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Date : 20080618

Dossier : IMM‑5162‑07

Référence : 2008 CF 754

Toronto (Ontario), le 18 juin 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAURICE E. LAGACÉ

 

 

ENTRE :

LE RÉVÉREND CHARLES KWASI OBENG

 

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               Le demandeur sollicite, en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas (l’agente), rendue le 9 octobre 2007, de lui refuser une dispense de permis de travailleur religieux et un visa de résident temporaire (VRT).

 

 

I. Faits

[2]               Le demandeur dit être un pasteur de l’Église City Chapel Ministries International (City Chapel), au Ghana. Il a demandé à Accra, au Ghana, le 9 octobre 2007, un VRT et une dispense de permis de travailleur religieux. Il avait été invité par City Chapel à Toronto pour travailler comme ministre associé, du 1er octobre 2007 au 30 novembre 2007. Le demandeur avait aussi semble‑t‑il planifié son itinéraire et réservé ses billets, de telle sorte qu’il allait quitter Accra le 1er octobre 2007 pour arriver à Toronto le lendemain.

 

[3]               Au soutien de sa demande, le demandeur a produit plusieurs documents en plus de sa demande de VRT. C’était semble‑t‑il les documents suivants : une lettre de son avocat datée du 4 septembre 2007, une lettre de City Chapel datée du 27 août 2007 l’invitant à travailler temporairement comme ministre associé à Toronto (la lettre d’invitation), une lettre de City Chapel datée du 1er avril 2003 le nommant ministre associé (la lettre de nomination), une copie de son itinéraire, trois (3) feuilles de paie, un certificat d’ordination comme prêtre évangéliste délivré par l’Association of Education & Evangelism International, au Texas, aux États‑Unis, en date du 6 juin 1998, un extrait de casier judiciaire, une immatriculation de véhicule et deux relevés bancaires.

 

[4]               Dans sa demande de VRT, le demandeur écrivait qu’il ne voyagerait pas avec son épouse et ses deux (2) enfants et qu’il demeurerait chez sa sœur. Il écrivait aussi qu’un visa d’admission au Canada lui avait déjà été refusé parce qu’il ne remplissait pas les conditions ou ne pouvait justifier d’un soutien financier suffisant. Finalement, le demandeur disait qu’il visiterait sa sœur et son beau‑frère au Canada, mais n’avait pas désigné sa sœur sur la demande de visa de visiteur. Il semble toutefois qu’il y a eu confusion dans l’esprit de l’agente car le demandeur avait simplement rempli la section en indiquant qu’il visiterait sa sœur, alors que, selon la lettre de son avocat, son séjour serait défrayé par l’Église.

 

[5]               Le demandeur s’est présenté à une entrevue avec une analyste des dossiers de non‑immigrants (l’analyste) le jour où il a déposé sa demande. Le demandeur dit que l’analyste s’est mise en colère durant l’entrevue et a crié contre lui lorsqu’il a prétendu que les 200 millions de cédis de son compte bancaire avaient été gagnés par son épouse en vendant des pains et des unités de téléphone. Il dit aussi que l’analyste a mis fin abruptement à l’entrevue à ce moment‑là. Dans son propre affidavit cependant, l’analyste dément cette affirmation.

 

[6]               La demande a été refusée le même jour par l’agente.

 

[7]               À la date de l’audience, l’objet de la visite projetée du demandeur au Canada était son emploi auprès de City Chapel. Cette offre, telle qu’elle apparaît dans l’invitation, n’est plus valable.

 

II. Décision contestée

[8]               Selon la lettre de refus, la demande a été refusée parce que le demandeur n’a pas convaincu l’agente qu’il quitterait le Canada à l’expiration de son visa de résident temporaire. L’agente a pris en compte plusieurs facteurs, dont :

a) la somme dont il disposait;

b) le lieu de résidence des membres de sa famille et les liens de parenté avec ses proches au Ghana;

c) ses voyages antérieurs;

d) la vraisemblance de l’objet déclaré du voyage du demandeur;

e) l’occupation du demandeur dans son pays d’origine; et

f) l’incitation économique à vouloir accéder au marché canadien du travail ou aux services sociaux du Canada.

(Affidavit de l’agente, au paragraphe 4.)

