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Date : 20080623

Dossier : T-243-08

Référence : 2008 CF 797

 

Ottawa (Ontario), le 23 juin 2008

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ORVILLE FRENETTE

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

demandeur

 

et

 

PAVITTAR SINGH DHALIWAL

 

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29 (la Loi), et de l’article 21 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, en vue d’interjeter appel et de faire annuler la décision en date du 28 janvier 2008 par laquelle un juge de la citoyenneté a accueilli la demande de citoyenneté du défendeur en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi. Le défendeur n’a pas comparu pour contester la présente demande et il n’a pas déposé de mémoire.

 

I. Les faits

 

[2]               Né le 3 janvier 1947, Pavittar Singh Dhaliwal (le défendeur) est un citoyen de l’Inde qui a obtenu le statut de résident permanent canadien le 26 juin 1997 après avoir été parrainé par son fils. Le défendeur a soumis le 1er septembre 2006 une demande de citoyenneté canadienne dans laquelle il affirmait qu’il n’avait été absent du Canada qu’une seule fois, pour un total de 360 jours au cours des quatre années précédant sa demande. Les timbres apposés dans le passeport du défendeur indiquent qu’il s’est en fait absenté à quatre reprises du Canada pour un total de 799 jours dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande.

 

[3]               Le défendeur a été invité, en février 2007 et en juillet 2007, à remplir un Questionnaire sur la résidence et à fournir des pièces à l’appui de sa demande. À la suite du défaut du défendeur de donner suite à ces demandes, une audience relative à sa demande de citoyenneté a été fixée au 30 novembre 2007. En décembre 2007, le défendeur a finalement soumis le Questionnaire sur la résidence dans lequel il déclarait qu’il avait été absent du Canada pendant 621 jours dans les quatre ans qui avaient précédé la date de sa demande.

 

[4]               Le 21 décembre 2007, le juge de la citoyenneté a accueilli la demande. Cependant, comme il n’avait pas encore terminé l’analyse de la question de la résidence, le juge de la citoyenneté a demandé au défendeur de revenir le 28 janvier 2008 et de soumettre des documents établissant qu’il avait établi et maintenu sa résidence au Canada au cours des quatre années ayant précédé la date de sa demande. Le défendeur a comparu comme on le lui avait demandé et il a soumis des documents attestant son achat d’une maison au Canada en juin 2002.

 

[5]               À la suite de sa rencontre du 28 janvier 2008 avec le défendeur, le juge de la citoyenneté a confirmé la décision antérieure par laquelle il avait attribué la citoyenneté canadienne au défendeur et il a motivé sa décision. Il s’agit de l’appel de cette décision du juge de la citoyenneté.

 

II. La décision contestée

 

[6]               Voici les motifs invoqués par le juge de la citoyenneté pour faire droit à la demande de citoyenneté :

·        Le défendeur avait été physiquement présent au Canada à compter de son arrivée, le 26 juin 1997, jusqu’en août 1998 (14 mois);

·        La famille immédiate du défendeur résidait au Canada, y compris sa femme, qui était résidente permanente depuis 1997, sa fille, qui avait la citoyenneté canadienne, et ses deux fils;

·        La forme de présence physique du défendeur au Canada dénotait qu’il revenait dans son pays lorsqu’il rentrait au Canada, parce que, lorsqu’il voyageait à l’étranger, il habitait chez des proches, tandis que lorsqu’il était au Canada, il habitait dans sa propre maison, dont il était copropriétaire avec l’un de ses fils;

·        Les raisons pour lesquelles le défendeur s’absentait physiquement du Canada étaient de nature temporaire : il se rendait en effet à l’étranger surtout pour rendre visite à des amis et à des membres de sa famille en Inde;

·        Les attaches du défendeur avec le Canada étaient plus importantes que celles qu’il avait avec tout autre pays.

 

III. Les questions en litige

 

[7]               Le demandeur a soumis les questions suivantes à l’examen de la Cour :

A.     Le défendeur a-t-il satisfait aux exigences prévues l’alinéa 5(1)c) de la Loi en ce sens qu’il a résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande?

B.     Le juge de la citoyenneté a-t-il commis une erreur de fait ou de droit en accueillant la demande de citoyenneté du défendeur?

