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Date : 20080704

Dossier : T-1438-07

Référence : 2008 CF 836

Ottawa (Ontario), le 4 juillet 2008

En présence de madame la juge Dawson

 

 

ENTRE :

GUI FANG LIU

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        La demande de citoyenneté de Mme Gui Fang Liu a été rejetée parce que le juge de la citoyenneté a conclu qu’elle n’avait pas une connaissance suffisante de l’anglais ou du français comme l’exige l’alinéa 5(1)d) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C‑29 (la Loi). L’appel de cette décision est rejeté parce que Mme Liu n’a pas prouvé que le juge de la citoyenneté a commis une erreur.

 

Les dispositions législatives

[2]        Le paragraphe 5(1) de la Loi est rédigé ainsi :

5(1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

5(1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

a) en fait la demande;

 

(a) makes application for citizenship;

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

(b) is eighteen years of age or over;

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20. [Non souligné dans l’original.]

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20. [emphasis added]

 

[3]        Sont également pertinents dans le cadre du présent appel le paragraphe 11(7) ainsi que les articles 14 et 15 du Règlement sur la citoyenneté, 1993, DORS/93‑246 (le Règlement). La procédure à suivre après réception d’une demande de citoyenneté est établie à l’article 11 du Règlement. Le paragraphe 11(7) du Règlement porte sur l’obligation pour le demandeur de comparaître devant un juge de la citoyenneté. L’article 14 du Règlement énonce les critères permettant d’établir ce qui constitue une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada. L’article 15 du Règlement énonce les critères permettant de déterminer ce qui constitue une connaissance suffisante du Canada. Ces dispositions sont rédigées ainsi :

11(7) Lorsque le juge de la citoyenneté saisi de la demande conformément au paragraphe (5) estime qu’il lui est impossible d’approuver celle‑ci sans de plus amples renseignements, il demande au ministre d’envoyer un avis écrit au demandeur à sa dernière adresse connue, par courrier ordinaire, l’informant qu’il a la possibilité de comparaître devant ce juge aux date, heure et lieu qui y sont précisés.

 

11(7) Where it appears to a citizenship judge that the approval of an application referred to the citizenship judge under subsection (5) may not be possible on the basis of the information available, that citizenship judge shall ask the Minister to send a notice in writing by ordinary mail to the applicant, at the applicant’s latest known address, giving the applicant an opportunity to appear in person before that citizenship judge at the date, time and place specified in the notice.

 

[…]

 

[…]

 

14. Une personne possède une connaissance suffisante de l’une des langues officielles au Canada si, à l’aide de questions rédigées par le ministre, il est établi à la fois :

14. The criteria for determining whether a person has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada are, based on questions prepared by the Minister,

a) qu’elle comprend, dans cette langue, des déclarations et des questions élémentaires;

(a) that the person comprehends, in that language, basic spoken statements and questions; and

b) que son expression orale ou écrite dans cette langue lui permet de communiquer des renseignements élémentaires ou de répondre à des questions.

 

(b) that the person can convey orally or in writing, in that language, basic information or answers to questions.

15. Une personne possède une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté si, à l’aide de questions rédigées par le ministre, elle comprend de façon générale, à la fois :

 

15. The criteria for determining whether a person has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship are that, based on questions prepared by the Minister, the person has a general understanding of

a) le droit de vote aux élections fédérales, provinciales et municipales et le droit de se porter candidat à une charge élective;

(a) the right to vote in federal, provincial and municipal elections and the right to run for elected office;

b) les formalités liées au recensement électoral et au vote;

(b) enumerating and voting procedures related to elections; and

c) l’un des sujets suivants, choisi au hasard parmi des questions rédigées par le ministre :

(c) one of the following topics, to be included at random in the questions prepared by the Minister, namely,

(i) les principales caractéristiques de l’histoire sociale et culturelle du Canada,

(i) the chief characteristics of Canadian social and cultural history,

(ii) les principales caractéristiques de l’histoire politique du Canada,

(ii) the chief characteristics of Canadian political history,

(iii) les principales caractéristiques de la géographie physique et politique du Canada,

(iii) the chief characteristics of Canadian physical and political geography, or

(iv) les responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté autres que ceux visés aux alinéas a) et b).

