mesures visant à réduire et à contrôler le risque, la situation ou l'activité dans une mesure raisonnable de sécurité, et finalement, si le risque existant ou éventuel est toujours présent, il doit s'assurer que ses employés sont munis de l'équipement, des vêtements, des appareils et du matériel de protection personnelle nécessaires pour les protéger contre le danger, la situation ou l'activité. Ces règles s'appliquent évidemment, dans la présente affaire, au risque de chute ainsi qu'au risque de trébucher ou de glisser sur les panneaux de cale.


[153] Une fois toutes ces mesures suivies et toutes les mesures de sécurité mises en place, le risque « résiduel » qui subsiste constitue ce qui est appelé une condition de travail normale. Toutefois, si des changements sont apportés à une condition de travail normale, une nouvelle analyse de ce changement doit avoir lieu en conjonction avec les conditions de travail normales.

[154]  Aux fins de la présente instance, je conclus que les employeurs ont négligé, dans la mesure où la chose était raisonnablement possible, d'éliminer ou de contrôler le danger dans une mesure raisonnable de sécurité ou de s'assurer que les employés étaient personnellement protégés contre le danger de chute des panneaux de cale.

 

 

[47]           J’ai déjà conclu que l’agent d’appel n’avait pas commis d’erreur lorsqu’il n’a pas tenu compte des procédures mises en œuvre par les employeurs, ou susceptibles de l’être. L’agent d’appel a aussi conclu que les employeurs avaient négligé d’éliminer le risque ou de le restreindre ou, en dernier ressort, de fournir aux employés l’équipement, les vêtements ou les dispositifs de protection nécessaires. On ne peut donc considérer que le risque qui subsiste soit un risque normal et ordinaire du travail de débardeur, car les employeurs ont négligé de l’éliminer ou de le restreindre. Qui plus est, l’équipement fourni par les employeurs, plus précisément les bottes de travail antidérapantes, a été jugé insuffisant pour empêcher que l’on ne glisse sur les grains ronds de céréales. L’agent d’appel a jugé que, « [b]ien que le port de bottes antidérapantes ait sa place dans ce genre de travail, ces bottes constituent normalement une protection contre les surfaces mouillées et graisseuses ou huileuses, et non contre les objets roulants comme les grains de céréale ou les risques de trébucher comme les points d'amarrage. » L’équipement fourni ne suffisait donc pas pour protéger les employés du risque éventuel, de sorte que l’on ne peut considérer que les risques résiduels de dérapage sont un « risque normal et ordinaire du travail de docker ». Je conclus que l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a évalué si le risque inhérent au travail sur les panneaux de cale ou celui de déraper sur ces panneaux constitue ou non un risque normal et ordinaire du travail de débardeur.

 

À mon avis, ici encore, les employeurs demandent en réalité à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve et de tirer une conclusion différente de celle de l’agent d’appel. Ce pourrait certes être possible, mais je ne peux conclure à propos de cette question que l’agent d’appel n’a pas correctement compris et appliqué la loi, ou que ses motifs et ses conclusions n’appartiennent pas aux issues possibles acceptables.

 

Les dangers et les risques sont établis, et les employeurs sont enjoints de « prendre des mesures pour protéger les employés, ou toute autre personne », du danger.

 

Question 3 : L’agent d’appel a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation et son application de la définition prévue à l’article 122.2 et au paragraphe 125(1) du Code et aux articles 10.1 et 10.2 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires) lorsqu’il a obligé les employeurs à prendre des mesures de prévention des chutes ou à mettre en place de l’équipement de protection contre les chutes, sans prendre correctement en compte :

 

a.      les procédures en place, ou susceptibles de l’être, pour restreindre le risque éventuel;

 

b.      le fait que l’équipement de protection contre les chutes ne peut raisonnablement être utilisé sur les panneaux de cale et, par conséquent, que son utilisation ne préviendrait pas ou ne réduirait pas les blessures occasionnées par le risque éventuel;

 

c.       le fait que l’équipement de protection contre les chutes peut lui-même être source de risque.

 

 

[48]           Les articles 122.2 et 124 et le paragraphe 125(1) du Code prévoient ce qui suit :

 

122.2 La prévention devrait consister avant tout dans l’élimination des risques, puis dans leur réduction, et enfin dans la fourniture de matériel, d’équipement, de dispositifs ou de vêtements de protection, en vue d’assurer la santé et la sécurité des employés.

 

124. L’employeur veille à la protection de ses employés en matière de santé et de sécurité au travail.

 

 

125. (1) Dans le cadre de l’obligation générale définie à l’article 124, l’employeur est tenu, en ce qui concerne tout lieu de travail placé sous son entière autorité ainsi que toute tâche accomplie par un employé dans un lieu de travail ne relevant pas de son autorité, dans la mesure où cette tâche, elle, en relève :

 

[...]

 

b) d’installer des dispositifs protecteurs, garde-fous, barrières et clôtures conformes aux normes réglementaires; [...]

 

122.2 Preventive measures should consist first of the elimination of hazards, then the reduction of hazards and finally, the provision of personal protective equipment, clothing, devices or materials, all with the goal of ensuring the health and safety of employees.

 

124. Every employer shall ensure that the health and safety at work of every person employed by the employer is protected.

 

125. (1) Without restricting the generality of section 124, every employer shall, in respect of every work place controlled by the employer and, in respect of every work activity carried out by an employee in a work place that is not controlled by the employer, to the extent that the employer controls the activity,

 

 

[...]

 

(b) install guards, guard-rails, barricades and fences in accordance with prescribed standards; [...]

 

 

[49]           Les articles 10.1, 10.2 et 10.9 du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (navires), DORS/87-183 (le RSSTN) prévoient ce qui suit :

10.1 Toute personne à qui est permis l’accès au lieu de travail doit utiliser l’équipement de protection prévu par la présente partie lorsque :

a) d’une part, il est en pratique impossible d’éliminer ou de restreindre à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé;

 

b) d’autre part, l’utilisation de l’équipement de protection peut empêcher les blessures pouvant résulter de ce risque ou en diminuer la gravité.

 

 

 

 

10.2 L’équipement de protection doit à la fois :

 

a) être conçu pour protéger la personne contre le risque pour lequel il est fourni;

 

b) ne pas présenter de risque en soi.

