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Date : 20080609

Dossier : T‑697‑06

Référence : 2008 CF 718

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2008

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

demanderesse

 

et

 

PLUS MEDIA INC., PLUS MEDIA (CANADA) INC. et

CALVIN XU (alias QI XU)

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.        Introduction

 

[1]               La demanderesse, la Société canadienne de perception de la copie privée (la SCPCP), est une société à but non lucratif dont le mandat consiste à percevoir et à distribuer les redevances imposées à l’importation et à la vente de supports d’enregistrement vierges, tels les disques compacts. Les redevances sont censées profiter aux artistes dont les œuvres sont souvent reproduites sur ces disques. Le mandat de la SCPCP découle de la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑30.

 

[2]               La SCPCP a engagé la présente action contre les défendeurs, M. Calvin Xu, Plus Media Inc. et Plus Media (Canada) Inc., afin de percevoir les redevances que les défendeurs lui devraient en raison de leurs ventes de CD vierges, outre les intérêts, les pénalités et les dépens. La SCPCP sollicite aussi une ordonnance obligeant les défendeurs à se soumettre à un audit pour que soit chiffrée la somme effectivement due.

 

II.     Le cadre légal

 

[3]               Quiconque fabrique ou importe des supports d’enregistrement vierges, notamment des CD vierges, doit payer une redevance sur les ventes de tels supports, en application de la partie VIII de la Loi sur le droit d’auteur (alinéa 82(1)a); les dispositions applicables sont reproduites à l’annexe). La SCPCP est l’organisme désigné de perception des redevances (conformément à l’alinéa 83(8)d) de la Loi).

 

[4]               Les redevances sont établies par la Commission du droit d’auteur (paragraphe 83(8)) et sont indiquées dans le Tarif pour la copie privée, 2005‑2007 (paragraphe 83(10)). L’article 3 du Tarif fixe la redevance à 21 cents pour chaque disque compact enregistrable (CD‑R).

 

[5]               Si la SCPCP croit qu’une personne n’a pas payé les redevances, elle peut engager une procédure devant la Cour fédérale pour les recouvrer (paragraphe 88(1)). Si la Cour juge que la réclamation de la SCPCP est établie, elle peut condamner le défaillant à lui payer jusqu’au quintuple du montant des redevances dues, en tenant compte de la bonne foi (ou de la mauvaise foi) du défaillant, du comportement des parties devant la Cour et de la nécessité de dissuader autrui de ne pas payer les redevances (paragraphes 88(2) et (4)).

 

III.   Les faits

[6]               En 2002, la SCPCP a été informée qu’une société appelée Linsmart vendait sur eBay des CD‑R vierges. L’information d’eBay sur le vendeur, c’est‑à‑dire sur Linsmart, mentionnait M. Xu comme personne‑ressource, dont l’adresse était 247 avenue Bur Oak, Markham, en Ontario (qui est également l’adresse postale actuelle de Plus Media (Canada) Inc.).

 

[7]               En 2003, la SCPCP a communiqué avec la défenderesse Plus Media Inc. (que j’appellerai « PM ») pour la prier de se conformer à ses obligations selon le Tarif. PM a nié qu’elle importait des CD‑R. La SCPCP a communiqué à nouveau avec PM l’année suivante et, encore une fois, PM a nié qu’elle importait des CD‑R. En 2005, après avoir appris que PM était le distributeur en Ontario d’une société californienne, la SCPCP a encore une fois communiqué avec PM. Cette fois, le défendeur M. Xu a reconnu que l’entreprise avait importé des CD‑R en 2004 et 2005, et il a payé à la SCPCP une somme de 14 385 $. La SCPCP a alors rappelé à PM qu’elle aurait dû déposer des rapports et payer des redevances tous les deux mois, et elle a donc prié PM de s’acquitter rétroactivement de ses obligations. Elle l’a aussi informée que son paiement était tardif et que des intérêts étaient dus. PM n’a pas réagi.

 

[8]               C’est alors que, durant l’automne de 2005, la SCPCP a décidé de faire l’audit de PM. L’audit fut reporté deux fois, à la requête de PM. PM a justifié les reports en disant que M. Xu était en voyage d’affaires et que le comptable de PM était en vacances. Rien de tout cela n’était vrai. Lorsque les vérificateurs se sont présentés aux locaux de PM à la date convenue (le 14 décembre 2005), on leur a dit que PM n’exerçait plus d’activités à cette adresse. C’était plutôt une nouvelle société, Plus Media (Canada) Inc. (que j’appellerai « PMC »), qui était le nouvel occupant de l’édifice. L’épouse de M. Xu, Mme Ping Lin, est l’unique actionnaire et administratrice de PMC.

