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Date :  20080527

Dossier :  T-1268-07

Référence :  2008 CF 672

Ottawa (Ontario), le 27 mai 2008

En présence de Monsieur le juge Blanchard 

 

ENTRE :

RICHARD CLAVEAU ET AUTRES1

Demandeur

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

I.   Introduction

[1]                Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Commission de l’assurance-emploi (la Commission) rendue le 15 juin 2007 refusant une demande de défalcation présentée le 23 mai 2007 par les demandeurs.

 

 

II.   Contexte factuel

[2]                Le demandeur principal, Monsieur Richard Claveau, a occupé un emploi auprès de la Coopérative Forestière Laterrière (la  Coopérative) du 24 novembre 1986 au 9 mai 2003, ayant été mis à pied à cette date.

 

[3]                Le 20 mai 2003, le demandeur a présenté une demande initiale de prestations d’assurances-emploi. Une période de prestation fut établie à son bénéfice à compter du 11 mai 2003 et des prestations lui ont été payées pendant environ un an.

 

[4]                Éprouvant de sérieuses difficultés financières et incapable de formuler une proposition concordataire viable dans un délai prescrit de six mois, le demandeur a présenté une requête en vue de continuer les procédures de restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36.

 

[5]                Dans le cadre de l’application de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, Ernst & Young Inc. fut nommé contrôleur le 23 octobre 2003.

 

[6]                Le 14 avril 2004, le contrôleur a fait parvenir aux créanciers de la Coopérative, dont les demandeurs, un avis de l’assemblée des créanciers, une lettre du président de la Coopérative, une copie du Plan de compromis et d’arrangement proposé (le  Plan) ainsi que le rapport du Contrôleur (le Rapport) pour la tenue d’une assemblée prévue le 23 avril 2004.

 

[7]                Le 23 avril 2004, les créanciers membres de la Coopérative ont voté et approuvé le Plan qui a été homologué par la suite par la Cour supérieure du Québec le 27 avril 2004.

 

[8]                Le 5 mai 2004, en réponse à l’avis du 14 avril 2004, la Commission a rappelé au contrôleur son obligation de retenir les sommes dues au receveur général en vertu de l’article 46(1) de la Loi sur l’assurance emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Elle invitait également le contrôleur à communiquer avec elle avant tout versement de dividendes aux employés.

 

[9]                Le 13 mai 2004, le contrôleur a acheminé à la Commission le formulaire « Avis demandant aux créanciers d’établir leurs réclamations » ainsi que la documentation pertinente pour présenter une preuve de réclamation.

 

[10]            Le 14 mai 2004, le contrôleur a demandé à la Commission de le soustraire de ses responsabilités découlant de l’article 46(1) de la Loi compte tenu des contraintes d’analyse de tous ces dossiers pour la Commission et de l’incertitude des montants exacts qu’il allait verser à chaque employé. Le contrôleur l’a également avisé de ce qui suit :

1)                  La Coopérative devait approximativement 1,8 million de dollars à 439 employés (congés mobiles, vacances impayés, préavis de départ);

 

2)                  Le contrôleur avait reçu à cette date 271 preuves de réclamations des employés sur une possibilité de 439;

 

3)                  Tous les créanciers, incluant les employés pouvaient déposer une preuve de réclamation en tout temps jusqu’au 18 juillet 2004, délai ultime pour le versement du dividende; et

 

4)                  Qu’une estimation du dividende a été effectuée et qu’il devra être versé au plus tard le 18 juillet 2004.

 

 

 

[11]            Le 8 juin 2004, la Commission a acquiescé à cette demande du contrôleur au motif qu’elle était dans l’impossibilité de lui fournir le montant des remboursements dus à l’intérieur du délai prévu au Plan. Elle l’a également informé qu’elle appliquerait l’article 45 au lieu du paragraphe 46(1) de la Loi pour recouvrir le trop-payé auprès des prestataires.