 

10.9 (1) L’employeur doit fournir un dispositif de protection contre les chutes à toute personne qui travaille sur l’une des structures suivantes, à l’exception d’un employé qui installe ou démonte un tel dispositif selon les instructions visées au paragraphe (5) :

a) une structure non protégée qui est :

 

(i) soit à plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche,

 

(ii) soit au-dessus des pièces mobiles d’une machine ou de toute autre surface ou chose sur laquelle l’employé pourrait se blesser en tombant,

 

(iii) soit au-dessus d’une cale ouverte;

 

b) une structure temporaire qui est à plus de 3 m au-dessus d’un niveau permanent sûr;

 

c) une échelle, lorsque la personne travaille à une hauteur de plus de 2,4 m au-dessus du niveau permanent sûr le plus proche et qu’à cause de la nature de son travail, elle ne peut s’agripper que d’une main à l’échelle.

10.1 Where

 

 

 

 

(a) it is not reasonably practicable to eliminate or control a safety or health hazard in a work place within safe limits, and

 

 

(b) the use of protection equipment may prevent or reduce injury from that hazard,

every person granted access to the work place who is exposed to that hazard shall use the protection equipment prescribed by this Part.

 

10.2 All protection equipment

 

 

(a) shall be designed to protect the person from the hazard for which it is provided; and

 

(b) shall not in itself create a hazard.

 

10.9 (1) Where a person, other than an employee who is installing or removing a fall-protection system in accordance with the instructions referred to in subsection (5), works from

 

 

 

(a) an unguarded structure that is

 

(i) more than 2.4 m above the nearest permanent safe level,

 

 

(ii) above any moving parts of machinery or any other surface or thing that could cause injury to an employee on contact, or

 

 

(iii) above an open hold,

 

 

(b) a temporary structure that is more than 3 m above a permanent safe level, or

 

(c) a ladder at a height of more than 2.4 m above the nearest permanent safe level and, because of the nature of the work, that person can use only one hand to hold onto the ladder, the employer shall provide a fall-protection system.

 

Représentations des employeurs

 

[50]           Les employeurs soutiennent que l’agent d’appel a commis une erreur lorsqu’il a conclu qu’il fallait de l’équipement pour prévenir les chutes ou s’en protéger sans avoir décidé au préalable, conformément à l’alinéa 10.1a) du RSSTN, s’« il est en pratique impossible d’éliminer ou de restreindre à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé ».

 

[51]           Les employeurs soulignent que l’agent d’appel a conclu que l’article 10.9 du RSSTN ne prévoit pas de distance ou de zone de sécurité dans le cas de structures élevées non protégées, de sorte que cette disposition exige de l’équipement pour prévenir les chutes ou s’en protéger. Selon eux, toutefois, l’article 10.1 n’exige de l’équipement de protection contre les chutes que s’« il est en pratique impossible d’éliminer ou de restreindre à un niveau sécuritaire le risque que le lieu de travail présente pour la sécurité ou la santé », conformément à la règle sur les mesures préventives qu’énonce l’article 122.2 du Code. Tel qu’il est mentionné ci-dessus, les employeurs allèguent que l’agent d’appel a négligé d’examiner si la procédure élaborée par eux éliminait ou restreignait le risque quant à la sécurité, ou si des mesures pouvaient être prises pour le restreindre, avant d’exiger que de l’équipement pour prévenir les chutes ou s’en protéger soit utilisé.

 

[52]           Les employeurs soutiennent en outre que l’agent d’appel a négligé de décider si l’utilisation d’équipement de prévention des chutes pouvait prévenir ou atténuer les blessures dues au « risque », comme le veut l’alinéa 10.1b) du RSSTN. Selon eux, celui-ci n’a pas examiné si l’utilisation d’équipement de protection pouvait présenter un risque en soi, comme il était tenu de le faire en vertu de l’alinéa 10(2)b) du RSSTN.

 

[53]           Les employeurs soutiennent que, si une telle enquête avait eu lieu et si on leur avait donné l’occasion de traiter cette question, la preuve aurait démontré que l’équipement de protection des chutes ne peut raisonnablement être utilisé sur les panneaux de cale, car il n’y a pas de structure surélevée pour l’attacher. Qui plus est, la protection contre les chutes pourrait en elle-même, selon eux, gêner le travail des débardeurs sur les panneaux de cale et, partant, présenter son propre risque.

 

[54]           Selon les employeurs, l’agent d’appel a négligé de mener l’analyse exigée par les dispositions législatives applicables à l’utilisation de l’équipement de protection et, en conséquence, l’interprétation et l’application qu’il a faite de ces dispositions est erronée.

 

Représentations du syndicat

 

[55]           Le syndicat est d’accord que l’alinéa 10.1a) du RSSTN est une condition préalable. Or  l’agent de sécurité conclut expressément au paragraphe 154 de la décision que les conditions préalables sont satisfaites. Les employeurs ont négligé d’éliminer ou de restreindre le risque.

 

[56]           Le syndicat souligne que l’agent d’appel a clairement cerné le danger, comme je le dis au paragraphe précédent. L’instruction a été donnée, comme cela est indiqué au paragraphe 159 de la décision. Il incombe aux employeurs de concevoir une solution. Celle qu’ils ont adoptée pour l’instant est de ne pas charger les céréales quand il pleut. Ce n’est pas la seule solution.

 

[57]           Le Code oblige les employeurs à protéger les employés contre les dangers. Si les employeurs prétendent qu’ils ne peuvent arriver à une solution, cela ne signifie pas que les employés doivent accepter les dangers et les risques qui ont été établis.


Conclusions

 

[58]           À mon avis, l’agent d’appel a correctement appliqué le RSSTN et tiré les conclusions exigées par son article 10.1.

 

[59]           Je relève qu’il n’appartient pas à l’agent d’appel de décider précisément du type de dispositif de protection contre les chutes que les employeurs sont tenus de mettre en place, et il n’en a pas décidé non plus. Ceci concorde avec l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans

Association des Employeurs Maritime c.  Harvey (1991), 134 N.R. 392, [1991] A.C.F. no 325 (QL), dans laquelle la Cour a déclaré ce qui suit aux pages 3 et 4 :

La requérante a aussi fait valoir que les instructions données par l'agent de sécurité et confirmées par l'agent régional étaient trop laconiques en ce qu'elles ordonnaient simplement à l'employeur « de prendre immédiatement des mesures propres à parer au danger » sans autrement prévoir ce que l'employeur devait faire. Pour se conformer à ses obligations en vertu de l'alinéa 145(2)a), soutient la requérante, l'agent de sécurité aurait dû indiquer de façon précise les mesures que devait prendre l'employeur pour parer au danger.

