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Date : 20080522

Dossier : IMM-4567-07

Référence : 2008 CF 645

Toronto (Ontario), le 22 mai 2008

En présence de Monsieur le juge Harrington

 

Entre :

ALEXEY LOSHKARIEV, SILIGIZ LOSHKAREV,

ALFRED LOSHKAREV, SOFIA LOSHKAREV,

BERENIKA LOSHKAREV, EMILIA LOSHKARIEV

 

demandeurs

 

et

 

 

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

 

défendeur

 

 

motifs de l’ordonnance et ordonnance

 

[1]               Les membres de la famille Loshkariev, originaires de Russie, mais maintenant citoyens d’Israël, revendiquent la qualité de réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies ou celle de personnes à protéger au Canada. Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada qui a conclu qu’ils n’avaient pas l’une ou l’autre qualité.

 

[2]               La revendication est fondée sur le père, Alexey, qui exerçait des activités dans le domaine de la construction en Israël. Essentiellement, selon la revendication, il embauchait des sous-traitants palestiniens pour travailler à son entreprise de construction. Après le début de l’intifada en 2000, ses travailleurs et lui ont été battus par des fanatiques religieux. En effet, il a été attaqué à plusieurs reprises et a fait l’objet de menaces et de harcèlement de la part de colons juifs et de Juifs orthodoxes. La police a fait peu ou rien pour aider.

 

[3]               La Commission n’a pas conclu que M. Loshkariev était crédible, préférant plutôt les documents sur la situation du pays. Bien que la Commission ait conclu que les Palestiniens font l’objet de mauvais traitements de la part de certains colons juifs, aucun élément de preuve n’indiquait que des Juifs qui se sont ralliés à la cause palestinienne, pour des motifs relatifs aux droits de la personne, faisaient l’objet d’attaques autrement que in situ. Aucun élément de preuve n’indiquait que ces citoyens israéliens qui participaient ainsi à la cause palestinienne étaient poursuivis par les colons et harcelés.

 

[4]               La Commission a également conclu que la police était venue pour disperser les colons qui avaient prétendument attaqué le demandeur et ses travailleurs.

 

[5]               La Commission a conclu que, quoi qu’il en soit, il existait une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Haïfa et que la protection de l’État y était accessible.

 

L’ANALYSE

[6]               Peu importe si les passages pertinents de la décision faisant l’objet du contrôle sont fondés sur des conclusions de fait ou des conclusions mixtes de fait et de droit, à la lumière du très récent arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9, la Cour ne doit pas intervenir dans la décision à moins que celle‑ci ne soit déraisonnable.

 

[7]               On a prétendu que les conclusions quant à la crédibilité étaient véritablement des conclusions de vraisemblance et qu’elles n’étaient pas appuyées par des éléments de preuve clairs dans le dossier. Je ne suis pas d’accord. Toutes les conclusions factuelles quant à la crédibilité, la PRI et la protection de l’État étaient des inférences tirées de façon appropriée des éléments de preuve au dossier.

 

[8]               Comme lord Wright l’a souligné dans Grant c. Australian Knitting Mills Ltd & Ors., [1936] AC 85, [1935] All ER Rep. 209 :

[traduction] Une démonstration mathématique ou purement logique est généralement impossible : en pratique, on exige des jurys qu’ils agissent selon la prépondérance raisonnable de la preuve, tout comme le ferait un homme raisonnable pour prendre une décision dans une situation sérieuse.

 

[9]               En l’espèce, il s’agit d’inférences et non purement et simplement des hypothèses ou des conjectures non étayées par le dossier (Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Satiacum, 99 N.R. 171, [1989] A.C.F. no 505 (C.A.F.)).

 

[10]           J’estime que la décision est raisonnable à tous les égards. Comme l’ont déclaré les juges Bastarache et LeBel dans l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[11]           Dans l’arrêt antérieur Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, [1996] A.C.S. no 116, le juge Iacobucci a assimilé la norme de la décision raisonnable à la norme à appliquer au contrôle des conclusions de fait par les juges de première instance. Il a déclaré ce qui suit au paragraphe 59 :

La norme de la décision raisonnable simpliciter se rapproche également de la norme que notre Cour a déclaré applicable pour le contrôle des conclusions de fait des juges de première instance. Dans Stein c. « Kathy K » (Le navire), [1976] 1 R.C.S. 802, à la p. 806, le juge Ritchie a décrit la norme dans les termes suivants:

 

                [. . .] il est généralement admis qu’une cour d’appel doit se prononcer sur les conclusions [de fait] tirées en première instance en recherchant si elles sont manifestement erronées et non si elles s’accordent avec l’opinion de la Cour d’appel sur la prépondérance des probabilités.

[Je souligne.]

 

 

[12]           L’arrêt Kathy K. avertissait les cours d’appel de ne pas intervenir dans des conclusions de fait à moins que celles‑ci soient entachées d’une « erreur manifeste et dominante ». Cet avertissement s’applique également aux conclusions de fait fondées sur des inférences (N.V. Bocimar S.A. c. Century Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 1247, [1987] A.C.S. no 39; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

[13]           Pour ces motifs, la demande sera rejetée. Aucune question grave de portée générale ne sera certifiée.


ordonnance

La cour ordonne :

1.                  La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, concluant que les demandeurs n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, est rejetée.

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                        IMM-4567-07

 

Intitulé :                                       ALEXEY LOSHKARIEV, SILIGIZ LOSHKAREV, ALFRED LOSHKAREV, SOFIA LOSHKAREV,

BERENIKA LOSHKAREV, EMILIA LOSHKARIEV c.

le ministre de la citoyenneté et de l’immigration

 

 

Lieu de l’audience :                 Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :               Le 21 mai 2008

 

Motifs de l’ordonnance

Et ordonnance :                       le juge Harrington

 

Date des motifs :                      Le 22 mai 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Daniel Kwong

 

Pour les demandeurs

John Provart

 

Pour le défendeur

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Daniel Kwong

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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