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Date : 20080620

Dossier : T-394-04

Référence : 2008 CF 778

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique) le 20 juin 2008

En présence de madame la juge Heneghan

 

 

ENTRE:

FILM CITY ENTERTAINMENT LTD.,

L.S. ENTERTAINMENT GROUP INC.,

MEI AH FILM PRODUCTION CO. LTD.,

MEI AH DEVELOPMENT COMPANY LTD.,

MATRIX PRODUCTIONS COMPANY LIMITED,

MANDARIN FILMS LIMITED,

UNIVERSE ENTERTAINMENT LIMITED,

CHINA STAR PICTURES LIMITED,

CHINA STAR WORLDWIDE DISTRIBUTION B.V. et

ONE HUNDRED YEARS OF FILM COMPANY LIMITED

demanderesses

(défenderesses reconventionnelles)

et

 

CHINATOWN ELECTRONICS CENTRE LTD.,

APC MUSIC & VIDEO INC., FENG CAI SHEN,

CHO KWONG LAU, alias PETER LAU, et

WENDY YU HUANG

défendeurs

(demandeurs reconventionnels)

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Film City Entertainment Ltd., L.S. Entertainment Group Inc., Mei Ah Film Production Co. Ltd., Mei Ah Development Company Ltd., Matrix Productions Company Limited, Mandarin Films Limited, Universe Entertainment Limited, China Star Pictures Limited, China Star Worldwide Distribution B.V. et One Hundred Years of Film Company Limited (les demanderesses) ont pris cette action contre Chinatown Electronics Centre Ltd., APC Music & Video Inc., Feng Cai Shen, Cho Kwong Lau, alias Peter Lau, et Wen Yu Huang (les défendeurs). Elles allèguent la contrefaçon relativement à certains droits d’auteurs sur lesquels les demanderesses détiennent certains droits en common law par voie de propriété, de cession ou de licences conventionnelles écrites. Les actes de contrefaçon allégués se seraient censément produits à l’égard de films auxquels il est fait référence sous [traduction] « les films » dans la déclaration remodifiée datée du 9 juillet 2007, de même que dans le [traduction] « film Mei Ah », le [traduction] « film Matrix Productions », le [traduction] « film Mandarin », le [traduction] « film Universe Entertainment », le [traduction] « film China Star » et [traduction] « One Hundred Years of Films ».

 

[2]               Le 8 août 2007, les défendeurs, autres que Feng Cai Shen, (les défendeurs répondants), déposaient leur défense en réponse à la déclaration remodifiée des demanderesses. Par avis de requête déposé en vertu de l’article 369 des Règles de la Cour fédérale, DORS /98-106 (les Règles), les demanderesses recherchaient les conclusions suivantes :

[TRADUCTION]

 

1.         À défaut par les défendeurs de signifier et déposer dans les vingt et un (21) jours des présentes les précisions nécessaires au soutien de leurs nombreuses dénégations du droit d’auteur des demanderesses contenues dans leur défense et demande reconventionnelle : (i) ces actes de procédure seront réputés radiés en vertu de l’article 221 des Règles des Cours fédérales DORS/98-106, et modifications (les Règles); (ii) les demanderesses auront l’autorisation de présenter ex parte une requête pour jugement par défaut, conformément à l’article 210 des Règles;

 

2.         Si les défendeurs signifient et déposent de telles précisions dans les vingt et un (21) jours, le délai dont les demanderesses disposeront pour signifier et déposer leur réponse à la défense sera prorogé en vertu de l’article 8 des Règles, et les demanderesses disposeront de 10 jours après la signification de ces précisions pour signifier et déposer leur réponse;

 

3.         Si les défendeurs signifient et déposent de telles précisions dans les vingt et un (21) jours, le délai dont les demanderesses disposeront pour signifier et déposer leur défense à la demande reconventionnelle sera prorogé en vertu de l’article 8 des Règles, et les demanderesses disposeront de 30 jours après la signification de ces précisions pour signifier et déposer leur défense à la demande reconventionnelle;

 

4.         Les défendeurs devront dans les sept (7) jours des présentes donner copies des documents auxquels ils font référence dans l’affidavit supplémentaire de documents souscrit par M. Cho Kwong, alias Peter Lau, le 15 septembre 2005, à défaut de quoi les demanderesses pourront demander la radiation de l’acte de procédure des défendeurs et obtenir un jugement par défaut en vertu des articles 58 et 210 des Règles;

 

5.         Accorder, à l’égard de la présente requête, aux demanderesses, en tout état de cause et en vertu de l’article 401 des Règles, des dépens de 2500 $ exigibles immédiatement;

 

 

[3]               Dans une ordonnance datée du 9 octobre 2007, le protonotaire a radié la défense et demande reconventionnelle modifiée, déposée le 8 août 2007 par les défendeurs répondants, au motif que la défense et demande reconventionnelle modifiée ne contenait que de vagues dénégations du droit d’auteur qui ne révélaient aucune défense valable à l’encontre de la déclaration modifiée et ne révélaient aucune cause d’action valable au soutien de la demande reconventionnelle.

