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Date : 20080605

Dossiers : IMM‑2342‑07

IMM‑2339‑07

Référence : 2008 CF 710

Toronto (Ontario), le 5 juin 2008

En présence de monsieur le juge Maurice E. Lagacé

 

 

ENTRE :

GURBHAGWANT SINGH KHAKH

PREETKIRAN KHAKH

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La présente affaire concerne deux demandes de contrôle judiciaire instruites ensemble conformément à une ordonnance de la Cour. La première demande, dossier IMM‑2342‑07, vise à faire annuler une décision du gestionnaire de programme, au Haut-commissariat du Canada à New Delhi, en Inde, en date du 25 mai 2007, par laquelle était refusée aux demandeurs l’autorisation de retourner au Canada. La deuxième demande, dossier IMM‑2339‑07, vise à faire annuler une décision de l’agente des visas Cinthia Roberge, en date du 25 mai 2007, par laquelle était refusée aux demandeurs la résidence permanente au Canada. La décision dont il s’agit dans le dossier IMM‑2339‑07 procède intégralement de celle qui refusait aux demandeurs l’autorisation de revenir au Canada, en application du paragraphe 52(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).

 

I. Les faits

 

[2]               Tous deux de nationalité indienne, le demandeur principal, Gurbhagwant Singh Khakh, et son épouse, Preetkiran Khakh, sont arrivés au Canada illégalement le 10 décembre 2003, après avoir tenté trois fois, en vain, d’obtenir des visas canadiens de visiteurs.

 

[3]               En janvier 2004, les demandeurs ont sollicité l’asile en alléguant qu’ils étaient victimes d’extorsion de la part des autorités locales en Inde. Leur demande d’asile a été rejetée le 5 novembre 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SPR) estimant que les demandeurs disposaient en Inde d’une possibilité de refuge intérieur. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de cette décision fut rejetée par la Cour le 22 février 2005.

 

[4]               Le 23 juillet 2005, les demandeurs ont déposé une demande d’examen des risques avant renvoi (demande d’ERAR) conformément à l’article 112 de la LIPR. Sur les conseils de leur avocat, ils ont retiré leur demande d’ERAR le 24 novembre 2005. Le 12 mars 2006, les demandeurs ont quitté le Canada conformément à une mesure de renvoi.

 

[5]               Avant de quitter le Canada, les demandeurs ont exploré leurs possibilités d’immigration et ont déposé des demandes en tant que candidats provinciaux, au titre du programme des candidats provinciaux de l’Île‑du‑Prince‑Édouard. Ayant été admis comme candidats provinciaux, les demandeurs ont sollicité la résidence permanente au Canada. Leurs demandes ont été reçues au Haut-commissariat du Canada à New Delhi le 27 septembre 2005. Cependant, puisqu’ils avaient déjà été l’objet d’une mesure de renvoi exécutée, leurs demandes de résidence permanente ne pouvaient pas être traitées à moins qu’ils n’obtiennent d’abord l’autorisation de revenir au Canada en application du paragraphe 52(1) de la Loi.

 

[6]               Le 30 novembre 2006, le demandeur principal fut convoqué à une entrevue au Haut‑commissariat du Canada à New Delhi pour l’examen de son admissibilité comme candidat provincial. Le 19 avril 2007, les demandeurs furent convoqués à une deuxième entrevue au Haut‑commissariat du Canada, dont l’objet était d’examiner leur admissibilité au Canada, outre la question de savoir s’ils devraient être autorisés à revenir au Canada en application du paragraphe 52(1) de la Loi. Les deux entrevues ont été conduites par la même agente des visas.

 

[7]               Le 17 mai 2007, l’agente des visas recommandait au gestionnaire du programme d’immigration (le GPI) de refuser aux demandeurs l’autorisation de revenir au Canada. La recommandation de l’agente des visas se présentait ainsi :

[traduction]

 

Le demandeur principal a la charge de me convaincre que les raisons impérieuses qui caractérisent son cas suffisent à justifier une dispense, mais il ne m’a pas convaincue de ce fait. Je recommande donc le refus de l’[autorisation de revenir au Canada] au titre du pouvoir délégué du gestionnaire du programme d’immigration.

 

[8]               Le 25 mai 2007, le GPI, exerçant son pouvoir délégué, a conclu que les demandeurs ne devraient pas être autorisés à revenir au Canada. Cette décision est contestée par les demandeurs dans leur demande de contrôle judiciaire, n° du greffe IMM‑2342‑07.

