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Date : 20080623

Dossier : T-1244-05

Référence : 2008 CF 776

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 23 juin 2008

En présence de monsieur le protonotaire Richard Morneau

 

ENTRE :

ADIDAS AG,

ADIDAS INTERNATIONAL MARKETING BV et

ADIDAS CANADA LIMITED

demanderesses

et

 

2690942 CANADA INC. faisant affaire sous le nom de CAMPEA

défenderesse

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               Chacune des parties a saisi la Cour d’une requête visant à trancher des questions découlant d’un interrogatoire préalable de chacune des parties.

[2]               Ces requêtes se situent dans un contexte où les demanderesses (collectivement « Adidas ») ont intenté une poursuite concernant la présumée contrefaçon par la défenderesse (ci-après appelée « Campea ») de la marque de commerce aux trois bandes d’Adidas et du droit d’auteur d’Adidas quant au logo de l’Euro 2004.

[3]               Plus précisément, Adidas allègue que la vente par Campea de maillots de soccer portant deux et trois bandes sur les épaules et les manches constituent une contrefaçon des marques de commerce d’Adidas et que la vente par Campea de ses ballons de soccer LT Striker portant le dessin connu comme étant le logo de l’Euro 2004 constituent une commercialisation trompeuse, une violation de droit d’auteur et une dépréciation de la valeur de l’achalandage rattachée aux marques de commerce d’Adidas.

[4]               Dans sa défense modifiée datée du 1er mars 2007, Campea soutient notamment qu’elle ne vend plus les maillots de soccer portant les trois bandes parallèles et que ses maillots de soccer portant deux bandes parallèles ne constituent pas une contrefaçon des marques de commerce d’Adidas. Campea affirme également qu’à la suite de la réception d’une mise en demeure par Adidas, elle a modifié les caractéristiques graphiques qui apparaissent sur ses ballons de soccer, afin que les caractéristiques en question ne constituent plus une contrefaçon.

[5]               Avant le début de l’interrogatoire du représentant de Campea, M. Mendy Dalfen, les parties avaient convenu de séparer la question du montant des dommages de la présente action, mais en menant quand même l’interrogatoire portant sur le montant des dommages attribuables à la vente de maillots de soccer portant les trois bandes par Campea. Une ordonnance en ce sens a été prise le 18 juin 2008.

Questions attendant des réponses et documents à produire dans le cadre d’un interrogatoire préalable : principes généraux applicables

[6]               Dans Reading & Bates Construction Co. and al v. Baker Energy Resources Corp. and al (1988) 24 C.P.R. (3d) 66, aux pages 70 à 72 (C.F. 1re inst.), le juge McNair, dans un exposé général en six points, commence par définir dans les points 1 à 3 des paramètres permettant de juger si une question ou un document est pertinent dans un cas donné, puis expose dans les points 4 à 6 une série de circonstances ou d’exceptions autorisant, à tout hasard, en définitive à ne pas répondre à une question ou à ne pas produire un document demandé. La Cour s’exprime comme suit aux pages 70 à 72 :

[traduction]
1.         En ce qui concerne les documents qui doivent être produits, le critère est simplement celui de la pertinence. Le critère de la pertinence ne peut donner lieu à l’exercice du pouvoir discrétionnaire. C’est par l’application de la loi et non dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire que l’on détermine quels documents les parties ont le droit de consulter. La question de savoir quel document se rapporte vraiment aux questions en litige est tranchée selon le principe suivant : il doit s’agir d’un document dont on peut raisonnablement supposer qu’il contient des renseignements qui peuvent permettre directement ou indirectement à la partie qui en demande la production de faire valoir ses propres arguments ou de réfuter ceux de son adversaire, ou qui sont susceptibles de le lancer dans une enquête qui pourra produire l’un ou l’autre de ces effets : Trigg v. MI Movers International (1987), 13 C.P.C. (2d) 150 (Ont. H.C.); Canex Placer Ltd. v. A.-G. B.C. (1976) 63 D.L.R. (3d) 282 (B.C.S.C.); et Compagnie Financiere et Commerciale du Pacifique v. Peruvian Guano Co. (1882), 11 Q.B.D. 55 (C.A.).