Même si la loi ne le dit pas expressément, il est clair que les instructions données en vertu du paragraphe 145(2) doivent être assez précises pour permettre de déterminer si l'employeur s'y est conformé. Pour avoir la précision requise, il n'est cependant pas nécessaire que ces instructions spécifient les moyens que l'employeur doit prendre pour parer au danger que couraient ses employés; il suffit qu'elles précisent le résultat que l'employeur doit atteindre en identifiant clairement le danger que courent les employés et en imposant à l'employeur l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour y parer. En effet, s'il peut être facile, en certains cas, de préciser ce que l'employeur doit faire pour remédier à un danger, cela peut être, en d'autres cas, difficile ou même impossible. Il peut exister une multitude de moyens permettant d'arriver au résultat désiré; ou, encore, il peut être impossible à une personne qui ne possède pas de connaissances scientifiques spécialisées, de savoir comment arriver à ce résultat. Il est normal, dans ces circonstances, qu'on laisse à l'employeur le choix des moyens à prendre pour atteindre le but qu'on lui assigne.

 

 

 

[60]           En l’espèce, l’agent d’appel n’a pas précisé le type d’équipement de prévention ou de protection contre les chutes qui était nécessaire. Il a en revanche conclu que les employés risquaient de tomber quand ils travaillaient « sur les panneaux de cale, une structure élevée non protégée, qui se situe à une hauteur de 2,4 m ou au-dessus des pièces mobiles d'une machine ou de toute autre surface ou chose sur laquelle l'employé pourrait se blesser en tombant, sans aucun dispositif de prévention des chutes ou de protection contre les chutes » et a donné l’instruction suivante :

 

Par conséquent, je vous ORDONNE PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)a) de la partie II du Code canadien du travail, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour protéger du danger l'employé ainsi que toute autre personne.

 

Je vous ORDONNE EN OUTRE PAR LES PRÉSENTES, en vertu de l'alinéa 145(2)b) de la partie Il du Code canadien du travail, de n'exécuter aucun travail sur lesdits panneaux de cale jusqu'à ce que la présente instruction ait été exécutée, le présent alinéa n'ayant toutefois pas pour effet d'empêcher toute mesure nécessaire à la mise en œuvre de l'instruction.

 

 

[61]           Il n’appartient pas à la Cour de décider si l’on peut raisonnablement utiliser de l’équipement de prévention ou de protection, ou s’il gênerait le travail des débardeurs sur les panneaux de cale et présenterait donc un risque en soi. Qui plus est, lorsque l’agent d’appel a présenté dans les grandes lignes une grande diversité de moyens permettant de mettre un dispositif en place, il n’était pas tenu de donner des instructions précises quant aux mesures que les employeurs étaient tenus de prendre pour parer au danger. Il n’a donc pas commis d’erreur lorsqu’il ne leur a pas soumis la question et ne leur a pas permis de démontrer si un tel dispositif pouvait être mis en place et par quels moyens.

 

[62]           Je constate également que les instructions données par l’agent d’appel n’empêchent pas les employeurs de modifier la procédure de bâchage et de débâchage, ou de mettre des solutions techniques en place si, ainsi qu’ils le prétendent, un dispositif de prévention ou de protection contre les chutes gênerait le travail des débardeurs et présenterait en conséquence un risque en soi.

 

 

Question 4 : L’agent d’appel a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire?

 

 

 

Représentations des employeurs

 

[63]           Les employeurs allèguent que l’agent d’appel a rejeté, ignoré ou négligé de tenir compte des éléments de preuve pertinents, fondamentaux pour les questions dont il était saisi. Ils soutiennent que, bien qu’il ait cité dans sa décision les conclusions écrites des agents de sécurité, il les a essentiellement ignorées lorsqu’il a rendu sa décision. Ils signalent que les agents de sécurité ont constaté que la procédure de bâchage était sécuritaire, à un point près : se tenir au bord du panneau de cale pour enlever l’eau accumulée dans la bâche. Ils prétendent que l’agent d’appel n’a pas expliqué pourquoi cet élément de preuve a été ignoré ou rejeté.

 

[64]           Les employeurs ont par ailleurs déclaré à l’audience que les agents de sécurité avaient témoigné que, selon eux, le seul aspect du bâchage qui constituait un danger était la situation où un employé se tenait au bord du panneau de cale pour enlever l’eau de la bâche. M. McGhie a témoigné pour le syndicat que l’agent de sécurité D’sa n’avait pas eu l’occasion d’observer l’eau accumulée dans une bâche attachée, les ouvriers n’en ayant pas attaché. M. Suttie a également témoigné pour le syndicat que l’agent de sécurité D’sa n’avait pas observé les procédures de bâchage et de débâchage, les ouvriers n’ayant pas réussi à les exécuter pour les lui montrer.

 

[65]           Selon les employeurs, l’agent de sécurité D’sa a convenu que la procédure qu’ils avaient mise en place et qui obligeait les débardeurs à se tenir à deux mètres du bord du panneau de cale, éliminerait le danger. Qui plus est, des témoins du syndicat et des employeurs ont déclaré que, si les bâches sont attachées correctement, l’eau ne s’y accumule pas.

 

[66]           Les employeurs affirment que l’agent de sécurité D’sa a aussi fait les déclarations suivantes à l’audience :

 

a.                   Si la bâche est attachée à partir des bords du panneau de cale vers le centre, il n’y a pas de danger éventuel;

 

b.                  Il n’a pas dit dans son rapport que les employés exécutent réellement la tâche en question;

 

c.                   Si la zone interdite de deux mètres est mise en place et si les employés n’y travaillent pas, il n’y aura pas de danger au sens du Code;

 

d.                  Rien n’a été prévu pour attacher des glissières de sécurité sur des panneaux de cale Panamax ou MacGregor.