 

[9]               Également le 25 mai 2007, se fondant sur le fait que les demandeurs n’avaient pas obtenu l’autorisation de revenir au Canada, l’agente des visas a refusé leur demande de résidence permanente au Canada. La décision de l’agente des visas est contestée par les demandeurs dans leur demande de contrôle judiciaire, n° du greffe IMM‑2339‑07.

 

II. Les questions en litige

 

[10]           Les demandeurs soulèvent trois questions, que la Cour reformule ainsi :

1.      Le GPI a‑t‑il manqué à l’équité ou d’une autre manière commis une erreur parce qu’il a fondé sa décision sur la recommandation de l’agente des visas, laquelle contenait de fausses conclusions quant à la crédibilité des demandeurs, conclusions qui procédaient d’une mauvaise interprétation de la preuve?

2.      Le GPI a‑t‑il manqué à l’équité parce qu’il s’est fondé sur des preuves extrinsèques et parce qu’il n’a pas informé les demandeurs des éléments auxquels ils devaient répondre?

3.      La décision de l’agente des visas de refuser la résidence permanente aux demandeurs était‑elle déraisonnable au vu des circonstances de la présente affaire?

 

[11]           Puisque la décision de l’agente des visas est totalement tributaire du refus du GPI d’accorder aux demandeurs l’autorisation de revenir au Canada, la conclusion de la Cour sur le troisième point dépendra nécessairement de sa conclusion sur les deux premiers points.

 

III. La norme de contrôle

 

[12]           Les questions de justice naturelle et d’équité procédurale ne requièrent pas de conduire l’analyse pragmatique et fonctionnelle propre à un contrôle judiciaire. Il s’agit en effet de questions de droit, qui commandent donc l’application de la norme de la décision correcte. Dans ces cas, la Cour doit « examiner les circonstances particulières de l’affaire et décider si le [décideur] a respecté les règles de justice naturelle et d’équité procédurale » (Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 16, [2006] 3 R.C.F. 168, au paragraphe 15). S’il y a eu manquement, la décision contestée n’appelle aucune retenue et elle sera annulée (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, [2006] 3 R.C.F. 392).

 

[13]           Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, les juges majoritaires de la Cour suprême ont jugé qu’une procédure de contrôle judiciaire devrait se limiter à deux normes : la norme de la décision correcte pour les questions de droit ne relevant pas de la loi habilitante du tribunal administratif, et la norme de la décision raisonnable pour toutes les autres questions. La Cour suprême écrivait aussi que l’analyse de la norme de contrôle à appliquer n’était pas nécessaire si la jurisprudence avait déjà établi cette norme dans des affaires semblables.

 

[14]           Le pouvoir conféré au GPI se trouve au paragraphe 52(1) de la Loi, ainsi formulé :

52. (1) L’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement.

 

52. (1) If a removal order has been enforced, the foreign national shall not return to Canada, unless authorized by an officer or in other prescribed circumstances.

 

Ce pouvoir sera donc revu d’après la norme de la décision raisonnable (auparavant la norme de la décision raisonnable simpliciter, comme on peut le lire dans la décision Sahakyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1542, 267 F.T.R. 126, au paragraphe 34).

 

IV. Les dispositions applicables

 

[15]           Les demandeurs d’asile déboutés, tels que les demandeurs dans la présente affaire, sont passibles de renvoi après qu’une décision définitive a été rendue sur leur demande d’asile. L’article 223 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), décrit trois genres de mesures de renvoi, à savoir les mesures d’interdiction de séjour, les mesures d’exclusion et les mesures d’expulsion.

 

[16]           Selon le paragraphe 224(2) du Règlement, l’étranger visé par une mesure d’interdiction de séjour doit quitter le Canada au plus tard 30 jours après que la mesure devient exécutoire, à défaut de quoi la mesure devient une mesure d’expulsion.

 

[17]           Cette conversion a son importance. Selon le paragraphe 224(1) du Règlement, l’étranger contre qui une mesure d’interdiction de séjour a été exécutée est dispensé de l’obligation d’obtenir l’autorisation prévue au paragraphe 52(1) de la Loi pour revenir au Canada. Cependant, après qu’une mesure d’interdiction de séjour devient une mesure d’expulsion exécutoire, le renvoi du Canada entraîne d’importantes conséquences. L’article 226 du Règlement, qui régit les mesures d’expulsion, dispose que la mesure d’expulsion oblige l’étranger à obtenir une autorisation écrite pour revenir au Canada à quelque moment que ce soit après l’exécution de la mesure.