 

 

[9]               L’agente a fait observer que le demandeur avait produit un relevé bancaire montrant d’importants dépôts et qu’il avait dit que ces dépôts étaient attribuables à son épouse, qui vendait des pains et des unités de téléphone. Le relevé bancaire n’était pas établi au nom de l’épouse du demandeur, et les dépôts étaient importants et semblaient dépasser les sommes que produirait la vente de pains et d’unités de téléphone. Par exemple, un dépôt correspondait à lui seul à l’équivalent de 21 739 $US. L’agente a trouvé bizarre que cette somme ait été déposée par le demandeur et portée à son crédit le même jour. Elle a pensé que le relevé n’était sans doute pas authentique.

 

[10]           La lettre d’emploi et la lettre d’invitation produites par le demandeur désignaient le demandeur par l’expression [traduction] « ministre associé ». La lettre d’invitation le décrivait comme [traduction] « ancien évangéliste itinérant ». Même si le demandeur avait produit, comme il l’affirme, un certificat d’ordination comme prêtre évangéliste, cela n’allait pas dissiper les doutes de l’agente sur l’authenticité de son intention de retourner au Ghana à la fin d’un séjour autorisé au Canada.

 

[11]           Dans la lettre attestant l’emploi du demandeur au Ghana, ses gains prétendus se limitaient à 4,5 millions de cédis ghanéens, soit l’équivalent d’environ 454,90 $CAN, ce qui donnait à penser qu’il pourrait vouloir rester au Canada pour y obtenir un emploi mieux rémunéré.

 

[12]           L’agente a relevé que l’épouse et les enfants du demandeur étaient indiqués comme résidants du Ghana. Cependant, le fait que les proches du demandeur vivaient au Ghana n’a pas dissipé son impression que le demandeur avait des raisons économiques de vouloir s’établir au Canada, parce que, selon l’expérience de l’agente, il arrivait souvent que des familles soient disposées à traverser de longues périodes de séparation, mais des périodes temporaires, et cela pour des raisons économiques, dans l’attente d’être réunies au Canada à une date ultérieure.

 

[13]           Les voyages antérieurs sont un facteur qui est en principe pris en considération dans l’évaluation de l’admissibilité à un VRT, étant donné que s’ils se sont déroulés dans le respect des lois du Canada ou d’autres pays sur l’immigration, alors la crédibilité du demandeur de VRT comme voyageur légitime à l’étranger sera plus facilement établie. Le demandeur n’a pas, dans sa demande de VRT, tenté d’établir qu’il s’était déjà rendu à l’étranger.

 

[14]           L’agente a fait observer que le demandeur disait qu’il visiterait une sœur au Canada, mais qu’il n’avait pas indiqué cette sœur en tant que telle dans le questionnaire pour visa de visiteur produit en même temps que son formulaire de demande, questionnaire qui oblige les demandeurs à énumérer tous les frères, les sœurs, les demi‑frères et les demi‑sœurs. Sur ce questionnaire, le demandeur n’a indiqué qu’un demi‑frère, qui vit au Ghana.

 

[15]           Au vu de l’ensemble de la preuve, l’agente a conclu que le demandeur n’avait pas rempli les conditions du paragraphe 11(1) de la Loi, car il ne l’avait pas convaincue qu’il n’avait pas l’intention de s’établir au Canada d’une manière permanente.

 

[16]           L’agente a‑t‑elle commis une erreur susceptible de contrôle en refusant la demande du demandeur?

 

III. Points litigieux

[17]           La présente demande soulève plusieurs points :

a.       Y a‑t‑il un litige actuel et, dans la négative, la Cour devrait‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre néanmoins l’affaire?

b.      Les affidavits de l’agente et de l’analyste devraient‑ils être radiés?

c.       L’agente a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a mal interprété certaines preuves?

d.      L’agente a‑t‑elle bien motivé sa décision?

 

IV. Dispositions applicables

[18]           Le paragraphe 20(1) de la Loi impose l’obligation suivante à tout étranger qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner :

20. (1) L’étranger non visé à l’article 19 qui cherche à entrer au Canada ou à y séjourner est tenu de prouver :

[…]

b) pour devenir un résident temporaire, qu’il détient les visa ou autres documents requis par règlement et aura quitté le Canada à la fin de la période de séjour autorisée. [Non souligné dans l’original.]