 

[12]            Le ou vers le 16 juillet 2004, le contrôleur a acheminé un avis de dividende aux créanciers auquel était joint une copie de la lettre de la Commission du 8 juin 2004.

 

[13]            Le ou vers le 18 juillet 2004, le demandeur a reçu du contrôleur un dividende de 2 317,31 $ à titre de préavis et délai-congé créant un trop-payé.

 

[14]            Le 29 juillet 2004, la Commission a informé la Coopérative qu’elle réexaminerait les demandes de prestations d’assurance-emploi de ses employés suite au versement du dernier dividende qui était alors prévu pour septembre 2004.

 

[15]            Le 7 juin 2005, la Commission a fourni des explications à la Coopérative sur la répartition du premier dividende versé par le contrôleur en juillet 2004 et indiqué qu’elle avait procédé ainsi suite aux informations obtenues du contrôleur à l’effet que la date du deuxième versement n’était pas encore fixée.

[16]            Le 23 juin 2005, la Commission a avisé le demandeur qu’elle avait réparti les sommes de dividendes qu’il avait reçues au titre de vacances, préavis et congé. Un avis de trop-payé totalisant la somme de 925 $ lui a également été communiqué.

 

[17]            Le ou vers le 15 juillet 2005, un appel représentatif a été logé devant le conseil arbitral de l’assurance-emploi.

 

[18]            Le 16 juillet 2005, la Commission a procédé au calcul du trop-payé.

 

[19]            Le 2 février 2006, alors que le dossier était complet pour être entendu, une demande officielle de défalcation fondée sur l’article 56 du Règlement de l’assurance-emploi, DORS/96-332 (le Règlement) a été adressée à la Commission.

 

[20]            Le 24 août 2006, le conseil arbitral a rendu une décision confirmant que les sommes reçues par le demandeur constituaient une rémunération, ce à quoi le demandeur acquiesçait. Toutefois, le conseil arbitral mentionne qu’il ne lui appartient pas de décider s’il est en présence d’une erreur de la Commission qui pourrait justifier une défalcation.

 

[21]            Le 3 janvier 2007, la Cour fédérale (Claveau c. Canada (Ministre des Ressources humaines et Développement des compétences, 2007 CF 3) a considéré que la demande de défalcation était prématurée car la décision du juge-arbitre n’avait toujours pas été rendue.

 

[22]             Le 20 avril 2007, le juge-arbitre a confirmé la décision du Conseil arbitral et il a souligné que le demandeur devait s’adresser à la Cour fédérale afin de déterminer si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière non équitable.

 

[23]            La décision du juge-arbitre ayant été rendue, une deuxième demande de défalcation fondée sur le sous-alinéa 56(2)b)i) du Règlement fut déposée auprès de la Commission le 23 mai 2007.

 

[24]            Le 15 juin 2007, la Commission a refusé la deuxième demande de défalcation au motif qu’il n’y a pas eu d’erreur de sa part dans le traitement des demandes de prestations.

 

[25]            Le 11 juillet 2007, la présente demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du 15 juin 2007 fut déposée.

 

III.   Décision contestée

[26]            Dans sa lettre du 15 juin 2007, le défendeur avisait le demandeur qu’il refusait sa demande de défalcation. Le demandeur avait présenté cette demande en vertu du sous-alinéa 56(2)b)i) du Règlement au motif que les versements excédentaires sont attribuables à une erreur de la Commission dans le traitement des demandes de prestations.

 

[27]            Le défendeur fondait son refus sur les éléments suivants :

1)                  Il n’y a eu aucune erreur de la part de la Commission dans le traitement des demandes de prestations;

 

2)                  Indépendamment de l’article 46, l’article 45 de la Loi trouve application en accord avec le principe selon lequel un prestataire ne peut toucher un double revenu pour une même période. Il y a eu un trop-payé contre le prestataire puisque celui-ci a reçu des montants en prestations couvrant la même période que les montants reçus sous forme de dividendes. Ces montants sous forme de dividendes auraient normalement dû être retenus par le contrôleur et le prestataire n’aurait jamais reçu ces sommes si l’article 46 de la Loi avait été appliqué;

 

3)                  La décision d’accorder ou de refuser une demande de défalcation est un pouvoir discrétionnaire de la Commission et que ni le conseil arbitral, ni le juge-arbitre n’avait compétence ou le pouvoir d’obliger la Commission à exercer son pouvoir discrétionnaire de défalquer un trop-payé.