 

[9]               La SCPCP a prié PMC d’autoriser l’audit de ses documents, ce que PMC lui a refusé en alléguant que PMC était une entité distincte de PM et qu’elle n’importait pas de supports d’enregistrement vierges.

 

[10]           PM prétend qu’elle a cessé d’exercer ses activités le 14 octobre 2005. Le lendemain, PMC a commencé à exercer ses activités à la même adresse. PM a transféré son bail à PMC. Les employés de PM sont devenus les employés de PMC. PMC a commencé à vendre sa marchandise aux anciens clients de PM. Le stock de PMC venait de certains fournisseurs de PM. PMC utilisait aussi le numéro de téléphone, le numéro de télécopieur et le site Web de PM. PM a transféré certains actifs à PMC, sans aucune rétribution. On ne sait pas où PMC a obtenu son fonds de roulement. Elle a pu acheter des marchandises à des fournisseurs peu après avoir débuté ses activités, mais elle ne disposait d’aucune ligne de crédit et n’avait pas de moyens financiers apparents. Aucun avis du changement de société ne fut donné aux clients de PM. La seule différence entre les activités de PM et celles de PMC est que PMC n’importe pas de CD‑R vierges.

 

[11]           M. Xu dit qu’il a obtenu les livres comptables de PM en s’adressant au comptable de la société à la fin d’octobre 2005. Puis les documents ont disparu. À l’époque, ils se trouvaient dans les locaux de PMC.

 

IV.  Les positions des parties

 

[12]           La SCPCP sollicite une ordonnance contre PM autorisant la SCPCP à effectuer l’audit qui n’avait pu se faire à l’automne de 2005. La SCPCP voudrait une ordonnance similaire contre PMC au motif que PMC est l’alter ego de PM.

 

[13]           En outre, la SCPCP demande à la Cour d’ordonner aux défendeurs de payer les redevances impayées, après qu’elles auront été calculées au moyen des audits, ainsi que des pénalités, des intérêts et des dépens. La SCPCP affirme aussi que la somme que lui a versée PM en 2005 était inférieure de 1 512 $ à ce qui était dû en réalité. Hormis cela, la SCPCP n’a pas été en mesure, sans un audit en règle, de déterminer ce qui reste dû. Cependant, d’après le chiffre d’affaires de PM pour 2005, la SCPCP croit que PM doit environ 380 000 $ en redevances. Ce calcul se fonde sur l’aveu de PM, qui dit que ses ventes de CD‑R vierges représentaient environ 20 p. 100 de son chiffre d’affaires total (qui est de 2,4 millions $). Étant donné que chaque CD‑R est vendu environ 24 cents, la SCPCP pense que PM a vendu environ 2 millions de CD‑R. Il y a des éléments de preuve qui indiquent que PM aurait acheté sur le marché local environ 200 000 de ces supports, de sorte qu’environ 1,8 million de CD‑R ont été importés et sont frappés de la redevance de 21 cents. Le chiffre de 380 000 $ correspond à 1,8 million de CD‑R x 21 cents. PM soutient que la Cour n’a devant elle aucune preuve matérielle montrant qu’elle a importé ou vendu des CD‑R vierges selon les quantités avancées par la SCPCP.

 

[14]           PM prétend que, puisque ses livres comptables ont inexplicablement disparu, un audit serait inutile. La SCPCP fait valoir que, si tel est le cas, la Cour devrait ordonner à PM, à PMC et à M. Xu de produire tous les documents à leur portée, qu’ils soient en leur possession ou en la possession de fournisseurs, de clients, de courtiers ou de comptables. La SCPCP dit aussi que, si les documents ne peuvent pas être trouvés, alors PMC devrait être tenue de payer une somme représentant le chiffre estimatif de ce que PM doit probablement en redevances impayées, étant donné que PMC est, du moins aux fins de la présente instance, l’alter ego de PM. PMC fait valoir qu’aucun fondement juridique ne justifie qu’une ordonnance soit rendue contre elle puisqu’elle est une entité juridique distincte de PM et qu’elle n’a jamais fait l’importation de CD‑R.

