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Date : 20080624

Dossier : IMM-4956-07

Référence : 2008 CF 773

Ottawa (Ontario), le 24 juin 2008

En présence de monsieur le juge suppléant Max M. Teitelbaum

 

ENTRE :

SAHRA SHUKRI ELMI

AMRAN HUSSEIN ADAM

SAID HUSSEIN ADAM

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), sollicitant le contrôle judiciaire, conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), datée du 29 octobre 2007. La Commission a conclu que les demandeurs, Sahra Shukri Elmi (la demanderesse principale) et ses deux enfants, n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni qualité de personnes à protéger suivant les articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[2]               La demanderesse principale, Sahra Shukri Elmi (Mme Elmi), âgée de 28 ans, sa fille de huit ans, Amran Hussein Adam, et son fils de six ans, Said Hussein Adam, prétendent tous être membres de la tribu des Madibans vivant dans le district de Medina en Somalie. Mme Elmi n’a présenté aucune preuve documentaire établissant qu’elle est Somalienne, et elle a allégué ne pas être en mesure d’obtenir une telle preuve. Elle a plutôt tenté de convaincre la Commission qu’elle était véritablement originaire de la Somalie, par l’intermédiaire du témoignage de M. Adan, qui était apparemment son voisin à Medina. Mme Elmi et M. Adan ont tous deux témoigné au sujet de leur quartier et de leurs maisons en Somalie. La Commission s’est fondée sur un certain nombre d’incohérences dans leurs témoignages pour juger qu’ils n’étaient pas crédibles. Par conséquent, comme les demandeurs n’avaient pas été en mesure d’établir leur identité, la Commission a conclu qu’ils n’étaient pas originaires de la Somalie.

 

[3]               Bien qu’elle ait aussi exprimé un certain nombre d’autres réserves très importantes quant à la crédibilité et qu’elle ait jugé que la demanderesse principale n’avait pas établi une véritable crainte subjective de persécution, la Commission a clairement énoncé, à deux reprises, qu’elle rejetait la demande principalement du fait que la demanderesse principale n’avait pas été en mesure d’établir son identité.

 

[4]               La preuve de l’identité du demandeur est d’une importance cruciale pour la demande d’asile et l’omission de prouver l’identité entraîne le rejet de la demande (Najam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 516 (ci-après Najam); Hussein c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1237 (ci-après Hussein)). Lorsque la Commission conclut que le demandeur d’asile n’a pas établi son identité nationale, elle n’a pas à poursuivre son analyse (Najam, précitée). Autrement dit, la Commission n’a pas à évaluer la crainte subjective de persécution et il n’y a clairement aucun fondement lui permettant d’évaluer le risque objectif de persécution. Ainsi, lorsque la Commission commet une erreur dans son analyse relative à l’identité du demandeur et, par conséquent, qu’elle ne procède pas à une évaluation du risque objectif, cette erreur en soi peut constituer un motif suffisant pour justifier le réexamen de la demande d’asile. Selon moi, c’est ce qui s’est produit en l’espèce. Pour les motifs qui suivent, je juge qu’il n’était pas raisonnablement loisible à la Commission sur le plan des faits et du droit de conclure que les demandeurs n’étaient pas originaires de la Somalie et je dois, par conséquent, ordonner que la demande des demandeurs soit renvoyée à un autre commissaire pour qu’il rende une nouvelle décision. Comme l’établissement de l’identité est fondamental dans l’examen approprié d’une demande d’asile, et puisque les motifs de la Commission énoncent clairement que l’identité constituait la question déterminante, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conclusions relatives à la crédibilité tirées par la Commission, conclusions qu’elle pouvait ou non raisonnablement tirer.

 

QUESTION EN LITIGE

[5]                La Commission a-t-elle commis une erreur dans son analyse relative à l’identité des demandeurs?

 

CONTEXTE

[6]               Le 30 décembre 2005, Mme Elmi et ses enfants sont arrivés au Canada en passant par la Syrie et la France. Ils ont immédiatement présenté une demande d’asile. Les trois demandeurs ont allégué être originaires du district de Medina en Somalie et craindre d’être persécutés s’ils retournaient dans ce pays. Dès l’entrée des demandeurs au Canada, le préposé à l’entrevue a remarqué qu’ils n’étaient pas les véritables détenteurs des passeports allemands qu’ils avaient utilisés pour se rendre au Canada.