 

[67]           Les employeurs affirment que l’agent de sécurité Yeung a fait les déclarations suivantes à l’audience :

 

a.          Il n’a jamais vu le bâchage ou le débâchage d’un panneau de cale MacGregor;

 

b.         Quand il s’est rendu sur le Thomas C. le 16 août 2005, il n’a pas observé les procédures de bâchage ou de débâchage, celles-ci lui ont été décrites;

 

d.           Il a reproduit le rapport de l’agent de sécurité D’sa à propos des refus de travailler de   

           juillet.        

 

[68]           Les employeurs allèguent que l’agent d’appel a négligé de tenir compte que l’agent de sécurité avait convenu que, si les débardeurs recevaient pour instruction de ne pas travailler au bord du panneau de cale, il n’y avait alors pas de danger, puis d’en faire mention dans sa décision. Ils soutiennent que les éléments de preuve, présentés par l’agent de sécurité D’sa et soulignés par l’agent d’appel dans sa décision, quant au fait que des bâches s’accrochaient constamment au panneau de cale, sont sans rapport avec les événements ayant abouti à l’instruction de l’agent de sécurité, mais se rapportent à un essai ultérieur des nouvelles procédures proposées. Ceci laisse supposer, selon eux, que l’agent d’appel n’a pas compris la preuve ou n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui ont été présentés.

 

[69]           Les employeurs avancent également que l’agent d’appel a accepté les éléments présentés par l’agent de sécurité Yeung alors qu’il n’avait pas enquêté sur place à propos de la procédure réelle de bâchage. Selon eux, contrairement à la conclusion de l’agent d’appel que le rapport de l’agent de sécurité Yeung était « sur certains plans très semblable » à celui de l’agent de sécurité D’sa, un examen des deux rapports permet de constater que le rapport de celui-ci a été copié mot pour mot.

 

[70]           Les employeurs indiquent que leur témoin, M. Guy Thomson, a fait les déclarations suivantes :

 

            a.         Les débardeurs ne sont pas obligés de travailler près du bord du panneau de cale;

 

 

b.         S’il faut retirer de l’eau d’une bâche avant de fermer un panneau de cale, on leur demande d’essayer d’abord de la retirer à partir du pont, puis, si cela a échoué, de la retirer à partir du panneau, en se tenant aussi près du centre que possible;

 

c.                     Le processus du bâchage et du débâchage n’oblige pas les ouvriers à se tenir dans la zone de deux mètres près du bord du  panneau de cale.

 

 

[71]           L’agent d’appel a donc conclu, en dépit d’éléments prouvant que, selon les nouvelles procédures, les débardeurs ne seraient pas tenus de travailler près du bord du panneau de cale, que ceux-ci « travaillent au bord d’un panneau de cale glissant » (paragraphe 107 de la décision).

 

[72]           Les employeurs soulignent le témoignage du capitaine Brian Johnston, lequel a témoigné en tant qu’expert de la sécurité maritime au sujet du caractère sécuritaire de leur procédure. Selon eux, celui-ci était d’avis qu’il n’y avait pas de danger si une zone de deux mètres, mesurée à partir du bord du panneau et interdite au travail, était mise en place. Ils déclarent que, même si l’agent d’appel a rejeté le témoignage de M. Johnston uniquement parce qu’« il n'a fourni aucune preuve technique ou mécanique démontrant qu'une zone interdite de deux mètres suffisait à protéger les employés contre les risques de chute des panneaux de cale pendant qu'ils travaillent sur ces panneaux », on n’a jamais laissé entendre au cours de l’audience que son opinion devrait être rejetée ou minimisée du fait qu’« il n’a fourni aucune preuve technique ou mécanique ». Selon eux, son témoignage était celui d’un expert en sécurité maritime. Les employeurs n’avaient donc aucune raison de déposer d’autres preuves techniques ou mécaniques, puisqu’ils avaient présenté le témoignage d’un expert en sécurité maritime sur la question de la conception de la sécurité professionnelle.

 

[73]           Les employeurs soutiennent aussi qu’un représentant syndical a témoigné que les membres du syndicat du comité mixte pour la sécurité avaient proposé la zone de deux mètres en réponse aux représentants de l’employeur qui avaient suggéré une zone d’un mètre. Des témoins ont également indiqué à l’audience que des grains ou d’autres produits susceptibles de rendre les panneaux de cale glissants peuvent être lavés ou balayés avant que les ouvriers ne retirent les bâches. L’agent d’appel a tiré des conclusions et donné des instructions exigeant que les débardeurs ne travaillent pas sur les panneaux de cale sans équipement de protection contre les chutes. Les employeurs prétendent que rien ne permet de conclure cependant que l’utilisation de cet équipement serait faisable sur les panneaux de cale des céréaliers.

 

[74]           Les employeurs prétendent que l’agent d’appel a mal apprécié le témoignage de M. Bob Wall, ayant conclu que celui-ci a « rappelé un accident survenu en 2000, au cours duquel un employé est tombé d'un panneau de cale pendant qu'il pliait la bâche et qu'il avait subi des blessures [...] ». Les employeurs font observer que, ce dont M. Wall a témoigné, c’est que, selon son expérience, il ne se souvenait que d’un incident au cours duquel un employé était tombé du panneau de cale, sans expliquer les raisons de la chute. Qui plus est, l’agent d’appel note au paragraphe 155 de sa décision que M. Wall a déclaré que « de tels accidents sont survenus par le passé et une telle chute entraînerait vraisemblablement des blessures, avant que le risque ne soit corrigé ou l'activité modifiée ». Les employeurs font valoir que M. Wall n’a pas fait de déclaration de cet ordre.

 

[75]           Toujours selon les employeurs, l’agent d’appel a conclu aux paragraphes 66 et 151 de sa décision que le capitaine Johnston a témoigné que les panneaux de cale ont « souvent [...] plus de 2,4 m » de haut. Ils prétendent que le capitaine Johnston n’a pas fait de déclaration de cet ordre. Il a témoigné que les panneaux de cale de la plupart des navires ont une hauteur inférieure à 2,4 m, mais que celle-ci peut atteindre 3 mètres.

 

[76]           Les employeurs prétendent aussi qu’aucun élément de preuve n’appuie la conclusion de l’agent d’appel au paragraphe 145 de sa décision, selon laquelle, même s’il est établi que des employés ne travaillent pas près du bord des panneaux de cale, et qu’ils ne sont pas tenus d’y travailler, des obstacles sont susceptibles de les faire trébucher ou glisser et tomber par-dessus le bord des panneaux. Ils font valoir que, même s’il a été établi que les débardeurs peuvent glisser ou trébucher, il n’a pas été prouvé qu’ils pouvaient trébucher ou glisser de deux mètres pour tomber par-dessus le bord des panneaux de cale.