 

[15]           Finalement, la SCPCP sollicite une ordonnance obligeant PM et PMC à payer les frais d’un audit si l’audit montre qu’elles doivent une somme excédant de plus de 10 p. 100 le montant payé en 2005 (en application de l’article 9 du Tarif).

 

V.     Les questions en litige

 

[16]           D’après moi, la Cour n’a qu’une seule question à trancher, à savoir : devrait‑elle ordonner la tenue d’un audit et, dans l’affirmative, contre qui?

 

[17]           Toutes les autres questions en litige dépendent des résultats de l’audit. Il s’agit des questions suivantes :

 

•           combien les défendeurs doivent‑ils en redevances impayées?

•           PMC devrait‑elle être tenue de payer les redevances dues par PM?

•           est‑il approprié d’imposer des pénalités, des intérêts et des dépens et, dans l’affirmative, à qui et pour quelle somme?

•           l’un ou plusieurs des défendeurs devrait‑il payer les frais d’un audit?

 

[18]           Je suis convaincu que tous les défendeurs devraient être soumis à un audit. La Cour restera saisie des autres questions en litige, qui seront décidées après la fin de l’audit, à moins que les parties ne soient en mesure de les régler entre elles.

 

VI.  Un audit est requis

 

  1. Le pouvoir de procéder à un audit

 

[19]           Comme je l’ai indiqué, quiconque fabrique ou importe des supports d’enregistrement vierges doit conserver des relevés de telles activités et les communiquer à la SCPCP (alinéa 82(1)b)). Cette obligation est décrite plus en détail dans le Tarif. En plus des redevances, qui doivent être payées tous les deux mois, le fabricant ou l’importateur doit communiquer à la SCPCP les renseignements suivants :

 

•           son identité, c’est‑à‑dire son nom commercial, sa dénomination sociale, le lieu de sa constitution, le nom du propriétaire ou les noms des principaux dirigeants;

•           son adresse, son numéro de téléphone, son numéro de télécopieur et son adresse électronique;

•           le nombre et le genre de supports fabriqués ou vendus (article 8 du Tarif).

 

[20]           En outre, le fabricant et l’importateur doivent, pendant une période de six ans, conserver les documents qui permettront à la SCPCP de calculer les sommes payables en vertu du Tarif. Pour savoir si les documents sont complets et exacts, la SCPCP a le pouvoir d’effectuer un audit, durant les heures d’ouverture, et moyennant un préavis raisonnable, et de procéder à un interrogatoire raisonnable de la personne qui est l’objet de l’audit et d’autres personnes (article 9 du Tarif). De manière générale, la SCPCP a l’obligation de préserver la confidentialité des renseignements qu’elle reçoit des fabricants et importateurs (paragraphe 10(1) du Tarif).

 

  1. Un audit de PM et de M. Xu

 

[21]           Il est clair, et il est d’ailleurs admis, que PM était un importateur de CD‑R vierges. PM avait donc l’obligation de conserver des relevés de ses importations et de ses ventes, de payer les redevances applicables et de communiquer à la SCPCP les renseignements requis. La SCPCP avait quant à elle le pouvoir légal de vérifier les documents de PM et de procéder à des enquêtes raisonnables auprès de M. Xu.

 

[22]           Cependant, les défendeurs font valoir que l’enquête de la SCPCP n’aurait pas dû avoir lieu parce qu’elle reposait sur des renseignements que la SCPCP avait illégalement obtenus de parties tierces. En outre, les défendeurs soutiennent que les renseignements utilisés par la SCPCP ne peuvent pas être produits dans la présente instance sans que soit transgressée l’obligation de confidentialité prévue par le Tarif.

 

[23]           L’enquête de la SCPCP concernant PM et M. Xu a débuté après que la SCPCP eut obtenu des renseignements de sociétés qui faisaient affaire avec PM. La SCPCP a reçu ces renseignements après avoir communiqué avec les entreprises qui vendaient des supports d’enregistrement vierges. Selon Me Laurie Gelbloom, avocate générale de la SCPCP, la SCPCP communique souvent avec des sociétés pour les informer des obligations imposées aux fabricants et aux importateurs. Parfois, la SCPCP demande aux sociétés d’apporter la preuve qu’elles ont acquis leurs marchandises auprès d’autres sociétés canadiennes et qu’elles ne sont donc pas soumises aux redevances prévues par le Tarif.