(iv) the responsibilities and privileges of citizenship, other than those referred to in paragraphs (a) and (b).

 

Les faits

[4]        Le 13 juillet 2006, Mme Liu a demandé la citoyenneté canadienne. Plus tard, elle a été avisée de comparaître le 18 décembre 2006 pour un examen écrit de ses connaissances du Canada ainsi que des droits et responsabilités attachés à la citoyenneté.

 

[5]        Le 18 décembre 2006, Mme Liu s’est présentée pour l’examen écrit. À ce moment, un agent de citoyenneté a remarqué la faiblesse de l’anglais de Mme Liu et a pris note qu’il pourrait être approprié de tenir une audience devant un juge de la citoyenneté.

 

[6]        Mme Liu a réussi son examen écrit. Cependant, le 21 juin 2007, Mme Liu a reçu un avis lui enjoignant de se présenter le 18 juillet 2007 pour une audience. Le 18 juillet 2007, Mme Liu a comparu devant un juge de la citoyenneté qui lui a posé un certain nombre de questions en anglais.

 

[7]        Le 20 juillet 2007, le juge de la citoyenneté a informé Mme Liu que sa demande de citoyenneté n’était pas approuvée. Le juge a conclu que Mme Liu ne possédait pas une connaissance suffisante de l’anglais et qu’il n’existait dans son cas aucune circonstance particulière qui justifierait de recommander au ministre qu’il lève l’exigence linguistique.

 

Les erreurs reprochées

[8]        Mme Liu soutient que la décision du juge de la citoyenneté doit être annulée pour l’un ou l’autre des motifs suivants :

 

1.      Le juge de la citoyenneté n’avait pas compétence pour tenir une audience afin d’évaluer sa compréhension de l’anglais. Puisqu’elle avait réussi l’examen écrit sur sa connaissance du Canada, le juge de la citoyenneté n’avait pas à « réévaluer » sa connaissance de l’anglais. Mme Liu soutient que rien dans la Loi ou dans le Règlement ne prévoit qu’un juge de la citoyenneté puisse tenir un autre test de langue. Selon Mme Liu, l’édition applicable du Guide des politiques de citoyenneté publié par Citoyenneté et Immigration Canada [traduction] « prévoit clairement » que le test écrit sert à évaluer tant les capacités de communication que les connaissances du Canada du demandeur. Ce Guide des politiques de citoyenneté [traduction] « énonce en outre » que l’audience ne sert qu’aux personnes qui échouent l’examen écrit. Mme Liu souligne qu’elle a réussi l’examen écrit. Pour ce qui est de la disposition figurant dans l’édition actuelle du Guide des politiques de citoyenneté, qui permet à un juge de la citoyenneté d’évaluer la capacité de compréhension linguistique du demandeur même s’il a réussi l’examen écrit, Mme Liu soutient que ce changement a été introduit en mars 2007, après qu’elle eut réussi l’examen écrit en décembre 2006.

2.      À titre subsidiaire, si le juge de la citoyenneté avait le droit de tenir une audience, rien ne prouve que les questions posées à Mme Liu étaient « rédigées par le ministre » comme l’exige l’article 14 du Règlement.

3.      Le paragraphe 11(7) du Règlement précise qu’il revient au juge de la citoyenneté de déterminer si une audience est nécessaire. Rien ne prouve en l’espèce que la décision de convoquer Mme Liu à une audience devant un juge de la citoyenneté a été prise par le juge.

4.      Finalement, les motifs du juge de la citoyenneté étaient inadéquats.

 

[9]        Dans sa plaidoirie, Mme Liu n’a pas défendu son argument voulant que le juge de la citoyenneté ait commis une erreur en n’examinant pas la possibilité d’exercer le pouvoir discrétionnaire conféré à l’article 15 de la Loi et a confirmé que la menace d’invoquer l’article 15 de la Charte, argument qui a été avancé à la fin de son mémoire des arguments, n’était que paroles en l’air.