 

[77]           Les employeurs avancent que le capitaine Johnston a aussi déclaré que, si les débardeurs portent des bottes antidérapantes, cela diminuera la probabilité qu’ils glissent sur les panneaux de cale. L’agent d’appel a pourtant rejeté cette déclaration, alléguant que, « bien que le port de bottes antidérapantes ait sa place dans ce genre de travail, ces bottes constituent normalement une protection contre les surfaces mouillées et graisseuses ou huileuses, et non contre les objets roulants comme les grains de céréale ou les risques de trébucher comme les points d'amarrage. » Rien, selon eux, ne permettait à l’agent d’appel de conclure en ce sens. Il y avait en revanche des éléments de preuve selon lesquels la surface des panneaux de cale peut être lavée ou balayée afin de retirer les débris ou les produits avant que les débardeurs n’attachent ou ne détachent la bâche. Cet argument est fondé sur le témoignage de M. Brooks, qui a déclaré qu’il revient au machiniste de nettoyer la surface pour qu’elle ne soit pas glissante. Il a aussi déclaré que le travail de débardeur sur les navires comporte couramment des risques de glisser et de trébucher, et M. McGhie, le témoin du syndicat, a déclaré que le pont des navires est fréquemment glissant et qu’il n’est pas rare de travailler dans des situations où l’on risque de glisser.

 

[78]           Les employeurs allèguent également que, lorsque l’agent d’appel a conclu qu’il y a danger car les employés travaillent sur des panneaux de cale et pourraient trébucher ou glisser, créant ainsi « la possibilité de tomber du panneau », il a négligé de tenir compte, ou de tenir raisonnablement compte, de la zone de deux mètres mise en place par les employeurs ou de toute autre forme de zone interdite susceptible d’être mise en place.

 

[79]           Les employe affirment que l’agent d’appel n’a pas tenu compte des éléments de preuve de l’agent de sécurité D'sa selon lesquels il n’était pas prévu d’attacher des glissières de sécurité sur les panneaux de cale Panamax et MacGregor.

 

[80]           Enfin, les employeurs s’appuient sur Gerle Gold Ltd. c. Golden Rule Resources Ltd., [1999] 2 C.F. 630 (C.F. 1re inst.) pour faire valoir que l’agent d’appel avait l'obligation légale de fournir des motifs écrits, conformément au paragraphe 146.1(2), et que cette obligation comprend celle de tirer des conclusions de fait sur lesquelles la décision est fondée et d'indiquer pourquoi le décideur a rejeté les éléments de preuve concernant les faits les plus importants. Les employeurs soutiennent que l’agent d’appel a négligé et rejeté des éléments de preuve se rapportant aux faits cruciaux, et qu’il n’a pas traité comme il fallait les raisons de ce rejet dans ses motifs.

 


Représentations du syndicat

 

[81]           Le syndicat soutient que les conclusions de fait de l’agent d’appel étaient étayées par la preuve et qu’il n’a donc pas tiré de conclusion de fait déraisonnable. Il souligne qu’un appel des instructions des agents de sécurité constitue une nouvelle enquête. L’agent d’appel ne s’est donc pas limité à une analyse du dossier. Il lui était loisible d’évaluer, de peser et d’accepter les éléments présentés par les témoins. Aux paragraphes 27 et 28 de Martin, précité, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

27        Aux termes de l'article 146.1 [édicté, idem], l'agent d'appel peut «modifier, annuler ou confirmer» les instructions de l'agent de santé et sécurité. L'agent d'appel peut par ailleurs annuler les instructions que l'agent de santé et sécurité a données en vertu du paragraphe 145(2) et qui, selon lui, ne sont pas indiquées. Toutefois, comme il est maintenant investi des mêmes pouvoirs que l'agent de santé et sécurité, il peut aussi modifier les instructions en donnant celles que, selon lui, l'agent de santé et sécurité aurait dû donner.

28        L'appel interjeté devant l'agent d'appel est un appel de novo. Aux termes de l'article 146.2 [édicté, idem], l'agent d'appel peut convoquer des témoins et les contraindre à comparaître, recevoir sous serment, par voie d'affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu'il juge indiqués, qu'ils soient admissibles ou non en justice, et procéder, s'il le juge nécessaire, à l'examen de dossiers ou registres et à la tenue d'enquêtes. Compte tenu de ces vastes pouvoirs et de l'ajout du paragraphe 145.1(2), il n'y a aucune raison qui justifierait d'empêcher l'agent d'appel de rendre une décision en vertu du paragraphe 145(1), s'il estime qu'il y a eu contravention à la partie II du Code et ce, malgré le fait que l'agent de santé et sécurité a donné des instructions en vertu du paragraphe 145(2).

 

 

[82]           Pour ce qui est de la preuve des agents de sécurité, le syndicat soutient que, lorsque les employeurs lui ont demandé son avis sur la zone interdite de deux mètres qu’ils projetaient, l’agent de sécurité D'sa a déclaré ne pas avoir prévu qu’on allait lui demander de commenter des procédures de travail et que c’était à l’employeur et aux employés de discuter de la façon d’atténuer les dangers qu’il avait cernés dans son instruction.

 

[83]           Le syndicat ajoute que les agents de sécurité ont été appelés à témoigner sur les circonstances au moment de leur enquête. Les questions du contre-interrogatoire visaient à obtenir leur avis sur une hypothétique zone interdite, qui n’était pas en place au moment de leur enquête ou au moment où ils ont donné leurs instructions. L’agent d’appel n’était donc pas tenu d’analyser les opinions de l’agent de sécurité D'sa sur les instructions qu’il aurait pu adresser si la zone interdite avait existé au moment de son enquête, ce qui ne faisait pas partie des circonstances ayant abouti aux instructions données.