 

[18]           Dans la présente affaire, les demandeurs sont devenus assujettis à une mesure exécutoire d’interdiction de séjour en février 2005 lorsque leur demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre du rejet de leur demande d’asile fut rejetée par la Cour. En ne quittant pas le Canada à l’intérieur de la période de 30 jours prévue par le paragraphe 224(2) du Règlement, les demandeurs sont tombés sous le coup d’une mesure d’expulsion qui a été exécutée lorsqu’ils ont finalement quitté le Canada le 12 mars 2006. Par conséquent, en application du paragraphe 52(1) de la Loi et de l’article 226 du Règlement, les demandeurs ne peuvent pas revenir au Canada sans une autorisation écrite.

 

[19]           Les dispositions susmentionnées de la Loi et du Règlement sont reproduites à l’annexe A, à la fin de ce jugement.

 

V. Analyse

 

Première question :     Le gestionnaire de programme a‑t‑il manqué à l’équité ou d’une autre manière commis une erreur parce qu’il a fondé sa décision sur la recommandation de l’agente des visas, laquelle contenait de fausses conclusions quant à la crédibilité des demandeurs, conclusions qui procédaient d’une mauvaise interprétation de la preuve?

 

 

[20]           Les demandeurs font valoir que le GPI a manqué à l’équité parce qu’il ne leur a pas donné l’occasion de réagir aux conclusions quant à la crédibilité tirées par l’agente des visas qui s’était entretenue avec eux à propos de leur demande d’autorisation de revenir au Canada.

 

[21]           Le point de savoir si les demandeurs ont été ou non traités injustement durant leur entretien avec l’agente des visas dépend de l’étendue de l’obligation d’équité qu’avait l’agente des visas envers eux, compte tenu des circonstances de cette affaire. Il est clair que la décision d’accorder une autorisation selon le paragraphe 52(1) de la Loi est une décision administrative discrétionnaire. L’obligation d’équité procédurale s’applique aux décisions administratives discrétionnaires, mais son contenu varie en fonction des circonstances de chaque cas (arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817). Dans cet arrêt, la Cour suprême énumérait plusieurs facteurs qu’il importe de prendre en compte pour déterminer le niveau pertinent d’équité. Ces facteurs sont notamment l’importance de la décision pour la personne visée, la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision, l’intérêt public et le contexte factuel.

 

[22]           Outre ces facteurs, il importe de garder aussi à l’esprit les valeurs qui sous‑tendent l’obligation d’équité procédurale et le principe « selon lequel les personnes visées doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position, et ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision » (arrêt Baker, précité, au paragraphe 28).

 

[23]           Dans la décision Akbari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [2006A.C.F. n° 1773, aux paragraphes 9 à 11, la Cour s’exprimait ainsi sur les facteurs à prendre en compte pour déterminer l’étendue de l’obligation d’équité au regard des décisions relevant du paragraphe 52(1) de la Loi :

¶ 9       Le facteur de l’intérêt public exige que l’on tienne compte de notre législation de l’immigration, ainsi que de la nécessité de faire en sorte que les non‑citoyens s’y conforment et que les fonctionnaires en assurent l’application. Comme la Cour d’appel le fait observer dans l’arrêt [Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297 (C.A.)], une décision ayant des effets défavorables pour la personne visée peut mettre en jeu une moindre obligation d’équité procédurale si la sécurité nationale ou les relations internationales entrent en ligne de compte. Or la présente affaire ne paraît pas soulever de questions de cette nature ni non plus la question de la criminalité.

 

¶ 10     Les facteurs doivent être pesés, non dans l’abstrait, mais dans le contexte des faits particuliers de l’affaire. Ainsi, il se peut que le niveau d’équité procédurale exigé ne soit pas le même dans un cas donné que dans un autre. En l’occurrence, il n’est pas indifférent que Mme Akbari ait subi un certain préjudice du fait de la perte de son passeport.

 

¶ 11     L’examen des facteurs dans le contexte des faits de la présente espèce m’amène à situer l’obligation applicable d’équité procédurale à un niveau proche du minimum. Je ne souscris pas à l’affirmation de Mme Akbari selon laquelle un entretien était obligatoire. Le défendeur n’était pas non plus tenu d’exposer formellement ses motifs. Conformément à l’arrêt Baker, je conclus que les notes de l’agent d’immigration peuvent être considérées comme l’exposé des motifs de sa décision. Je suis aussi d’accord avec le défendeur pour dire qu’une demande d’[autorisation de revenir au Canada] ne devrait pas être vue comme une mini‑demande fondée sur des motifs humanitaires. Cependant, il faut aussi tenir compte des autres facteurs énumérés plus haut. Or cette condition a pour conséquence la nécessité de prendre en considération la totalité des faits et circonstances présentés à l’agent d’immigration.

