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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080604

Dossier : T-1631-06

Référence : 2008 CF 704

Toronto (Ontario), le 4 juin 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

STEPHEN LEUNG

demandeur

et

 

L’AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, par le demandeur Stephen Leung, à l’égard de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté sa plainte. Il alléguait dans celle‑ci que l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) avait exercé des représailles contre lui en lui refusant une promotion parce qu’il avait présenté une plainte relative aux droits de la personne.

 

CONTEXTE

[2]               Le demandeur est une personne d’origine chinoise. Il travaille pour la défenderesse, l’ARC, depuis plus de vingt-cinq ans.

 

[3]               En 1989, M. Leung a été nommé directeur adjoint dans un poste de niveau FI03. Il était responsable des activités financières et administratives dans la région de Toronto. En 1994, à la suite d’une réorganisation, M. Leung a été nommé directeur adjoint, Finances et Administration, un poste de niveau AS06. À ce titre, M. Leung était responsable des finances, de l’administration et des ressources humaines dans deux bureaux des services fiscaux à Toronto. En 1997, à la suite d’une deuxième réorganisation, le poste d’AS06 de M. Leung est devenu excédentaire. À cette époque, Steve Hertzberg était le directeur, Finances et Administration, pour la région du Sud de l’Ontario. M. Hertzberg était le supérieur hiérarchique de M. Leung.

 

[4]               M. Leung a demandé d’être nommé à un autre poste de niveau FI03 ou AS06, mais sa demande a été refusée. M. Leung a donc déposé une plainte relative aux droits de la personne dans laquelle il alléguait avoir fait l’objet de discrimination fondée sur la race, la nationalité ou l’origine ethnique.

 

[5]               En avril 2001, l’ARC a nommé M. Leung au poste de F103. M. Leung est alors devenu responsable de la gestion des ressources et des services financiers et devait superviser des agents des finances et des commis aux finances. Peu après, après une troisième réorganisation, tous les postes sont devenus excédentaires, y compris le poste de niveau F103 qu’occupait M. Leung. Tous les postes excédentaires devaient faire l’objet d’un examen par un comité d’examen de la classification pour déterminer s’ils devaient être classifiés à la hausse. Par suite d’un processus national d’examen des postes, un nouveau poste de contrôleur régional (FI04), qui est par la suite devenu un poste de directeur adjoint des Finances, a été créé le 1er juillet 2001. M. Leung a été nommé au poste de FI04, à titre intérimaire, pour une année.

 

[6]               À la mi-septembre 2001, un comité d’examen de la classification avait examiné les postes excédentaires et déterminé qu’entre trente et trente-trois de ces postes devaient être rehaussés, y compris celui de niveau FI03 qu’occupait M. Leung. En juin 2002, la nomination intérimaire de M. Leung au poste de FI03, directeur adjoint des Finances, a été prorogée.

 

[7]               Le 17 juin 2002, la Commission a recommandé que la plainte de M. Leung relative aux droits de la personne soit rejetée.

 

[8]               Le 21 août 2002, M. Hertzberg a avisé M. Leung que le poste FI04 de directeur adjoint des Finances qu’il occupait à titre intérimaire serait pourvu par concours. La décision était fondée sur le fait que l’ARC avait décidé que le poste de niveau FI04 était un nouveau poste qui n’avait aucun lien significatif avec le poste de niveau F103 qu’occupait M. Leung et que, selon les directives sur la dotation du personnel, un nouveau poste devait être pourvu par concours. Le 17 septembre 2002, l’ARC a mis en marche un concours afin de pourvoir le poste de FI04. M. Leung n’a pas posé sa candidature, croyant que le concours était une mesure de représailles exercée contre lui à cause de sa plainte relative aux droits de la personne.

 

[9]               Le 19 octobre 2002, M. Leung a déposé une plainte de représailles auprès de la Commission. L’ARC a fait valoir que la Commission ne devait pas entendre la plainte de représailles au motif que M. Leung devait d’abord épuiser les recours internes de règlement des griefs.

 

[10]           Le 30 septembre 2004, l’enquêteuse de la Commission a remis son rapport d’enquête sur la plainte de représailles à M. Leung et à l’ARC. L’enquêteuse a recommandé que, conformément au paragraphe 41(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi), même si la plainte de représailles n’était ni frivole, ni vexatoire ni entachée de mauvaise foi, la Commission ne traite pas la plainte puisque M. Leung devait épuiser d’abord les recours internes ou autres procédures semblables qui lui étaient normalement ouverts. Le 14 décembre 2005, après le dépôt de nouvelles observations par M. Leung, la Commission a accepté la recommandation de l’enquêteuse et a décidé de ne pas traiter la plainte de M. Leung à ce moment‑là.

