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Date : 20080708

Dossier : T-1636-07

Référence : 2008 CF 841

Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2008

En présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

EDITH BARAGAR

demanderesse

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par Edith Baragar à l’encontre d'une décision rendue par la Direction générale des enquêtes de la Commission de la fonction publique (Commission). Mme Baragar a déposé une plainte auprès de la Commission relativement au défaut d’obtenir une nomination à titre d’agente d’examen des risques avant renvoi (ERAR) au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à la suite d’un processus de nomination externe effectué en application de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique (Loi), L.C. 2003 ch. 22. Mme  Baragar a fait valoir à la Commission que le processus de sélection a été effectué en ne respectant pas l’article 30 concernant les nominations fondées sur le mérite. Dans la plainte initiale qu’elle a déposée consécutivement au rejet d’un grief de congédiement déguisé, elle a prétendu qu’il y avait eu plusieurs irrégularités dans le processus de sélection, notamment du favoritisme, de la partialité, de la discrimination, le non-respect des exigences prévues en matière d’instruction et le défaut d’appliquer adéquatement le principe du mérite. 

 

[2]               Dès qu’elle a reçu la plainte de Mme Baragar, la Commission lui a écrit pour l’aviser qu’elle lui ferait parvenir une lettre pour l’informer de sa décision, une fois son examen terminé. Mme Baragar a continué de communiquer par écrit avec la Commission et a « reformulé » ses préoccupations dans une longue observation. La Commission a ensuite envoyé une lettre à Mme Baragar l’informant qu’elle [traduction] « examinerait tous les renseignements figurant au dossier pour déterminer s’il y a motifs à une enquête ». Mme Baragar a donné suite à cette lettre en faisant parvenir une autre observation écrite détaillée, contenant les allégations suivantes :

[traduction] Le premier point a trait à la question de remplacer un fonctionnaire par un autre qui n’est non pas « mieux » « mais « différemment » qualifié. Si le fonctionnaire à durée déterminée a été initialement désigné en fonction du mérite, le remplacer ensuite par un autre fonctionnaire provenant du même bassin de candidats ou d’un bassin différent, sans explication, cause ou raison connexe liée à l’emploi, rend la nomination pour une période déterminée à peine plus importante (présentement un peu moins) qu’une période de probation prolongée, et son renvoi ressemble à une destitution. Cela permet aux gestionnaires qui embauchent de se débarrasser des employés qui ont un bon rendement, mais qu’ils n’aiment pas ou qu’ils veulent, pour d’autres raisons, remplacer. Auparavant, on justifiait ces remplacements en se fondant sur une définition et une application différentes du mérite. Les fonctionnaires à durée déterminée étaient régulièrement remplacés par quelqu’un d’autre parce que cette personne était jugée « mieux qualifiée » selon le mérite relatif, le principe du mérite étant alors appliqué. Étant donné que le nouveau processus de sélection et de nomination est fondé sur le mérite individuel, est-il justifié de conclure qu’un employé est plus qualifié ou a plus de mérite qu’un autre semblablement qualifié pour le poste? Voici la question : Les gestionnaires seront-ils autorisés à sélectionner une personne à partir d’un bassin de candidats, à la renvoyer à la fin d’une courte période et à embaucher un autre candidat du même bassin pour la remplacer sans explication? Il ne faut pas oublier que la personne brièvement embauchée n’a aucun recours officiel. En quoi cela diffère-t-il de la décision de ne pas prolonger la période déterminée de mon embauche alors que j’ai été précédemment nommée en fonction du mérite et jugée pleinement qualifiée dans le cadre du processus le plus récent? Même si la jurisprudence antérieure est très claire concernant le statut professionnel d’une personne dont la période déterminée d’embauche est expirée, la LMFP peut appeler une nouvelle compréhension ou interprétation à l’égard des fonctionnaires à durée déterminée qui ne diffère pas de la notion des droits de location en droit des biens. 

 