20. (1) Every foreign national, other than a foreign national referred to in section 19, who seeks to enter or remain in Canada must establish,

[…]

b) to become a temporary resident, that they hold the visa or other document required under the regulations and will leave Canada by the end of the period authorized for their stay. [Emphasis added]

 

 

[19]           L’article 179 du règlement d’application de la Loi impose quant à lui l’obligation suivante à l’agent appelé à délivrer un visa de résident :

179. L’agent délivre un visa de résident temporaire à l’étranger si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

[…]

b) il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée qui lui est applicable au titre de la section 2; [Non souligné dans l’original.]

179. An officer shall issue a temporary resident visa to a foreign national if, following an examination, it is established that the foreign national

[…]

(b) will leave Canada by the end of the period authorized for their stay under Division 2; [Emphasis added]

 

 

[20]           Il existe une présomption légale selon laquelle l’étranger qui cherche à entrer au Canada est présumé être un immigrant, et il lui appartient de réfuter cette présomption. Il incombait donc au demandeur, dans le cas présent, de prouver à l’agente des visas qu’il n’était pas un immigrant et qu’il quitterait le Canada à la fin de la période autorisée qu’il sollicitait. (Danioko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 578, 2006 CF 479, Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 791, [2001] A.C.F. n° 1144, au paragraphe 37.)

 

V. Norme de contrôle

[21]           La décision de l’agente est une décision administrative prise dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, compte tenu de l’obligation qui lui est imposée par la Loi et par son règlement d’application. Une telle décision discrétionnaire fait le plus souvent intervenir une question de fait, et c’est donc une décision qui appelle une retenue considérable, compte tenu de la spécialisation de l’agente, et compte tenu que certaines des questions qu’elle doit trancher font appel à son expérience et ne se prêtent pas à une seule solution précise, mais donnent plutôt lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. n° 9, paragraphe 47.) Lorsque la décision en cause tombe dans ce registre, la Cour doit s’abstenir d’intervenir.

 

IV. Analyse

A.  La demande est‑elle théorique?

[22]           Aucune des parties ne s’est exprimée sur le fait que l’unique raison de la demande de VRT, à savoir l’emploi du demandeur comme ministre associé à City Chapel pour la période allant du 1er octobre 2007 au 30 novembre 2007, était caduque à la date où la présente demande de contrôle judiciaire a été instruite. Se pose donc la question du caractère théorique de l’instance, étant donné qu’il ne semble pas y avoir un litige actuel qui réponde au premier volet du double critère du caractère théorique d’une instance, un critère exposé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342 : (1) le différend concret et tangible a‑t‑il disparu et la question est‑elle devenue purement théorique; et (2) dans l’affirmative, la Cour doit‑elle exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire?

 

[23]           Après examen du dossier encore une fois à la suite des plaidoiries, la Cour ne croit pas qu’il existe ici un litige actuel. L’invitation faite au demandeur a expiré, et il ne semble pas exister une offre permanente ou une offre nouvelle.

 

[24]           La Cour ne voit pas non plus l’objet pratique de la demande, puisque le demandeur pourrait tout simplement solliciter un autre visa de visiteur et signaler le conflit apparent entre la conclusion et la preuve que le décideur a refusé d’entendre : Toor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2008] A.C.F. n° 353, 2008 CF 287.

 

[25]           Mais, puisqu’aucune des parties ne s’est exprimée sur cette question au moment de l’audience, la Cour rendra donc une décision.

 

B.  Les affidavits

[26]           Contrairement à ce que prétend le demandeur, l’affidavit de l’analyste qui a interrogé le demandeur est recevable dans la mesure où il répond aux allégations du propre affidavit du demandeur. Dans son affidavit, l’analyste écrivait que les affirmations du demandeur à propos de son attitude à elle étaient fausses. Le demandeur n’a pas cherché à contre‑interroger l’analyste, même si c’est à lui qu’incombe le fardeau de la preuve dans la présente demande.