 

[11]           Le 24 juin 2005, la Commission a demandé à un deuxième enquêteur de mener une enquête pour déterminer si d’autres procédures de règlement des griefs avaient permis de régler la plainte de représailles de M. Leung. Le 5 octobre 2005, l’enquêteur a recommandé que la plainte de représailles de M. Leung soit traitée parce qu’il n’était pas convaincu que l’ARC disposait de procédures internes susceptibles de s’appliquer à la plainte de représailles de M. Leung. La Commission a rouvert le dossier de M. Leung le 30 novembre 2005 et a mis en marche une troisième enquête. 

 

[12]           Le 13 décembre 2005, la Commission a commencé l’enquête visée par la présente demande de contrôle judiciaire. Une troisième enquêteuse s’est vue confier le dossier et elle a terminé son rapport le 24 mars 2006. Le rapport a été remis à M. Leung et à l’ARC pour observations et commentaires. Le 6 juin 2006, la Commission a transmis à l’ARC les observations produites en réponse par M. Leung. L’ARC n’a présenté aucune observation et n’a pas répondu au rapport d’enquête, mais elle a répondu aux observations de M. Leung présentées à la Commission.

 

[13]           Le 11 août 2006, la Commission a décidé de rejeter la plainte de représailles de M. Leung parce que, comme elle l’a dit dans la lettre qu’elle lui a envoyée :

·        la preuve n’étaye pas l’allégation du plaignant selon laquelle il a été la cible de représailles parce qu’il a déposé une plainte relative aux droits de la personne;

·        la formule de plainte n’établit pas un lien entre les incidents allégués et les motifs de discrimination fondés sur la race et l’origine ethnique, conformément à l’article 7 de la Loi;

·        la formule de plainte ne fait état d’aucune ligne de conduite, conformément à l’article 10 de la Loi. (Onglet 50, page 239, dossier de la demande, volume II)

 

DÉCISION VISÉE PAR LE CONTRÔLE

[14]           Puisque la Commission n’a pas motivé sa décision de rejeter la plainte de représailles de M. Leung, elle est réputée avoir adopté le rapport de l’enquêteuse quant à ses motifs. La question pertinente dont était saisie l’enquêteuse était de savoir si le directeur de l’ARC, M. Hertzberg, s’en était pris à M. Leung en lui refusant une promotion sans concours ainsi qu’en s’immisçant dans l’affaire grâce à son autorité par suite de la plainte relative aux droits de la personne déposée par le demandeur. L’enquêteuse a conclu que M. Leung n’avait pas été promu sans concours au poste de directeur adjoint des Finances (FI04) à cause d’un processus d’examen national des postes et non à cause de représailles du directeur.

 

QUESTIONS LITIGIEUSES

[15]           Selon moi, les quatre questions que soulève la présente demande de contrôle judiciaire sont les suivantes.

  • La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale quand elle s’est fondée sur un rapport d’enquête sur la plainte de représailles qui visait le directeur du demandeur plutôt que l’ARC?
  • L’enquêteuse a-t-elle fait preuve de partialité à l’égard de l’ARC comme le révèle la façon dont elle a mené l’enquête?
  • L’enquêteuse a-t-elle omis d’enquêter sur la décision de l’ARC de ne pas lier l’ancien poste de FI03 du demandeur au nouveau poste de directeur adjoint des Finances de niveau FI04, ce qui aurait permis au demandeur d’être promu sans concours?
  • La Commission a-t-elle commis une erreur en se fondant sur un rapport d’enquête sur une plainte de représailles dans lequel le critère juridique appliqué était erroné?

 

NORME DE CONTRÔLE

[16]           La Cour a statué que lorsqu’un tribunal entérine les recommandations d’un enquêteur avec peu ou pas de motifs, c’est le rapport que l’on considère comme les motifs. En rejetant la plainte du demandeur, la Commission a fait siens les motifs de l’enquêteuse mentionnés dans son rapport. Il s’ensuit donc que si le rapport est vicié, la décision de la Commission est, elle aussi, viciée (Gainer c. Exportation et développement Canada, 2006 CF 814, au paragraphe 11).

