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Date : 20080609

Dossier : IMM-4257-07

 

Référence : 2008 CF 724

 

Ottawa (Ontario), le 9 juin 2008

 

En présence du juge en chef

 

ENTRE :

 

GEORGE GURAJENA

ANNAH GURAJENA

GEORGE TAKURA GURAJENA (mineur)

SHINGIRAI EMMANUEL GURAJENA (mineur)

TADIWA COURTLAND GURAJENA (mineur)

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

            VU la demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 20 septembre 2007 par laquelle la Section de la protection des réfugiés a conclu que le demandeur principal, George Gurajena, est exclu de la protection accordée aux réfugiés en vertu de l’alinéa 1Fb) de la Convention, que les autres demandeurs n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention et qu’aucun des demandeurs n’a qualité de personne à protéger;

APRÈS examen du dossier de demande des parties et du dossier du tribunal, et après la tenue de l’audience du 2 juin 2008 à Toronto (Ontario) et de la conférence téléphonique du 3 juin 2008;

 

[1]       Il se peut que, dans certains cas, la preuve d’un mandat valide délivré par un pays étranger donne « des raisons sérieuses de penser » que le demandeur a commis un crime grave de droit commun au sens de l’alinéa 1Fb) de la Convention : Qazi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1204, au paragraphe 18. La Cour d’appel fédérale a également dit que, dans d’autres situations, la combinaison d’un mandat et d’autres éléments de preuve permet de conclure que le critère préliminaire de l’existence « [de] raisons sérieuses de penser » a été satisfait : Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, au paragraphe 23. De toute façon, lorsque la preuve d’un mandat est le seul élément de preuve sur lequel s’est fondée la Section de la protection des réfugiés, le tribunal doit « aller plus loin » et déterminer si le demandeur est crédible si, comme en l’espèce, le demandeur principal allègue que les accusations formulées dans le mandat sont fabriquées : Qazi, au paragraphe 19.

 

[2]       Vu ce contexte juridique , j’estime que le tribunal a commis deux erreurs, dont la première permet de trancher la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]       En premier lieu, le tribunal s’est fondé sur le fait que les « accusations ont de nouveau été déposées contre [le demandeur] en mars 1999 », selon des renseignements fournis par le bureau d’Interpol à Harare. À mon avis, sans la production du « nouveau » mandat en soi, ces renseignements faisant état du [traduction] « registre central d’infractions criminelles 1419/3/99 » ne démontrent pas qu’un second mandat a été délivré. Les renseignements contenus dans le courriel et la télécopie, aux pages 323 et 324 respectivement du dossier du tribunal n’étaient pas suffisants pour conclure qu’il y avait un second mandat. Le tribunal a conclu que les « accusations [portées en 1998] […] ont été retirées » et que le cautionnement du demandeur principal lui a été retourné en février 1999. Étant donné cette conclusion, les éléments de preuve dont disposait le tribunal ne permettaient pas de justifier sa décision qu’il existait « des éléments de preuve indiquant clairement que le demandeur d’asile [faisait] l’objet d’un mandat d’arrestation en instance ». L’erreur en soi justifie l’intervention de la Cour ainsi que la tenue d’une nouvelle audience.

 

[4]       En second lieu, dans ses motifs, le tribunal a conclu que le demandeur principal est exclu selon l’alinéa 1Fb) avant même d’examiner la crédibilité de sa dénégation de l’existence d’un second mandat et de son allégation que les accusations étaient fabriquées. Le tribunal aurait dû fournir des motifs plus cohérents quant à la crédibilité du demandeur principal relativement au « nouveau » mandat avant de tirer la conclusion que le demandeur était exclu. Le tribunal n’a tiré la conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur principal que lorsqu’il a examiné les demandes d’asile des autres demandeurs.

 

[5]       En outre, il aurait été prudent de la part du tribunal de déterminer si le demandeur principal avait qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger au cas où sa conclusion quant à l’exclusion du demandeur serait jugée erronée : Moreno c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 912, au paragraphe 60, et Brzezinski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1008, au paragraphe 33. En l’espèce, il se peut que le tribunal, en faisant référence au paragraphe 38 de l’arrêt Xie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 250, ait mal interprété la déclaration de la Cour d’appel fédérale selon laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) aurait outrepassé sa compétence lorsque, après avoir pris sa décision en matière d’exclusion, elle a examiné la question du risque de torture auquel s’exposerait la demanderesse en cas de retour à son pays de nationalité. À mon sens, l’arrêt Xie n’implique pas que la SPR ne devrait pas faire, à titre de conclusion subsidiaire, l’analyse des facteurs d’inclusion selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés au cas où sa conclusion en matière d’exclusion fondée sur l’article 98 serait jugée erronée lors d’un contrôle judiciaire. Les facteurs tels le temps et le coût devraient inciter les tribunaux à faire de même. En effet, dans l’arrêt Xie, le tribunal a fait l’analyse des facteurs d’inclusion selon les articles 96 et 97, et a conclu que le demandeur aurait obtenu l’asile par application de l’article 97 s’il n’avait pas été exclu en vertu de l’alinéa 1Fb).

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que :

 

1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour nouvelle décision.

2.        Les parties n’ont proposé aucune question grave pour certification et aucune question ne sera certifiée.

 

 

« Allan Lutfy »

________________________

Juge en chef               

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                               IMM-4257-07

 

INTITULÉ :                                                              GEORGE GURAJENA ET AL.

                                                                                  c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                       Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                     Les 2 et 3 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                    Le juge en chef

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                             Le 9 juin 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kingsley I. Jesuorobo                                                 POUR LES DEMANDEURS

 

Amy Lambiris                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley I. Jesuorobo                                                 POUR LES DEMANDEURS

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Ottawa (Ontario)

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