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Date : 20080618

Dossiers : T‑139‑06

T‑140‑06

Référence : 2008 CF 760

Ottawa (Ontario), le 18 juin 2008

En présence de monsieur le juge Russell

 

T‑139‑06

 

ENTRE :

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

demanderesse

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

défenderesse

 

ET ENTRE :

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

demanderesse reconventionnelle

 

et

 

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC. et

CATCH CURVE INC.

défenderesses reconventionnelles

 

T‑140‑06

ENTRE :

 

CATCH CURVE INC.

demanderesse

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

défenderesse

 

ET ENTRE :

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

            demanderesse reconventionnelle

et

 

CATCH CURVE INC. et

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS, INC.

 

défenderesses reconventionnelles

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE CONTEXTE

 

[1]               Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de deux ordonnances rendues par madame la protonotaire Tabib en date du 4 juillet 2007.

 

[2]               Le 4 juillet 2007, la protonotaire Tabib a rendu deux ordonnances portant sur les refus des témoins de toutes les parties de répondre aux questions d’un interrogatoire préalable. Dans la présente requête, Protus IP Solutions Inc. (Protus) fait appel des deux ordonnances.

 

[3]               J2 Global Communications Inc. (J2) et Catch Curve Inc. (Catch Curve) sont des sociétés liées (collectivement appelées les demanderesses) détenant des brevets canadiens auxquels, affirment‑elles, il a été porté atteinte à cause des services de télécopie par Internet offerts par Protus, et appelés MYFAX et VIRTUALFAX. Dans le dossier T‑139‑06, J2 allègue la contrefaçon du brevet no 2,232,397 (le brevet 397) et, dans le dossier T‑140‑06, Catch Curve allègue la contrefaçon du brevet no 2,101,327 (le brevet 327) et du brevet no 1,329,852 (le brevet 852).

 

[4]               Protus a déposé une demande reconventionnelle dans l’action sous‑jacente, affirmant notamment que les trois brevets en cause sont invalides, notamment pour cause d’antériorité, d’évidence et de portée excessive. Protus dit aussi que J2 et/ou Catch Curve ont agi de concert et/ou au nom l’une de l’autre et ont fait des déclarations fausses ou trompeuses, en violation de l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce et de l’article 52 de la Loi sur la concurrence.

 

[5]               Les deux instances n’ont pas été jointes, mais elles sont gérées ensemble. Une ordonnance de disjonction a été rendue dans les deux instances le 23 novembre 2006, de telle sorte que les questions concernant l’étendue d’une éventuelle contrefaçon, le quantum des dommages‑intérêts ou la répartition des bénéfices seront tranchées séparément après qu’il aura été statué au fond sur les actions en contrefaçon et sur les demandes reconventionnelles.

 

[6]               Il peut être fait appel de l’ordonnance d’un protonotaire par requête adressée à un juge de la Cour fédérale, conformément à l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106. Les Règles ne précisent pas la norme de contrôle applicable à tels appels, mais les principes devant être considérés dans un appel sont bien établis. Les ordonnances discrétionnaires, par exemple la décision d’autoriser ou de ne pas autoriser une question dans un interrogatoire préalable, ne peuvent être réexaminées de novo dans un appel que si les questions soulevées sont essentielles pour la décision finale au fond ou si l’ordonnance est entachée d’une erreur flagrante, en ce sens qu’elle repose sur un mauvais principe ou sur une mauvaise appréciation des faits : arrêt Z.I. Pompey Industries c. ECU‑Line N.V., 2003 CSC 27, [2003] 1 R.C.S. 450.

 

[7]               Au cours des interrogatoires préalables qui se sont déroulés dans la présente affaire, les parties ont toutes refusé de répondre aux questions ou bien ont différé leurs réponses. Des requêtes ont été déposées devant la protonotaire Tabib pour que des réponses soient données à certaines de ces questions et pour que des pièces soient produites. Dans les ordonnances dont appel est ici interjeté, la protonotaire Tabib a exposé sa conclusion sur chacune des questions ou demandes de production de documents. Certaines de ces conclusions sont ici contestées par Protus.