2.         À un interrogatoire préalable qui a lieu avant le début d’un renvoi qui a été ordonné, la partie qui est interrogée n’est tenue de répondre qu’aux questions qui ont rapport aux questions visées par le renvoi. Inversement, le témoin n’est pas tenu de répondre aux questions relatives aux renseignements qui ont déjà été produits ni aux questions qui sont trop générales ou sollicitent un avis, ou qui ne font pas l’objet du renvoi; Algonquin Mercantile Corp. v. Dart Industries Ltd. (1984), 82 C.P.R. (2d) 36 (C.F. 1re inst.), confirmé par (1984), 1 C.P.R. (3d) 242 (C.F. 1re inst.).

3.         L’à-propos de toute question posée à l’interrogatoire préalable doit être déterminé en fonction de sa pertinence par rapport aux faits allégués dans la déclaration qui sont censés constituer la cause d’action [...].

4.         Le tribunal ne devrait pas obliger la partie interrogée à répondre aux questions qui bien qu’elles puissent être tenues pour pertinentes, ne sont pas du tout susceptibles de bénéficier de quelque manière que ce soit à la cause de la partie qui procède à l’interrogatoire : Canex Placer Ltd. v. A.-G. B.C., précité; et Smith, Kline & French Laboratories Ltd. v. A.-G. Can. (1982), 67 C.P.R. (2d) 103 (C.F. 1re inst.), à la page 108.

5.         Avant d’obliger une personne à répondre à une question à un interrogatoire préalable, le tribunal doit apprécier la probabilité de l’utilité de la réponse pour la partie qui demande les renseignements en comparaison du temps, du mal et des frais que nécessite son obtention, ainsi que de la difficulté que comporte son obtention. Lorsque, d’une part, la valeur probante et l’utilité de la réponse pour la partie qui procède à l’interrogatoire semblent tout au plus minimales, et lorsque, d’autre part, la partie interrogée devrait surmonter d’énormes difficultés et consacrer beaucoup de temps et d’effort à la recherche de la réponse, le tribunal ne devrait pas l’obliger à répondre. Il faut se demander ce qui est raisonnable et juste dans les circonstances : Smith, Kline & French Ltd. v. A.-G. Can., précité, sous la plume du juge Addy, à la page 109.

6.         À l’interrogatoire préalable, la portée des questions doit être restreinte aux allégations de fait non admis dans une plaidoirie et il faut décourager les recherches à l’aveuglette faites au moyen de questions vagues, d’une grande portée ou non pertinentes : Carnation Foods Co. Ltd. v. Amfac Foods Inc. (1982), 63 C.P.R. (2d) 203 (C.A.F.); et Beloit Ltee/Ltd. v. Valmet Oy (1981), 60 C.P.R. (2d) 145 (C.F. 1re inst.).

[Non souligné dans l’original.]

[7]               De plus, à mon avis, la liste d’exceptions aux points 2 et 4 à 6 de l’arrêt Reading & Bates ne se veut pas strictement exhaustive.

[8]               Cela étant dit, j’évaluerai à présent le bien-fondé des questions posées et des documents exigés en tenant compte de ce principe. Je me pencherai uniquement sur les questions aux présentes qui n’étaient toujours pas réglées à la fin de l’audience et qui n’étaient pas, en conséquence, des questions qui avaient été retirées ou auxquelles on a répondu de plein gré.

[9]               De plus, à moins que je n’émette un commentaire précis, on doit supposer que la confiance quant à une question donnée dépend de la position exprimée par la partie qui appuie le résultat en question.

[10]           Je me pencherai tout d’abord sur la requête d’Adidas, puis sur celle de Campea.

I -        Requêtes des demanderesses Adidas

[11]           La seule question en suspens, en ce qui concerne la requête d’Adidas, porte sur l’article no 4, qui traite de la demande d’Adidas en vue d’obtenir de Campea des copies de ses factures se rapportant à ses ventes de maillots de soccer portant deux bandes.