 

 

[24]           La Cour reconnaît avec le défendeur que, dans la présente espèce, le contenu de l’obligation d’équité se situe, dans la gamme, à un niveau encore plus bas que ce n’était le cas dans la décision Akbari, précitée. S’il en est ainsi, c’est principalement parce que le refus du GPI dans la présente affaire n’a pas entraîné, ou maintenu, la rupture de la famille immédiate des demandeurs comme c’était le cas dans la décision Akbari.

 

[25]           Cependant, puisque les demandeurs ont obtenu une entrevue au Haut-commissariat du Canada, entrevue organisée pour savoir si une autorisation devrait leur être accordée, la Cour doit se demander s’ils ont eu une occasion suffisante de dissiper les doutes des fonctionnaires de l’immigration avant qu’une décision finale fût rendue. Par conséquent, les demandeurs avaient ici droit, à tout le moins, d’avoir la possibilité de dissiper les doutes de l’agente des visas qui faisaient partie de sa recommandation adressée au GPI. Pour les motifs qui suivent, la Cour ne croit pas qu’une telle possibilité leur a été donnée.

 

[26]           Comme on peut le lire dans la décision Akbari, précitée, une demande d’autorisation de retour au Canada ne devrait pas être vue comme « une mini‑demande fondée sur des motifs humanitaires ». La décision qui fait suite à une demande d’autorisation de retour au Canada devrait cependant être fondée sur toutes les circonstances du dossier, notamment sur les objets fondamentaux de la Loi. Par exemple, l’alinéa 3(1)h) de la Loi dit que la loi doit être interprétée de manière à protéger la santé des Canadiens et à garantir leur sécurité. Cependant, cet objet doit être mis en balance avec les autres objets de la Loi, notamment permettre au Canada de retirer de l’immigration le maximum d’avantages sociaux, culturels et économiques, enrichir et renforcer le tissu social et culturel du Canada et promouvoir l’intégration des résidents permanents au Canada.

 

[27]           En l’espèce, la recommandation de l’agente des visas porte principalement sur les antécédents des demandeurs en matière d’immigration, en particulier sur le fait qu’ils sont entrés au Canada illégalement en 2003 et qu’ils ne sont pas partis rapidement après qu’une décision finale fut rendue sur leur demande d’asile. L’importance accordée à ces aspects est attestée dans les notes de l’agente des visas, où elle fonde sa recommandation défavorable sur le fait que les demandeurs sont entrés illégalement au Canada et sur le fait qu’ils ne se sont pas conformés aux lois canadiennes en matière d’immigration. Ce raisonnement est alors suivi par le GPI, qui écrit dans sa décision que les demandeurs [traduction] « ont commis de multiples violations du droit canadien, sachant que [leur] comportement était illégal ».

 

[28]           La recommandation de l’agente des visas procède aussi de la nature de la demande d’asile, qui, conclut‑elle, n’a [traduction] « aucun fondement crédible » et constitue un abus du régime canadien du droit d’asile. Les demandeurs cependant font valoir que ces conclusions s’expliquaient par le fait que l’agente des visas avait mal interprété la preuve qui lui avait été soumise et ils disent qu’elles étaient donc déraisonnables. Les demandeurs font aussi valoir que l’agente des visas a manqué à l’obligation d’équité en arrivant à de telles conclusions sans d’abord les informer de ses doutes et sans leur donner l’occasion de les dissiper.