 

[8]               Protus dit que la protonotaire Tabib a manifestement commis une erreur en l’obligeant à répondre aux questions énumérées dans les annexes A1 et A2 de ses documents qui concernent la première ordonnance et en n’obligeant pas les demanderesses à répondre aux questions énumérées dans les annexes B1, B et C de ses documents qui concernent la deuxième ordonnance. Les demanderesses rétorquent que la protonotaire Tabib a été consciencieuse et impartiale et que Protus n’a pas montré que ses ordonnances soulevaient des questions essentielles pour la décision finale au fond ou qu’elles étaient fondées sur un principe de droit erroné ou sur une mauvaise appréciation des faits. Il n’y a qu’un seul aspect où Protus dit que la question soulevée est essentielle pour la décision finale au fond et j’ai mentionné l’aspect en question dans mes propres motifs. Par ailleurs, Protus dit que la protonotaire a commis une erreur flagrante sur les points soulevés, parce qu’elle a exercé son pouvoir discrétionnaire en se fondant sur un principe erroné ou sur une mauvaise appréciation des faits.

 

[9]               Les demanderesses disent aussi que Protus tente maintenant d’établir la pertinence de certaines questions en les classant différemment et en soulevant des arguments qui n’ont pas été soulevés devant la protonotaire Tabib, ce que Protus ne devrait pas être autorisée à faire.

LE DROIT

 

[10]           Le juge Strayer, alors juge de la Cour d’appel fédérale, a donné les indications suivantes pour l’appréciation d’une requête visant à contraindre un témoin à répondre aux questions d’un interrogatoire préalable :

[…] La jurisprudence de la Cour sur la portée de l’interrogatoire préalable est bien établie. On en trouve un résumé pratique dans la décision Reading & Bates Construction Co. et al c. Baker Energy Resources Corp. et al, (1988) 24 C.P.R. (3rd) 66 aux pages 70 à 72 (C.F. 1re inst.). La première considération est incontestablement la pertinence. Cependant, si un protonotaire ou un juge estime qu’une question est pertinente, il peut néanmoins refuser d’ordonner d’y répondre si la réponse n’est d’aucun secours à la position juridique de la partie qui interroge, s’il faudrait beaucoup de temps, d’efforts et de dépenses pour obtenir une réponse vraisemblablement de peu de valeur ou encore si la question fait partie d’une « recherche à l’aveuglette » de portée vague et étendue.

 

Merck & Co. c. Apotex Inc., 2003 CAF 438, [2003] A.C.F. n° 1725, au paragraphe 10.

 

 

LES MOTIFS

 

[11]           Par souci de clarté, j’examinerai les questions en litige pendantes de la manière dont l’avocat de Protus me les a présentées dans les pièces écrites de Protus. J’ai soigneusement examiné à la fois les arguments écrits et les arguments oraux sur chaque point soulevé, ainsi que les précédents portés à mon attention. Mes conclusions sont les suivantes :

 

 

LA PREMIÈRE ORDONNANCE

 

            Annexe A1

 

 

[12]           Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la protonotaire sur les questions 220 et 221. Le point de savoir si Protus perd ou non de l’argent sur MyFax ou sur VirtualFax est un fait connu de Protus. En ordonnant qu’il soit répondu à la question, la protonotaire n’a pas commis une erreur flagrante par application d’un mauvais principe ou par mauvaise appréciation des faits.

 

Annexe A2

 

[13]           Je ne vois aucune raison de modifier la conclusion de la protonotaire sur les questions 941 et 942. Il est écrit dans la déclaration que le système de Protus porte atteinte aux revendications 1 à 92 du brevet 397. Il n’est pas demandé au témoin de Protus de se livrer à des conjectures. La protonotaire a fait porter son attention sur le niveau des obligations à accomplir. Il n’est pas établi qu’elle a commis une erreur flagrante. Elle ne récrit pas la question d’une manière qui outrepasse son pouvoir discrétionnaire.

 

LA DEUXIÈME ORDONNANCE

 

Annexe B1, catégorie 2.1, et annexe C, catégorie 3.3.5. – Produits et services offerts par les demanderesses, leurs prédécesseurs ou leurs prédécesseurs en droit

 

[14]           La conclusion de la protonotaire selon laquelle l’élément 29(3) n’est pas pertinent est, à mon avis, manifestement erronée selon la définition de la pertinence qui est donnée dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada, 2005 CAF 217, 337 N.R. 225. La question intéresse le succès commercial et l’invalidité, et il devrait y être répondu, étant donné l’absence d’un fardeau excessif ou de l’un quelconque des autres facteurs mentionnés dans la décision Reading and Bates.