 

[7]               Au début de l’année 1991, une guerre civile a éclaté en Somalie. Mme Elmi soutient que la guerre a eu des effets considérables et dévastateurs sur sa famille. La traduction de la déclaration écrite donnée par Mme Elmi à l’agent au point d’entrée indique qu’elle craignait d’être attaquée par d’autres tribus en Somalie. Mme Elmi a aussi déclaré que son père était demeuré paralysé après avoir été [traduction] « criblé de balles », que quatre de ses frères avaient été tués et que sa sœur avait été violée. De nombreux membres toujours en vie de la famille de Mme Elmi se sont enfuis en Éthiopie en 2003. Mme Elmi a témoigné qu’elle n’avait pas quitté la Somalie à l’époque, puisqu’elle n’avait pas assez d’argent pour le faire. Elle a attendu qu’un oncle à Dubaï prenne les mesures nécessaires pour qu’elle puisse quitter la Somalie en 2005. Mme Elmi n’a pas parlé à son oncle depuis, et elle ne sait pas comment communiquer avec lui. De même, elle n’a eu aucun contact avec ses parents, elle ne sait pas s’ils sont retournés en Somalie et elle ne sait pas comment communiquer avec eux.

 

[8]               À l’audience, Mme Elmi n’a présenté aucun document confirmant son identité ou sa citoyenneté. Son conseil a clairement indiqué à la Commission que le témoignage de M. Adan, l’ancien voisin de Mme Elmi en Somalie, serait présenté afin de corroborer l’allégation de Mme Elmi selon laquelle elle venait de la Somalie.

 

[9]               Selon M. Adan et Mme Elmi, ils ne s’étaient pas vus depuis 1991. Par hasard, ils se sont revus lorsque M. Adan a reconnu Mme Elmi dans un restaurant à Toronto.

 

[10]           Le témoignage de M. Adan a en grande partie confirmé les faits présentés par Mme Elmi à l’audience : M. Adan et Mme Elmi étaient des voisins à Medina, leur quartier se situait près du marché de Medina et de nombreuses mosquées, la famille de Mme Elmi appartenait à la tribu des Madibans, le père de Mme Elmi était un fabricant de chaussures et sa mère cuisinait pour la famille de M. Adan. M. Adan a été en mesure de se souvenir des parents de Mme Elmi, et celle-ci a été en mesure d’énoncer correctement les noms des frères et sœurs de M. Adan. Il y a seulement trois incohérences apparentes dans leur témoignage, et ces incohérences sont toutes liées à leur description de la maison de Mme Elmi à Medina. À la lumière de ces incohérences, la Commission a conclu que Mme Elmi n’était pas originaire de la Somalie.

 

[11]           Mme Elmi a décrit sa maison à Medina comme étant verte et faite d’argile et de béton, avec un toit plat fait de tôle ondulée. Elle a dit que sa maison était [traduction] « beaucoup plus petite » que celle de M. Adan.

 

[12]           M. Adan a indiqué que Mme Elmi habitait dans une maison bleue, mais il a par la suite affirmé qu’il confondait le bleu et le vert.

 

[13]           M. Adan semble avoir dit que la maison de Mme Elmi était en briques. Cependant, la transcription de l’audience tend à indiquer qu’il y a peut-être eu un problème de traduction, puisque M. Adan a eu de la difficulté à trouver le mot juste pour décrire les matériaux utilisés dans la construction de la maison. Lorsque la Commission l’a ensuite interrogé au sujet de cette incohérence, M. Adan a expliqué que les personnes n’ayant pas les moyens de se payer des briques utilisaient un mélange de briques et d’argile.

 

[14]           Pour ce qui est de la taille de la maison, M. Adan a dit ne pas être certain si sa maison était plus grande que celle de Mme Elmi. Il a affirmé que même si les maisons du quartier avaient été construites par le même entrepreneur, certaines des maisons étaient plus grandes ou plus petites que d’autres.

 

[15]           Mme Elmi et M. Adan ont tous deux témoigné que le toit de la maison de Mme Elmi était fait de tôle ondulée.

  

DÉCISION FAISANT L’OBJET DE CONTRÔLE

[16]           La conclusion du commissaire montre que le rejet de la demande des demandeurs était fondé sur deux motifs, soit l’identité et la crédibilité. En ce qui concerne l’identité, la partie pertinente des motifs de la Commission indique :

Les demandeurs d’asile n’ont pas réussi à prouver qu’ils étaient citoyens de la Somalie. Ils n’ont soumis absolument aucune pièce d’identité authentique. La demandeure d’asile principale a convoqué un témoin du nom de Mohamed Jama Adan (témoin) qui l’a rencontrée par hasard dans un restaurant de Toronto et qui l’a reconnue après 15 ans. La demandeure d’asile a affirmé qu’elle a vu le témoin pour la dernière fois il y a 15 ans quand la guerre a commencé, soit en 1991. Elle avait 12 ans, et lui, 30 ans.