 

[24]           En l’espèce, la SCPCP a communiqué avec les sociétés appelées « Tomken Technology » et « U Computers ». Toutes deux ont remis à la SCPCP des copies de factures montrant qu’elles avaient acheté des CD‑R à PM.

 

[25]           À mon sens, il n’y a rien d’irrégulier dans le fait que la SCPCP communique avec des sociétés et utilise les renseignements qu’elle reçoit d’elles pour accomplir son mandat. Les sociétés avec lesquelles la SCPCP a communiqué semblaient disposées à lui fournir les renseignements qu’elle demandait. Rien ne permet d’affirmer que, ce faisant, la SCPCP a outrepassé son pouvoir légal ou agi inconsidérément. Je rejette aussi l’argument des défendeurs selon lequel la SCPCP ne peut communiquer qu’avec des sociétés dont elle sait déjà qu’il s’agit de fabricants ou d’importateurs. Il ne serait guère logique de confiner les activités de la SCPCP aux seules personnes qui se sont volontairement déclarées régies par le Tarif. Je ne vois d’ailleurs dans la Loi sur le droit d’auteur ni dans le Tarif aucune disposition restreignant ainsi la liberté d’action de la SCPCP. D’après moi, la SCPCP a le droit de rechercher les renseignements qui l’aideront à reconnaître les importateurs et fabricants, et d’agir sur la foi de tels renseignements.

 

[26]           Quant à l’argument relatif à la confidentialité, la SCPCP est, d’après le Tarif, tenue de garder confidentiels les renseignements que les importateurs et les fabricants doivent lui communiquer dans l’accomplissement de leurs obligations selon le Tarif. Le Tarif dispose ainsi :

 

10.(1)  Sous réserve des paragraphes (2) à (5), la SCPCP garde confidentiels les renseignements qu’un fabricant ou importateur lui transmet en application du présent tarif, à moins que le fabricant ou l’importateur ne consente par écrit à ce qu’ils soient divulgués.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[27]           Selon moi, les mots « en application du présent tarif » se réfèrent aux renseignements contenus dans les rapports remis par les importateurs et les fabricants aux termes de l’article 8 du Tarif, ainsi qu’aux renseignements que la SCPCP obtient à la faveur d’audits menés en vertu de l’article 9. Il ne s’agit pas, comme le prétendent les défendeurs, de l’ensemble des renseignements que la SCPCP pourrait obtenir dans l’accomplissement de son mandat. Le paragraphe 10(4) dispose expressément que le paragraphe 10(1) « ne s’applique pas […] aux renseignements obtenus d’un tiers non tenu lui‑même de garder confidentiels ces renseignements ». La preuve qui m’a été soumise ne permet pas de dire si Tomken Technology ou U Computers est un fabricant ou un importateur, mais, selon moi, la SCPCP n’était pas tenue de garder confidentiels les renseignements qu’elle avait obtenus de ces entreprises, parce qu’ils n’ont pas été communiqués « en application du présent tarif » et ont été volontairement fournis par une source autre que l’importateur particulier sur lequel enquêtait la SCPCP, à savoir PM.

 

[28]           Les défendeurs avancent un autre argument concernant la recevabilité des factures comme preuve. Ils disent que les renseignements que la SCPCP a obtenus constituent du ouï‑dire, ce qui rend les factures irrecevables. Pour sa part, la SCPCP dit que les factures ne sont pas invoquées pour la véracité de leur contenu et que la règle du ouï‑dire ne s’applique donc pas. Selon la SCPCP, elles montrent simplement que PM a envoyé des factures à d’autres sociétés pour la vente de CD‑R, et cela, après la date à laquelle PM a mis fin à ses activités. L’une des factures est datée du [traduction] « 2005-11-09 », ce qui veut dire que PM était encore en activité le 9 novembre 2005, bien après la date à laquelle PM affirme avoir mis fin à ses activités (c’est‑à‑dire le 14 octobre 2005).

 

[29]           D’après moi, si la SCPCP avait voulu se fonder sur le contenu de ces factures pour prouver que PM avait vendu des CD‑R à d’autres sociétés, il y aurait lieu alors de s’interroger sur la recevabilité des factures à cette fin. Cependant, puisque la SCPCP entend invoquer les factures uniquement pour prouver que PM a émis des factures en novembre 2005, je ne crois pas que se pose ici la question du ouï‑dire. Les factures ne sont pas produites pour prouver la véracité de leur contenu mais plutôt simplement pour montrer que PM a communiqué avec certains clients à une certaine date. Elles constituent donc une preuve acceptable.