 

[15]           La conclusion de la protonotaire sur l’élément 29(7) n’est pas manifestement erronée. Des recettes brutes ne donnent pas nécessairement le portrait tout entier, et les autres renseignements demandés présentent peut‑être quelque pertinence, mais la protonotaire est fondée à mettre en balance, d’une part, l’utilité d’une réponse et, d’autre part, les inconvénients et frais à supporter pour l’obtenir, sans oublier les autres facteurs mentionnés dans la décision Reading and Bates.

 

[16]           S’agissant de l’élément 29(9), il m’est impossible de dire que la décision de la protonotaire est manifestement erronée, compte tenu de sa conclusion générale selon laquelle le caractère onéreux des questions l’emporte sur leur possible pertinence.

 

[17]           Encore une fois, s’agissant de l’élément 29(12), même si les renseignements entrent sans doute dans la définition de la pertinence, donnée dans l’arrêt Apotex, il m’est impossible de dire que la conclusion de la protonotaire est manifestement erronée au regard de sa conclusion générale sur la nature onéreuse de la question.

 

[18]           La conclusion de la protonotaire à propos des éléments 33 et 34 n’est pas manifestement erronée, sauf dans la mesure où ils se rapportent à l’élément 29(3).

 

[19]           Quant aux conclusions de la protonotaire relatives aux éléments 52 et 53 de l’annexe C, qui suivent les décisions relatives à l’élément 33 de l’annexe A, elles ne sont pas manifestement erronées, selon moi, sauf dans la mesure où elles se rapportent à l’élément 29(3) de l’annexe B1.

 

[20]           S’agissant de tous les autres éléments énumérés dans cette catégorie, la conclusion de la protonotaire n’est pas manifestement erronée et doit être maintenue, sous réserve de l’ajustement requis pour tenir compte du réexamen que fait la Cour de l’élément 29(3).

 

Annexe B1, catégorie 2.2 – Dirigeants et administrateurs de J2, prédécesseurs de J2 et sociétés liées

 

[21]           Il m’est impossible de dire que les conclusions de la protonotaire relatives aux questions de cette catégorie sont manifestement erronées, puisqu’elle a le pouvoir discrétionnaire de considérer et d’apprécier la pertinence en tenant compte des autres facteurs cités dans la décision Reading and Bates.

 

Annexe B1, catégorie 3.1 – Qualité d’inventeur

 

[22]           S’agissant de l’élément 49 de cette catégorie, je crois que la protonotaire a commis une erreur flagrante en disant que les demanderesses n’ont pas l’obligation de s’informer auprès de l’inventeur [traduction] « compte tenu du droit de Protus d’interroger l’inventeur ». Dans la décision Eli Lilly & Co. c. Apotex Inc., [2000] A.C.F. n° 154 (C.F. 1re inst.), au paragraphe 5, le juge Hugessen énonçait le principe général selon lequel « lorsqu’il est raisonnablement possible de s’attendre, à cause de la relation qui existe entre une partie et un tiers, à ce qu’une demande de renseignements soit honorée, il convient d’exiger que cette partie fasse pareille demande ». En l’espèce, Protus m’a persuadé qu’il existe une relation entre les demanderesses et l’inventeur et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que la demande soit honorée. Partant, les demanderesses devraient faire l’enquête demandée dans l’élément 49.

 

Annexe B1, catégorie 3.2.1. – Cession de M. Bobo à Net Office Solutions, LLC

 

[23]           Il m’est impossible de dire que les conclusions de la protonotaire concernant les éléments 54 et 55 sont manifestement erronées. Partant, elles ne devraient pas être modifiées.

 

Annexe B1, catégorie 3.2.2. – Cession de Net Office Solutions à Toast and Jam Inc.

 

[24]           Il me semble que la conclusion de la protonotaire concernant les éléments 57 et 58 pour cause de non‑pertinence est manifestement erronée. Les éléments 57 et 58 se rapportent à des faits et documents concernant l’intégralité de l’opération de cession et intéressent les questions de propriété soulevées dans la défense et dans la demande reconventionnelle. Partant, si l’on considère l’affaire de novo, les demanderesses devraient répondre aux éléments 57 et 58 et y donner suite parce qu’il m’est impossible de dire que d’autres facteurs l’emportent ici sur la pertinence.

 

[25]           S’agissant de l’élément 62, vu le large pouvoir discrétionnaire de la protonotaire selon les principes énoncés dans la décision Reading and Bates, il m’est impossible de dire qu’elle a commis une erreur flagrante. Partant, sa conclusion concernant l’élément 62 devrait être maintenue.

