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Date : 20080626

Dossiers : IMM-3154-07

IMM-3156-07

 

Référence : 2008 CF 806

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2008

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

INGEBORG ANNA RICHTER

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les présentes demandes de contrôle judiciaire ont été présentées par la demanderesse contre la décision d’une agente d’exécution d’établir un rapport circonstancié relativement à la perte du statut de la demanderesse pour grande criminalité, et contre la décision du délégué du ministre de déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête.

 

[2]               En 1970, la demanderesse, alors âgée de 33 ans, a immigré au Canada avec l’homme qui était à l’époque son mari. Elle s’est mariée à deux reprises depuis. Son dernier mariage, avec Charles Yanover, remonte à 1995. Elle a deux enfants, nés en 1970 et en 1974, et un petit-enfant, qui résident tous au Canada.

 

[3]               En avril 2003, Mme Richter et M. Yanover ont été arrêtés à Toronto et ils ont été accusés de trafic d’armes à feu et d’infractions y afférentes. M. Yanover a plaidé coupable et il a été condamné à dix ans d’emprisonnement. Mme Richter a fait l’objet de 46 chefs d’accusation. Au procès, Mme Richter s’est défendue en alléguant qu’elle avait été entraînée à son insu dans le trafic illicite de son mari, qu’elle croyait que les armes étaient neutralisées et qu’elle ne connaissait pas le fonctionnement des armes à feu.

 

[4]               La juge Andromache Karakatsanis, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a conclu lors du procès que Mme Richter était au courant, au moment de la vente des armes à feu, que celles‑ci avaient été réactivées et qu’elles fonctionnaient. La juge Karakatsanis a souligné que Mme Richter ne se serait pas aventurée dans la vente d’armes sans les contacts et l’expertise de son mari, qu’elle a décrit d’[traduction] « escroc notoire ». Cependant, la juge Karakatsanis a conclu que Mme Richter jouait un rôle actif dans le marchandage et la vente d’armes, ainsi que dans la distribution d’armes et de munitions. Elle a indiqué, à plusieurs reprises dans son jugement, que Mme Richter avait vendu des mitrailleuses semi-automatiques à un agent d’infiltration, qui se faisait passer pour un motard, puisqu’elle croyait qu’il avait l’intention de les revendre à une association autochtone de malfaiteurs dans l’Ouest du Canada. La juge Karakatsanis, après avoir tenu compte de la période d’emprisonnement de Mme Richter avant la tenue du procès, de son âge, du fait qu’elle était diabétique et d’autres facteurs, l’a condamnée à 37 mois d’emprisonnement.

 

[5]               Mme Richter a été incarcérée à l’Établissement Grand Valley pour femmes, où elle a été interrogée par au moins deux agents relativement à son statut d’immigrante. Elle affirme dans son affidavit n’avoir compris ni les détails exacts de ces entrevues ni leur but précis. À un moment donné, on a avisé Mme Richter de son droit à un avocat, mais elle dit avoir tenté sans succès de communiquer avec l’avocat qui l’avait représentée lors de son procès criminel. Après le 25 juin 2007, jour où elle affirme avoir été avisée qu’elle était en état d’arrestation, sous garde de l’Immigration, Mme Richter a pris les mesures nécessaires pour retenir les services d’un avocat spécialisé dans le domaine de l’immigration.

 

[6]               Un rapport circonstancié, sur les motifs justifiant la tenue d’une enquête, a été établi le 29 mai 2007. Le 4 juin, l’agente d’immigration procédant à l’examen du dossier a interrogé la demanderesse et elle lui a recommandé de consulter un avocat. L’agente a donné son numéro de téléphone à la demanderesse, au cas où celle-ci désirerait communiquer avec elle. La demanderesse n’a pas communiqué avec l’agente dans les deux semaines qui ont suivi. Le 18 juin, le gestionnaire agissant en tant que délégué du ministre a déféré l’affaire pour enquête en se fondant sur le rapport de l’agente. Ces mesures ont été prises conformément à l’article 44 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, qui prévoit :