[30]           La SCPCP a donc établi que PM et M. Xu devaient se conformer aux exigences du Tarif. Elle avait le pouvoir de faire l’audit de PM et de demander à M. Xu de produire les relevés des achats, des ventes et des recettes de PM.

 

  1. Un audit de PMC

 

[31]           PMC est une société distincte de PM. Elle n’importe pas, et n’a jamais importé, de supports d’enregistrement vierges. PMC fait donc valoir que la SCPCP n’a pas le pouvoir de faire un audit la concernant ni ne peut invoquer aucun fondement juridique pour exiger de PMC qu’elle paie les redevances pouvant être dues par PM.

 

[32]           La SCPCP fait valoir que PMC a l’obligation de se soumettre à un audit et d’assumer les responsabilités de PM selon le Tarif. La SCPCP dit que les circonstances suivantes justifient la réparation demandée à l’encontre de PMC :

 

•           en réalité, les opérations de PMC étaient identiques à celles de PM. Rien ne permet de distinguer de quelque manière les deux sociétés l’une de l’autre. La seule différence était que PMC s’abstenait d’importer des supports d’enregistrement vierges;

•           selon M. Xu, PMC a été constituée dans le but illégitime d’aider PM à se soustraire à un audit et au paiement des redevances qu’elle devait à la SCPCP;

•           les âmes dirigeantes des deux sociétés, M. Xu et Mme Lin, sont mari et femme;

•           quand la SCPCP a voulu procéder à l’audit de PM, les employés de PMC ont invoqué de faux prétextes pour faire reporter l’audit et n’ont pas mentionné que PM n’était plus en activité;

•           PM a délivré des factures depuis les locaux de PMC après qu’elle avait prétendument mis fin à ses activités;

•           les documents de PM étaient entre les mains de PMC à la date où ils avaient apparemment disparu.

 

[33]           Selon moi, ces circonstances présentent une ressemblance frappante avec celles dont il s’agissait dans la décision Société canadienne de perception de la copie privée c. Fuzion Technology Corp., 2006 CF 1284; conf. par 2007 CAF 335. La Cour d’appel fédérale, dans cette affaire, a confirmé une ordonnance qui obligeait la défenderesse à se soumettre à un audit, compte tenu qu’il était établi qu’elle avait été constituée principalement pour aider une société remplacée avec laquelle elle était étroitement liée à se soustraire à ses responsabilités selon le Tarif.

 

[34]           Dans la décision Fuzion, la Cour a ordonné l’audit d’une deuxième société dans un cas où :

 

·        l’intention était de permettre une transition en douceur et invisible depuis la première société;

·        la deuxième société avait acquis les clients, la dénomination, le site Web, les logos, le numéro de téléphone et le numéro de télécopieur de la première société;

·        la deuxième société occupait les locaux de la première société;

·        le défendeur Yeung était l’administrateur, le dirigeant et l’actionnaire des deux sociétés;

·        la deuxième société avait acquis le stock de la première société, alors qu’il n’existait aucun document attestant le paiement de ce stock.

 

[35]           PM fait observer qu’il y a des différences entre l’affaire Fuzion et la présente espèce. Ici, par exemple, le dirigeant de PM est M. Xu et le dirigeant de PMC est Mme Lin. Ils sont des conjoints, et non pas la même personne. En outre, il n’est pas établi ici qu’il y a eu transfert de stock, comme c’était le cas dans l’affaire Fuzion. Cependant, je ne suis pas persuadé que ces distinctions changent quelque chose. Nous avons en outre ici des facteurs qui n’étaient pas présents dans l’affaire Fuzion : tromperie de la part des employés de PMC et possession matérielle, par PMC, des registres de PM. Je suis d’avis que les circonstances justifient que soit rendue contre PMC une ordonnance l’obligeant à se soumettre à un audit de la part de la SCPCP.

 

VII.            Conclusion

[36]           Je rendrai donc une ordonnance contre PM, PMC et M.Calvin Xu, les obligeant à obtenir les relevés des ventes, par PM, de supports d’enregistrement vierges et à se soumettre à un audit de la part de la SCPCP. Cependant, comme c’était le cas dans la décision Fuzion, je suis d’avis qu’une ordonnance portant sur la responsabilité de PM ou de PMC en ce qui concerne les redevances est pour l’instant prématurée. Comme l’écrivait le juge Konrad von Finkenstein dans la décision Fuzion : « Tant que la créance n’a pas été établie, je ne suis pas disposé à en ordonner le paiement, encore moins le paiement du coût de la vérification et des intérêts en souffrance ».