 

[29]           Après examen de la preuve, la Cour juge que la conclusion de l’agente des visas selon laquelle la demande d’asile des demandeurs n’avait [traduction] « aucun fondement crédible » et constituait un abus du régime canadien du droit d’asile était une conclusion déraisonnable. La décision de l’agente des visas semble fondée sur le fait que les demandeurs sont entrés illégalement au Canada en 2003, dans l’intention manifeste d’y immigrer, mais sa conclusion n’est en aucune façon appuyée par les motifs du GPI, lequel ne fonde pas sa décision sur la crédibilité des demandeurs, mais plutôt sur l’existence d’une possibilité de refuge intérieur en Inde, puisqu’il écrit dans sa décision que :

[traduction]

 

Les demandeurs ont sollicité l’asile au Canada; cependant, je suis d’avis qu’une protection leur était accessible dans leur propre pays, l’Inde. Si je suppose, sans me prononcer sur la question, que les mauvais traitements que leur a fait subir la police locale du Penjab ont eu lieu tels qu’ils l’affirment, alors je suis d’avis que les demandeurs d’asile, au lieu de fuir au Canada pour obtenir une protection, auraient pu obtenir un répit en Inde. Les villes de Delhi, Mumbai et Calcutta sont à mon avis, pour les demandeurs d’asile, des zones viables offrant une [possibilité de refuge intérieur].

 

 

[30]           Il était donc déraisonnable pour l’agente des visas de dire que la demande d’asile déposée par les demandeurs n’avait aucun fondement crédible. Les demandeurs sont arrivés au Canada en 2003 et ont déposé ce qu’ils croyaient être une demande d’asile légitime, en raison des menaces d’extorsion qu’ils recevaient des autorités locales en Inde. En affirmant que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ou des personnes à protéger, la Commission a fondé sa décision non pas sur la crédibilité des demandeurs, mais sur la question de l’existence d’une protection de l’État en Inde, c’est‑à‑dire sur le fait que les demandeurs auraient été en mesure de recevoir de l’État en Inde une protection suffisante en se réinstallant dans une autre région du pays. Sur ce fondement, l’agente des visas n’était pas autorisée à dire que la demande d’asile n’était pas authentique. Les demandeurs avaient donc le droit, selon la Loi, de solliciter l’asile au Canada, et il n’était pas loisible à l’agente des visas de s’exprimer sur l’authenticité de leur demande d’asile. Ainsi que l’écrivait le juge Harrington dans la décision Sahakyan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1542, 267 F.T.R. 126, au paragraphe 22 :

 

[…] Peu importe comment il est entré au pays, comment il peut avoir gâché ses chances d’avoir gain de cause, qu’il ait voulu rejoindre son frère ou qu’il ait eu des considérations financières, il avait le droit suivant la Partie 2 de la Loi de demander l’asile au Canada. Comme le Règlement l’établit clairement, le fait que sa demande a été rejetée n’influe pas sur son droit de demander le statut de résident permanent en tant qu’immigrant. Tout ce qu’il a fait c’est aller à l’encontre des exigences régissant le moment de son départ du Canada et, néanmoins, on ne lui a pas demandé les raisons de son retard à quitter le pays. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[31]           Le défendeur fait valoir que l’erreur alléguée par les demandeurs concernant l’authenticité de leur demande d’asile est sans effet sur la question de savoir si la décision du GPI est ou non raisonnable, puisque lesdites conclusions ne constituaient pas le fondement de sa décision. Cependant, la Cour estime, au vu de la preuve, que, même si la décision du GPI n’était pas directement fondée sur le fait que les demandeurs avaient abusé du régime canadien du droit d’asile, elle était largement fondée sur le fait qu’ils avaient commis [traduction] « de multiples violations » du droit canadien de l’immigration, conclusion qui elle‑même s’appuyait sur la conclusion déraisonnable de l’agente des visas.

 

[32]           Dans la décision Sahakyan, précitée, la Cour examinait une affaire très semblable à celle dont il s’agit ici. Dans ce précédent, elle considérait les facteurs applicables à une décision relevant du paragraphe 52(1). S’agissant des antécédents d’une personne en matière d’immigration, elle écrivait que, même si tels antécédents ne sont pas totalement hors de propos dans l’examen d’une demande d’autorisation, ils doivent être considérés dans le contexte pertinent – c’est‑à‑dire qu’il faut se demander si les antécédents du demandeur en matière d’immigration intéressent les raisons pour lesquelles il est resté au Canada plus longtemps qu’il n’y était autorisé.

 

[33]           Eu égard à ces considérations, les facteurs invoqués par l’agente des visas dans sa recommandation, et par le GPI dans sa décision, n’intéressaient pas les raisons qu’avaient les demandeurs de quitter le Canada après la date à laquelle ils devaient le faire. Par exemple, si les demandeurs avaient quitté le Canada à l’intérieur de la période prévue dans le Règlement, ils auraient eu le droit de revenir au Canada dans l’avenir, nonobstant l’illégalité de leur entrée initiale en 2003 ou l’absence de bien‑fondé de leur demande d’asile.

