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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080602

Dossier : IMM‑4315‑07

Référence : 2008 CF 695

Toronto (Ontario), le 2 juin 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

BIJOYA CHAKRABARTY

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse sollicite, en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), le contrôle judiciaire de la décision rendue par un agent d’examen des risques avant renvoi (l’agent) le 30 août 2007. L’agent a estimé que la demanderesse ne serait pas exposée à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à un risque de subir des traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée au Bangladesh.

 

[2]               La demanderesse, originaire du Bangladesh, est de confession hindoue. Elle est arrivée au Canada en 2005 et a présenté une demande d’asile en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR. Sa demande d’asile était fondée sur le fait que, en tant que femme de la minorité hindoue, elle risquait d’être persécutée par les membres extrémistes du Parti nationaliste du Bangladesh (le BNP), le parti politique au pouvoir, et par le Jamat‑e‑Islami (le Jamat). Le motif de sa crainte a trait aux activités politiques menées par son mari au sein du Conseil local pour l’unité hindoue, bouddhiste et chrétienne, et autres organisations religieuses hindoues. Elle dit que son mari se tient caché au Bangladesh.

 

[3]               La demande d’asile a été rejetée le 12 avril 2006 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. La Cour fédérale a refusé à la demanderesse l’autorisation de déposer une demande de contrôle judiciaire. La demanderesse a alors présenté une demande d’examen des risques avant renvoi et l’agent d’ERAR a estimé qu’elle n’était exposée à aucun risque. C’est cette décision qui est l’objet de la procédure de contrôle judiciaire.

 

[4]               Selon la demanderesse, l’agent a commis une erreur parce qu’il a appliqué le critère de l’article 96 en obligeant la demanderesse à prouver l’existence d’une crainte subjective et d’un risque personnalisé avant qu’elle puisse bénéficier d’une protection selon la LIPR. Elle fait valoir que son identité de femme hindoue, identité qui n’a pas été contestée, ce à quoi s’ajoutait une preuve documentaire objective montrant que les minorités religieuses sont ciblées, suffit à entraîner l’application de l’article 96. Plus précisément, elle dit qu’elle n’était pas tenue de prouver l’existence d’un risque qui lui était propre. Selon elle, l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle en disant qu’elle pouvait, en tant qu’hindoue, obtenir de l’État une protection. La demanderesse dit aussi que l’agent a commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’il a rejeté le témoignage produit sous serment par ses filles.

 

[5]               Le défendeur affirme que la demanderesse n’a pas produit de preuve nouvelle selon la définition qu’en donnait la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Raza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 385, paragraphes 13 et 14.

 

[6]               Après examen du dossier, il est clair que l’agent a bien accepté comme nouvelle preuve nouvelles les déclarations sous serment des filles de la demanderesse, les lettres de diverses organisations religieuses hindoues et les documents additionnels d’information sur le pays.

 

[7]               L’agent a accepté la preuve documentaire reconnaissant l’existence de violences à l’encontre des membres de la minorité hindoue du Bangladesh. Cependant, considérant la situation globale, il a estimé que les violences n’établissaient pas que la demanderesse elle‑même était exposée à un risque ou que l’oppression générale atteignait un niveau tel qu’une protection selon l’article 96 s’imposait.

 

[8]               L’agent a conclu qu’il n’était pas persuadé que la demanderesse serait exposée à un risque de persécution, à un risque de torture, à une menace pour sa vie ou à des peines cruelles et inusitées au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

[9]               Je suis d’avis que l’agent n’a pas commis d’erreur dans l’application du critère de la qualité de réfugié au sens de la Convention, critère décrit à l’article 96 de la LIPR, ou dans l’application du critère du préjudice appréhendé, dont parle l’alinéa 97(1)b) de la LIPR.

 

[10]           La question qui est au cœur de cette procédure de contrôle judiciaire est la manière dont l’agent a considéré le témoignage de la demanderesse. C’est à la demanderesse qu’il appartient d’établir qu’elle est exposée à un risque. C’est elle qui est la mieux placée pour connaître le risque qu’elle court à son retour.

 

[11]           Tout en acceptant la nouvelle preuve de la demanderesse, l’agent leur a attribué peu de poids. S’agissant des déclarations solennelles faites par les filles de la demanderesse, l’agent les a trouvées imprécises. Cela est vrai en particulier pour les propos suivants, identiques dans les deux déclarations : [traduction] « l’information reçue de mes proches au Bangladesh a aussi confirmé que les terroristes du BNP‑Jamat juraient encore de tuer mes parents ». L’agent a trouvé que ces propos avaient peu de valeur probante et qu’ils étaient intéressés.

 

[12]           L’agent a trouvé aussi que les lettres des représentants des organisations religieuses hindoues, tant au Canada qu’au Bangladesh, présentaient peu de valeur probante parce qu’elles relataient des événements sans précision, qu’elles concernaient un aspect déjà évalué par la SPR et qu’elles ne montraient pas que les signataires avaient une connaissance personnelle des difficultés que connaissaient la demanderesse et sa famille.

 

[13]           Le caractère général et non spécifique de la preuve de la demanderesse ne contribue guère à renforcer sa demande d’asile. D’après moi, la manière dont l’agent a considéré la preuve est raisonnable, ainsi que le poids qu’il lui a attribué.

 

[14]           J’arrive donc à la conclusion que la demande de contrôle judiciaire devrait être rejetée. Les parties n’ont pas proposé que soit certifiée une question grave de portée générale.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4315‑07

 

 

INTITULÉ :                                       BIJOYA CHAKRABARTY

                                                            c.

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 22 MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 2 JUIN 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rezaur Rahman                                    POUR LA DEMANDERESSE

 

Jennifer Francis                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Rezaur Rahman                                    POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Ottawa (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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