Le second point porte sur la question de savoir si la décision de ne pas tenir compte dans le cadre de ce concours de l’un des critères du mérite était légitime. L’alinéa 30(2)b) de la LEFP dispose que la commission doit prendre en compte (i) les qualifications considérées comme un atout, (ii) les exigences opérationnelles et (iii) les besoins de l’administration. On peut comprendre que l’employeur puisse se fonder sur un ou plusieurs critères du mérite pour prendre sa décision, mais pour qu’elle soit légitime, ne devrait-il pas exister un motif justifiant que je n’ai pas été choisie qui soit fondé sur l’un des critères du mérite? Souvent le motif est évident même lorsqu’il n’est pas exprimé. Dans mon cas, les qualifications considérées comme un atout et mon rendement passé dans le cadre de ce poste n’ont pas été pris en compte. Il n’y avait aucune raison de ne pas tenir compte des qualifications considérées comme un atout. Ces qualifications ont été décrites, je crois, comme étant des indices de potentiel de réussite dans le cadre du poste, c’est-à-dire que ce sont des qualifications pouvant contribuer au rendement en matière de prise de décision. La seule raison logique de revenir exclusivement au rendement dans la section de l’examen portant sur la prise de décision et aux notes en ce qui a trait aux qualités personnelles est fondée sur l’hypothèse selon laquelle il n’existe aucune autre façon appropriée d’évaluer les possibilités de réussite des candidats externes. Dans mon cas, une erreur a été commise. Non seulement je possédais des qualifications considérées comme un atout que les autres ne possédaient pas, mais également j’avais obtenu un rendement exemplaire dans le cadre de ce poste pendant une année. Non seulement il eût été raisonnable de tenir compte du rendement passé dans le cadre de ce poste, mais la décision de ne pas avoir tenu compte du mien comme indice de ma compétence décisionnelle et du fait que je possède les qualifications considérées comme un atout était manifestement déraisonnable, une mauvaise application de la loi et un abus de pouvoir.

 

Lors de l’examen de ma  candidature, on a également commis une erreur en utilisant mes qualités personnelles comme indice de ma capacité à favoriser une transition harmonieuse et au fur et à mesure de la croissance de l’organisation. Me garder dans ce poste n’aurait aucune incidence que ce soit sur la transition. Comment a-t-on pu ne pas tenir compte du fait que j’étais entièrement intégrée à ce poste au moment où l’on cherchait des gens aptes à causer le moins de difficulté possible au fur et à mesure de la croissance de l’organisation? Je suis d’avis qu’il est inapproprié de définir les « besoins de l’administration » et qu’il est manifestement déraisonnable d’utiliser des « indices » de potentiel ou de rendement lorsque le rendement obtenu dans le cadre de ce poste peut être examiné comme « preuve » du rendement.

 

L’obligation de prendre en compte tous les critères du mérite sous-entend que le décideur fasse une évaluation qualitative de toutes les candidatures. J’estime que l’on commet une erreur de droit, dans le cadre de nominations fondées sur le mérite, en revenant au classement sans tenir compte des autres critères et, du même coup, en mettant l’accent sur de légères différences sur le plan du rendement (mérite relatif) sans tenir compte d’autres différences plus importantes qui se dégagent des formulaires de demande d’emploi des candidats (mérite individuel), notamment le rendement acceptable ou exemplaire dans le cadre de ce poste. Je suis également d’avis que le Guide des politiques de CIC préconise l’utilisation du classement qu’en cas d’égalité en ce qui a trait aux autres points.

 

Le troisième point concerne le processus lui-même. Après réflexion concernant les « besoins de l’administration » (lesquels semblent avoir été définis, une fois le choix du bassin de candidats effectué), je constate que ces besoins ne pouvaient être distingués des objectifs du processus de sélection. En d’autres termes, le poste ne comportait qu’une seule fonction ‑ la prise de décision - quel était l’objectif du processus de sélection sinon d’identifier des décideurs compétents? Sélectionner ensuite les décideurs en se fondant sur un seul volet de l’examen correspond en quelque sorte à réviser le processus utilisé pour choisir les bons décideurs. Les personnes les plus qualifiées, au lieu d’être celles qui possèdent des compétences dans divers domaines qui favoriseront le rendement sont devenues celles qui ont obtenu le meilleur rendement dans la section de l’examen portant sur la prise de décision. Il semble que l’on ait modifié le processus (de sélection des bons décideurs) en cours de route.

 

Comme on ne peut distinguer l’objectif du processus de sélection des « besoins » de l’administration, l’exercice a très simplement donné lieu à un nouveau calcul des qualifications essentielles. Au lieu de choisir les meilleurs décideurs comme on l’aurait fait dans un processus en une étape (selon l’ancienne loi), on choisit les meilleurs décideurs d’une façon et ensuite d’une autre, à la deuxième étape.

 

Il convient également de noter que nous n’avons pas été avisés de l’importance qui serait accordée à ces sections clés de l’examen. Au bout du compte, le classement des candidats était fondé sur deux volets du processus de sélection : les résultats obtenus dans la section portant sur la prise de décision et les notes attribuées pour les « qualités personnelles ». N’aurait-il pas fallu que l’on nous informe de l’importance qui serait accordée à ces deux volets?