 

44. (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

 

(2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

44. (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

 

(2) If the Minister is of the opinion that the report is well‑founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

 

 

 

[7]               Le 4 juillet 2007, l’avocat de la demanderesse a écrit au gestionnaire, lui demandant de lui donner l’occasion de fournir d’autres renseignements avant que le rapport prévu à l’article 44 soit établi. Le 11 juillet, l’agente d’exécution a répondu à l’avocat, soulignant que l’affaire de Mme Richter avait déjà été déférée pour enquête et que la demanderesse avait été arrêtée et détenue pour les besoins de l’enquête. L’agente a aussi indiqué que le cabinet d’avocats en droit criminel, dont Mme Richter avait retenu les services, avait communiqué avec elle et qu’elle avait offert de transmettre les observations que le cabinet désirait faire au Bureau d’exécution de la loi, qui allait fixer la date de l’enquête.

 

 

 

Questions en litige

 

[8]               La demanderesse conteste la décision de l’agente d’exécution d’établir le rapport dans le dossier IMM-3154-07, et la décision du gestionnaire de déférer l’affaire pour enquête dans le dossier IMM-3156-07. Les questions soulevées étaient essentiellement les mêmes dans les deux dossiers :

a.       Y a-t-il eu une erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire?

b.      Y a-t-il eu manquement au devoir d’agir équitablement (notamment en ce qui concerne l’omission reprochée d’avoir donné à la demanderesse une explication du processus, de lui avoir donné l’occasion suffisante de fournir d’autres renseignements et de lui avoir donné la possibilité de consulter le rapport)?

c.       La décision était-elle fondée sur des conclusions de fait erronées?

d.      L’agente et le gestionnaire ont-ils omis de fournir des motifs suffisants?

 

 

Norme de contrôle

 

 

[9]               La décision de l’agente d’établir le rapport et celle du gestionnaire de déférer l’affaire à la Section de l’immigration sont contrôlables selon la norme de la raisonnabilité, une grande retenue s’imposant. Dans les deux paragraphes de la LIPR, le décideur visé a le pouvoir d’agir lorsqu’il « estime » que les conditions applicables sont remplies, libellé qui appuie l’application d’une norme de contrôle fondée sur la retenue, selon le paragraphe 30 de l’arrêt Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3. Cependant, les questions relatives à l’équité procédurale font l’objet d’un examen à savoir si la procédure était équitable; s’il y a eu manquement au devoir d’agir équitablement, la décision sera annulée.

 

 

Erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire

 

[10]           La demanderesse soutient que l’agente et le gestionnaire avaient tous deux le pouvoir discrétionnaire d’examiner les facteurs énoncés dans les guides pertinents des politiques ministérielles, y compris les circonstances d’ordre humanitaire (CH) : Hernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 429, [2006] 1 R.C.F. 3. Elle fait valoir que l’omission par l’agente de tenir compte des motifs énoncés par la juge Karakatsanis à l’appui de la peine a fait en sorte que son examen des facteurs pertinents était incomplet, et que l’agente a donc commis une erreur en décidant d’établir son rapport. Le gestionnaire a quant à lui commis une erreur en se fondant sur le rapport sans avoir conclu qu’il était vicié. Le gestionnaire avait l’obligation de s’assurer que tous les facteurs pertinents avaient été pris en compte.

 

[11]           Le défendeur affirme, pour sa part, que l’agente a en fait examiné un large éventail de facteurs en décidant s’il y avait lieu d’établir le rapport circonstancié prévu au paragraphe 44(1), rapport qui appuyait la tenue d’une enquête en l’espèce. La décision de l’agente n’était pas erronée et elle était raisonnable. Le pouvoir discrétionnaire de ne pas établir un rapport est extrêmement limité : Correia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 782, 253 F.T.R. 153. Le gestionnaire n’a pas commis d’erreur en se fondant sur le rapport raisonnable de l’agente.

