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Date : 20080606

Dossier : IMM-4935-07

Référence : 2008 CF 707

Ottawa (Ontario), le 6 juin 2008

En présence de Monsieur le juge Martineau

 

ENTRE :

JOSE ALFREDO OCAMPO GARCIA
MANUEL OCAMPO RUIZ

 

partie demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 29 octobre 2007, selon laquelle les demandeurs n'ont pas la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni celle de « personnes à protéger » selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27, telle que modifiée (la Loi).

 

[2]               Les demandeurs, Jose Alfredo Ocampo Garcia et son cousin Manuel Ocampo Ruiz, sont des citoyens du Mexique. Ils allèguent que le 18 mars 2006, ils ont été arrêtés et menacés de mort par quatre agents de la police judiciaire. Ils ont été éventuellement libérés et avertis de ne plus causer de problèmes aux chefs du gouvernement. Le même soir, ils ont essayé de porter plainte auprès du Ministère public, mais ce dernier n’a pas voulu enregistrer leur plainte. Les demandeurs allèguent également que le 19 avril 2006, ils ont présenté une déclaration au Procureur général de Justice du District fédéral du Mexique. Le lendemain, ils ont été interceptés par les mêmes agents de la police judiciaire qui leur ont fait des menaces de mort. Dans l’intervalle, les demandeurs se sont procurés des passeports et ont acheté des billets d’avion vers le Canada. Les demandeurs ont quitté le Mexique le 21 avril 2006 et ont demandé l’asile au Canada la même journée.

 

[3]               Dans un premier temps, la Commission est d’avis que les demandeurs ont donné à l’audience des réponses qui ne correspondent pas à ce qu’ils ont écrit dans leurs Formulaires de renseignements personnels (FRP) respectifs ni dans les documents complétés au moment de leur arrivée au Canada (notes au point d’entrée). Selon la décision contestée, la crédibilité des demandeurs est gravement compromise pour les raisons suivantes :

 

  • Dans leurs FRP, les demandeurs ont déclaré que le 18 mars 2006, les quatre agents de la police judiciaire leur en voulaient notamment parce qu’ils défendaient une tante et qu’ils avaient fait des plaintes à 37 chefs du gouvernement fédéral. Or, devant la Commission, ils ont indiqué qu’ils avaient simplement été des témoins dans des procédures intentées par leur tante dans une affaire concernant une transaction immobilière;
  • Dans leurs FRP, les demandeurs ont déclaré que le 18 mars 2006, ils n’avaient pas vu les quatre agents de la police judiciaire. Cependant, ils ont écrit qu’ils avaient été interceptés le 20 avril 2006 par les mêmes agents. Or, à l’audience, l’un des demandeurs a répondu qu’il avait reconnu leurs voix, ce qui est invraisemblable de l’avis de la Commission;
  • Le demandeur Ocampo Garcia a déclaré dans son FRP que le 18 mars 2006, les quatre agents de la police judiciaire lui en voulaient également au motif que son père avait défendu des chauffeurs de taxi et avait obtenu le statut de réfugié au Canada. Or, à l’audience, il a affirmé que les policiers ont commencé à le battre le 18 mars 2006 en lui demandant où était son père. Confronté à cette contradiction, ce demandeur a répondu que les policiers en question étaient au courant que son père était à l’étranger, mais qu’ils ne savaient pas où exactement;
  • Le demandeur Ocampo Garcia a également affirmé à l’audience qu’on l’avait arrêté sous prétexte qu’il s’était mêlé des affaires de sa tante. Toutefois, la vraie raison de son arrestation était qu’il est un membre du Parti de la Révolution Démocratique (PRD). Or, dans les renseignements qu’il a fournis au moment de son arrivée au Canada, le demandeur n’a fait aucune référence à son appartenance à ce parti ni à la persécution qu’il aurait subie parce qu’il est membre de ce parti. Confronté avec cette omission, il a répondu qu’il avait oublié de mentionner cette information; et,
  • Dans leurs FRP, les demandeurs ont indiqué qu’après avoir discuté de leur situation avec des membres du PRD, le 19 avril 2006, ils ont présenté une déclaration au Procureur général de Justice du District fédéral du Mexique. Or, à l’audience, l’un des demandeurs a affirmé que c’est suite à une longue discussion avec leur tante qu’ils ont décidé d’aller porter plainte le 19 avril 2006.