 

Aux termes de l’article 106 de la LIPR, les demandeurs d’asile doivent fournir des papiers d’identité acceptables pour établir leur identité. S’ils ne peuvent se procurer ces documents, ils doivent en justifier la raison. En l’espèce, les demandeurs d’asile n’ont fourni ni papiers d’identité, ni explications. On m’a dit qu’aucun papier d’identité n’est délivré en Somalie. Même si je peux admettre que la Somalie ne délivre peut-être pas de documents officiels, la demandeure d’asile n’a pas fourni de preuve documentaire de sa présence en Somalie pendant 26 ans. Elle n’a pas non plus fourni de preuve à l’appui de la présence des enfants dans ce pays. De plus, aucun élément de preuve documentaire de leur départ de la Somalie et de leur arrivée en Syrie, puis en France, n’a été fourni. Seules des copies de documents frauduleux ont été présentées. C’est pourquoi je ne peux établir l’identité des demandeurs d’asile.

 

 

[17]            À l’audience, le commissaire a clairement indiqué, entre autres, que l’identité était la question principale devant être tranchée. Toutefois, très peu a été dit à la demanderesse principale relativement au manque de preuve documentaire. Le commissaire et le conseil de la demanderesse semblaient s’être entendus sur le fait que l’allégation de Mme Elmi selon laquelle elle était originaire de la Somalie serait corroborée par son témoignage et par celui de M. Adan. Il ressort clairement de l’analyse de ces témoignages que la Commission a jugé que M. Adan et Mme Elmi n’avaient jamais été des voisins en Somalie :

Je constate que le témoignage du témoin et celui de la demandeure d’asile principale ne sont pas cohérents, puisque la demandeure d’asile principale a affirmé que sa maison en Somalie était verte et que le témoin a déclaré qu’elle était bleue. Elle a indiqué que sa maison était faite d’argile et de béton, mais le témoin a déclaré qu’elle était en brique. Selon la demandeure d’asile, sa maison était beaucoup plus petite que celle du voisin. Le témoin, qui aurait été son voisin en Somalie, a indiqué que toutes les maisons du quartier étaient à peu de choses près de la même taille. Même si certaines parties de leur témoignage étaient compatibles, en raison des incohérences notables dans leurs descriptions des environs, je ne suis pas persuadé qu’ils ont été voisins. J’ai d’autres raisons de douter de la crédibilité de la demandeure d’asile principale, ce qui me pousse à conclure que les demandeurs d’asile n’ont pas qualité de réfugié aux termes de la LIPR.

 

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[18]           Les dispositions suivantes de la LIPR sont applicables dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

 

106. La Section de la protection des réfugiés prend en compte, s’agissant de crédibilité, le fait que, n’étant pas muni de papiers d’identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n’a pas pris les mesures voulues pour s’en procurer.

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

 

 

106. The Refugee Protection Division must take into account, with respect to the credibility of a claimant, whether the claimant possesses acceptable documentation establishing identity, and if not, whether they have provided a reasonable explanation for the lack of documentation or have taken reasonable steps to obtain the documentation.

 

 

ANALYSE

 

Norme de contrôle

[19]           Avant l’arrêt récent Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 (ci-après Dunsmuir), rendu par la Cour suprême du Canada, il était bien établi en droit que les conclusions de fait et les conclusions relatives à la crédibilité étaient contrôlables selon ce qui constitue maintenant l’ancienne norme de la décision manifestement déraisonnable (Nyirasuku c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 803, au paragraphe 28, citant la décision Chowdhury c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006), 287 F.T.R. 1, 2006 CF 139, au paragraphe 12; Thavarathinam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1469 (C.A.F.), au paragraphe 10; Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315, [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.), au paragraphe 4).

 

 

[20]           Compte tenu de l’arrêt Dunsmuir, rendu par la Cour suprême du Canada, il est clair que la norme de la décision manifestement déraisonnable a maintenant été abandonnée et que les cours procédant à l’analyse relative à la norme de contrôle doivent désormais se concentrer sur deux normes, soit la décision correcte et la décision raisonnable.