 

[12]           Comme je l’ai souligné dans la décision Awed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 469, 46 Admin. L.R. (4th) 233, l’objet de l’entrevue tenue en application du paragraphe 44(1) de la LIPR est de « simplement confirmer les faits qui peuvent éventuellement amener l’agent à conclure que le résident permanent ou ressortissant étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire ». S’il est en présence de tels faits, l’agent doit établir un rapport et il n’est pas habilité par la LIPR à exercer un pouvoir discrétionnaire.

 

[13]           Il est clair que l’agente était au courant des facteurs liés à la situation personnelle de Mme Richter, y compris les circonstances d’ordre humanitaire, et qu’elle les a examinés pour prendre sa décision. Vu mon opinion selon laquelle le libellé de la LIPR n’habilite pas les agents qui envisagent d’établir le rapport prévu au paragraphe 44(1) à évaluer les facteurs liés à la situation personnelle du demandeur, je suis d’avis que l’agente a outrepassé sa compétence en procédant à une telle évaluation. Cependant, cela n’a rien changé à l’issue de l’affaire et cela ne devrait pas justifier l’annulation de la décision. L’agente a encouragé la demanderesse à consulter un avocat et elle lui a donné sa carte professionnelle pour que la demanderesse puisse communiquer avec elle. La demanderesse n’a pas profité de cette possibilité.

 

[14]           En ce qui concerne la décision du gestionnaire de déférer l’affaire conformément au paragraphe 44(2), la Cour d’appel fédérale a jugé dans l’arrêt Cha c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 126, [2007] 1 R.C.F. 409, que la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué du ministre dépend en grande partie des circonstances, y compris de la question de savoir si le demandeur dont l’affaire pourrait être déférée est un résident permanent ou un étranger. La Cour d’appel a conclu dans l’arrêt Cha que la déléguée du ministre ne pouvait exercer aucun pouvoir discrétionnaire dans le cas d’un étranger déclaré coupable d’une infraction grave au Canada, mais elle a laissé en suspens la question de savoir si le gestionnaire disposait d’un pouvoir discrétionnaire minime dans sa décision de déférer ou non le rapport à la Section de l’immigration dans le cas d’un résident permanent, comme en l’espèce.

 

[15]           Le délégué du ministre disposait clairement des facteurs CH, décrits dans le rapport établi en application du paragraphe 44(1), qu’il devait examiner pour décider s’il y avait lieu de déférer l’affaire pour enquête. En décidant de déférer l’affaire pour enquête, il a indiqué dans ses commentaires que la tenue d’une telle enquête était appropriée, malgré le fait que Mme Richter résidait au Canada depuis longtemps et que ses enfants y résidaient aussi. Je ne peux conclure que cette décision est déraisonnable, alors elle sera maintenue.

 

[16]           Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle l’agente a procédé à un examen incomplet du fait qu’elle ne disposait pas des motifs à l’appui de la peine, je ne partage pas cet avis. Les motifs à l’appui de la peine reconnaissent que la demanderesse n’était pas l’âme dirigeante de la conduite illicite pour laquelle elle a été déclarée coupable, mais ils ne limitent guère son rôle dans l’entreprise criminelle. La juge Karakatsanis a affirmé que [traduction] « Mme Richter ne jouait pas simplement un rôle de soutien […] Elle devenait enthousiaste et parfois même dynamique quand venait le temps de recevoir sa […] commission de vente […] Elle s’empressait de tirer profit des activités de Yanover et de procéder à ses propres ventes. » La juge Karakatsanis a aussi souligné que Mme Richter continuait à minimiser sa propre culpabilité. Je ne vois pas comment les motifs à l’appui de la peine auraient modifié le rapport de l’agente ou le renvoi de l’affaire par le gestionnaire sur le fondement de ce rapport.

 

 

 

Équité procédurale

 

[17]           La demanderesse allègue ensuite avoir été privée de son droit à l’équité procédurale, puisqu’elle n’a pas été avisée adéquatement des critères en fonction desquels son dossier était évalué, qu’elle n’a pas eu une possibilité suffisante de soumettre des observations, et qu’elle n’a pas reçu une copie du rapport.