C.     Le défendeur a-t-il démontré qu’il a continuellement maintenu son lieu de résidence au Canada?

D.     Le défendeur a-t-il fait une fausse déclaration au sujet de sa période totale d’absence du Canada?

 

[8]               Je formulerais ainsi les questions en litige :

A.     Quelle est la norme de contrôle appropriée?

B.     La décision du juge de la citoyenneté était-elle raisonnable?

III. Les dispositions législatives applicables

 

[9]               L’article 5 de la Loi est ainsi libellé :

 

Attribution de la citoyenneté

 

5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

a) en fait la demande;

 

b) est âgée d’au moins dix‑huit ans;

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

 

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

 

 

 

d) a une connaissance suffisante de l’une des langues officielles du Canada;

 

e) a une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté;

 

f) n’est pas sous le coup d’une mesure de renvoi et n’est pas visée par une déclaration du gouverneur en conseil faite en application de l’article 20.

 

 

Période de résidence

 

(1.1) Est assimilé à un jour de résidence au Canada pour l’application de l’alinéa (1)c) et du paragraphe 11(1) tout jour pendant lequel l’auteur d’une demande de citoyenneté a résidé avec son époux ou conjoint de fait alors que celui-ci était citoyen et était, sans avoir été engagé sur place, au service, à l’étranger, des forces armées canadiennes ou de l’administration publique fédérale ou de celle d’une province.

 

Idem

 

(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté :

a) sur demande qui lui est présentée par la personne autorisée par règlement à représenter celui-ci, à l’enfant mineur d’un citoyen qui est résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés;

 

 

b) sur demande qui lui est présentée par la personne qui y est autorisée par règlement et avant le 15 février 1979 ou dans le délai ultérieur qu’il autorise, à la personne qui, née à l’étranger avant le 15 février 1977 d’une mère ayant à ce moment-là qualité de citoyen, n’était pas admissible à la citoyenneté aux termes du sous‑alinéa 5(1)b)(i) de l’ancienne loi.

 

 

 

 

Dispenses

 

(3) Pour des raisons d’ordre humanitaire, le ministre a le pouvoir discrétionnaire d’exempter :

a) dans tous les cas, des conditions prévues aux alinéas (1)d) ou e);

 

b) dans le cas d’un mineur, des conditions relatives soit à l’âge ou à la durée de résidence au Canada respectivement énoncées aux alinéas (1)b) et c), soit à la prestation du serment de citoyenneté;

 

 

c) dans le cas d’une personne incapable de saisir la portée du serment de citoyenneté en raison d’une déficience mentale, de l’exigence de prêter ce serment.

 

 

Cas particuliers

 

(4) Afin de remédier à une situation particulière et inhabituelle de détresse ou de récompenser des services exceptionnels rendus au Canada, le gouverneur en conseil a le pouvoir discrétionnaire, malgré les autres dispositions de la présente loi, d’ordonner au ministre d’attribuer la citoyenneté à toute personne qu’il désigne; le ministre procède alors sans délai à l’attribution. 

Grant of citizenship

 

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

(a) makes application for citizenship;

 

(b) is eighteen years of age or over;

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

 

(d) has an adequate knowledge of one of the official languages of Canada;

 

(e) has an adequate knowledge of Canada and of the responsibilities and privileges of citizenship; and

 

(f) is not under a removal order and is not the subject of a declaration by the Governor in Council made pursuant to section 20.

 

 

Residence

 

(1.1) Any day during which an applicant for citizenship resided with the applicant’s spouse who at the time was a Canadian citizen and was employed outside of Canada in or with the Canadian armed forces or the federal public administration or the public service of a province, otherwise than as a locally engaged person, shall be treated as equivalent to one day of residence in Canada for the purposes of paragraph (1)(c) and subsection 11(1).

 

Idem

 

(2) The Minister shall grant citizenship to any person who

(a) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and is the minor child of a citizen if an application for citizenship is made to the Minister by a person authorized by regulation to make the application on behalf of the minor child; or

 

(b) was born outside Canada, before February 15, 1977, of a mother who was a citizen at the time of his birth, and was not entitled, immediately before February 15, 1977, to become a citizen under subparagraph 5(1)(b)(i) of the former Act, if, before February 15, 1979, or within such extended period as the Minister may authorize, an application for citizenship is made to the Minister by a person authorized by regulation to make the application.

 

 

 

Waiver by Minister on compassionate grounds

 

(3) The Minister may, in his discretion, waive on compassionate grounds,

(a) in the case of any person, the requirements of paragraph (1)(d) or (e);

 

(b) in the case of a minor, the requirement respecting age set out in paragraph (1)(b), the requirement respecting length of residence in Canada set out in paragraph (1)(c) or the requirement to take the oath of citizenship; and

 

(c) in the case of any person who is prevented from understanding the significance of taking the oath of citizenship by reason of a mental disability, the requirement to take the oath.