 

 

 

[28]            Le défendeur conclut sa lettre en rappelant au demandeur que les mesures de recouvrement des trop-perçus ne peuvent être suspendues lors d’une demande de contrôle judiciaire dans laquelle il y a contestation de la décision de la Commission de ne pas défalquer le trop-payé.

 

IV.  Question en litige

[29]            La seule question en litige est à savoir si la Commission a commis une erreur en refusant la demande de défalcation dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire prescrit à l’article 56 du Règlement.

 

 

 

V.        Norme de contrôle

[30]            Dans Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il ne devrait y avoir que deux normes de contrôle, soit celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. La Cour a indiqué que la norme de la décision correcte doit continuer de s'appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit (voir Dunsmuir au paragraphe 50). La cour de révision qui applique la norme de la décision correcte n'acquiesce pas au raisonnement du décideur. Elle entreprend plutôt sa propre analyse au terme de laquelle elle décide si oui ou non la décision du tribunal est correcte.

 

[31]            La Cour suprême enseigne également que dans le cadre d’une révision judiciaire, l’appréciation du caractère raisonnable d’une décision tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel. De plus, elle cherche à voir l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (voir Dunsmuir au paragraphe 47).

 

[32]            La jurisprudence actuelle peut être mise à contribution pour déterminer quelles questions emportent l'application de la norme de la raisonnabilité (voir Dunsmuir au paragraphe 54). La déférence qu’il y a lieu d’accorder à un tribunal sera déterminée en fonction des facteurs suivants : l’existence d’une clause privative; si le décideur possède une expertise spéciale dans un régime administratif distinct et particulier; et la nature de la question en litige (voir Dunsmuir au paragraphe 55).

 

[33]            Dans Allard c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 789, [2001] A.C.F. no 1148 (Lexis), le juge Lemieux a appliqué la méthode pragmatique et fonctionnelle afin de déterminer la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer aux décisions rendues par la Commission sur des questions de défalcation. Aux paragraphes 43 et 44, le savant juge a conclu que la norme de contrôle appropriée au mérite de la décision de la Commission de défalquer ou non est celle de la décision raisonnable simpliciter (voir aussi Girard c. Canada (Procureur général du Canada), 2004 CF 882; [2004] A.C.F. no 1107 (Lexis)).

 

[34]            Dans le présent dossier, la Loi ne renferme aucune clause privative, la Commission possède une certaine expertise concernant les questions de défalcation et la nature de la question est essentiellement discrétionnaire. Conséquemment, en l’espèce, une certaine retenue est envisagée.

 

[35]            Pour ces motifs, je suis d’avis que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.

 

VI.   Analyse

[36]            Le demandeur soutient essentiellement que la Commission a commis une erreur dans le traitement de la demande de prestation en vertu du sous-alinéa 56(2)b)(i) du Règlement parce qu’elle a exempté sans droit le contrôleur d’une disposition impérative de Loi, soit le paragraphe 46(1).

 

[37]            Quant au défendeur, il affirme que le versement excédentaire des prestations ne résulte pas d’une erreur de la part de la Commission étant donné qu’elle a versé les prestations conformément aux informations dont elle disposait à l’époque. En fait, le versement excédentaire résulte du réexamen que la Commission a dû faire suite au versement de dividendes par le contrôleur postérieurement au paiement des prestations par la Commission. Le défendeur rappelle qu’en vertu du Plan homologué par la Cour supérieure du Québec, la Commission devait se conformer aux dispositions de ce dernier. Or, le Plan prévoyait que le contrôleur devait verser le premier dividende au plus tard le 18 juillet 2004 et comme le montant à être versé par le contrôleur pouvait fluctuer jusqu’à cette date, la Commission ne pouvait préciser les versements excédentaires pour cette date. Bref, la Commission n’avait autre choix que d’appliquer l’article 45 de la Loi pour recouvrir les prestations versées en trop.