 

[4]               Dans la décision contestée, la Commission analyse ensuite subsidiairement la question de la protection de l’État mexicain. Vu le problème de crédibilité du récit des demandeurs et notant que la seule démarche effectuée par les demandeurs auprès des autorités mexicaines est survenue deux jours avant leur départ, la Commission estime que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau d’établir que l’État mexicain n’est pas en mesure de les protéger.

 

[5]               Les demandeurs allèguent aujourd’hui qu’ils ont des explications valables concernant chacune des contradictions ou invraisemblances relevées par la Commission dans la décision contestée. À cet égard, l’avocate des demandeurs a référé cette Cour aux réponses précises qu’ils ont fournies à la Commission (voir notamment les pages 337-338, 345-348, 350, 353-354 et 358, ainsi que les pages 24 et 278 du dossier du tribunal). En l’espèce, il ne s’agit que de contradictions apparentes. Les demandeurs contestent également la légalité de la conclusion quant à la capacité de l'État mexicain de les protéger, reprochant à la Commission d’avoir fait une lecture sélective de la preuve (voir notamment les pages 233-234 et les pages 246-247 du dossier du tribunal).  

 

[6]               Pour les fins des présentes, la conclusion de non-crédibilité des demandeurs est déterminante. En l’espèce, la norme de contrôle applicable aux décisions de la Commission fondées sur l'absence de crédibilité du revendicateur d'asile est celle de la décision déraisonnable (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (C.A.F.); Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[7]               Après avoir analysé la décision du tribunal et révisé l’ensemble de la preuve, la conclusion de non-crédibilité m’apparaît raisonnable. Une conclusion d'absence de crédibilité, comme en l'espèce, peut être fondée sur des invraisemblances, des contradictions, sur l'irrationalité et sur le sens commun. La conclusion générale de non-crédibilité de la Commission est motivée et il n’a pas été démontré à la satisfaction de cette Cour que celle-ci est « fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [la Commission] dispose » (paragraphe 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, telle que modifiée; Anjete v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 644, aux paragraphes 3 et 4; et Bielecki v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2008 FC 442, aux paragraphes 16 à 23). En fait, il semble que les demandeurs, non satisfaits de la décision obtenue, demandent aujourd’hui à cette Cour d'apprécier à nouveau la preuve et de substituer son opinion à celle de la Commission dans l'espoir que leur demande soit accueillie.

 

[8]               Faut-il le rappeler, les exemples de non-crédibilité contenus dans la décision contestée ne doivent pas être examinés de manière microscopique par la Cour mais doivent plutôt être considérés comme un tout et être interprétés en fonction du contexte et l’ensemble de la preuve au dossier. De plus, les erreurs reprochées par la Commission doivent être déterminantes pour que la Cour renvoie l’affaire pour une nouvelle audition. En l’espèce, même si certaines interprétations que fait la Commission des réponses des demandeurs sont peut-être contestables, je ne peux pas dire qu’elles sont arbitraires ou capricieuses en l’espèce, ni qu’elles affectent la conclusion générale de non-crédibilité de la Commission.

 

[9]               La raisonnabilité de la conclusion d’absence de crédibilité de la Commission suffit donc pour maintenir la décision contestée et il n’est pas nécessaire d’examiner en conséquence la question de la protection de l’État mexicain, soulevée subsidiairement par les demandeurs.

 

[10]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n'ont pas présenté de question à certifier et ce dossier n'en soulève aucune.

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n'est certifiée.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4935-07

 

INTITULÉ :                                       JOSE ALFREDO OCAMPO GARCIA ET AL.

                                                            c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 3 juin 2008

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 6 juin 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Éveline Fiset

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Thi My Dung Tran

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Éveline Fiset

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

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