 

[34]           Par conséquent, il était déraisonnable pour le GPI de se fonder sur l’entrée illégale des demandeurs au Canada en 2003, entrée illégale qui, ajoutée à leur départ tardif de mars 2006, avait constitué les [traduction] « multiples violations » mentionnées dans la décision. La conclusion du GPI était déraisonnable parce qu’il n’a tenu aucun compte de la raison pour laquelle les demandeurs étaient entrés illégalement au Canada en 2003, à savoir le dépôt d’une demande d’asile et, comme on peut le lire dans la décision Sahakyan, précitée, ils pouvaient déposer une telle demande. Le respect des lois sur l’immigration est une considération légitime dans l’exercice du pouvoir du GPI, mais la preuve soumise à la Cour montre que l’unique véritable violation commise par les demandeurs était qu’ils n’avaient pas quitté le Canada à l’intérieur du délai prévu.

 

[35]           Par ailleurs, la Cour a du mal à dire que le GPI a rendu sa décision en tenant compte de toutes les circonstances de l’affaire ainsi que de l’objet du droit canadien de l’immigration. D’abord, bien que le GPI ait voulu mettre en balance l’avantage économique pour le Canada de l’octroi d’une autorisation de retour aux demandeurs, nulle part il n’a pris en compte les motifs qu’avaient les demandeurs de ne pas quitter le Canada avant mars 2006. Les demandeurs disent que leur départ tardif s’explique surtout par le fait qu’ils avaient eu de la difficulté à renouveler leurs passeports indiens. Ils expliquent que, malgré le paiement de frais supplémentaires pour faire accélérer le traitement de leurs demandes de renouvellement, ils n’ont pu obtenir le renouvellement de leurs passeports qu’en mars 2006, le mois de leur départ du Canada. La correspondance attestant les difficultés qu’ont eues les demandeurs à faire renouveler leurs passeports a été consignée dans les notes de l’agente des visas, mais, s’agissant de savoir si une autorisation de retour devrait leur être accordée, il n’est nulle part fait état, dans la recommandation de l’agente ou dans la décision du GPI, des raisons du départ tardif des demandeurs. Si l’agente ou le GPI avait informé les demandeurs de leurs doutes, ils auraient pu obtenir d’eux des précisions additionnelles sur leur départ tardif.

 

[36]           En outre, la décision du GPI et la recommandation de l’agente n’évoquent nulle part le fait que les mesures d’expulsion sont souvent prononcées à l’encontre de personnes qui ont été déclarées interdites de territoire pour diverses raisons, notamment grande criminalité, sécurité nationale ou atteinte aux droits humains ou internationaux. Au contraire, les demandeurs ici ne sont pas des risques pour la sécurité ni ne possèdent de casier judiciaire. Ils sont entrés au Canada illégalement, mais ils ont déposé une demande d’asile valide, bien qu’infructueuse. Ils voudraient maintenant revenir au Canada comme immigrants, ayant déjà été déclarés admissibles comme candidats provinciaux. Par conséquent, selon les mots employés par le juge Harrington dans la décision Sahakyan, précitée, tout ce qu’ils ont fait, c’est « aller à l’encontre des exigences régissant le moment » de leur départ du Canada. Il apparaît déraisonnable à la Cour que les demandeurs se voient refuser dans ces conditions l’autorisation de revenir au Canada, d’autant qu’il n’a été tenu aucun compte des raisons qu’ils avaient de ne pas quitter le Canada avant mars 2006.

 

[37]           Par conséquent, en fondant son refus d’autorisation sur des facteurs sans rapport avec leur départ tardif, puis en ne considérant pas davantage les raisons qu’avaient les demandeurs de tarder à partir, le GPI a commis une erreur dans sa décision. Sur ce fondement, la demande de contrôle judiciaire, n° du greffe IMM‑2342‑07, doit être accueillie.

 

Deuxième question :   Le gestionnaire de programme a‑t‑il manqué à l’équité parce qu’il s’est fondé sur des preuves extrinsèques et parce qu’il n’a pas informé les demandeurs des éléments auxquels ils devaient répondre?