 

J’estime également déraisonnable qu’on ait délibérément choisi parmi les références fournies, de s’adresser à la personne de l’extérieur de l’administration plutôt qu’à celle de l’administration même, si les « qualités personnelles » étaient si importantes.

 

Je suis d’avis que réviser le processus employé pour identifier les bons décideurs, c’est-à-dire utiliser le processus de nomination pour rajuster les constations faites lors du processus de sélection constitue un abus de pouvoir et que le défaut d’informer les candidats de l’importance qui serait accordée au bout du compte aux facteurs utilisés pour la nomination constitue une manquement à l’équité procédurale.

 

Par la présente, je tiens également à vous informer que je travaille actuellement à la compilation de la jurisprudence étayant la présente demande et à formuler quelques autres questions auxquelles je souhaite que vous répondiez. Naturellement, je tiens toujours à ce que l’on enquête sur les titres de compétence ainsi que sur d’autres points soulevés dans ma demande initiale.

 

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à ces questions.

 

 

[3]               Le dossier révèle que Mme Baragar a réussi à obtenir une entrevue officieuse avec son employeur pour discuter de ses préoccupations, mais qu’elle est demeurée insatisfaite quant aux explications qui lui ont été fournies. Bien que les plaintes formulées par Mme Baragar soient nombreuses, la source de ses préoccupations semble liée au fait qu’elle occupait le poste d’agent d'ERAR à titre intérimaire et croyait que cela lui aurait permis de bénéficier d’une certaine priorité sur les candidats externes.

 

[4]               La Commission a accepté d’enquêter sur deux aspects, mais elle a refusé de répondre à la question de savoir si la décision de nommer d’autres candidats a été prise en conformité avec les principes du mérite. Dans sa lettre du 31 juillet 2007, la Commission justifie sa décision comme suit :

[…]

 

[traduction] Selon les renseignements reçus, vous avez indiqué que vous avez participé au processus susmentionné et qu’après que vous vous soyez qualifiée, votre nom a été placé dans un bassin de candidats. Vous croyez que vos qualifications considérées comme un atout et que votre rendement passé dans le cadre de ce poste n’ont pas été pris en compte. Vous estimez que vous auriez dû être informée de l’importance accordée aux sections clés de l’examen. Vous avez indiqué que les nominations ont été effectuées et que les candidats sélectionnés ne répondaient pas à l’exigence en matière d’instruction qui consistait à détenir un diplôme d’une université reconnue.  

 

Nous avons pris en compte les renseignements que vous avez fournis suivant la Ligne directrice concernant les motifs d'enquêter sous la nouvelle LEFP par la CFP sur les nominations externes, les nominations internes sans délégation et les nominations pouvant résulter de l'exercice d'une influence politique ou d'une fraude de la Commission, qui guide la Direction générale des enquêtes lorsqu’elle tente de déterminer si elle doit faire enquête relativement à un processus de nomination.

 

Nous tenons à vous informer que c’est aux gestionnaires qu’il incombe de choisir les méthodes ou outils d’évaluation les plus appropriés pour le processus visé. Dans la présente instance, en dépit des outils utilisés, vous avez réussi à faire partie du bassin de candidats du ministère. Les administrateurs généraux et leurs délégués peuvent procéder à une nomination à partir d’un bassin de candidats ayant réussi en se fondant sur les besoins organisationnels futurs du ministère et/ou sur les qualifications considérées comme un atout et non sur le rang des candidats. Comme le bassin est habituellement constitué pour une période donnée, il est encore possible que d’autres nominations soient faites à une date ultérieure à partir de ce bassin. Par conséquent, la Direction générale des enquêtes n’enquêtera pas à cet égard.

 

 

II.        Questions en litige

[5]               a)         La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité envers Mme Baragar?

 

b)         La décision de la Commission d’enquêter sur une partie seulement de la plainte formulée par Mme Baragar était-elle déraisonnable?

 

III.       Analyse

[6]               Mme Baragar a soulevé deux questions d’équité procédurale qui doivent faire l’objet d’un contrôle fondé sur la norme de la décision correcte : voir Sketchley c. Canada (Procureur général) 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392 aux par. 52-55 et Denisov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2008 CF 550 au par. 10. 

 

[7]               Mme Baragar fait valoir qu’elle avait le droit d’être consultée par la Commission avant que celle-ci décide de ne pas enquêter sur une partie de sa plainte. Elle soutient qu’on aurait dû utiliser un processus semblable à celui qui est employé par la Commission canadienne des droits de la personne et qui permet d’être consulté ou de répondre aux opinions ou questions préliminaires de la Commission. Les préoccupations en matière d’équité exprimées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999] 2 R.C.S. 817, 174 D.L.R. (4th) 193 sont, dit-elle, applicables à sa situation et requièrent une consultation plus importante que celle qu’elle a obtenue. 