 

[17]           L’équité procédurale concerne la manière dont l’enquête a été menée. Il appartient à la Cour de déterminer si le processus suivi par l’enquêteuse, et par extension, la Commission, satisfaisait au critère d’équité applicable, eu égard à l’ensemble des circonstances. Si la Commission a manqué à son obligation d’équité, la décision en cause doit être annulée (Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 à 54).

 

ANALYSE

La Commission a-t-elle manqué à son obligation d’équité procédurale quand elle s’est fondée sur un rapport d’enquête sur la plainte de représailles qui visait le directeur du demandeur plutôt que l’ARC?

 

 

[18]            Le demandeur fait valoir que l’enquête n’était pas complète puisqu’elle ne portait pas sur la bonne partie. Le demandeur prétend que sa plainte de représailles visait l’ARC et non son directeur mais que dans son rapport, l’enquêteuse dit que la seule question que soulevait la plainte était de savoir [traduction] « si, parce que le demandeur avait soumis une plainte à la [Commission], son directeur avait exercé des représailles contre lui en lui refusant une promotion sans concours » (rapport de l’enquêteuse, paragraphe 1). La défenderesse répond qu’à toutes fins pratiques, la plainte de représailles présentée par le demandeur visait son directeur.

 

[19]           Ce sont des actes de son directeur dont le demandeur s’est plaint à la Commission. Le demandeur n’a pas établi que d’autres gestionnaires de l’ARC qui avaient participé au processus de classification étaient au courant de la plainte relative aux droits de la personne du demandeur ou étaient visés par celle‑ci. Il ne peut y avoir de représailles que si la personne est au courant de la plainte du demandeur relative aux droits de la personne. 

 

[20]           J’estime que l’enquêteuse n’a pas commis d’erreur en examinant la question de savoir s’il y avait eu représailles de la part du directeur du demandeur par opposition à l’ARC en tant qu’organisation.

 

L’enquêteuse a-t-elle fait preuve de partialité à l’égard de l’ARC comme le révèle la façon dont elle a mené l’enquête?

 

 

[21]           Le demandeur prétend que l’enquêteuse n’a pas effectué son enquête d’une manière impartiale. Lorsque la Commission a décidé qu’il y aurait une enquête, l’enquêteuse a invité l’ARC à réagir à la plainte de représailles. L’ARC a déposé ses observations le 29 décembre 2005 en réponse à la plainte de représailles du demandeur. L’enquêteuse a demandé des renseignements supplémentaires qui lui ont été fournis le 2 février 2006. Les observations de l’ARC n’ont pas été transmises au demandeur.

 

[22]            Quand l’enquêteuse a achevé son rapport sur la plainte de représailles, le 24 mars 2006, elle a invité le demandeur et l’ARC à réagir. Le demandeur a répondu en mai 2006. L’ARC n’a pas réagi. La réponse du demandeur a été transmise à l’ARC. L’ARC a répondu le 23 juin 2006 en présentant ses observations sur la réponse du demandeur. La réponse de l’ARC n’a pas été remise au demandeur.

 

[23]           Le demandeur prétend que, parce que l’enquêteuse ne lui a pas transmis les observations de l’ARC, il n’a pas été en mesure de souligner certaines incohérences importantes.

 

[24]           La défenderesse prétend que, dans le cadre d’une enquête effectuée en vertu de la Loi, l’obligation d’équité procédurale exige uniquement que le demandeur soit informé du fond de l’affaire et qu’il ait la possibilité de répondre (Mercier c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] A.C.F. n361, aux paragraphes 17 et 18 (C.A.F.); Bradley c. Canada (Procureur général), [1997] A.C.F. n1031, aux paragraphes 52 à 58). La communication réciproque des observations en réponse à un rapport d’enquête n’est pas nécessaire si les documents ont été mentionnés directement ou indirectement dans le rapport d’enquête ou s’ils ne sont pas pertinents pour l’affaire (Garvey c. Meyers Transport Ltd., [2005] A.C.F. no 1684 (C.A.F.)).

 

[25]           Dans Miller c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (affaire intéressant Goldberg), [1996] A.C.F. n735, aux paragraphes 9 et 10, la Cour a dit qu’une enquête menée par un enquêteur doit satisfaire à au moins deux conditions : la neutralité et l’exhaustivité. Après avoir lu les motifs de l’enquêteuse, je suis convaincu que les deux conditions ont été remplies. Rien ne permet de dire que l’enquêteuse a fait preuve de partialité en faveur de l’ARC.