Annexe B1, catégorie 3.3, et annexe C, catégorie 3.3.6. – Activités de prédécesseurs en droit

 

[26]           Encore une fois, vu le large pouvoir discrétionnaire de la protonotaire selon les principes exposés dans la décision Reading and Bates, il m’est impossible de dire qu’elle a commis une erreur flagrante dans ses conclusions portant sur ces catégories. Partant, elles devraient être maintenues.

 

Annexe B1, catégorie 4 – Systèmes de tiers

 

[27]           Encore une fois, cette catégorie fait intervenir un exercice du large pouvoir discrétionnaire de la protonotaire, selon les principes exposés dans la décision Reading and Bates, et il m’est impossible de dire qu’elle a commis une erreur flagrante.

 

Annexe B1, catégorie 5.2 – Licence des brevets en cause

 

[28]           Dans sa conclusion portant sur les éléments de cette catégorie, la protonotaire dit clairement qu’elle a soigneusement mis en balance, d’une part, les questions de pertinence et, d’autre part, [traduction] « la nature vaste et onéreuse de la demande ». Partant, il m’est impossible de dire qu’elle a commis une erreur flagrante dans la manière dont elle a exercé son pouvoir discrétionnaire selon les principes établis.

 

Annexe B1, catégorie 6 – Moyens de faire respecter les brevets en cause

 

[29]           La conclusion de la protonotaire concernant les éléments 94 à 105 de cette catégorie, une conclusion fondée sur la non‑pertinence, me semble manifestement erronée compte tenu de la définition de la pertinence donnée dans l’arrêt Apotex. Je suis d’accord avec Protus que des réponses à ces questions pourraient fort bien conduire à des faits et documents intéressant les questions d’invalidité, ainsi que les déclarations fausses ou trompeuses alléguées dans la demande reconventionnelle. Si l’on considère l’affaire de novo, le facteur principal est le caractère onéreux de la demande de renseignements et le genre de mise en balance mentionné dans la décision Reading and Bates. Les demanderesses ne laissent pas vraiment entendre qu’il serait indûment onéreux pour elles de répondre aux questions et de produire les documents. Partant, dans la mesure où la protonotaire ne l’a pas déjà ordonné, les demanderesses devraient donner les réponses et produire les documents dont il est question dans les éléments 94 à 105.

 

Annexe B1, catégorie 7, et annexe C – Historique des poursuites

 

[30]           S’agissant des éléments 108 à 116 de cette catégorie, la question n’est pas la pertinence. Il me semble, et cela est confirmé par les précédents cités par Protus, notamment Foresco Trading A.G. v. Canadian Ferro Hot Metal Specialties Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 35, et Heffco Inc. v. Dreco Energy Services Ltd. (1995), 62 C.P.R. (3d) 81, que les renseignements et documents demandés intéressent clairement les questions de validité. Les conclusions de la protonotaire sont que les demandes (sauf quelques exceptions) sont [traduction] « de portée excessive ». La divulgation de dossiers entiers a été ordonnée dans d’autres cas, mais cela n’enlève pas à la protonotaire son pouvoir discrétionnaire de décider, dans chaque cas, si la production de documents est trop onéreuse ou autrement inopportune selon les critères de la décision Reading and Bates. Dans la présente affaire, il m’est impossible de dire que la protonotaire a commis une erreur flagrante en affirmant que ce qui était demandé était [traduction] « de portée excessive », compte tenu de la connaissance qu’elle avait de ce différend. Partant, je ne suis pas disposé à modifier ses conclusions portant sur cette catégorie de questions.

 

Catégorie 8.1 des annexes B1 et C – La relation entre J2 et Catch Curve

 

[31]           Dans cette catégorie, les conclusions de la protonotaire semblent être motivées dans une certaine mesure par son opinion selon laquelle l’allégation contenue dans les actes de procédure est que [traduction] « les demanderesses ont agi de concert, non qu’elles ont agi sous le contrôle d’une autre entité ou en tant qu’alter ego d’une autre entité », de telle sorte que [traduction] « la propriété et le contrôle ne prouvent pas ni ne démentent une action concertée et sont donc hors de propos ». Le paragraphe 33 de la demande reconventionnelle précise que les demanderesses [traduction] « ont agi de concert et/ou au nom l’une de l’autre », et je crois que la protonotaire adopte une vue trop étroite de la pertinence, compte tenu de l’arrêt Apotex, et qu’elle commet une erreur flagrante sur ce point. Selon moi, la relation entre les demanderesses intéresse les points soulevés dans les actes de procédure et, si l’on considère cette catégorie de novo et à la lumière des facteurs de la décision Reading and Bates, les demanderesses devraient communiquer des réponses aux éléments 137, 143, 144, 145, 146 de l’annexe B1 (mais non 147, 148, 149, 150, 151, 152, 155, 159, 160, 161, 162, 169, 170 et 171, à propos desquels je souscris aux conclusions de la protonotaire, sinon aux motifs donnés pour l’élément 161, et à l’opinion de la protonotaire concernant les actes de procédure), et non aux éléments 8.1 de l’annexe C.