 

[84]           Pour ce qui est du témoignage du capitaine Johnston, le syndicat fait observer que lorsque celui-ci a témoigné que les mesures proposées par les employeurs étaient conformes aux dégagements prévus par le RSSTN, il faisait référence à l’article du règlement relatif aux filets de sécurité sous les échelles d'accès ou les passerelles d'embarquement. Le règlement auquel il faisait référence ne prévoit pas le bâchage des panneaux. Le syndicat souligne que le capitaine Johnston a fait référence au Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l'outillage de chargement, lequel prévoit des filets de sécurité et le retrait des panneaux de cale et des livets de pont qui sont sans protection. Ce règlement n’a cependant pas été adopté.

 

[85]           Le syndicat soutient que l’essentiel du témoignage du capitaine Johnston était l’avis que lui avaient demandé les employeurs à propos de la zone interdite de deux mètres qu’ils projetaient. Pour donner son avis, il a consulté l’article 2.9 du RSSTN à propos des marges de sécurité et s’est appuyé sur cet article pour conclure que la mesure proposée par les employeurs était sécuritaire. L’agent d’appel n’a donc pas commis d’erreur quand il a conclu ce qui suit au paragraphe 146 :

[146]    B. Johnston a déclaré que, selon l'esprit du RSST, il estimait qu'une zone interdite de deux mètres autour du périmètre des panneaux était suffisante pour protéger les employés contre les chutes. Toutefois, il n'a fourni aucune preuve technique ou mécanique démontrant qu'une zone interdite de deux mètres suffisait à protéger les employés contre les risques de chute des panneaux de cale pendant qu'ils travaillent sur ces panneaux.

 

 

[86]           Le syndicat affirme donc que l’agent d’appel a exposé exactement la nature du témoignage présenté par le capitaine Johnston; même si celui-ci était qualifié à titre d’expert et que son témoignage était admissible en preuve, l’agent d’appel avait le droit de décider du poids à lui attribuer. Le syndicat souligne que l’agent d’appel a examiné les critères du témoignage d’opinion d’un expert, tels qu’ils ont été établis dans R. c. Mohan, [1994] 2 R.C.S. 9, et a conclu que cet arrêt affaiblissait la valeur du témoignage du capitaine Johnston. Par conséquent, étant les circonstances établies ci-dessus et d’après la nature et la qualité de ce témoignage, le syndicat soutient que l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur en décidant qu’il fallait y accorder peu de poids.

 

[87]           Quant aux conclusions de l’agent d’appel concernant les risques de glisser ou de trébucher, le syndicat soutient que, selon la preuve, le dessus des panneaux de cale est glissant même si l’on porte des bottes antidérapantes, du fait des grains de céréale ou de la poussière, et que d’autres obstacles sont susceptibles de faire trébucher les débardeurs, notamment des trous. Qui plus est, M. Thompson, qui a témoigné pour les employeurs, a admis que « peu » de mesures sont généralement prises pour enlever l’humidité et la poussière de céréale accumulées sur le dessus des panneaux de cale avant le chargement final et la fermeture des panneaux. Le capitaine Johnston a indiqué qu’il faut porter des bottes antidérapantes si l’on ne peut remédier aux conditions glissantes sur les navires, et qu’il est possible de remédier à l’accumulation des céréales sur le dessus des panneaux en faisant nettoyer par le personnel les céréales susceptibles de s’accumuler au cours du chargement. Le syndicat soutient donc qu’au vu de la preuve dont il était saisi, l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur déraisonnable quant à la possibilité de glisser et de trébucher sur les panneaux de cale.

 

[88]           En ce qui concerne les preuves présentées à l’appui de la conclusion de l’agent d’appel qu’il existait un risque de tomber des panneaux de cale, le syndicat soutient que, selon ces preuves, aucune procédure établie ou écrite n’était en place relativement au bâchage, au débâchage ou au contrôle des bâches, au moment des refus et de la communication des instructions. Selon les preuves présentées à l’agent d’appel, la zone interdite de travail faisait partie d’une proposition avancée par les employeurs et n’a été établie qu’un mois environ avant le début de l’audience. Enfin, selon ces preuves, aucune entente n’est intervenue entre les employeurs et le syndicat à l’égard des procédures de travail proposées. Selon ces preuves, la proposition de zone interdite de travail n’a jamais été mise en œuvre par les employeurs.

 

[89]           Le syndicat souligne que les preuves présentées à l’agent d’appel comportent un exposé étape par étape par les employés de la façon dont ils exécutent les tâches de bâchage, de débâchage et de contrôle des bâches sur les cales. Selon ces preuves, un employé qui travaillait le 8 juillet 2005 a glissé alors qu’il se tenait à environ six pouces du bord du panneau et tirait sur une corde. Il y a également des éléments de preuve selon lesquels les employés se trouvent sur des panneaux Panamex pendant que ceux-ci sont ouverts. Le syndicat allègue donc que, d’après ces preuves, l’agent d’appel n’a pas commis d’erreur quand il a conclu que le risque éventuel de tomber lorsqu’on accomplit ou accomplira des tâches sur des panneaux de cale place les employés ayant refusé de travailler dans une situation de danger au sens de la partie II du Code.

 

[90]           Le syndicat ajoute que l’agent de sécurité D'sa a présenté des preuves selon lesquelles des bâches s’accrochent au panneau de cale et qu’une démonstration des procédures a eu lieu quand il a enquêté sur le refus de travailler le 8 juillet 2005.

 

[91]           Quant à l’accumulation d’eau sur les bâches, le syndicat indique que M. Brooks, l’un de ses témoins, a déposé que, pendant le chargement des céréales, les employés surveillent les bâches pour voir à ce que l’eau ne pénètre pas dans la cale. S’il en pénètre, ils doivent ajuster les bâches et faire une gouttière de sorte que les poches d’eau s’évacuent sur le côté du panneau. Pour remédier à l’accumulation d’eau, on ajuste les bâches, on les rattache et on les resserre soit sur le panneau de cale, soit sous le pont ou bien les deux. Il a donc été prouvé, non pas comme les employeurs l’ont affirmé, que « l’eau ne s’accumule pas », mais que les employés attachent les bâches du mieux qu’ils peuvent afin de minimiser les poches d’eau, et qu’il y aura toujours des poches d’eau.

 

[92]           Le syndicat soutient enfin que la conclusion de l’agent d’appel selon laquelle le danger est réel et non hypothétique fait précisément référence au témoignage de M. Wall, qui a décrit une blessure survenue en 2000 dont il avait connaissance. Selon le rapport examiné par M. Wall, l’ouvrier qui était en train de bâcher un panneau de cale fermé, est tombé du côté du panneau sur le pont et s’est blessé à la tête et au dos.