 

[8]               Je ne suis pas d’accord pour dire que la Commission a manqué à un devoir d’équité en procédant comme elle l’a fait. Mme Baragar a eu amplement d’occasions de se faire entendre et elle en a pleinement profité. Le dossier révèle qu’il y a eu un dialogue continu entre Mme Baragar et la Commission qui s’est échelonné sur plusieurs semaines, au cours duquel elle a fait part de ses allégations avec force de détails. Je ne suis pas d’accord pour dire que la Commission était tenue d’en faire plus. Plus particulièrement, elle n’était pas tenue de faire part de ses préoccupations à Mme Baragar ni de lui exposer ses opinions préliminaires avant de rendre sa décision.

 

[9]               Le contenu de l’obligation d’équité procédurale est, selon l’arrêt Baker, éminemment variable. Il doit être apprécié en fonction du contexte particulier de chaque cas (voir Baker, par. 21), en considérant la nature de la décision et le processus suivi pour la rendre, le régime législatif particulier en vertu duquel la décision est rendue, l’importance de la décision pour la partie visée, les attentes raisonnables du proposant et le choix des procédures actuellement adoptées par le décideur (y compris la prise en compte de son expertise procédurale et des contraintes institutionnelles). 

 

[10]           Il convient de se rappeler que dans l’arrêt Baker précité, la Cour a conclu qu’il n’y avait aucune obligation de tenir une audience ou une entrevue avant que la décision ne soit rendue. L’obligation d’équité a été satisfaite en l’espèce par la possibilité de présenter des observations écrites au décideur (voir par. 34).

 

[11]           La présente espèce n’exige certainement pas une norme plus élevée d’équité procédurale que celle qui a été observée dans l’arrêt Baker, précité. Bien que la plainte formulée par Mme Baragar avait assurément de l’importance pour elle, son intérêt dans ce processus se limitait à la possibilité de voir une enquête instituée à cet égard. Cela ne comprenait aucune attente quant à une issue nécessairement favorable à ses intérêts. Je voudrais également signaler qu’en vertu de l’article 66, la Commission a le pouvoir discrétionnaire de mener une enquête. Même lorsqu’une enquête est menée, la Loi n’accorde pas un droit procédural supérieur à celui de présenter des observations à la Commission (voir l’article 72 de la Loi). Il me semble assez évident que le droit de participation du plaignant à l’étape antérieure – lorsque la Commission est sur le point de décider si elle doit mener ou non une enquête au sujet d'une plainte – ne peut pas être plus important que les droits qui prévalent durant une enquête.

 

[12]           Mme Baragar affirme également que la Commission a injustement négligé de prendre en considération des éléments de preuve s’appliquant à la partie de sa plainte qui a été rejetée. En particulier, elle soutient que la Commission a omis d’examiner le document « Justification de la nomination » de l’employeur, dans lequel le fondement des nominations à titre d’agent d’ERAR est expliqué. J’ai examiné ce document et je m’accorde avec l’avocat du défendeur pour dire que son contenu n’étaie pas les plaintes de M me Baragar. À vrai dire ce document fournit une preuve passablement convaincante que la nomination contestée ne portait pas atteinte au principe du mérite mais qu’elle a plutôt été faite en conformité avec le mandat législatif concernant l’embauche fondée sur le mérite reconnu par l’article 30 de la Loi. Par conséquent, même si la Commission avait pris ce document en considération (en plus des autres preuves fournies), il n’aurait pas eu d’incidence sur les résultats.

 

[13]           Mme Baragar a également contesté la décision de la Commission de refuser d’enquêter à l’égard de la totalité de sa plainte. Il s’agissait d’une décision relevant du pouvoir discrétionnaire que la loi confère à la Commission. Pour identifier la norme de contrôle appropriée, j’adopte le passage ci-après tiré de la décision de la juge Carolyn Layden-Stevenson dans l’affaire Vogan c. Canada (Procureur général), 2006 CF 129, 296 F.T.R. 28, par. 29 :

 

L'article 7.1 de la LEFP dispose que la Commission peut effectuer les enquêtes et vérifications qu'elle estime indiquées sur toute question relevant de sa compétence. Elle n'est pas tenue de le faire. Elle prend sa décision en vertu de son pouvoir discrétionnaire. La question est de savoir jusqu'à quel point il faut faire preuve de retenue à l'égard du décideur. Dans la décision Mercer c. Canada (Procureur général) 2005 C.F. 1567, le juge de Montigny a conclu que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les décisions de la CFP relatives à la tenus [sic] d'une enquête est la décision raisonnable simpliciter. Je suis d'avis que l'analyse et la conclusion du juge de Montigny sont correctes. […]