 

[18]           Le devoir d’agir équitablement dans les procédures au titre de l’article 44 est moins strict et est constitué du droit de soumettre des observations et d’obtenir une copie du rapport : Hernandez, précitée. En l’espèce, l’agente a expliqué le but de l’entrevue du 4 juin à la demanderesse et elle l’a encouragée à retenir les services d’un avocat et à soumettre des observations dans les deux semaines qui suivraient. En résumé, la demanderesse a été avisée de ses droits et elle a eu tout le loisir de soumettre des observations, mais elle ne l’a pas fait. L’agente et le gestionnaire ne sauraient être blâmés de l’omission par Mme Richter de tirer profit de la procédure lui ayant été expliquée.

 

[19]           À l’audience, la demanderesse a parlé d’un devoir accru chez les agents d’immigration lorsqu’ils ont affaire à des personnes sous garde, compte tenu des restrictions imposées à leur liberté, et elle a laissé entendre que l’agente aurait dû communiquer avec l’avocat au criminel elle‑même ou qu’elle aurait dû communiquer avec elle, après deux semaines, pour lui demander si elle avait pris des mesures relativement à sa situation. Le défendeur soutient que le devoir d’agir équitablement ne varie pas en fonction du lieu où se trouve le demandeur.

 

[20]           Même s’il est vrai que la liberté des personnes sous garde de l’État est restreinte, on n’interdit à ces personnes ni de consulter un avocat ni de retenir ses services. On ne peut exiger des agents d’immigration qu’ils servent de lien entre les personnes sous garde qui font l’objet du rapport prévu à l’article 44 et l’avocat dont elles ont retenu les services ou dont elles désirent retenir les services. En l’espèce, l’agente a rencontré la demanderesse le 4 juin 2007, elle lui a alors expliqué le but de l’entrevue, elle l’a encouragée à retenir les services d’un avocat et à soumettre des observations, et elle a fixé un délai précis pour le dépôt de ces observations. À ce moment-là, l’agente s’est acquittée de son devoir et il incombait à la demanderesse de donner suite à ses recommandations, ce qu’elle n’a pas fait. Par exemple, si elle avait besoin de temps supplémentaire pour communiquer avec un avocat, la demanderesse aurait pu le demander à l’agente en communiquant avec elle.

 

Conclusion de fait erronée

 

[21]           La demanderesse allègue ensuite que la décision de l’agente était fondée sur une conclusion de fait erronée. La demanderesse soutient que la décision de l’agente et la décision du gestionnaire, qui était fondée sur celle de l’agente, devraient donc toutes deux être annulées. L’agente a écrit dans sa conclusion que la demanderesse n’avait exprimé aucun remords. Mme Richter invoque les motifs à l’appui de la peine, dont l’agente ne disposait pas, afin d’illustrer le contraire. La juge Karakatsanis a indiqué que Mme Richter avait exprimé de vrais remords le jour où sa peine lui avait été infligée, mais elle a souligné que la demanderesse avait continué à minimiser sa propre culpabilité.

 

[22]           Je ne vois pas la pertinence qu’a la présence ou l’absence de remords dans l’exercice par l’agent de son devoir en application du paragraphe 44(1). Rien dans le libellé clair de la disposition ne tend à indiquer que le législateur voulait donner aux agents un pouvoir discrétionnaire, dans leur décision d’établir ou non un rapport, leur permettant d’examiner si les condamnés regrettaient leurs crimes et devaient donc être exemptés de l’application des dispositions de la LIPR relatives à l’interdiction de territoire.

 

[23]           Même si j’acceptais que la décision dépende de facteurs subjectifs de cette nature, comme les notes de l’agente indiquent que Mme Richter continuait à blâmer Charles Yanover, je ne peux conclure que la phrase même du rapport, selon laquelle [traduction] « [l]’intéressée n’a exprimé aucun remords pour ses actions, mais elle a plutôt jeté le blâme sur son époux », constitue une erreur justifiant l’intervention de la Cour.