 

Special cases

 

(4) In order to alleviate cases of special and unusual hardship or to reward services of an exceptional value to Canada, and notwithstanding any other provision of this Act, the Governor in Council may, in his discretion, direct the Minister to grant citizenship to any person and, where such a direction is made, the Minister shall forthwith grant citizenship to the person named in the direction.

 

IV. La nature du recours formé à l’encontre des décisions des juges de la citoyenneté

 

[10]            Avant d’examiner la norme de contrôle, il convient de se rappeler que les « appels » en matière de citoyenneté ne sont ni des appels ordinaires ni des procès de novo; ils sont régis par le paragraphe 18(1)(4) de la Loi sur les Cours fédérales (L.R. 1985, ch. F-7 ).

 

[11]           Ainsi, pour pouvoir annuler une décision d’un juge de la citoyenneté, la Cour fédérale doit conclure que le juge a commis une erreur qui justifie l’infirmation de sa décision (Canada (MCI) c. Tovbin (2000), 190 F.T.R. 102, 10 Imm. L.R. (3d) 306 (C.F. 1re inst.)). Pour ce qui est de la norme de contrôle, s’agissant du délai requis, l’article 5 se prête à des interprétations diverses, compte tenu du fait que le mot « résidence » n’est pas défini dans la Loi sur la citoyenneté (Canada (MCI) c. Chen, 2003 CFPI 192, 228 F.T.R. 111; Goudimenko c. Canada (MCI), 2002 CFPI 447, 113 A.C.W.S. (3d) 766 (Goudimenko)).

 

[12]           Il ressort de la jurisprudence que la Cour fédérale a interprété le terme « résidence » en invoquant des critères comme celui du « mode de vie centralisé » ou de la « qualité des attaches », mais que la loi précise bien que le critère fondamental est celui de la présence physique ou effective au Canada pour la durée exigée (Canada (MCI) c. Adler, 2002 CFPI 227, 23 Imm. L.R. (3d) 241).

 

[13]           La Loi précise bien que le critère fondamental est celui de la présence physique au Canada, et ce n’est que lorsque ce critère n’est pas respecté que les critères secondaires créés par la jurisprudence peuvent être invoqués.

 

IV. La norme de contrôle

 

[14]           Il a été décidé que la norme de contrôle qui s’applique aux appels de ce genre est celle de la décision correcte dans la mesure où cette norme s’applique au critère légal de résidence prévu à l’alinéa 5(1)c) de la Loi, lequel consiste à se demander s’il y a eu résidence au Canada (Lam c. Canada (MCI) (1999), 164 F.T.R. 177, 87 A.C.W.S. (3d) 432; Zhang c. Canada (MCI), 2001 CFPI 501, 105 A.C.W.S. (3d) 1017 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 7.3).

 

[15]           Dans le jugement Goudimenko, précité, la juge Layden-Stevenson a expliqué qu’à l'égard des exigences de résidence de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, l'enquête se déroule en deux étapes et elle a précisé les rapports qui existent entre ces deux étapes. À la première étape, la Cour détermine si la résidence au Canada a été établie. Si la résidence n'a pas été établie, l'enquête s'arrête là. Si ce critère est respecté, la deuxième étape de l'enquête consiste à décider si le demandeur en cause a été résident pendant le nombre total de jours de résidence requis.

 

[16]           La question de savoir si l’obligation de résidence a été respectée est une question mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de la décision correcte (Farshchi c. Canada (MCI), 2007 CF 487, 157 A.C.W.S. (3d) 701).

[17]           On reconnaît toutefois que les décisions des juges de la citoyenneté ont droit à une certaine retenue judiciaire en raison des connaissances spécialisées et de l’expérience que possèdent les juges de la citoyenneté (Chen c. Canada (MCI), 2004 CF 1693, au paragraphe 5, 135 A.C.W.S. (3d) 773; Morales c. Canada (MCI), 2005 CF 778, 45 Imm. L.R. (3d) 284).

 

[18]           Mon collègue le juge Edmond P. Blanchard a récemment signalé l’effet de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, 164 A.C.W.S. (3d) 727, de la Cour suprême du Canada sur le contrôle des décisions des juges de la citoyenneté. Il a conclu que la norme appropriée était celle de la décision raisonnable et je souscris à cette conclusion (Zhang c. Canada (MCI), 2008 CF 483, [2008] A.C.F. no 603 (QL)).