 

[27]           L’affidavit de l’agente se réfère pour l’essentiel aux notes du STIDI consignées dans le dossier du demandeur, tant par l’agente que par l’analyste. L’agente n’ajoute pas à ses motifs, elle dit pourquoi elle a formulé les remarques dans les notes du STIDI, et elle explique aussi en quoi ses motifs ne justifient pas les interprétations qu’en donne le demandeur, et pourquoi ils sont fondés sur son expérience et sur la preuve (ou l’absence de preuve) qu’elle avait devant elle. Par ailleurs, le demandeur n’a pas prouvé que l’agente devrait être empêchée de réagir à ses allégations. Puisque le demandeur n’a pas non plus contre‑interrogé l’agente, et puisque c’est à lui qu’incombe le fardeau de la preuve dans la présente demande, il ne saurait aujourd’hui mettre en doute le contenu de l’affidavit de l’agente. (Oei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. n° 600, 2002 CFPI 466, au paragraphe 29.)

 

[28]           La présente affaire se distingue des précédents invoqués par le demandeur (Jesuorobo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1092, [2007] A.C.F. n° 1680; bin Abdullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1185), où les agents des visas avaient produit une preuve dont ne faisaient pas état leurs notes du STIDI. Il en va très différemment dans la présente affaire, où l’analyste répondait à des allégations et où elle‑même et l’agente expliquaient simplement les motifs déjà exposés dans les notes du STIDI, comme on peut le lire dans la décision Jesuorobo, précitée, aux paragraphes 5 et 6, et dans la décision bin Abdullah, précitée, au paragraphe 15.

 

[29]           Les décisions Jesuorobo et bin Abdullah sont des cas très particuliers qui ne peuvent être assimilés à la présente affaire. Dans la décision Jesuorobo, précitée, le demandeur avait abondamment contre‑interrogé l’agent des visas (paragraphe 3). Dans la décision bin Abdullah, précitée, la décision administrative contestée se rapportait à une demande de résidence permanente qui revêtait « une importance capitale » pour l’avenir du demandeur, et l’agente des visas avait exposé un raisonnement complet dont on ne trouvait trace nulle part dans ses notes (paragraphes 15 et 19.

 

[30]           Mais lorsque, comme c’est le cas ici, l’affidavit de l’agente est validement soumis à la Cour, qu’il explique la provenance des notes du STIDI, qu’il confirme leur exactitude et qu’il n’ajoute pas aux motifs de la décision de l’agente, ni ne les modifie, il n’y a aucune raison de radier l’affidavit comme le voudrait le demandeur.

 

[31]           Il était loisible aussi à l’agente de dire dans son affidavit que, compte tenu de son expérience, elle savait que des familles acceptent souvent de traverser de longues périodes de séparation, mais des périodes temporaires, et cela pour des raisons économiques, dans l’attente d’être réunies au Canada à une date ultérieure. L’agente n’a pas conclu que tel était le cas pour le demandeur, parce que, en évoquant son expérience, elle voulait simplement montrer que le demandeur avait une famille au Ghana et que la preuve considérée globalement ne l’avait pas convaincue qu’il quitterait le Canada à la fin d’un séjour autorisé. Par ailleurs, l’agente avait ici le droit et l’obligation de s’appliquer à sa tâche consistant à rendre une décision administrative et, ce faisant, elle n’était pas tenue de donner au demandeur l’occasion de commenter l’expérience qu’elle avait acquise, ou l’occasion d’y réagir. En tout état de cause, le demandeur n’a pas cherché à contre‑interroger l’agente à propos de son expérience. Il n’y a pas eu ici manquement à l’équité procédurale ou à la justice naturelle (Ayatollahi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 248, [2003] A.C.F. n° 340, aux paragraphes 23 et 24; Soor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] A.C.F. n° 1726, aux paragraphes 13 et 18).

 

[32]           L’argument du demandeur sur ce point n’est donc pas recevable.

 

C.  Interprétation erronée de la preuve

[33]           Le demandeur n’a pas apporté la preuve qu’il était pasteur. Il a produit deux lettres qui le désignaient comme [traduction] « ministre associé » et [traduction] « ancien évangéliste itinérant ». Par ailleurs, son certificat d’ordination ne précisait pas qu’il était pasteur; il indiquait seulement qu’il avait été ordonné [traduction] « prêtre évangéliste ». Puisque le demandeur n’a pas apporté la preuve qu’il était pasteur, il était loisible à l’analyste de dire dans ses notes qu’il n’avait pas produit la preuve de son état de pasteur. Quoi qu’il en soit, la note relative à l’absence d’une preuve de la qualité de pasteur n’a pas été consignée par l’agente et elle ne faisait pas partie de son refus. Il apparaît clairement que le refus de l’agente s’expliquait par le fait qu’elle ne croyait pas que le demandeur avait l’intention de retourner au Ghana. Son refus était sans rapport avec la question de savoir si le demandeur était ou non pasteur, ou pasteur associé.