 

La norme de contrôle

[10]      Les trois premières erreurs reprochées soulèvent la question de savoir s’il a été satisfait aux exigences de la Loi et du Règlement. À mon avis, il s’agit de questions de droit qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. Cette norme reflète l’importance d’appliquer de manière uniforme et cohérente le système administratif et les garanties procédurales établies par le législateur dans la Loi et par le gouverneur en conseil dans le Règlement. Elle reflète également le fait que ces questions de droit sont étrangères au domaine d’expertise du juge de la citoyenneté ou des personnes qui administrent le système. Voir : Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 50 et 60.

 

[11]      Le dernier argument soulève la question de savoir s’il a été satisfait aux exigences de l’équité procédurale. Cette question est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte dans la mesure où la Cour n’a pas à faire preuve de déférence à l’égard du décideur. Il appartient à la Cour de déterminer si le décideur a respecté les principes d’équité procédurale. Voir : Syndicat canadien de la fonction publique c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539 au paragraphe 100, et Dunsmuir aux paragraphes 129 et 151.

 

Analyse des erreurs reprochées

(1)        Le juge de la citoyenneté avait‑il le pouvoir de tenir une audience après que Mme Liu eut réussi l’examen écrit sur sa connaissance du Canada?

[12]      À mon avis, le juge de la citoyenneté avait compétence pour tenir une audience après que Mme Liu eut réussi l’examen écrit de sa « connaissance […] du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté ». Le paragraphe 5(1) de la Loi présente la connaissance d’une des langues officielles du Canada et la connaissance du Canada comme deux exigences distinctes, ce qui, à mon sens, permet au juge de la citoyenneté d’évaluer l’une indépendamment de l’autre.

 

[13]      Cette conclusion est également étayée par le fait que le Règlement prévoit également des analyses distinctes, en établissant des critères pour l’évaluation de la connaissance du français et de l’anglais du demandeur à l’article 14 et en énonçant les facteurs pertinents pour évaluer les connaissances du Canada du demandeur à l’article 15. Bien que ces deux dispositions reposent sur des questions rédigées par le ministre, la façon dont ces questions sont utilisées est différente.

 

[14]      En outre, le sens ordinaire des mots de l’article 14 du Règlement est qu’une personne a une connaissance suffisante de l’anglais quand elle : a) comprend des déclarations et des questions élémentaires; b) peut par son expression orale ou écrite communiquer des renseignements élémentaires ou répondre à des questions. L’alinéa 14a) du Règlement comprend clairement une composante orale. Le juge de la citoyenneté doit être convaincu que le demandeur peut comprendre des déclarations et des questions élémentaires en anglais.

 

[15]      Pour ce qui est des arguments de Mme Liu, présentés du moins dans ses observations écrites, fondés sur le Guide des politiques de citoyenneté, contrairement à ce qu’elle affirme, le Guide en vigueur au moment où Mme Liu a passé l’examen écrit prévoyait ce qui suit à la section 5.6 du chapitre 4 :

Aptitudes linguistiques

 

Les personnes qui font une demande de citoyenneté canadienne doivent avoir une connaissance suffisante du français ou de l’anglais. Cela veut dire être capable de communiquer dans des situations de tous les jours, par exemple magasiner, utiliser les transports en commun, comprendre des questions faciles et transmettre de l’information correctement.

 

[…]

 

Connaissances

 

Les personnes qui font une demande de citoyenneté doivent démontrer qu’elles ont une connaissance suffisante du Canada ainsi que des droits et des responsabilités attachés à la citoyenneté. Les questions de l’examen portent sur les élections, l’histoire et la géographie du Canada, le système de gouvernement, ainsi que les droits et les responsabilités attachés à la citoyenneté canadienne. Toutes les questions de l’examen sont basées sur le contenu du document Regard sur le Canada.

 

[16]      Quant à la procédure prévue spécialement pour l’évaluation de l’exigence linguistique, la section 5.9 du chapitre 4 prévoit en partie ce qui suit :

Politique

 

Les fonctionnaires de CIC [Citoyenneté et Immigration Canada] obtiennent confirmation auprès du client, au moment de l’examen, de certains renseignements de base inscrits sur la demande de citoyenneté. Lorsqu’il existe des raisons de penser que le demandeur ne comprend pas certains énoncés ou questions élémentaires formulés verbalement, on en avisera le juge de la citoyenneté. Ce dernier pourra alors tenir compte de cet élément d’information au moment de déterminer si le demandeur satisfait aux exigences linguistiques énoncées à l’alinéa 5(1)d) de la Loi sur la citoyenneté.