 

Conclusions

[93]           Pour ce qui est de l’allégation des employeurs que l’agent d’appel a ignoré les conclusions des agents de sécurité, je conclus que l’agent d’appel en a suffisamment tenu compte dans sa décision. Les appels devant un agent d’appel étant entendus de nouveau, celui-ci n’était pas limité par les conclusions des agents de sécurité (Martin, précité, paragraphe 28). Il lui était au contraire loisible de conclure autrement que les agents de sécurité, de « modifier, annuler ou confirmer » les instructions qu’ils avaient données, en vertu du paragraphe 146.1(1) du Code, et de donner les instructions qu’il juge nécessaires en vertu des paragraphes 145(2) ou 145(2.1) du Code. Je suis convaincu que l’agent d’appel a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’appel de nouveau, et a donné des instructions conformément au pouvoir que lui confère le Code.

 

[94]           Lorsqu’il a exercé ce pouvoir discrétionnaire, l’agent d’appel pouvait évaluer, soupeser, puis accepter ou rejeter la preuve présentée par les deux parties, notamment les déclarations des témoins. Il n’appartient pas à la Cour de soupeser à nouveau la preuve de la façon systématique et minutieuse préconisée avec insistance par les employeurs. Ceux-ci n’ont pas établi, à mon avis, que l’agent d’appel a fondé sa décision de façon appréciable sur des conclusions de fait erronées.

 

[95]           Les arguments des employeurs sur cette question équivalent à une désaccord avec la  conclusion de l’agent d’appel que le travail sur les panneaux de cale constitue un danger. Ils font un examen détaillé de la décision et, dans une large mesure, la remettent en question au motif que l’agent d’appel a rejeté les déclarations faites par leurs témoins. Ainsi que je l’ai déjà déclaré, celui‑ci pouvait évaluer, soupeser, puis accepter ou rejeter ces éléments de preuve. Plus précisément, l’agent d’appel n’étant pas convaincu que la mise en place d’une zone interdite de deux mètres protégerait suffisamment des chutes les employés se trouvant au bord des panneaux, étant donné la surface glissante des panneaux de cale et les obstacles qui s’y trouvent et sont susceptibles de faire trébucher, il a rejeté le témoignage du capitaine Johnston selon lequel il n’y a pas de danger si cette mesure est mise en place. Cette conclusion est, à mon avis, étayée par la preuve et n’est pas déraisonnable.

 

[96]           Les employeurs se plaignent et font valoir essentiellement que rien ne prouvait que les employés devaient travailler au bord ou près du bord des panneaux de cale. La preuve démontrait,  selon eux, que les employés n’avaient pas à aller près du bord, de sorte qu’il n’existe pas de danger à condition qu’ils ne pénètrent pas dans la zone de danger.

 

[97]           Plus précisément, s’agissant du paragraphe 145 de la décision, les employés affirment que, si l’agent d’appel affirme qu’il existe un risque de tomber par-dessus le bord d’un panneau de cale lorsqu’un employé travaille en dehors de la zone de deux mètres interdite au travail, aucune preuve n’étaye cette conclusion.

 

[98]           Selon moi, l’agent d’appel précise bien qu’il a tenu compte des éléments de preuve présentés par les divers témoins qu’il n’existe pas de danger si les employés ne travaillent pas près du bord des panneaux de cale. Il précise également que, du fait des obstacles susceptibles de faire trébucher, de la poussière des céréales et de l’eau, il est raisonnablement possible de faire un pas et de « tomber par-dessus le bord » pendant que l’on tire sur une bâche ou sur une corde.

 

[99]           À l’évidence, les employeurs sont en désaccord pour dire qu’un tel risque existe et affirment que la décision est déraisonnable car aucun élément de preuve n’étaye ce risque.

 

[100]       Il faut lire le paragraphe 145 dans le contexte de l’ensemble de la décision et, en particulier, des paragraphes 135 à 148 et 155 à 156.

 

[101]       Il devient ensuite évident que l’agent d’appel a tenu compte des arguments, des points de vue et des preuves des employeurs sur ce point essentiel. Mais il affirme ne pas pouvoir accepter l’existence du danger au sens du Code et invoque plusieurs motifs à l’appui :

 

a.                   Des connaissances particulières ne sont pas nécessaires pour comprendre que le travail sur une structure élevée peut être considéré comme étant dangereux (paragraphe 136);

 

b.                  Les employés doivent se tenir sur les panneaux de cale, ils doivent saisir les bâches et les cordes, les tirer, les secouer pour enlever l’excédent d’eau avant de les plier, ou tenter de bâcher et de débâcher (paragraphes 137 et 140);

 

c.                   Les zones qui se trouvent à côté des panneaux de cale sont très dangereuses si un employé tombe des panneaux (paragraphe 139);

 

d.                  Il existe un danger de glisser et de tomber par-dessus le bord d’un panneau de cale en raison des obstacles sur lesquels il est possible de trébucher, de la poussière des céréales et de l'eau, de sorte qu’une personne pourrait, pendant qu'elle tire sur une bâche ou sur des cordes, avancer et tomber (paragraphe 145);

 

e.                   Il rejette la notion de l’existence d’une distance sécuritaire et n’est pas convaincu à cet égard par les arguments, les éléments de preuve et les avis présentés par les employeurs   (paragraphe 149).

 

[102]       J’estime donc que l’agent d’appel n’a pas négligé les preuves ou les arguments pertinents et disposait de preuves étayant les dangers qu’il percevait. Il s’agit en l’espèce de soupeser les preuves, d’apprécier les risques et de tenir compte des arguments et des points de vue des deux parties.

 

[103]       J’estime en définitive que l’agent d’appel affirme que le fait de tirer et d’attacher des bâches sur des panneaux de cale est un travail fondamentalement dangereux, et que les conséquences d’une  chute par-dessus le bord du panneau pourraient être effectivement très graves. Il n’est pas convaincu que ce risque et ses conséquences graves puissent être éliminés de la façon dont l’ont suggéré les employeurs.