 

[38]            L'article 56 du Règlement énonce que la Commission peut défalquer de façon discrétionnaire une pénalité ou une somme due si l'un des critères réglementaires qui y sont énumérés est satisfait. En d'autres mots, la Commission ne peut exercer sa discrétion que si les faits d'une affaire donnée s'appliquent à l'un des critères que prévoit cet article du Règlement (Desrosiers c. Canada (Procureur général), 2007 CF 769 au paragraphe 21). En l’espèce, les demandeurs soutiennent que la défalcation devait être autorisée car le paiement excédentaire est attribuable à une erreur de la Commission et s’appuient sur le sous-alinéa 56(2)b)(i) du Règlement.

 

[39]            Une lecture attentive du sous-alinéa 56(2)b)(i) du Règlement révèle qu’une défalcation peut être accordée là où il y a eu un retard ou erreur de la part de la Commission dans « le traitement d’une demande de prestation ». Je reproduis ici-bas la disposition en question :

 

56. (2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :

[…]

 b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :

(i) un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations, [Je souligne.]

[…]

 

56. (2) The portion of an amount owing under section 47 or 65 of the Act in respect of benefits received more than 12 months before the Commission notifies the debtor of the overpayment, including the interest accrued on it, may be written off by the Commission if

 (b) the overpayment arises as a result of

 

(i) a delay or error made by the Commission in processing a claim for benefits, [My emphasis.]

 

 

 

La preuve documentaire indique que le demandeur principal, ayant été mis à pied le 9 mai 2003, a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi en direct via internet le 20 mai 2003. Une période de paiement a été établie à son bénéfice à compter du 11 mai 2003 et des prestations lui ont été payées pendant environ un an. Toutefois, dans sa demande de défalcation en date du 23 mai 2007, le demandeur allègue que :

[…] le RHDCC ne pouvait donc pas convenir avec le syndic [contrôleur] de la non-application de l’article 46(1) puisqu’il s’agit d’une disposition impérative de la Loi et aucune disposition de la Loi ne permettait à la Commission de soustraire une personne de l’application d’une telle disposition impérative. En agissant ainsi, le RHDCC a commis une erreur dans le traitement d’une demande de prestation en permettant que soit versé des prestations par erreur. 

 

 

En d’autres mots, le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur en permettant une « exemption » au contrôleur de l’application de l’article 46(1) de la Loi et qui aurait résulté en un versement de prestations excédentaires. Je rejette cet argument. L’erreur alléguée n’est aucunement reliée à la demande de prestations déposée par le demandeur le 20 mai 2003. La preuve documentaire indique que la demande de prestations a été reçue et dument traitée par la Commission au bénéfice du demandeur. Conséquemment, le sous-alinéa 56(2)b)(i) du Règlement ne trouve aucune application en l’espèce. Ayant été incapable de démontrer que les faits de sa cause s'appliquent au critère énoncé au sous-alinéa 56(2)b)(i) du Règlement, à savoir qu’il y a eu un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations, je suis d’avis que la Commission ne pouvait pas exercer son pouvoir discrétionnaire quant à la défalcation des sommes réclamées par le demandeur.