 

[4]               Le protonotaire a jugé qu’il était préférable de radier l’acte de procédure et de subordonner à l’autorisation de la Cour le dépôt par les défendeurs répondants d’une défense et demande reconventionnelle modifiée, plutôt que de les autoriser à fournir des précisions pour réhabiliter leur défense et demande reconventionnelle modifiée, ce qui aurait pu conduire au dépôt par les demanderesses de nouvelles requêtes en radiation.

 

[5]               Les défendeurs répondants font appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et soutiennent qu’il a commis une erreur en concluant que la défense et demande reconventionnelle modifiée reposait uniquement sur une dénégation des droits d’auteurs enregistrés des demanderesses. Les défendeurs répondants soutineent subsidiairement que le protonotaire a commis une erreur en concluant que les dénégations de droits d’auteurs étaient [traduction] « inextricablement entrelacées » à d’autres allégations contenues dans la défense et demande reconventionnelle modifiée.

 

[6]               Enfin, les défendeurs répondants soutiennent que le dépôt d’une défense et demande reconventionnelle modifiée est une question de droit qui n’est pas subordonnée à l’autorisation de la Cour.

 

[7]               De leur côté, les demanderesses soutiennent que le protonotaire n’a pas commis d’erreur de droit en radiant la défense et demande reconventionnelle modifiée et soutiennent également qu’en subordonnant le dépôt d’une nouvelle défense et demande reconventionnelle à l’autorisation de la Cour, le protonotaire a exercé de façon raisonnable le pouvoir discrétionnaire dont il dispose en sa qualité de juge responsable de la gestion de l’instance.

 

[8]               L’article 221 des Règles régit la radiation d’actes de procédure. Le critère à appliquer pour décider d’une requête en radiation consiste à déterminer si l’acte de procédure révèle une cause d’action ou de défense valable suivant le cas. En l’espèce, la question est de savoir si la défense et demande reconventionnelle modifiée répond à ce critère.

 

[9]               La norme de contrôle applicable à une décision du protonotaire est énoncée dans Merck & Co, Ltd c Apotex Inc, [2004] 2 RCF 459 (CAF), au paragraphe 19, où la Cour écrit :

[19]      […] le critère devrait être légèrement reformulé comme suit : « on ne doit pas toucher à l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire à moins a) qu'elle ne porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal ou b) qu'elle ne soit manifestement erronée parce qu'elle est fondée sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits. »

 

[10]           En l’espèce l’ordonnance du protonotaire n’a pas d’influence déterminante sur l’issue du principal et constitue de toute façon l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui est prévu à l’alinéa 221(1) des Règles, tel que l’indique la présence du mot « peut » au début de la disposition. Tout litige portant sur l’application d’un critère juridique erroné pourra faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur la norme de la décision correcte. La question de l’exercice judiciaire du pouvoir discrétionnaire est contrôlée selon le critère énoncé dans Merck, précité, c’est‑à‑dire qu’il s’agit de savoir si le protonotaire a fondé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

[11]           Le protonotaire a fait remarquer dans son ordonnance que la défense modifiée déposée au nom des défendeurs répondants se caractérisait par de vagues dénégations. Il a de plus conclu que les dénégations vagues étaient tellement enchevêtrées à d’autres allégations de l’acte de procédure qu’elles ne pouvaient en être séparées et que, dans les circonstances, l’acte de procédure devait être entièrement radié.

 

[12]           Il est bien établi que les actes de procédure doivent contenir des allégations de faits, et non de simples dénégations vagues. À cet effet, je m’en remets à Chavali c Canada (2002), 291 NR 311 (CAF), conf. 202 FTR 166, et Vojic c Canada (MRN), [1987] 2 CTC 203 (CAF).

 

[13]           La nécessité d’un fondement factuel s’applique tant à la défense modifiée qu’à la demande reconventionnelle déposées par les défendeurs répondants. Selon moi, le protonotaire a appliqué le bon critère juridique pour exercer sa compétence et radier l’acte de procédure contesté. Lorsqu’un pouvoir discrétionnaire est prévu, un tribunal saisi d’une demande de contrôle judiciaire s’abstiendra d’infirmer une ordonnance discrétionnaire, pourvu que ce pouvoir discrétionnaire ait été exercé judiciairement; voir VISX Inc. c Nidek Co. (1996), 209 N.R. 342 (C.A.F.) au para 10.

 

[14]           Le protonotaire pouvait également exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard du dépôt d’une nouvelle défense et demande reconventionnelle et la subordonner, comme il l’a fait, à l’autorisation de la Cour. Les défendeurs répondants soutiennent qu’il s’agit là d’une erreur et qu’ils devraient pouvoir déposer une nouvelle défense et demande reconventionnelle de droit.