 

[104]       Selon mon interprétation de l’ensemble de la décision, il ne s’agit pas en l’espèce d’ignorer des preuves pertinentes ou de fonder des conclusions sur des conclusions de fait erronées, ou de fonder des conclusions sur aucune conclusion de fait. L’agent d’appel cerne, d’après les preuves qui lui ont été présentées, ce qui pour lui est un danger très grave, et il n’est pas convaincu que le danger puisse être éliminé de la façon dont l’ont suggéré les employeurs.

 

[105]       Il est bien sûr possible d’être en désaccord avec l’agent d’appel et d’arriver à d’autres conclusions qui seraient également raisonnables d’après les faits, mais je ne peux affirmer que les conclusions de l’agent d’appel à l’égard de ce point crucial n’appartiennent pas à des issues possibles acceptables. Je ne saurais donc modifier la décision pour les motifs avancés par les employeurs.

 

Question 5 : Y a-t-il eu manquement à la justice naturelle et à l’équité procédurale?

 

[106]       Les employeurs prétendent que l’agent d’appel a rejeté des preuves pertinentes dont il était saisi, selon lesquelles les débardeurs n’ont pas à travailler au bord des panneaux de cale. Ils indiquent que des témoins ayant une expérience directe, dont un agent de sécurité, ont estimé qu’une zone interdite de deux mètres éliminerait le danger du travail sur les panneaux de cale. Selon eux, cet élément de preuve était essentiel à la question en litige dont était saisi l’agent d’appel, lequel l’a rejeté de façon déraisonnable.

 

[107]       Pour étayer leur argument que l’agent d’appel a manqué aux règles de l’équité procédurale, les employeurs s’appuient sur l’arrêt Université du Québec à Trois Rivières c. Larocque, [1993] 1 R.C.S. 471, dans lequel la Cour suprême du Canada a jugé qu’une décision erronée de rejeter une preuve pertinente ayant un impact sur l’équité du processus constitue un manquement à la justice naturelle et un excès de compétence.

 

[108]       Les employeurs ajoutent qu’ils n’étaient pas au courant que l’agent d’appel comptait rendre une décision selon laquelle le travail sur les panneaux de cale constitue un « danger », et l’on doit fournir de l’équipement de protection contre les chutes aux employés qui y travaillent. Ils font observer qu’ils ont interjeté appel à l’agent d’appel de la décision des agents de sécurité, lesquels avaient conclu que seulement un aspect de la procédure de bâchage constituait un danger. Ils soutiennent que, s’ils avaient été dûment avisés, ils auraient pu présenter des preuves et des arguments quant au caractère déraisonnable de la conclusion de l’agent d’appel, selon laquelle il y a risque de tomber d’un panneau de cale si une zone interdite au travail est en place, et quant à l’impossibilité pratique d’exiger de l’équipement de protection contre les chutes alors que l’on ne peut s’en servir sur les panneaux de cale.

 

Représentations du syndicat

 

[109]       Le syndicat soutient que les arguments des employeurs sur ce point traduisent un désaccord avec les conclusions de fait tirées par l’agent d’appel, et en particulier celle que les employeurs n’ont pas pris de mesure raisonnable pour éliminer le risque qui existait. S’appuyant sur la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans International Longshore and Warehouse Union Ship and Dock Foremen, Local 514 c. Fraser Surrey Docks Ltd., 2007 BCSC 1532, le syndicat prétend que les allégations de manquement à l’équité procédurale ne peuvent servir à mettre en question des conclusions de fait. Il avance que les représentations des employeurs concernant le RSSTN sont uniquement fondées sur un désaccord avec les conclusions de l’agent d’appel et qu’aucun manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale n’a été établi.

 

[110]       Le syndicat ajoute que les instructions données et la définition de « mesure préventive » ne mettent pas en cause le RSSTN. Les instructions ont été données en vertu de l’article 145 du Code. Le syndicat prétend en outre que ces instructions sont conformes aux attentes énoncées dans Association des Employeurs Maritime c.  Harvey. Le syndicat soutient que les employeurs étaient au fait, ou auraient dû l’être, de la compétence légale conférée à l’agent d’appel, et qu’ils ne peuvent a présent se plaindre que celui-ci exerce sa compétence.

 

            Conclusions

 

[111]       Je conclus en premier lieu que l’agent d’appel n’a pas violé les règles de la justice naturelle ou de l’équité procédurale quand il a rejeté les preuves touchant la zone interdite de deux mètres. Il a dûment tenu compte des preuves et a conclu que cette mesure ne suffirait pas à éliminer ou à restreindre le risque ou à empêcher autrement les employés de tomber des panneaux de cale. Le rejet des preuves des employeurs à propos de ce point ne constitue un manquement à la justice naturelle ou à l’équité procédurale.

 

[112]       Je conclus en second lieu que les employeurs n’ont pas établi que l’agent d’appel avait violé les règles de la justice naturelle ou de l’équité procédurale en faisant abstraction des preuves ou en n’avisant pas les employeurs qu’il tirerait une conclusion selon laquelle le travail sur les panneaux de cale constitue un « danger », et l’on doit fournir de l’équipement de protection contre les chutes aux employés qui y travaillent. Pour ce qui est de l’examen par l’agent d’appel des obligations prévues par le RSSTN, le propre témoin des employeurs, le capitaine Johnston, a témoigné à propos du règlement. Ceux-ci savaient donc, ou auraient dû savoir, que l’agent d’appel tiendrait compte de ce règlement au moment de rendre sa décision. En outre, les appels ayant été entendus de nouveau et étant donné le pouvoir discrétionnaire de l’agent d’appel de modifier, annuler ou confirmer la décision ou les instructions de l’agent de sécurité dont il était interjeté appel, les employeurs auraient dû savoir que l’agent d’appel pouvait conclure à l’existence d’un danger séparément des conclusions de l’agent de sécurité.

JUGEMENT

 

La cour statue que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

DOSSIER :                                        T-1727-07

 

 

INTITULÉ :                                       P&O PORTS INC. et

                                                            WESTERN STEVEDORING CO. LTD. c.

                                                            LE SYNDICAT INTERNATIONAL DES DÉBARDEURS ET DES MAGASINIERS, SECTION LOCALE 500

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Vancouver (C.-B.)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 10 juin 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT              

ET JUGEMENT :                              Le juge Russell

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       Le 9 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Thomas Roper, c.r.

 

Bruce Laughton, c.r.

 

POUR LES DEMANDEURS

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Laughton & Co.

Avocat

Vancouver (C.-B.)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LES DEMANDEURS

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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