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Date : 20080707

Dossier : T-7-08

Référence : 2008 CF 736

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

JIAN GAO

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

I.          INTRODUCTION

 

 

[1]       Il s’agit d’un appel de la décision par laquelle un juge de la citoyenneté a refusé d’attribuer la citoyenneté à la demanderesse au motif qu’elle n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence imposée par l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi).

 


II.        CONTEXTE

 

[2]       La demanderesse est entrée au Canada le 24 juin 2003, après avoir été parrainée comme résidente permanente par son époux, dont elle est maintenant séparée. Elle a présenté une demande de citoyenneté le 7 juillet 2006.

 

[3]       Par conséquent, la période dont il faut tenir compte pour déterminer si l’obligation de résidence a été respectée va du 24 juin 2003 au 7 juillet 2006. Durant cette période, la demanderesse était effectivement présente au Canada pendant 531 jours, ce qui représente presque la moitié du nombre minimum de 1 095 jours imposés par l’alinéa 5(1)c) de la Loi.

 

[4]       Depuis 2004, la demanderesse travaille pour L.Y. Marketing, une entreprise canadienne. L’entreprise voulait établir un bureau à Shanghai et a envoyé la demanderesse en Chine pour qu’elle fasse de la recherche en marketing et jette les bases de l’ouverture d’un bureau là-bas. Les absences de la demanderesse du Canada sont en grande partie attribuables à cette exigence de son travail.

 

[5]       Le juge de la citoyenneté a formulé la question comme suit : La demanderesse avait-elle accumulé au moins trois ans de résidence au Canada? L’analyse du juge de la citoyenneté fait ressortir le temps passé à l’extérieur du Canada, l’absence de crédits de résidence pour le fait de travailler pour une entreprise canadienne à l’extérieur du pays, et l’absence d’intention de changer d’emploi. Le juge de la citoyenneté a conclu que la demanderesse aurait dû produire des éléments de preuve établissant ses liens familiaux ou ses activités sociales.

 

[6]       À la suite de l’audience, et à la demande du juge de la citoyenneté, la demanderesse a déposé une lettre de son employeur dans laquelle celui-ci, curieusement, déclarait : [traduction] « Nous avons l’intention de l’embaucher lorsqu’elle aura complété son travail en Chine et sera de retour au Canada. »

 

[7]       La lettre de l’employeur a été déposée en réponse à un formulaire de demande de documents qui contenait la déclaration suivante :

[traduction]

 

Je comprends que, si je ne produis pas les documents en question, ma demande de citoyenneté sera rejetée par un juge.

 

III.       ANALYSE

 

[8]       La norme de contrôle applicable a été décrite dans Wong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 731, comme étant la retenue à l’égard des faits. On a omis de dire, et donc de clarifier, que, lorsqu’il s’agit de questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte.

 

[9]       Il y avait de nombreux éléments de preuve (ou insuffisamment d’éléments de preuve) qui auraient pu remettre en question la résidence de la demanderesse. Il y avait, comme il a été mentionné précédemment, l’absence de liens familiaux ou d’activités sociales. La demanderesse s’est séparée de son époux durant sa première année au Canada, et elle a été absente du pays pendant de longues périodes – considérées individuellement et cumulativement. Comme il a été établi dans Faria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1385, les conditions de résidence peuvent rendre les choses difficiles pour les gens d’affaires travaillant dans le domaine international, mais il appartient au législateur de régler cette question.

 

[10]     Cependant, dans les décisions telles Jreige c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1469 (QL) et Wong, précité, la Cour a statué que le juge de la citoyenneté doit faire une analyse à deux volets : 1) l’établissement de la résidence et 2) le maintien de la résidence.

 

[11]     La décision faisant l’objet de l’appel ne comporte aucune analyse du premier volet, l’établissement de la résidence, malgré l’existence de certains éléments de preuve sur ce point, particulièrement dans la première année que la demanderesse a passée au Canada.

 

[12]     La nouvelle audience portera sans doute sur les questions de savoir si ces éléments de preuve étaient suffisants pour établir la résidence, si d’autres éléments de preuve vont à l’encontre de l’établissement ou s’ils montrent que, même s’il y a eu établissement de la résidence, la résidence n’a pas été maintenue. 

 

[13]     La Cour a exprimé des réserves quant aux multiples critères de résidence applicables, mais, même si ces critères sont établis par la jurisprudence, le juge de la citoyenneté doit néanmoins dire clairement quel critère est appliqué. En l’espèce, on ignore quel critère a été choisi et appliqué.

 

[14]     De plus, le formulaire de demande de documents, selon lequel l’omission de produire un document exigé fera en sorte que la demande de citoyenneté « sera » rejetée, est très douteux. Il indique une décision toute faite quant à l’issue de l’affaire et rejette catégoriquement les explications raisonnables en ce qui concerne l’omission de produire les documents demandés. Il y a lieu de croire que des termes moins absolus, tels « pourra être », pourraient être utilisés sans pour autant que soit compromis le message que la production des documents demandés revêt une grande importance. Même si ce point n’est pas déterminant quant à l’issue de l’affaire, il aurait fort bien pu avoir un effet déterminant si le document n’avait pas été produit.

 

IV.       CONCLUSION

 

[15]     Pour les motifs qui précèdent, le présent appel est accueilli. La Cour ne dictera pas l’issue de l’affaire, ni ne substituera sa décision à celle du juge de la citoyenneté. L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle audience.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que le présent appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvelle audience.

                       

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

                                  

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-7-08

INTITULÉ :                                      JIAN GAO c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :              Le 3 juillet 2008

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                             Le juge Phelan

DATE DES MOTIFS 

ET DU JUGEMENT :                      Le 7 juillet 2008

 

COMPARUTIONS :

Stephen Green                                                POUR LA DEMANDERESSE

Amy Lambiris                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel LLP                                               POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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