 

Annexes B1 et C, catégorie 8.3 – Déclarations concernant Protus faites à des parties tierces par J2 et/ou Catch Curve

 

[32]           La manière dont la protonotaire aborde les éléments de cette catégorie est motivée par sa conclusion concernant l’élément 161, à propos de ce qui est plaidé dans la demande reconventionnelle. Je suis d’accord avec Protus que la protonotaire a commis une erreur flagrante sur ce point et que c’est aussi une question essentielle pour la décision finale au fond. Si l’on considère l’affaire de novo, je suis d’accord avec Protus que, dans cette catégorie, la pertinence est régie par des allégations non admises dans les actes de procédure, tels qu’ils existent au moment de l’interrogatoire préalable. Les demanderesses n’ont déposé aucune requête en radiation de ces aspects des actes de procédure traitant des déclarations faites par les demanderesses aux États‑Unis et, à ce stade, on peut à tout le moins se demander si des déclarations faites en dehors du Canada peuvent constituer le fondement d’une allégation selon l’alinéa 7a) de la Loi sur les marques de commerce et/ou l’article 52 de la Loi sur la concurrence. Il y a aussi la question des dommages‑intérêts, avec laquelle lesdites déclarations pourraient présenter une pertinence.

 

[33]           La Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse tenait les propos suivants dans l’arrêt North American Trust Co. v. Salvage Association, 173 N.S.R. (2d) 249, au paragraphe 31 :

[traduction]

 

L’interrogatoire préalable ne se limite pas aux actes de procédure, mais la pertinence doit être déterminée d’après les actes de procédure tels qu’ils existent. C’est là un bon principe. Agir autrement ouvrirait la porte à des contestations accessoires des actes de procédure. Ici, l’appelante cherche en réalité à faire décider un point de droit avant le procès, voire à faire radier les paragraphes 16 et 17 de la défense. Les règles de procédure civile prévoient une procédure distincte pour chacun de ces recours.

 

 

[34]           Ce principe est confirmé aussi dans la décision Field (Litigation Guardian of) v. Peterborough Civic Hospital (2000), 46 C.P.C. (4th) 95, au paragraphe 21, où la Cour supérieure de justice de l’Ontario écrivait ce qui suit :

[traduction]

 

Je ne partage pas cet avis, pour deux raisons. D’abord, il est clair en droit qu’une partie n’est pas fondée à refuser de répondre à des questions du seul fait qu’elle doute que la défense obtiendra gain de cause. Sans une requête couronnée de succès visant à la radiation de cet aspect des actes de procédure du médecin, il doit être répondu, dans un interrogatoire préalable, à toute question intéressant les actes de procédure. Les demandeurs peuvent s’ils le souhaitent contester l’acte de procédure. La validité de l’acte de procédure ne doit pas être résolue dans le contexte d’une requête relative aux refus.

 

[35]           Je ne vois pas pourquoi ce raisonnement ne serait pas également applicable à la pratique de la Cour fédérale. Par conséquent, les demanderesses devraient répondre pleinement aux questions de cette catégorie. Cela comprend :

a)         8.3.1 :  Éléments 174, 175, 176, 177, 178, 180 (mais non 179);

b)         8.3.2 :  Éléments 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194;

c)         8.3.3 :  Éléments 188, 189, 190, 191, 192;

d)         8.3.4 :  Éléments 193 et 194;

e)         8.3.5 :  Éléments 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206;

f)          8.3.6 :  Éléments 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213;

g)         8.3.7 :  Éléments 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220;

h)         8.3.8 :  Éléments 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228;

i)          Tous les éléments équivalents de l’annexe C, catégorie 8.3, qui suivaient la décision relative à l’élément 161.