 

[34]           Le demandeur n’a pas indiqué sa sœur au Canada sur le questionnaire pour visa de visiteur qu’il devait remplir et joindre à sa demande. Il était donc loisible à l’agente de faire état de cette omission dans ses motifs. Le demandeur a mentionné sa sœur ailleurs, mais cela ne change pas le fait qu’il a négligé de révéler cette information sur un formulaire important qu’il devait remplir.

 

D.  Le fait pour l’agente d’avoir laissé de côté certaines preuves

[35]           Le demandeur n’a pas montré que l’agente a laissé de côté certaines preuves. D’ailleurs, l’agente est présumée avoir évalué et considéré toutes les preuves qui lui ont été présentées, à moins que le contraire ne soit établi, ce qui n’est pas le cas ici (arrêt Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 598 (C.A.F.), au paragraphe 1).

 

[36]           L’agente était fondée à s’en remettre au bon sens et à la raison quand elle a conclu que la preuve n’établissait pas que le demandeur quitterait le Canada à la fin de son séjour, et quand elle a refusé l’explication du demandeur à propos de la somme importante qui avait été déposée dans le compte bancaire. Rien ne prouve non plus que l’agente n’a pas tenu compte des feuilles de paie du demandeur. Pareillement, l’emploi du demandeur au Ghana et le fait qu’il était propriétaire d’un véhicule là‑bas ne permettaient pas d’établir qu’il quitterait le Canada à la fin d’un séjour autorisé. En tirant ces conclusions de fait, l’agente était fondée à s’en remettre au bon sens et à la raison. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve, comme le voudrait semble‑t‑il le demandeur.

 

[37]           Il en va de même pour les sommes importantes déposées dans le compte du demandeur. Il était loisible à l’agente de rejeter l’explication donnée par le demandeur et de conclure, se fondant sur son expérience et sur le bon sens, que les sommes en question semblaient bien supérieures à ce que pouvait procurer la vente de pains et d’unités de téléphone.

 

E.  Qualité des motifs

[38]           En règle générale, les motifs exposés seront suffisants s’ils remplissent l’objet pour lequel a été imposée l’obligation d’exposer des motifs (Via Rail Canada Inc. c. Lemonde, [2000] A.C.F. n° 1685 (C.A.F.), aux paragraphes 21 et 22). S’agissant de la présente affaire toutefois, l’analyste a tiré certaines conclusions et recommandé que la demande de visa soit refusée. L’agente a examiné la preuve, a consigné quelques notes additionnelles et a refusé la demande du demandeur. Ces notes suffisent à communiquer au demandeur les raisons pour lesquelles sa demande de VRT a été refusée (Mendoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. n° 846, 2004 CF 687, au paragraphe 4).

 

[39]           En l’espèce, les motifs exposés par l’agente n’attestent pas la profondeur d’analyse que l’on pourrait espérer, mais ils permettaient amplement au demandeur de dire si une procédure de contrôle judiciaire était ou non justifiée. Un demandeur ne saurait espérer d’un agent des visas le genre de décision que les cours de justice rendent généralement.

 

[40]           En bref, et après examen de toutes les circonstances, il s’agit là d’un cas où la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Le résultat n’est peut-être pas ce que le demandeur espérait, mais la Cour, ayant déjà conclu que la décision est raisonnable à tous égards, ne saurait accepter l’invitation que lui fait le demandeur d’analyser la preuve autrement que l’a fait l’agente, pour finalement substituer sa propre conclusion à celle de l’agente. Tel n’est pas le rôle de la Cour.

 

[41]           Par conséquent, la Cour rejettera la demande.

 

[42]           Les parties n’ont pas proposé que soit certifiée une question de portée générale, et aucune ne sera certifiée.


 

JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS, LA COUR rejette la demande.

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑5162‑07

 

INTITULÉ :                                       LE RÉVÉREND CHARLES KWASI OBENG C.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 6 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SUPPLÉANT LAGACÉ

 

DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT :                       LE 18 JUIN 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jeremiah Eastman

POUR LE DEMANDEUR

 

Asha Gafar

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Carters Professional Corporation

Orangeville (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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