[12]           Comme l’indique Campea dans ses observations écrites, Adidas a déjà vu et pris connaissance de ce qui suit :

a)                  des exemples des maillots de soccer portant les deux bandes parallèles achetés par Campea;

b)                  le nombre de maillots de soccer que Campea a achetés;

c)                  le prix d’achat des maillots de soccer;

d)                  pour la plupart de ces maillots de soccer, le nombre de maillots vendus et les stocks en main le 15 mars 2007;

e)                  une copie du catalogue d’articles de soccer de Campea pour 2007.

[13]           Toutefois, et même si la Cour a émis une ordonnance de disjonction le 18 juin 2008, je conviens avec Adidas que les factures de Campea portant sur ses ventes de maillots de soccer portant deux bandes parallèles constituent des renseignements pertinents à cette étape, puisque la valeur monétaire attribuée par Campea à ses produits est pertinente lorsqu’il s’agit pour Adidas de maintenir sa bonne réputation. En fait, plus la valeur monétaire est élevée, plus grand est le soutien que cela peut apporter à la réputation d’Adidas. De plus, une lecture juste et complète des extraits de la transcription auxquels Campea a renvoyé la Cour lors de l’audience permet de comprendre que, lors de l’interrogatoire du représentant de la défenderesse, l’avocat d’Adidas n’a pas accepté de limiter le droit de sa cliente relativement à ces données sur les ventes.

[14]           La requête d’Adidas est par conséquent accordée et les dépens suivront l’issue de la cause. Le représentant de Campea, Mendy Dalfen, répondra par écrit au point 4 dans les quinze (15) jours suivant la date de l’ordonnance et se présentera à nouveau, dans les 30 jours suivants, pour poursuivre l’interrogatoire préalable, aux frais de Campea, et répondre à toutes les questions appropriées découlant du point 4 et des réponses et des documents fournis par Campea depuis le 15 février 2007.

II -       Requête de la défenderesse Campea

[15]           Au total, huit (8) annexes de questions sont toujours en litige.

Annexe A

[16]           Cette annexe renferme des questions mises en délibéré lors de l’interrogatoire par Adidas. Sur les dix (10) questions qui y figurent, deux, soit les questions 7 et 8, étaient toujours en litige au moment de l’audience.

[17]           Comme il a été convenu à l’audience, des réponses satisfaisantes aux questions 7 et 8 permettront à Adidas d’en venir à des ententes à leur sujet, pourvu qu’on puisse les trouver.

Annexe B

[18]           Cette annexe porte sur les ententes de commandite. Comme Adidas a répondu à des questions semblables dans le passé, elle répondra aux questions 2 à 5. Je crois que ces questions sont appropriées et pertinentes et qu’elles ont pour objet de mieux cerner les problèmes. Je ne crois pas que l’on puisse les considérer comme des questions visées par un privilège ou comme des questions servant simplement à la production d’éléments de preuve.

Annexe C

[19]           Cette annexe porte sur les procédures intentées par Adidas au Canada ou sur les jugements qui ont été rendus à l’étranger concernant l’utilisation par un tiers d’une marque de commerce constituée de deux (2) bandes parallèles sur des articles de sport.

[20]           La Cour note les motifs d’opposition soulevés par Adidas voulant que les allégations de contrefaçon des deux bandes ne signifient pas que d’autres instances sont pertinentes. Adidas mentionne qu’il n’y a pas d’allégation plaidée voulant qu’Adidas ait été impliquée dans d’autres procédures ou qui font même allusion à une telle possibilité.

[21]           En conséquence, je conviens avec Adidas que les questions de l’annexe C s’apparentent à une recherche à l’aveuglette et qu’elles n’obtiendront donc pas de réponse.

Annexe E

[22]           Cette catégorie couvre les questions se rapportant à la déclaration modifiée d’Adidas.

[23]           En ce qui concerne les motifs invoqués par Adidas au paragraphe 30 de ses observations écrites, on ne répondra pas aux questions 2 et 3.

Annexe F

[24]           Campea estime que l’on n’a pas répondu entièrement aux questions qui forment cette annexe.

[25]           Il n’est pas nécessaire d’approfondir les réponses aux questions 3 et 4. Les éléments additionnels couverts par ces questions ne sont pas en cause en l’espèce. L’utilité du complément d’information qui a été demandé n’a pas été établie.