 

Principes

 

•           Responsabilité – Les juges doivent approuver chaque demande présentée par un adulte avant qu’elle ne soit autorisée. Dans le processus d’octroi de la citoyenneté, les juges sont les décideurs. Le rôle de la personne qui fait passer l’examen est de recueillir de l’information et des preuves concernant le demandeur de citoyenneté avant que son dossier soit transmis à un juge de la citoyenneté pour prise de décision. Les fonctionnaires de CIC n’évaluent pas les compétences linguistiques. Les personnes qui font passer les examens ont toutefois la responsabilité de signaler au juge toute personne qui semble ne pas connaître l’une ou l’autre des langues officielles du Canada ou ne pas comprendre les énoncés verbaux.

 

[…]

 

Quoi?

 

Au moment de l’examen, la personne qui fait passer ce dernier vérifie les renseignements inscrits sur le formulaire de demande en priant le client de répondre à certains énoncés ou questions relatifs aux renseignements personnels de base.

 

[…]

 

Comment?

 

Lorsqu’il existe des raisons de penser que le demandeur ne possède pas une maîtrise élémentaire de la langue, il faut l’indiquer sur le [Formulaire d’étude de demande de citoyenneté] à l’intention du juge. Il conviendra alors d’inscrire un « L » sur ce formulaire pour signaler au juge que l’on a déterminé que le client pourrait avoir de la difficulté à communiquer dans l’une ou l’autre des langues officielles du Canada. Il appartiendra alors au juge de la citoyenneté d’indiquer s’il souhaite tenir une entrevue avec le client. Dans les cas où le client aura bien compris les questions, il n’y aura pas lieu d’inscrire une note au dossier concernant la maîtrise de la langue.

 

Note : Même si le client a réussi l’examen écrit, il appartient au juge de déterminer si une entrevue s’impose pour évaluer la compréhension par le demandeur de la langue parlée et la capacité de ce dernier à répondre à des énoncés verbaux. [Non souligné dans l’original.]

 

[17]      En conséquence, le Guide des politiques de citoyenneté applicable ne soutient pas les prétentions de Mme Liu voulant que le juge de la citoyenneté n’avait pas compétence pour tenir une audience. Il prévoyait précisément la procédure qui a été suivie.

 

(2)        Les questions posées à Mme Liu lors de l’audience étaient‑elles rédigées par le ministre comme l’exige l’article 14 du Règlement?

[18]      Cinq des 318 pages du dossier certifié du tribunal ont été censurées. La personne ayant certifié le dossier a écrit :

[traduction] Veuillez noter que, en vertu du paragraphe 318(2) des Règles, les renseignements contenus aux pages 24, 25, 26, 283 et 286 ne sont pas inclus. Ces pages contiennent l’évaluation orale des aptitudes langagières de Mme Gui Fang Liu ainsi que les feuilles de réponse à l’examen des connaissances des deux demandeurs du dossier. Nous nous opposons à la diffusion de ces renseignements au motif que leur divulgation pourrait compromettre l’intégrité du test linguistique oral et des examens de connaissance attachés à la citoyenneté.

 

[19]      Par conséquent, Mme Liu soutient qu’il n’y a aucune preuve relative aux questions qui lui ont été posées à l’audience. Elle déclare également qu’il est [traduction] « inéquitable sur le plan de la procédure » que le défendeur ne divulgue pas les résultats de son test oral d’anglais figurant au dossier.

 

[20]      À mon avis, ces observations ne tiennent pas compte du fait qu’il incombe à Mme Liu d’établir que le juge de la citoyenneté a commis une erreur. Si Mme Liu était d’avis qu’il ne convenait pas de censurer une partie du dossier du tribunal, il lui appartenait d’engager la procédure prévue au paragraphe 318(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Elle ne peut omettre de contester l’opposition du tribunal à la divulgation de renseignements et ensuite s’appuyer sur leur absence du dossier du tribunal pour soutenir qu’il n’y a aucune preuve pour étayer la conclusion du juge de la citoyenneté. Voir : Baltruweit c. Canada (Procureur général), [2003] A.C.F. no 1279 (C.A.), au paragraphe 8. (L’article 318 des Règles des Cours fédérales est reproduit à l’annexe des présents motifs.)