 

[38]           Dans sa recommandation adressée au GPI, l’agente des visas se référait à un document intitulé RIL 06‑017, un projet de lignes directrices exposant les principes directeurs qui servent à guider l’exercice du pouvoir discrétionnaire dont parle le paragraphe 52(1) de la Loi. Se référant à ces lignes directrices, l’agente des visas écrit ce qui suit :

[traduction]

 

D’après les lignes directrices RIL 06‑017, l’article 52 de la [LIPR] a été rédigé, et adopté, afin d’encourager les personnes concernées à se conformer aux mesures exécutoires d’interdiction de séjour. Une interdiction permanente de revenir au Canada est une grave conséquence d’un refus de se conformer aux règles. Une autorisation de revenir au Canada ne devrait pas être automatiquement accordée comme moyen de neutraliser cette interdiction, mais ne devrait plutôt être accordée que dans les cas où l’agent estime que l’autorisation est justifiée au vu des circonstances du dossier. C’est au demandeur qu’il appartient d’exposer les raisons pour lesquelles une autorisation devrait lui être accordée, compte tenu des circonstances qui ont conduit au prononcé d’une mesure de renvoi. Outre les conditions d’admissibilité à la délivrance d’un visa, il doit aussi exister des raisons impérieuses d’accorder une autorisation de revenir au Canada.

 

 

[39]           Les demandeurs font valoir que l’agente des visas a manqué à l’équité parce qu’elle a fondé sa recommandation au GPI sur le projet de lignes directrices, et cela, sans les informer du contenu de ces lignes directrices, ni même de leur existence. Les demandeurs affirment donc que, s’ils avaient connu l’existence du projet de lignes directrices, ils auraient présenté des observations additionnelles expliquant en quoi leur contenu militait en leur faveur.

 

[40]           J’ai examiné le projet de lignes directrices et il est clair qu’elles renferment plusieurs principes directeurs qui sont censés guider le GPI dans la manière dont il doit exercer son pouvoir discrétionnaire selon le paragraphe 52(1) de la Loi. Ces principes n’ont pas pour effet de réduire ce pouvoir discrétionnaire et les demandeurs ne prétendent pas non plus que tel fut le cas ici. Cependant, la Cour considère que ces principes apportent de substantiels ajouts aux lignes directrices qui étaient déjà en vigueur dans le Guide de Citoyenneté et Immigration Canada appelé Guide du traitement des demandes à l’étranger (chapitre OP1 – Procédures). À l’époque, le guide ne faisait pas état de principes directeurs devant être pris en compte par le GPI lorsqu’il rendait une décision. Par conséquent, si le projet de lignes directrices avait été porté à la connaissance des demandeurs avant leur entretien avec l’agente des visas, les demandeurs auraient été en mesure de comprendre davantage les facteurs appliqués par le GPI concernant l’opportunité d’accorder ou non une autorisation de revenir au Canada. En ne révélant pas leur existence aux demandeurs, pour ensuite les invoquer à l’appui d’une recommandation défavorable, l’agente des visas n’a pas fait suffisamment connaître aux demandeurs les éléments auxquels ils devaient répondre et ils n’ont donc pas été traités équitablement. Cela est d’autant plus vrai que le projet de lignes directrices n’était pas à la disposition du public à l’époque où les demandeurs se sont entretenus avec l’agente des visas en avril 2007.

 

[41]           Par conséquent, la décision du GPI de refuser aux demandeurs l’autorisation de revenir au Canada doit également être annulée sur ces moyens.

 

Troisième question :    La décision de l’agente des visas de refuser la résidence permanente aux demandeurs était‑elle déraisonnable au vu des circonstances de la présente affaire?

 

[42]           Les demandeurs font valoir que la décision de l’agente des visas reposait uniquement sur le fait qu’ils n’avaient pas obtenu l’autorisation de revenir au Canada, comme le prévoit le paragraphe 52(1) de la Loi. La Cour partage leur avis. Par conséquent, puisque la Cour a déjà dit que la décision du GPI de ne pas accorder aux demandeurs l’autorisation de revenir au Canada était une décision erronée, alors l’agente des visas ne pouvait pas se fonder sur cette décision pour refuser aux demandeurs la résidence permanente au Canada.

 

[43]           Pour ces motifs, la Cour fera droit à la demande de contrôle judiciaire portant le n° du greffe IMM‑2339‑07. Il sera statué à titre définitif sur leur demande de résidence permanente après qu’une nouvelle décision sera rendue sur la question de savoir s’ils devraient être autorisés à revenir au Canada.