 

[21]           Il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse relative à la crédibilité à laquelle se livre la Commission est au cœur même de son rôle de juge des faits et, par conséquent, que ses conclusions à cet égard devraient faire l’objet d’une grande retenue. Cette retenue favorise l’application de la norme de la décision raisonnable et suppose, comme la Cour suprême l’a déclaré au paragraphe 49 de l’arrêt Dunsmuir, que la cour de révision tiendra « dûment compte des conclusions du décideur » pour en arriver à une conclusion. Par conséquent, la Cour contrôlera la décision de la Commission selon la norme de la décision raisonnable et fera preuve d’une grande retenue à l’égard de ses conclusions de fait et de ses conclusions relatives à la crédibilité. En clair, la présente demande de contrôle judiciaire sera seulement accueillie s’il n’était pas loisible à la Commission de tirer ses conclusions sur le plan des faits et du droit.

 

Conclusion

[22]           La Commission a correctement interprété l’article 106 de la LIPR comme exigeant du demandeur d’asile qu’il fournisse des papiers d’identité acceptables. De plus, la Commission a raisonnablement conclu que la preuve documentaire était insuffisante pour confirmer l’identité nationale des demandeurs. Cependant, la Cour a jugé par le passé que l’article 106 de la LIPR reconnaissait la difficulté de prouver l’identité nationale à l’aide des documents habituels dans le cas des pays tels que la Somalie, qui ont une administration civile instable (Shafi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 1 R.C.F. 129, 2005 CF 714, au paragraphe 27; Hussein, précitée).

 

[23]           Dans les décisions susmentionnées, les agentes d’immigration ont commis une erreur en rejetant la preuve par affidavit présentée en vue de confirmer l’identité nationale des demanderesses. En l’espèce, en admettant le témoignage de M. Adan relativement à l’identité de Mme Elmi, la Commission a implicitement (et à juste titre) pris acte du principe selon lequel les demandeurs d’asile provenant de pays ayant une administration civile instable devraient se voir accorder d’autres moyens de prouver leur identité nationale. La question est alors de savoir si la preuve présentée étaye raisonnablement la décision de la Commission.

 

[24]           Il est bien établi que la Commission a une tâche difficile, mais elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive dans la recherche d’incohérences et ne devrait pas examiner la preuve à la loupe, particulièrement lorsque les personnes témoignent par l’intermédiaire d’un interprète. La Commission tombe souvent dans l’erreur lorsqu’elle recherche avec trop de zèle des contradictions dans le témoignage du demandeur (Attakora c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1989), 99 N.R. 168, [1989] A.C.F. no 444 (C.A.F.)).

 

[25]           Après avoir examiné attentivement le dossier dont disposait la Commission et la transcription de l’audience, et après avoir entendu les plaidoiries, je conclus que le traitement par la Commission de la preuve testimoniale présentée par Mme Elmi et M. Adan dénotait un examen de la preuve à la loupe inacceptable. Autrement dit, à la lumière de la quantité de preuve présentée indiquant que Mme Elmi et M. Adan étaient effectivement des voisins en Somalie et du fait qu’il était possible de soutenir que les incohérences soulignées par la Commission n’étaient pas réellement des incohérences ou que, quoi qu’il en soit, constituaient des incohérences mineures, je conclus qu’il n’était pas loisible à la Commission sur le plan des faits de tirer la conclusion qu’elle a tirée relativement à l’identité nationale des demandeurs.

 

[26]           Peu importe si les autres réserves de la Commission relativement à la crédibilité étaient ou non justifiées, ses motifs indiquent clairement que la question de l’identité a été en grande partie déterminante dans le rejet de la demande des demandeurs. En fait, cette conclusion quant à l’identité, qui, selon moi, a été tirée de façon erronée, a eu une incidence sur le reste de l’analyse de la Commission et l’a également empêchée de procéder à une évaluation du risque objectif. La Commission a donc commis une erreur fondamentale dans sa décision. Par conséquent, je dois accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Commission datée du 29 octobre 2007 est annulée et la demande d’asile est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission pour qu’il rende une nouvelle décision. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4956-07

 

INTITULÉ :                                                   SAHRA SHUKRI ELMI,

                                                                        AMRAN HUSSEIN ADAM,

                                                            SAID HUSSEIN ADAM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 11 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE SUPPLÉANT TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   LE 24 JUIN 2008

                                                                       

 

 

COMPARUTIONS :

 

David P. Yerzy

 

                             POUR LES DEMANDEURS

Gordon Lee

 

                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David P. Yerzy

Avocat

Toronto (Ontario)

 

                             POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

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