 

[19]           Autrement dit, pour reprendre les propos du juge James O’Reilly dans le jugement Ishfaq c. Canada (MCI), 2008 CF 477, [2008] A.C.F. no 598 :

4   Je ne peux annuler la décision du juge que si je conclus qu’elle était déraisonnable, en ce sens que la décision n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47.

 

VI. L’analyse

 

            A.         Quelle est la norme de contrôle appropriée?

[20]           Le demandeur affirme que la norme de contrôle appropriée dans le cas d’une décision d’un juge de la citoyenneté est celle de la décision raisonnable. Je suis du même avis. Comme la question de la résidence est une question mixte de fait et de droit, la Cour doit faire preuve d’une certaine retenue en raison des connaissances spéciales et de l’expérience que possède le juge de la citoyenneté (Canada (MCI) c. Chen, 2004 CF 848, 131 A.C.W.S. (3d) 1016).

 

B.         La décision du juge de la citoyenneté était-elle raisonnable?

[21]           Se fondant sur les éléments de preuve soumis au juge de la citoyenneté, le demandeur soutient que la décision d’attribuer la citoyenneté était manifestement déraisonnable. Le demandeur signale qu’il manquait au défendeur 434 jours pour satisfaire aux exigences prescrites en ce qui concerne la période de résidence requise. De plus, la forme que revêtaient ses absences du Canada révèle qu’il s’absentait chaque fois pour de longs mois et que sa vie était partagée entre le Canada et l’Inde et qu’il a passé plus de temps en Inde (Sleiman c. Canada (MCI), 2007 CF 230, [2007] A.C.F. no 296 (QL)). Le défendeur ajoute que le simple fait que le défendeur avait des proches qui vivaient au Canada ne permet pas de conclure qu’il rentrait « chez lui » chaque fois qu’il revenait de ses longs voyages à l’étranger. Le demandeur soutient que les documents relatifs à l’immeuble dont le défendeur était propriétaire au Canada sont uniquement des « éléments de preuve passifs » et que le simple fait d’être propriétaire ne constitue pas une preuve suffisante de résidence au sens de la Loi (Paez c. Canada (MCI), 2008 CF 204, [2008] A.C.F. no 292 (QL)). L’immeuble est enregistré au nom de trois copropriétaires, dont le défendeur. En conclusion, le demandeur fait valoir que le juge de la citoyenneté ne disposait d’aucun élément de preuve fiable et digne de foi sur lequel il aurait pu fonder sa conclusion.

 

[22]           Le demandeur ajoute que la décision est déraisonnable parce que le juge de la citoyenneté n’a pas expressément tenu compte des fausses déclarations faites par le défendeur au sujet du nombre de jours où il a été absent du Canada. Le demandeur rappelle que la Loi précise bien qu’aucune fausse déclaration ne doit être tolérée et que commet une infraction quiconque donne de fausses indications sur un fait quelconque. Le juge de la citoyenneté n’a pas évalué la crédibilité du défendeur malgré la fausse déclaration faite par ce dernier.

 

[23]           Dans le cas qui nous occupe, la fausse déclaration concerne le nombre de jours que le défendeur a passés à l’extérieur du Canada au cours des quatre années précédant sa demande. Il semble que le défendeur ait d’abord déclaré qu’il n’avait été absent du Canada qu’une seule fois, pour une période de 330 jours. Il a ensuite affirmé qu’il s’était en fait absenté du Canada à plusieurs reprises, pour un total de 621 jours. En réalité, les timbres apposés dans le passeport du défendeur indiquent qu’il a en fait été absent en tout et partout 799 jours. Il n’a pas produit de preuve documentaire pour démontrer la qualité de ses attaches avec le Canada, malgré la demande qui lui en a été faite.

 

[24]           J’estime qu’il convient en premier lieu de signaler que le juge de la citoyenneté a accepté que le défendeur avait été absent du Canada pour un total de 799 jours au cours des quatre ans précédant sa demande. Il ne s’agit donc pas d’un cas où l’auteur de la décision s’est fié à une fausse déclaration pour attribuer la citoyenneté. Toutefois, après avoir examiné l’ensemble de la preuve versée au dossier certifié du Tribunal de même que la décision et les motifs du juge de la citoyenneté, je suis d’avis que le défaut du juge de la citoyenneté de tenir compte des agissements du défendeur, qui a donné aux autorités de fausses indications au sujet des faits, permet de douter du caractère raisonnable de la décision.

 

[25]           L’article 29 de la Loi dispose :

Définition de « certificat »

 

29. (1) Au présent article, « certificat » s’entend du certificat de citoyenneté, de celui de naturalisation ou de celui de répudiation.