 


L’enquêteuse a-t-elle omis d’enquêter sur la décision de l’ARC de ne pas lier l’ancien poste de niveau FI03 du demandeur au nouveau poste de niveau FI04, ce qui aurait permis au demandeur d’être promu sans concours?

 

[26]           L’enquêteuse s’est penchée sur le processus en vertu duquel le nouveau poste de F104 avait été créé. Elle a conclu que :

·        à un moment donné, dans le cadre de la réorganisation régionale, la direction a proposé que le poste d’attache du plaignant, celui de directeur des Finances (FI03), soit reclassifié et remplacé par le poste de directeur adjoint des Finances, au niveau FI04;

·        en juillet 2001, les recommandations finales relatives aux changements présentées aux cadres supérieurs, pour approbation, ne comprenaient pas la proposition. Elles proposaient la création d’un nouveau poste de niveau FI04 et de trois nouveaux postes de niveau FI03. Il était suggéré que si la nouvelle structure était approuvée, le poste d’attache du plaignant soit examiné par rapport aux nouvelles descriptions de postes proposées;

·        à l’automne de 2001, par suite d’un examen national des descriptions d’emploi, un comité d’examen de la classification a déterminé que le poste de directeur adjoint des Finances (FI04) était un nouveau poste générique national qui n’avait aucun lien significatif avec les anciens postes régionaux de niveau FI;

·        en février 2002, il y a eu un concours dans la région du Pacifique afin de pourvoir un nouveau poste national de directeur adjoint des Finances (FI04);

·        en juillet 2002, les postes FI03 et FI04 ont été évalués de nouveau par une tierce partie indépendante pour déterminer s’il était justifié d’établir un lien entre les deux. Il a été déterminé qu’il n’y avait aucun lien important;

·        en septembre 2002, M. Hertzberg a mis en place un processus de sélection pour pourvoir le nouveau poste national de FI04 dans la région du Sud de l’Ontario;

·        le plaignant a eu la possibilité de soumettre sa candidature. Il a choisi de ne pas le faire;

·        pourvoir un nouveau poste au moyen d’une procédure de sélection est ce qu’on considère généralement la meilleure pratique de la défenderesse.

(rapport de l’enquêteuse, au paragraphe 34)

 

[27]           L’enquêteuse a conclu que la décision du directeur du demandeur de pourvoir le poste de directeur adjoint des Finances (FI04) au moyen d’un processus de sélection était justifiée et a ajouté que la décision en matière de classification avait été prise par le comité d’examen de la classification et que le directeur du demandeur n’était pas membre du comité.

 

[28]           Je suis convaincu que l’enquêteuse n’a pas omis d’examiner la décision de l’ARC de ne pas lier l’ancien poste de niveau F103 du demandeur au nouveau poste de niveau FI04 de directeur adjoint des Finances. L’enquêteuse a mené son enquête et a motivé sa conclusion.

 

La Commission a-t-elle commis une erreur en se fondant sur un rapport d’enquête sur une plainte de représailles dans lequel le critère juridique appliqué était erroné?

 

[29]           Le demandeur prétend qu’en vertu de l’article 14.1 de la Loi, le bien‑fondé d’une plainte de représailles peut être établi de deux façons : lorsqu’il existe une preuve que l’ARC voulait exercer des représailles et lorsque le demandeur perçoit raisonnablement que les mesures prises constituent des représailles en raison de la plainte relative aux droits de la personne (Wong c. Banque royale du Canada, [2001] C.H.R.D. n11, au paragraphe 219).

 

[30]           Le demandeur fait valoir qu’en l’espèce, l’enquêteuse n’a pas tenté de déterminer si le demandeur percevait raisonnablement que la décision de pourvoir le poste de niveau FI04 de directeur adjoint des Finances au moyen d’un concours constituait des représailles puisque la décision avait été prise après la diffusion du rapport de la Commission recommandant le rejet de la première plainte. 

 

[31]           De plus, le demandeur allègue que l’examen de la plainte de représailles par l’enquêteuse était axé sur le lien entre les représailles et la race et l’origine ethnique ou nationale du demandeur alors que ces représailles ont été exercées à cause de sa plainte et non pour un motif particulier de discrimination. Par conséquent, le demandeur soutient que l’enquêteuse a appliqué un critère juridique erroné.