 

 

[14]           Comme il a été précédemment mentionné dans les présents motifs, la décision de la Commission d’enquêter relativement à une plainte concernant une nomination à un poste dans la fonction publique est discrétionnaire. Cela est reflété par l’utilisation des mots « peut mener une enquête » aux articles 66 et 67 de la Loi. Dans l’extrait suivant tiré du par. 14 de la décision Mercer c. Canada (Procureur général), 2005 CF 1567, 283 F.T.R. 266, le juge Yves de Montigny a examiné l’importance de ce type de formulation souple :

 

Il est vrai que la Commission n'est pas tenue de faire enquête sur chaque plainte qu'elle reçoit. La jurisprudence établit clairement ce point. Par exemple, le juge Denault a écrit dans Patel c. Canada (Commission de la fonction publique), [1996] A.C.F. no 127 (QL) : « En ce qui a trait à l'article 7.1, le législateur, en utilisant expressément le mot " peut ", confère à la Commission le pouvoir discrétionnaire de faire enquête sur les questions qui relèvent de sa compétence. Elle n'est nullement tenue de le faire » (paragr. 8)…

 

 

[15]           La Commission a élaboré un ensemble de lignes directrices s’appliquant à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’enquêter, notamment la question de savoir s’il existe « d’autres voies de recours ». Il est clair, d’après sa lettre de décision que la Commission a pris en compte le fait que Mme Baragar avait été jugée qualifiée pour le poste d’agent d’ERAR et que sa candidature est demeurée dans le bassin avec celles des autres candidats qualifiés en vue d’une sélection jusqu’à 2009. À mon avis, il s’agissait là d’un facteur pertinent que la Commission devait de prendre en considération, qui était tout à fait compatible avec ses lignes directrices et conforme à sa préoccupation légitime concernant les contraintes institutionnelles. Dans l’extrait suivant tiré du par. 119 de la décision Sketchley c. Canada (Procureur général), précitée, la Cour d’appel fédérale a accepté ce genre de considération comme étant pertinent :

Finalement, le choix de procédure par l’instance administrative décisionnelle doit être pris en considération lorsque, comme en l’espèce, la loi est muette à l’égard de cette question. Dans Baker, la juge L’Heureux‑Dubé a dit que, bien que ce facteur « ne soit pas déterminant, il faut accorder une grande importance au choix de procédures par l’organisme lui‑même et à ses contraintes institutionnelles » (au paragraphe 27). La Commission reçoit plus de plaintes qu’elle ne peut, pour des raisons pratiques et budgétaires, renvoyer à un tribunal pour nouvelle enquête. Une certaine déférence s’impose à l’égard des choix de la Commission en matière de procédure puisqu’elle reste maître de sa propre procédure tant et aussi longtemps que celle‑ci ne contrevient pas à l’obligation d’équité. Ce facteur constitue donc une indication claire qu’un degré moindre de protection procédurale s’impose.

 

Voir également l’arrêt International Woodworkers of America c. Consolidated-Bathurst Packaging, [1990] 1 R.C.S. 282, 68 D.L.R. (4th) 524, au par. 69.

 

[16]           Il semble que, en l’espèce, la Commission n’ait fait essentiellement que reporter l’examen d’une partie de la plainte de Mme Baragar jusqu’à ce qu’il puisse être déterminé qu’elle sera nommée ou non au poste d’agent d’ERAR. Tant que sa candidature demeure dans le bassin des candidats qualifiés, il demeure possible qu’elle le soit. Une des conséquences d’un tel report, c’est bien sûr que Mme Baragar pourra, si elle se voit encore une fois non sélectionnée pour des motifs pouvant soulever des préoccupations concernant le bien fondé du processus, demander à nouveau que l’on enquête à ce sujet.

 

[17]           J’ai donc conclu que la décision de la Commission de refuser d’enquêter à l’égard d’une partie de la plainte de Mme Baragar était raisonnable et qu’elle ne devait pas être modifiée. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens au montant de 750,00 $, y compris les débours, payables au défendeur par Mme Baragar.

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens de 750,00 $, y compris les débours, payables au défendeur par Mme Baragar.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit


 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1636-07

 

INTITULÉ :                                       Baragar c. AGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 8 juillet 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yavar Hameed

613-232-2688, poste 228

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gillian Patterson

416-952-8673

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hameed Farrokhzad St-Pierre

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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