 

Infractions et peines

 

(2) Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de mille dollars et un emprisonnement maximal d’un an, ou l’une de ces peines, quiconque :

 

a) dans le cadre de la présente loi, fait une fausse déclaration, commet une fraude ou dissimule intentionnellement des faits essentiels;

 

b) obtient ou utilise le certificat d’une autre personne en vue de se faire passer pour elle;

 

c) permet sciemment que son certificat soit utilisé par une autre personne pour se faire passer pour lui;

 

d) fait le trafic de certificats ou en a en sa possession à cette intention.

 

Idem

 

(3) Commet une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende maximale de cinq mille dollars et un emprisonnement maximal de trois ans, ou l’une de ces peines, quiconque :

 

a) sans autorisation légale, délivre ou modifie un certificat;

 

b) contrefait un certificat;

 

c) sachant qu’il a été illégalement délivré ou modifié ou qu’il a été contrefait, se sert d’un certificat, en permet l’utilisation ou incite ou tente d’inciter une autre personne à s’en servir ou à en permettre l’utilisation.

 

Idem

 

(4) Quiconque contrevient à une disposition de la présente loi ou de ses règlements pour la violation de laquelle aucune peine n’est prévue commet une infraction punissable par procédure sommaire.

Definition of “certificate”

 

29. (1) For the purposes of this section, "certificate" means a certificate of citizenship, a certificate of naturalization or a certificate of renunciation.

 

Offences and punishment

 

(2) A person who

(a) for any of the purposes of this Act makes any false representation, commits fraud or knowingly conceals any material circumstances,

 

(b) obtains or uses a certificate of another person in order to personate that other person,

 

(c) knowingly permits his certificate to be used by another person to personate himself, or

 

(d) traffics in certificates or has in his possession any certificate for the purpose of trafficking,

 

is guilty of an offence and liable on summary conviction to a fine not exceeding one thousand dollars or to imprisonment for a term not exceeding one year or to both.

 

Idem

 

(3) A person who

(a) without lawful authority issues or alters a certificate,

 

(b) counterfeits a certificate, or

 

(c) uses, acts on or causes or attempts to cause any person to use or act on a certificate, knowing it to have been unlawfully issued or altered or to have been counterfeited,

 

is guilty of an indictable offence and liable to a fine not exceeding five thousand dollars or to imprisonment for a term not exceeding three years or to both.

 

 

 

Idem

 

(4) A person who contravenes any provision of this Act or the regulations for the contravention of which no fine or imprisonment is provided in this Act is guilty of an offence punishable on summary conviction.

 

[26]           Je suis d’accord avec le demandeur pour dire que le législateur a clairement exprimé dans la Loi sa ferme volonté de décourager les fausses déclarations. Obtenir la citoyenneté canadienne est un privilège. Celui qui revendique ce privilège doit dire la vérité. Qui plus est, le fait que celui qui demande la citoyenneté a fait de fausses déclarations permet de douter de sa crédibilité, ce qui est susceptible d’avoir des incidences sur la valeur à accorder aux éléments de preuve qu’il présente à l’appui de sa demande. Comme il ne pouvait compter que sur le témoignage du défendeur et que sur sa preuve écrite et vu l’insuffisance de la preuve documentaire, le juge de la citoyenneté a commis une erreur en ne discutant pas de ce facteur. Le fait que le juge de la citoyenneté n’a pas expliqué les incidences des fausses déclarations du défendeur sur sa décision rend celle-ci déraisonnable. Le juge de la citoyenneté n’a pas non plus évalué la crédibilité du défendeur en tenant spécialement compte des fausses déclarations faites par ce dernier. Sa décision est déraisonnable.

 


ORDONNANCE

 

LECTURE FAITE des pièces versées au dossier et APRÈS AUDITION des observations des avocats des deux parties à Toronto le 10 juin 2008;

 

LA COUR ACCUEILLE l’appel, ANNULE la décision du juge de la citoyenneté et RENVOIE l’affaire pour qu’elle soit jugée par un autre juge de la citoyenneté. Il n’y a pas d’adjudication des dépens.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                          T-243-08

 

INTITULÉ :                                                         MCI

                                                                              c.

                                                                              PAVITTAR SINGH DHALIWAL

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 Le 10 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                LE JUGE SUPPLÉANT FRENETTE

 

DATE DES MOTIFS :                                        Le 23 juin 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rhonda Marquis

 

POUR LE DEMANDEUR

Personne n’a comparu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

Pour son propre compte

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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