 

[40]            Il y a lieu de se rappeler que l’employeur du demandeur faisait face à de sérieuses difficultés financières. Le 23 avril 2004, lors de l’assemblée des créanciers, le Plan fut approuvé et fut homologué le 27 avril 2004 par la Cour supérieure du Québec. Le Plan prévoyait que le contrôleur devait verser le premier dividende au plus tard le 18 juillet 2004 alors que les prestations avaient déjà été versées antérieurement. Étant donné que le montant à être versé par le contrôleur pouvait fluctuer jusqu’au 18 juillet 2004, la Commission ne pouvait préciser les versements excédentaires pour cette date. Conséquemment, le 14 mai 2004, le contrôleur a demandé à la Commission de le soustraire de ses responsabilités en vertu de l’article 46 de la Loi compte tenu de l’incertitude des montants exacts qu’il allait verser à chaque employé. La Commission a acquiescé à la demande par écrit le 8 juin 2004. Je note que l’avis de dividende envoyé aux créanciers, dont le demandeur, contenait la lettre du 8 juin 2004 en attachement. Cette lettre stipule de manière expresse que le prestataire serait tenu de rembourser tout montant excédentaire en cas de trop-payé. Je reproduis ici-bas le passage en question :

[…] vous pourrez procéder au versement complet des sommes payables aux employés. Par contre, nous [la Commission] ferons une répartition des sommes que vous verserez, en application de l’article 45 de la Loi sur l’assurance-emploi. Le trop-payé qui en résultera sera imputé au prestataire. À titre d’information, cet article stipule que :

 

[…] ce prestataire est tenu de rembourser au receveur général à tire de remboursement d’un versement excédentaire de prestations les prestations qui n’auraient pas été payées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée. [Je souligne.]

 

 

Ainsi, le demandeur était avisé que bien que le Contrôleur était autorisé à verser le montant complet aux prestataires, la Commission pourrait exiger le remboursement de tout montant excédentaire. Cette façon de faire de la Commission cadrait avec l’incertitude qui planait quant aux montants exacts à être versés au prestataire. Or, la Commission n’avait autre choix que d’appliquer l’article 45 de la Loi pour recouvrir les prestations versées en trop une fois le montant exact du versement établi par le contrôleur.

 

[41]            Les articles 45 et 46 de la Loi visent deux situations distinctes et s’appliquent à l’exclusion l’un de l’autre, selon les circonstances (Lauzon c. Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration), [1998] A.C.F. no 944 (Lexis) au paragraphe 9). En l’espèce, l’article 45 de la Loi s’applique et c’est le prestataire qui s’est enrichit aux dépens de l’État. La Commission est en son droit de réclamer le remboursement des montants excédentaires en se fondant sur l’article 45 de la Loi.

 

VII.   Conclusion

[42]            Compte tenu de l’ensemble de la preuve et pour les motifs discutés ci-haut, je suis d’avis qu’en refusant la demande de défalcation du demandeur, le défendeur n’a commis aucune erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

[43]            Compte tenu de la renonciation du défendeur à sa réclamation des dépens, par lettre datée le 25 avril 2008, la demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée sans frais.

 

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE que

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

           

 

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 


Annexe

Loi sur l’assurance emploi, L.C. 1996, ch. 23 :

45. Lorsque le prestataire reçoit des prestations au titre d’une période et que, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, l’employeur ou une personne autre que l’employeur — notamment un syndic de faillite — se trouve par la suite tenu de lui verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif ou des montants réalisés provenant des biens d’un failli, au titre de la même période et lui verse effectivement la rémunération, ce prestataire est tenu de rembourser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations les prestations qui n’auraient pas été payées si, au moment où elles l’ont été, la rémunération avait été ou devait être versée.

 

46. (1) Lorsque, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, un employeur ou une personne autre que l’employeur — notamment un syndic de faillite — se trouve tenu de verser une rémunération, notamment des dommages-intérêts pour congédiement abusif ou des montants réalisés provenant des biens d’un failli, à un prestataire au titre d’une période et a des motifs de croire que des prestations ont été versées à ce prestataire au titre de la même période, cet employeur ou cette autre personne doit vérifier si un remboursement serait dû en vertu de l’article 45, au cas où le prestataire aurait reçu la rémunération et, dans l’affirmative, il est tenu de retenir le montant du remboursement sur la rémunération qu’il doit payer au prestataire et de le verser au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations.