[37]           Si l’audit révèle que des redevances sont exigibles et si les parties ne parviennent pas à un accord acceptable, La SCPCP pourra demander que soit rendue une ordonnance, appuyée par une preuve attestant les redevances échues, les intérêts payables et le coût de l’audit. Je resterai saisi de cette affaire pour le cas où une telle ordonnance serait demandée.


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         Dans un délai de quatre‑vingt‑dix (90) jours après le présent jugement, les défendeurs, Plus Media Inc., Plus Media (Canada) Inc. et M. Calvin Xu, obtiendront et communiqueront aux vérificateurs de la demanderesse, en vue d’un audit, tous les documents commerciaux, comptables et financiers de Plus Media Inc. et de Plus Media (Canada) Inc., qu’ils soient en la possession de fournisseurs, d’acheteurs, de comptables, de courtiers en douane ou de quiconque, ainsi que tous autres documents financiers pertinents, grâce auxquels les vérificateurs de la demanderesse pourront facilement constater :

i. les sommes payables;

ii. les renseignements requis;

aux termes des tarifs de copie privée certifiés par la Commission du droit d’auteur;

 

2.                  Si l’ audit fait apparaître des sommes payables, que la demanderesse exige par conséquent paiement de ces sommes et que le paiement n’est pas effectué par les défendeurs dans un délai de trente (30) jours après la mise en demeure, la demanderesse pourra à nouveau soumettre l’affaire à la Cour, sous réserve d’un avis de dix (10) jours, pour que soient décidées les questions en litige non résolues entre les parties;

3.                  Toute nouvelle demande déposée en vertu du paragraphe 2 susmentionné pourra être accompagnée d’une preuve par affidavit, fondée sur les conclusions de l’audit, qui indiquera les redevances exigibles, les intérêts sur telles redevances et le coût de l’audit;

4.                  Je resterai saisi de la présente affaire et j’instruirai, au besoin, la nouvelle demande mentionnée au paragraphe 2 ci‑dessus;

5.                  Les dépens de la présente affaire sont adjugés à la demanderesse, à l’encontre des défendeurs.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur


Annexe

 

Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. 1985, ch. C‑30

 

Obligation

82. (1) Quiconque fabrique au Canada ou y importe des supports d’enregistrement vierges à des fins commerciales est tenu :

a)      sous réserve du paragraphe (2) et de l’article 86, de payer à l’organisme de perception une redevance sur la vente ou toute autre forme d’aliénation de ces supports au Canada;

b)  d’établir, conformément au paragraphe 83(8), des états de compte relatifs aux activités visées à l’alinéa a) et aux activités d’exportation de ces supports, et de les communiquer à l’organisme de perception.

 

 

Dépôt d’un projet de tarif

[…]

Mesures à prendre

  83.(8) Au terme de son examen, la Commission :

a) établit conformément au paragraphe (9) :

(i) la formule tarifaire qui permet de déterminer les redevances,

(ii) à son appréciation, les modalités afférentes à celles‑ci, notamment en ce qui concerne leurs dates de versement, la forme, la teneur et la fréquence des états de compte visés au paragraphe 82(1) et les mesures de protection des renseignements confidentiels qui y figurent;

 

 

b) modifie le projet de tarif en conséquence;

c) le certifie, celui‑ci devenant dès lors le tarif homologué pour la société de gestion en cause;

d) désigne, à titre d’organisme de perception, la société de gestion ou autre société, association ou personne morale la mieux en mesure, à son avis, de s’acquitter des responsabilités ou fonctions découlant des articles 82, 84 et 86.

La Commission n’est pas tenue de faire une désignation en vertu de l’alinéa d) si une telle désignation a déjà été faite. Celle‑ci demeure en vigueur jusqu’à ce que la Commission procède à une nouvelle désignation, ce qu’elle peut faire sur demande en tout temps.

 

Publication

  83.(10) Elle publie dès que possible dans la Gazette du Canada les tarifs homologués; elle en envoie copie, accompagnée des motifs de sa décision, à l’organisme de perception, à chaque société de gestion ayant déposé un projet de tarif et à toutes les personnes ayant déposé une opposition.