 

[21]      En outre, les notes du juge de la citoyenneté font valoir ceci :

[traduction] Ne satisfait pas à 5(1)d) : incapable de donner une réponse appropriée à une question parce qu’elle ne la comprend pas. Numéros 26, 37, 42, 56, 64 et quand elle comprenait une question, elle répondait par un ou deux mots ou par une phrase courte.

 

[22]      Il peut être raisonnablement conclu de cette note, des pages 24, 25 et 26 du dossier du tribunal ainsi que de l’objection du tribunal à leur divulgation que les questions posées à Mme Liu étaient des questions d’usage rédigées par le ministre.

 

(3)        Le paragraphe 11(7) du Règlement a‑t‑il été respecté?

[23]      Quand Mme Liu a passé son examen écrit, un agent a noté dans la liste de vérification des exigences du dossier : [traduction] « anglais faible (son fils traduisait derrière elle). J’ai dû lui dire de s’asseoir. »

 

[24]      Mme Liu soutient que rien ne prouve que la décision de l’obliger à comparaître à une audience a été prise par un juge de la citoyenneté comme l’exige le paragraphe 11(7) du Règlement. Elle s’appuie particulièrement sur le fait que le juge de la citoyenneté n’a pas signé le Formulaire d’étude de demande de citoyenneté (FEDC).

 

[25]      Des passages pertinents du chapitre 4 du Guide des politiques de citoyenneté sont cités ci‑dessus au paragraphe 16. Sont également pertinentes les sections 1.15, 1.16, 3.4, 3.11 et 3.12 du chapitre 2 du Guide des politiques de citoyenneté. Elles sont rédigées ainsi :

1.15.    « Quiconque entend les parties rend la décision. »

 

Il appartient à quiconque examine la preuve et les documents de rendre la décision.

 

1.16.         Exception

 

Il y a une exception à cette règle qui est fréquente en milieu gouvernemental : une personne lit, entend et évalue toute l’information pertinente et soumet ensuite un rapport à une autre personne qui rend la décision. Cette exception est permise à condition que le décideur tienne compte de toute l’information. Le processus d’attribution de la citoyenneté en est un exemple. Des agents recueillent l’information, font subir l’examen de citoyenneté et transmettent ensuite les documents de preuve à un juge de la citoyenneté.

 

[…]

 

3.4.             Renseignements à fournir au juge

 

Ne transmettez une demande au juge que si tous les documents et les renseignements nécessaires ont été recueillis.

 

Le dossier du demandeur doit contenir au moins les pièces suivantes :

 

• le formulaire de demande;

 

• le formulaire de décision (pour une demande 5(1) un Formulaire d’étude de demande de

citoyenneté (FEDC) complet);

 

• les résultats obtenus par le demandeur à l’examen écrit de citoyenneté, s’il y a lieu;

 

• tout document ou renseignement pertinent concernant la période de résidence;

 

• tout autre document et/ou renseignement qui pourrait aider le juge de la citoyenneté à rendre une décision.

 

[…]

 

3.11.    Le juge précise les documents à fournir

 

Il se peut que le juge veuille avoir une entrevue avec un demandeur. Le juge doit préciser quels documents il veut que le demandeur lui fournisse.

 

3.12.    Le demandeur est convoqué à l’entrevue au moyen d’un avis postal

 

Lorsque le juge veut avoir une entrevue avec un demandeur, un responsable de la citoyenneté

doit envoyer un avis de convocation au demandeur, par courrier ordinaire, à sa dernière adresse

connue. Cet avis doit :

 

• indiquer au demandeur la date, l’heure et le lieu de l’entrevue avec le juge;

 

• indiquer au demandeur les documents qu’il doit apporter à l’entrevue;

 

• aviser le demandeur de ne pas tenir compte de l’avis de convocation pour prêter le serment de citoyenneté, s’il a déjà reçu un tel avis.