Annexe G

[26]           Les questions de cette annexe portent sur l’enregistrement du droit d’auteur no 1036707 d’Adidas (le logo de l’Euro 2004) et sur sa présumée contrefaçon.

[27]           Il n’est pas nécessaire d’approfondir la réponse à la question 1, car la réponse se trouve à la page 568 du dossier de requête qu’Adidas a fourni en réponse, et où il est précisé qu’une cession de droit d’auteur à Adidas International Marketing BV a été communiquée à Campea.

Annexe H

[28]           Cette annexe est consacrée aux documents produits par Adidas.

[29]           Les questions 1 et 2 portent sur deux documents inscrits dans l’affidavit de documents d’Adidas et ont pour objet de tenter d’amener Adidas à préciser à quelles allégations dans sa déclaration modifiée lesdits documents se rapportent.

[30]           Ici, je pense que lesdites questions ont pour objet de forcer Adidas à établir ses preuves et, par conséquent, ces questions ne sont pas appropriées et il n’y a pas lieu d’y répondre.

Annexe I

[31]           Les questions de cette annexe se rapportent à la défense modifiée de Campea.

[32]           Compte tenu de l’admission d’Adidas en lien avec le paragraphe 27 de la défense modifiée de nouveau de Campea, du contenu du document no 8 produit par Campea et du fait que Campea ne demande pas à Adidas de préciser le contenu de la présumée conversation téléphonique dont il est question au paragraphe 27 ci-dessus, il faudra répondre aux questions de cette annexe. Je n’estime pas que le contenu ou la formulation ces questions violent le privilège des discussions en vue d’un règlement.

[33]           La requête de Campea accueillie en partie de la manière suivante, sans dépens puisque chaque partie a partiellement obtenu gain de cause.


ORDONNANCE

Par conséquent, en ce qui concerne chaque requête, la Cour ordonne ce qui suit :

1.         La requête d’Adidas est accueillie et les dépens suivront l’issue de la cause. Le représentant de Campea, Mendy Dalfen, répondra par écrit au point 4 dans les quinze (15) jours suivant la date de l’ordonnance et se présentera à nouveau, dans les 30 jours suivants, pour poursuivre l’interrogatoire préalable, aux frais de Campea, et répondre à toutes les questions appropriées découlant du point 4 et des réponses et des documents fournis par Campea depuis le 15 février 2007.

2.         La requête de Campea est quant à elle accueillie en partie de la manière suivante, sans dépens puisque chaque partie a partiellement obtenu gain de cause. La représentante d’Adidas, Mme Vanessa Backman, répondra par écrit, dans les quinze (15) jours qui viennent, aux questions qui exigent une réponse selon les motifs de l’ordonnance et elle se présentera de nouveau, à ses frais, dans les quarante (40) jours suivants, à un nouvel interrogatoire préalable, par vidéoconférence si les parties y consentent, et, sinon, en personne à Montréal, pour répondre à toutes les questions de suivi appropriées découlant des réponses fournies aux questions qui exigeaient une réponse.

3.         En ce qui concerne l’ordonnancement des dernières étapes de la présente action, compte tenu de la discussion qui a eu lieu lors de l’audience du 18 juin 2008, les avocats expérimentés des parties s’entendront sur ce qui constitue un échéancier approprié et raisonnable pour lesdites étapes et transmettront à la Cour, dans un délai de trente (30) jours, un projet d’ordonnance conjoint et concis incluant l’échéancier en question.

 

 

« Richard Morneau »

Protonotaire


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1244-05

 

INTITULÉ :                                       ADIDAS AG,

                                                            ADIDAS INTERNATIONAL MARKETING BV et

                                                            ADIDAS CANADA LIMITED

demanderesses

et

2690942 CANADA INC. faisant affaire sous le nom de CAMPEA

défenderesse

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 18 juin 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 23 juin 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew I. McIntosh

Joshua W. Spicer

 

POUR LES DEMANDERESSES

Richard Uditsky

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

McMillan Binch Mendelsohn LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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