 

[44]           La Cour reconnaît avec les parties qu’il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 


JUGEMENT

 

POUR LES MOTIFS SUSMENTIONNÉS, LA COUR :

 

1.      accueille la demande de contrôle judiciaire portant le numéro IMM‑2342‑07, annule la décision du gestionnaire de programme et renvoie l’affaire à un autre décideur pour nouvelle décision conforme aux présents motifs;

2.      accueille la demande de contrôle judiciaire portant le numéro IMM‑2339‑07, annule la décision de l’agente des visas qui refusait aux demandeurs la résidence permanente au Canada et renvoie l’affaire à un autre agent des visas pour nouvelle décision, après qu’une décision aura été rendue sur la question de savoir si les demandeurs devraient être autorisés à revenir au Canada.

 

« Maurice E. Lagacé »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur
ANNEXE A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27

 

52. (1) L’exécution de la mesure de renvoi emporte interdiction de revenir au Canada, sauf autorisation de l’agent ou dans les autres cas prévus par règlement.

 

52. (1) If a removal order has been enforced, the foreign national shall not return to Canada, unless authorized by an officer or in other prescribed circumstances.

 

 

 

 

Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227

 

 

223. Les mesures de renvoi sont de trois types : interdiction de séjour, exclusion, expulsion.

 

224. (1) L’exécution d’une mesure d’interdiction de séjour à l’égard d’un étranger est un cas prévu par règlement qui exonère celui‑ci de l’obligation d’obtenir l’autorisation prévue au paragraphe 52(1) de la Loi pour revenir au Canada.  

(2) L’étranger visé par une mesure d’interdiction de séjour doit satisfaire aux exigences prévues aux alinéas 240(1)a) à c) au plus tard trente jours après que la mesure devient exécutoire, à défaut de quoi la mesure devient une mesure d’expulsion.

(3) Si l’étranger est détenu au cours de la période de trente jours ou s’il est sursis à la mesure de renvoi prise à son égard, la période de trente jours est suspendue jusqu’à sa mise en liberté ou jusqu’au moment où la mesure redevient exécutoire.

 

[…]

 

226. (1) Pour l’application du paragraphe 52(1) de la Loi, mais sous réserve du paragraphe (2), la mesure d’expulsion oblige l’étranger à obtenir une autorisation écrite pour revenir au Canada à quelque moment que ce soit après l’exécution de la mesure.

 

(2) Pour l’application du paragraphe 52(1) de la Loi, le cas de l’étranger visé par une mesure d’expulsion prise du fait de son interdiction de territoire au titre de l’alinéa 42b) de la Loi est un cas prévu par règlement qui dispense celui‑ci de l’obligation d’obtenir une autorisation pour revenir au Canada.

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe 52(1) de la Loi, la mesure de renvoi visée à l’article 81 de la Loi oblige l’étranger à obtenir une autorisation écrite pour revenir au Canada à quelque moment que ce soit après l’exécution de la mesure.

 

 

 

223. There are three types of removal orders, namely, departure orders, exclusion orders and deportation orders.

 

224. (1) An enforced departure order is prescribed as a circumstance that relieves a foreign national from having to obtain authorization under subsection 52(1) of the Act in order to return to Canada.

(2) A foreign national who is issued a departure order must meet the requirements set out in paragraphs 240(1)(a) to (c) within 30 days after the order becomes enforceable, failing which the departure order becomes a deportation order.

 

(3) If the foreign national is detained within the 30‑day period or the removal order against them is stayed, the 30‑day period is suspended until the foreign national’s release or the removal order becomes enforceable.

 

 

[…]

 

226. (1) For the purposes of subsection 52(1) of the Act, and subject to subsection (2), a deportation order obliges the foreign national to obtain a written authorization in order to return to Canada at any time after the deportation order was enforced.

 

(2) For the purposes of subsection 52(1) of the Act, the making of a deportation order against a foreign national on the basis of inadmissibility under paragraph 42(b) of the Act is prescribed as a circumstance that relieves the foreign national from having to obtain an authorization in order to return to Canada.

 

(3) For the purposes of subsection 52(1) of the Act, a removal order referred to in paragraph 81(b) of the Act obliges the foreign national to obtain a written authorization in order to return to Canada at any time after the removal order was enforced.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                              IMM‑2342‑07 et IMM‑2339‑07

 

INTITULÉ :                                                               GURBHAGWANT SINGH KHAKH,

                                                                                    PREETKIRAN KHAKH

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 3 JUIN 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE SUPPLÉANT LAGACÉ

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                               LE 5 JUIN 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Chantel Desloges                                                          POUR LES DEMANDEURS

 

Sharon Stewart Guthrie                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green & Spiegel                                                           POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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