 

Caractère suffisant des motifs

 

[24]           Enfin, la demanderesse soutient que les motifs de l’agente et du gestionnaire étaient insuffisants et qu’elle a donc été privée de son droit à l’équité procédurale. Je ne suis pas de cet avis. Le critère à appliquer pour déterminer le caractère suffisant des motifs est qu’ils doivent permettre à la personne qui fait l’objet de la décision d’en comprendre le fondement. Les motifs sont suffisants pour permettre à Mme Richter de savoir sur quel fondement son affaire a été déférée et de se défendre lors de l’enquête.

 

[25]           Pour ces motifs, je rejette les deux demandes de contrôle judiciaire.

 

[26]           La demanderesse m’a demandé de certifier les questions suivantes :

1. Les agents d’immigration ont-ils un devoir plus important d’agir équitablement envers les personnes sous garde qui font l’objet d’un rapport ou d’un renvoi de l’affaire au titre de l’article 44?

2. Une valeur probante importante devrait-elle être accordée aux déclarations faites par le ministre et les hauts fonctionnaires devant le comité permanent, ainsi qu’aux articles du guide qui font en sorte que l’enquête sur la situation personnelle d’un résident permanent pour lequel on pense établir un rapport en application de l’article 44 sera entreprise « au stade initial » du processus, selon ce qui est décrit au paragraphe 41 de l’arrêt Cha?

3. Quelle est la portée du pouvoir discrétionnaire de l’agent lorsqu’il décide d’établir ou non le rapport prévu au paragraphe 44(1) à l’égard d’un résident permanent, ou quelle est la portée du pouvoir discrétionnaire du gestionnaire lorsqu’il décide de déférer ou non l’affaire pour enquête?

4. À quel devoir d’agir équitablement l’agent est-il tenu lorsqu’il décide d’établir ou non le rapport prévu au paragraphe 44(1) à l’égard d’un résident permanent, ou à quel devoir d’agir équitablement le gestionnaire est-il tenu lorsqu’il décide de déférer ou non l’affaire pour enquête?

 

[27]           Les deuxième et troisième questions ne seraient pas déterminantes dans un appel de la présente affaire, puisque j’ai conclu que l’agente avait en fait mené une enquête au stade initial du processus et qu’elle avait exercé un pouvoir discrétionnaire, qu’elle n’était pas, selon moi, autorisée à exercer à la lumière du libellé clair de la disposition législative. J’ai beaucoup de difficulté avec la prétention selon laquelle il est possible d’interpréter la LIPR pour y inclure un tel pouvoir discrétionnaire compte tenu des assurances données au comité permanent par le ministre et les hauts fonctionnaires avant l’adoption de la loi. La quatrième question ne se rapporte pas suffisamment aux faits en l’espèce pour avoir une incidence sur l’issue de l’affaire.

 

[28]           Je souligne que les troisième et quatrième questions sont semblables à celles certifiées dans la décision Hernandez, dans laquelle l’appel a été abandonné. Ces questions sont de portée générale et une réponse qui fait autorité serait utile aux agents d’immigration et à la Cour, particulièrement en ce qui concerne la question laissée en suspens dans l’arrêt Cha, qui porte sur la distinction établie entre les résidents permanents et les étrangers.

 

[29]           La première question, quelque peu modifiée par souci de précision, sera certifiée en tant que question grave de portée générale qui serait déterminante quant à l’issue d’un appel.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que les demandes soient rejetées. La question suivante est certifiée en tant que question grave de portée générale :

1. Les agents d’immigration qui établissent le rapport prévu au paragraphe 44(1), et le ministre qui défère l’affaire, sont-ils tenus à un devoir plus important d’agir équitablement lorsqu’ils ont affaire à des personnes sous garde?

 

 

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      IMM-3154-07; IMM-3156-07

 

INTITULÉ :                                       INGEBORG ANNA RICHTER

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 17 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 26 JUIN 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Timothy Wichert

 

POUR LA DEMANDERESSE

Gordon Lee

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Timothy Wichert

Jackman & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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