 

[26]      Mme Liu n’a pas souligné d’élément de preuve figurant au dossier du tribunal montrant que la procédure établie dans le Guide des politiques de citoyenneté n’a pas été suivie. Au moment où elle a passé l’examen, des indices laissaient croire que Mme Liu ne comprenait pas l’anglais. Ce renseignement a été consigné à l’intention du juge de la citoyenneté. Rien n’indique que quiconque autre que le juge de la citoyenneté a demandé à Mme Liu de comparaître à l’audience. Le fait que le juge n’a pas signé le FEDC n’établit pas en soi que la décision d’obliger Mme Liu à se présenter à une entrevue n’a pas été prise par le juge. La section 3.14 du chapitre 2 du Guide des politiques de citoyenneté oblige le juge de la citoyenneté à cocher la case appropriée et à signer le FEDC seulement quand la demande de citoyenneté est approuvée.

 

(4)        Les motifs du juge de la citoyenneté étaient‑ils adéquats?

[27]      Mme Liu se plaint que les motifs ne tiennent pas compte du fait qu’elle a réussi l’examen écrit, que la lettre de décision ne précise pas à quelles questions orales elle a correctement répondu et que la lettre de décision ne mentionne que quatre questions auxquelles Mme Liu aurait été incapable de répondre, alors que la note du juge mentionne cinq questions auxquelles elle n’a pas répondu.

 

[28]      Il n’y a aucune contradiction entre la lettre de décision et les notes du juge de la citoyenneté. Les quatre questions énumérées dans la lettre de décision étaient expressément mentionnées à titre indicatif et ne se voulaient pas une liste exhaustive. Le reste des plaintes de Mme Liu ne change rien au fait que les motifs lui permettaient de savoir pourquoi sa demande de citoyenneté a été rejetée et de se demander si elle voulait aller en appel ou non. Les motifs remplissent la fonction pour laquelle ils sont requis. Par conséquent, les motifs sont adéquats. Voir : VIA Rail Canada Inc. c. Office national des transports, [2001] 2 C.F. 25 (C.A.), aux paragraphes 21 et 22.

 

Conclusion

[29]      Pour ces motifs, l’appel est rejeté. Les dépens ne sont pas adjugés parce qu’en général, les dépens ne sont pas adjugés dans les appels en matière de citoyenneté. Voir : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Kovarsky, [2000] A.C.F. no 1544 (QL), au paragraphe 12.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE :

1.         L’appel est rejeté.

 

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, traductrice

 


ANNEXE

 

            L’article 318 des Règles des Cours fédérales est rédigé ainsi :

 

318(1) Dans les 20 jours suivant la signification de la demande de transmission visée à la règle 317, l’office fédéral transmet :

318(1) Within 20 days after service of a request under rule 317, the tribunal shall transmit

a) au greffe et à la partie qui en a fait la demande une copie certifiée conforme des documents en cause;

(a) a certified copy of the requested material to the Registry and to the party making the request; or

b) au greffe les documents qui ne se prêtent pas à la reproduction et les éléments matériels en cause.

 

(b) where the material cannot be reproduced, the original material to the Registry.

 

(2) Si l’office fédéral ou une partie s’opposent à la demande de transmission, ils informent par écrit toutes les parties et l’administrateur des motifs de leur opposition.

 

(2) Where a tribunal or party objects to a request under rule 317, the tribunal or the party shall inform all parties and the Administrator, in writing, of the reasons for the objection.

 

(3) La Cour peut donner aux parties et à l’office fédéral des directives sur la façon de procéder pour présenter des observations au sujet d’une opposition à la demande de transmission.

 

(3) The Court may give directions to the parties and to a tribunal as to the procedure for making submissions with respect to an objection under subsection (2).

 

(4) La Cour peut, après avoir entendu les observations sur l’opposition, ordonner qu’une copie certifiée conforme ou l’original des documents ou que les éléments matériels soient transmis, en totalité ou en partie, au greffe.

(4) The Court may, after hearing submissions with respect to an objection under subsection (2), order that a certified copy, or the original, of all or part of the material requested.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-1438-07

 

INTITULÉ :                                                   GUI FANG LIU

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 3 JUIN 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 4 JUILLET 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lawrence Wong

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Wong Pederson Law Offices

Avocats

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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