 

Annexe B2, catégorie 2.2 – Analyse de validité de J2 sur les brevets en cause

 

[36]           La protonotaire a refusé l’élément 9 de cette catégorie au motif que [traduction] « l’opinion ou l’analyse de quelqu’un quant à la validité d’un brevet n’a aucune pertinence ». Vu que Protus dit que les demanderesses ont, [traduction] « sciemment, volontairement et délibérément », fait des déclarations fausses ou trompeuses, il est difficile de voir comment une analyse de validité (si un tel document existe) n’aurait pas une certaine pertinence, au sens de l’arrêt Apotex. Par conséquent, je crois que la conclusion de la protonotaire est manifestement erronée et que les demanderesses devraient produire toute analyse semblable de validité, sous réserve de tout privilège pouvant être revendiqué.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  Les appels sont accueillis en partie, dans la mesure indiquée dans les motifs;

 

2.                  L’appel formé par Protus contre la première ordonnance est rejeté;

 

3.                  Les demanderesses donneront des réponses et/ou communiqueront des documents pour les questions et/ou demandes suivantes se rapportant à la deuxième ordonnance :

a)    Annexe B1, catégorie 2.1, et annexe C, catégorie 3.3.5 – Produits et services offerts par les demanderesses, leurs prédécesseurs ou leurs prédécesseurs en droit

Élément 29(3) et l’ajustement aux autres conclusions touchant cette catégorie qui est requis en conséquence du réexamen que fait la Cour de l’élément 29(3);

b)   Annexe B1, catégorie 3.1 – Qualité d’inventeur

Élément 49;

c)    Annexe B1, catégorie 3.2.2 – Cession de NetOffice Solutions à Toast and Jam Inc.

Éléments 57 et 58;

d)   Annexe B1, catégorie 6 – Moyens de faire respecter les brevets en cause

Éléments 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104 et 105;

e)    Catégorie 8.1 des annexes B1 et C – La relation entre J2 et Catch Curve

Éléments 137, 143, 144, 145 et 146 de l’annexe B1;

f)     Annexes B1 et C, catégorie 8.3 – Déclarations concernant Protus faites à des parties tierces par J2 et/ou Catch Curve

8.3.1 :   Éléments 174, 175, 176, 177, 178, 180 (mais non 179);

8.3.2 :  Éléments 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 193, 194;

8.3.3 :  Éléments 188, 189, 190, 191, 192;

8.3.4 :  Éléments 193 et 194;

8.3.5 :  Éléments 200, 201, 202, 203, 204, 205, 206;

8.3.6 :  Éléments 207, 208, 209, 210, 211, 212, 213;

8.3.7 :  Éléments 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220;

8.3.8 :   Éléments 221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228;

Tous les éléments équivalents de l’annexe C, catégorie 8.3, qui suivaient la décision relative à l’élément 161;

g)  Annexe B2, catégorie 2.2 – Analyse de validité de J2 sur les brevets en cause

     Élément 9, sous réserve d’un éventuel privilège pouvant être revendiqué;

 

4.                  Les parties concernées et leurs représentants comparaîtront à nouveau, à leurs propres frais, et à une date qui sera arrêtée par elles, pour répondre aux questions et produire les documents découlant validement des réponses et documents devant être communiqués en vertu du présent jugement;

 

5.                  Puisque les parties sont convenues que leurs réponses respectives requises en vertu de la présente ordonnance devront être communiquées dans un délai de 30 jours après la date de la présente ordonnance, l’obligation de Protus, selon l’ordonnance de la protonotaire Tabib en date du 25 juillet 2007, de communiquer des réponses en conformité avec cette ordonnance, dans un délai de deux (2) semaines après la date de l’ordonnance disposant de l’appel, sera prolongée jusqu’à 30 jours après la date de la présente ordonnance;

 

6.                  Si les parties ne peuvent s’entendre sur les dépens du présent appel, l’une ou l’autre pourra s’adresser à la Cour à propos des dépens.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste-traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                      T‑139‑06 et T‑140‑06

 

INTITULÉ :                                       J2 Global Communications, Inc. c. Protus IP Solutions Inc.; Protus IP Solutions Inc. c. J2 Global Communications, Inc. et Catch Curve Inc.

 

                                                            Catch Curve Inc. c. Protus IP Solutions Inc.; Protus IP Solutions Inc. c. Catch Curve Inc. et J2 Global Communications, Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 18 JUIN 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Lomic

 

POUR LA DEMANDERESSE

Kevin K. Graham

Kwan T. Loh

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ridout & Maybee LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Smart & Biggar

Droit de la propriété intellectuelle et des technologies

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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