 

[15]           Le paragraphe 221(1) des Règles prévoit : « À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier […] » Selon moi, cela signifie que la subordination du dépôt à l’autorisation de la Cour relève pleinement du pouvoir discrétionnaire de la Cour, ce qui, dans la présente affaire, comprend le protonotaire. On n’a présenté aucune preuve démontrant que le protonotaire n’avait pas exercé judiciairement son pouvoir discrétionnaire à cet égard.

 

[16]           Il est important de noter qu’aux termes de l’ordonnance du juge en chef rendue le 6 juillet 2005, le protonotaire Lafrenière a été désigné pour assister le juge Hugessen dans la gestion de l’instance de la présente affaire. La définition de « juge responsable de la gestion de l’instance » à l’article 2 des Règles y assimile le protonotaire en ces termes :

Définitions –

[…]

« juge responsable de la gestion de l’instance » Tout juge affecté à ce titre en vertu de l’alinéa 383a) ou de la règle 383.1; y est assimilé le protonotaire affecté à une instance en vertu de l’alinéa 383b).

Definitions –

“case management judge” means a judge assigned under paragraph 383(a) or rule 383.1 and includes a prothonotary assigned under paragraph 383(b).

 

[17]                       Dans Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c Landmark Cinemas of Canada Ltd (2004), 30 CPR (4th) 257 (CAF), la Cour d’appel fédérale a analysé la retenue dont les tribunaux devaient faire montre à l’égard des décisions rendues par les juges responsables de la gestion de l’instance, y compris les protonotaires, aux paragraphes 25 à 27. La Cour d’appel fédérale a confirmé, en se fondant sur l’arrêt Sawridge Band c Canada, [2002] 2 RCF 346 (CAF), que les ordonnances discrétionnaires rendues par un protonotaire dans le cadre de la gestion de l’instance commandaient la plus grande retenue. La Cour poursuit en ajoutant qu’une ordonnance discrétionnaire rendue par un protonotaire responsable de la gestion de l’instance et qui tient compte « des coûts, de l’efficacité et de la commodité » commande la plus grande retenue.

[18]           Selon moi, le même raisonnement s’applique en l’espèce. Le protonotaire Lafrenière a radié la défense et demande reconventionnelle sans autorisation de la modifier et a subordonné le dépôt de toute nouvelle défense et demande reconventionnelle à l’autorisation de la Cour afin d’éviter la présentation par les demanderesses d’une autre requête pour précisions. Je ne vois aucune erreur dans la façon dont le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire à cet égard, plus particulièrement à la lumière de l’article 3 des Règles, qui prévoit ce qui suit :

Principe général –

Les présentes règles sont interprétées et appliqués de façon à permettre d’apporter une solution au litige qui soit juste et la plus expéditive et économique possible.

General principle –

These Rules shall be interpreted and applied so as to secure the just, most expeditious and least expensive determination of every proceeding on its merits.

 

[19]           L’appel sera rejeté avec dépens. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est accordé par le paragraphe 400(1) des Règles, je fixe les dépens à 2000 $, y compris les débours et la TPS.

 


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que l’appel est rejeté avec dépens. En vertu du pouvoir discrétionnaire qui m’est accordé par le paragraphe 400(1) des Règles, j’adjuge des dépens que je fixe à 2000 $, y compris les débours et la TPS.

 

« E. Heneghan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-394-04

 

INTITULÉ :                                      FILM CITY ENTERTAINMENT LTD.

                                                                                L.S. ENTERTAINMENT GROUP INC.

                                                                                MEI AH FILM PRODUCTION CO. LTD.

                                                                                MEI AH DEVELOPMENT COMPANY LTD.

                                                                                MATRIX PRODUCTIONS COMPANY LIMITED

                                                                                MANDARIN FILMS LIMITED

                                                                                UNIVERSE ENTERTAINMENT LIMITED

                                                                                CHINA STAR PICTURES LIMITED

                                                                                CHINA STAR WORLWIDE DISTRIBUTION B.V.

                                                                                et ONE HUNDRED YEARS OF FILM COMPANY

                                                                                LIMITED c CHINATOWN ELECTRONICS CENTRE LTD.               APC MUSIC & VIDEO INC., FENG CAI SHEN

                                                                                CHO KWONG LAU, alias PETER LAU, ET WEN YU HUANG

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)_

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 décembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE HENEGHAN

 

DATE :                                              Le 20 juin 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brent B. Olthuis                                                                      POUR LES DEMANDERESSES

 

Edward G. Wong                                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Défendeurs                                                                             (sauf le défendeur Feng Cai Shen)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Leung                                                                        POUR LES DEMANDERESSES

Richmond (C.-B.)

Edward G. Wong                                                                   POUR LES DÉFENDEURS

Vancouver (C.-B.)                                                                  (sauf le défendeur Feng Cai Shen)

 

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