 

[32]           La défenderesse reconnaît qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’intention d’exercer des représailles pour qu’une plainte de représailles soit bien fondée. Une plainte de représailles peut être bien fondée si le plaignant perçoit raisonnablement que la mesure prise constitue des représailles en raison de la plainte relative aux droits de la personne. Se fondant sur Wong, précité, au paragraphe 219, la défenderesse fait valoir qu’il faut déterminer dans quelle mesure la perception du plaignant est raisonnable et qu’elle ne devrait pas être tenue responsable de l’angoisse ou des réactions exagérées du plaignant .

 

[33]           La défenderesse prétend qu’on ne peut examiner dans le vide la perception du demandeur. Il faut examiner le caractère raisonnable de la perception du demandeur à la lumière de l’explication de l’ARC sur la raison pour laquelle le poste de FI04 a été pourvu par concours.

 

[34]           La question de la perception de représailles et de la norme qui doit être appliquée en évaluant la plainte a été soulevée par la Commission d’enquête de l’Ontario dans Entrop c. Imperial Oil Ltd. (n7) (1995), 23 C.H.R.R. D/213. La Commission d’enquête a décrit la norme applicable en ces termes :

[traduction] La norme qui s’applique en vertu de l’article 8 est celle du « plaignant raisonnable en matière de droits de la personne ». En évaluant le caractère raisonnable des craintes et perceptions du plaignant, la commission d’enquête doit être sensible aux difficultés particulières des plaignants qui sont nombreux à craindre de déposer une plainte en matière de droits de la personne et qui sont angoissés à cet égard. Ces craintes et angoisses sont exacerbées lorsque le plaignant continue de travailler avec l’intimée surtout lorsque les rapports entre eux sont compliqués du fait d’une inégalité des pouvoirs, comme c’est très certainement le cas dans une relation employeur-employé.

 

Cet examen a eu lieu dans le cadre de l’article 8 du Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. H -19, la disposition sur les représailles, mais les termes et l’intention de la disposition sont semblables à ceux de l’article 14.1 de la Loi, la disposition sur les représailles de la Loi (Bressette c. Conseil de Bande de la Première nation de Kettle et Stony Point), 2004 CHRT 40, au paragraphe 49).

 

[35]           Après examen, j’estime qu’il n’y a aucune preuve au dossier pouvant étayer que l’enquêteuse n’a pas tenu compte des craintes du demandeur ni qu’elle a analysé l’allégation de représailles en faisant erronément un lien entre les prétendues représailles de l’ARC et la race et l’origine ethnique du demandeur. Les motifs ne disent pas explicitement si l’enquêteuse a tenu compte de la perception du demandeur selon laquelle les mesures prises par le directeur étaient des représailles, mais elle examine la question du caractère raisonnable de la décision de l’ARC et elle motive sa décision.

 

[36]           L’enquêteuse a conclu, aux paragraphes 36 et 37 de ses motifs, que la décision de pourvoir le poste de directeur adjoint des Finances (FI04) par un processus de sélection était justifiée. Le comité d’examen de la classification n’avait pas jugé qu’il s’agissait d’une reclassification à la hausse du poste d’attache de M. Leung. Elle a également conclu que le directeur du demandeur ne siégeait pas au comité d’examen de la classification et qu’il n’avait donc aucune influence sur la question de savoir si le demandeur serait promu avec ou sans concours.

 

[37]           Je suis d’accord avec la défenderesse que Wong, précité, au paragraphe 219, établit qu’il faut déterminer le caractère raisonnable de la perception de représailles du demandeur. Le demandeur n’a pas établi que l’enquêteuse avait irrégulièrement omis de conclure que le demandeur avait une perception raisonnable de représailles. Compte tenu des conclusions et de la décision de l’enquêteuse, j’estime que le demandeur n’a pas établi que sa perception de représailles était raisonnable.

 

CONCLUSION

[38]           Je conclus que l’enquêteuse de la Commission a mené une enquête exhaustive sur la plainte de représailles déposée par le demandeur et n’a pas manqué aux règles d’équité procédurale qui s’appliquent dans un processus d’enquête.

 

[39]           La demande doit être rejetée. La défenderesse aura droit aux dépens.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  la demande est rejetée;

2.                  les dépens sont adjugés à la défenderesse.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCAT INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                         T-1631-06

 

INTITULÉ :                                        STEPHEN LEUNG

                                                            c.        

                                                            AGENCE DU REVENU DU CANADA                                                                                                                                                                                            

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                Le 4 décembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Mandamin

 

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 4 juin 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jennifer Scott

POUR LE DEMANDEUR

 

Debra Prupas

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jennifer Scott

Avocate

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

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