 

Droit de recouvrement

88. (1) L’organisme de perception peut, pour la période mentionnée au tarif homologué, percevoir les redevances qui y figurent et, indépendamment de tout autre recours, le cas échéant, en poursuivre le recouvrement en justice.

 

Défaut de payer les redevances

 

(2) En cas de non‑paiement des redevances prévues par la présente partie, le tribunal compétent peut condamner le défaillant à payer à l’organisme de perception jusqu’au quintuple du montant de ces redevances et ce dernier les répartit conformément à l’article 84.

 

Ordonnance

 

(3) L’organisme de perception peut, en sus de tout autre recours possible, demander à un tribunal compétent de rendre une ordonnance obligeant une personne à se conformer aux exigences de la présente partie.

 

Facteurs

 

(4) Lorsqu’il rend une décision relativement au paragraphe (2), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

a) la bonne ou mauvaise foi du défaillant;

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle‑ci;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif en ce qui touche le non‑paiement des redevances.

Copyright Act, R.S.C. 1985, c. C‑30

 

Liability to pay levy

82. (1) Every person who, for the purpose of trade, manufactures a blank audio recording medium in Canada or imports a blank audio recording medium into Canada

(a)   is liable, subject to subsection (2) and section 86, to pay a levy to the collecting body on selling or otherwise disposing of those blank audio recording media in Canada;

(b)   shall, in accordance with subsection 83(8), keep statements of account of the activities referred to in paragraph (a), as well as of exports of those blank audio recording media, and shall furnish those statements to the collecting body.

Filing of proposed tariffs

[…]

Duties of Board

  83.(8) On the conclusion of its consideration of the proposed tariff, the Board shall

(a) establish, in accordance with subsection (9),

(i) the manner of determining the levies, and

(ii) such terms and conditions related to those levies as the Board considers appropriate, including, without limiting the generality of the foregoing, the form, content and frequency of the statements of account mentioned in subsection 82(1), measures for the protection of confidential information contained in those statements, and the times at which the levies are payable,

(b) vary the tariff accordingly,

(c) certify the tariff as the approved tariff, whereupon that tariff becomes for the purposes of this Part the approved tariff, and

(d) designate as the collecting body the collective society or other society, association or corporation that, in the Board’s opinion, will best fulfil the objects of sections 82, 84 and 86,

but the Board is not obligated to exercise its power under paragraph (d) if it has previously done so, and a designation under that paragraph remains in effect until the Board makes another designation, which it may do at any time whatsoever, on application.

 

 

Publication of approved tariffs

  83.(10) The Board shall publish the approved tariffs in the Canada Gazette as soon as practicable and shall send a copy of each approved tariff, together with the reasons for the Board’s decision, to the collecting body, to each collective society that filed a proposed tariff, and to any person who filed an objection.

 

Right of recovery

88. (1) Without prejudice to any other remedies available to it, the collecting body may, for the period specified in an approved tariff, collect the levies due to it under the tariff and, in default of their payment, recover them in a court of competent jurisdiction.

 

Failure to pay royalties

 

(2) The court may order a person who fails to pay any levy due under this Part to pay an amount not exceeding five times the amount of the levy to the collecting body. The collecting body must distribute the payment in the manner set out in section 84.

 

Order directing compliance

 

(3) Where any obligation imposed by this Part is not complied with, the collecting body may, in addition to any other remedy available, apply to a court of competent jurisdiction for an order directing compliance with that obligation.

 

Factors to consider

 

(4) Before making an order under subsection (2), the court must take into account

(a) whether the person who failed to pay the levy acted in good faith or bad faith;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings; and

(c) the need to deter persons from failing to pay levies.

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T‑697‑06

 

INTITULÉ :                                                               LA SOCIÉTÉ CANADIENNE

                                                                                    DE PERCEPTION DE LA COPIE PRIVÉE

                                                                                    c.

                                                                                    PLUS MEDIA INC. ET AUTRES

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LES 21 ET 22 JANVIER 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                               LE 9 JUIN 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Collier                                                                POUR LA DEMANDERESSE

 

Sammy Lee                                                                  POUR LES DÉFENDEURS

Stephen Edell

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ogilvy Renault, s.r.l.                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

Metcalfe, Blainey & Burns LLP                                    POUR LES DÉFENDEURS

Markham (Ontario)

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