(2) Lorsque le prestataire a reçu des prestations au titre d’une période et que, soit en application d’une sentence arbitrale ou d’un jugement d’un tribunal, soit pour toute autre raison, la totalité ou une partie de ces prestations est ou a été retenue sur la rémunération, notamment les dommages-intérêts pour congédiement abusif, qu’un employeur de cette personne est tenu de lui verser au titre de la même période, cet employeur est tenu de verser la totalité ou cette partie des prestations au receveur général à titre de remboursement d’un versement excédentaire de prestations.

 

45. If a claimant receives benefits for a period and, under a labour arbitration award or court judgment, or for any other reason, an employer, a trustee in bankruptcy or any other person subsequently becomes liable to pay earnings, including damages for wrongful dismissal or proceeds realized from the property of a bankrupt, to the claimant for the same period and pays the earnings, the claimant shall pay to the Receiver General as repayment of an overpayment of benefits an amount equal to the benefits that would not have been paid if the earnings had been paid or payable at the time the benefits were paid.

 

 

 

46. (1) If under a labour arbitration award or court judgment, or for any other reason, an employer, a trustee in bankruptcy or any other person becomes liable to pay earnings, including damages for wrongful dismissal or proceeds realized from the property of a bankrupt, to a claimant for a period and has reason to believe that benefits have been paid to the claimant for that period, the employer or other person shall ascertain whether an amount would be repayable under section 45 if the earnings were paid to the claimant and if so shall deduct the amount from the earnings payable to the claimant and remit it to the Receiver General as repayment of an overpayment of benefits.

 

 

(2) If a claimant receives benefits for a period and under a labour arbitration award or court judgment, or for any other reason, the liability of an employer to pay the claimant earnings, including damages for wrongful dismissal, for the same period is or was reduced by the amount of the benefits or by a portion of them, the employer shall remit the amount or portion to the Receiver General as repayment of an overpayment of benefits.

 

 

Règlement de l’assurance-emploi, DORS/96-332 :

56. (1) La Commission peut défalquer une pénalité à payer en application des articles 38, 39 ou 65.1 de la Loi ou une somme due aux termes des articles 43, 45, 46, 46.1 ou 65 de la Loi ou les intérêts courus sur cette pénalité ou cette somme si, selon le cas :

a) le total des pénalités et des sommes, y compris les intérêts courus, que le débiteur doit à Sa Majesté en vertu de tout programme administré par le ministère du Développement des ressources humaines ne dépasse pas vingt dollars, aucune période de prestations n’est en cours pour le débiteur, et ce dernier ne verse pas de paiements réguliers en vertu d’un plan de remboursement;

b) le débiteur est décédé;

c) le débiteur est un failli libéré;

d) le débiteur est un failli non libéré à l’égard duquel le dernier dividende a été payé et le syndic a été libéré;

e) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse, mais découle :

(i) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu de la partie IV de la Loi,

(ii) soit d’une décision rétrospective rendue en vertu des parties I ou IV de la Loi à l’égard des prestations versées selon l’article 25 de la Loi;

f) elle estime, compte tenu des circonstances, que :

(i) soit la pénalité ou la somme, y compris les intérêts courus, est irrécouvrable,

(ii) soit le remboursement de la pénalité ou de la somme, y compris les intérêts courus, imposerait au débiteur un préjudice abusif.

 

(2) La Commission peut défalquer la partie de toute somme due aux termes des articles 47 ou 65 de la Loi qui se rapporte à des prestations reçues plus de douze mois avant qu’elle avise le débiteur du versement excédentaire, y compris les intérêts courus, si les conditions suivantes sont réunies :

a) le versement excédentaire ne résulte pas d’une erreur du débiteur ni d’une déclaration fausse ou trompeuse de celui-ci, qu’il ait ou non su que la déclaration était fausse ou trompeuse;

b) le versement excédentaire est attribuable à l’un des facteurs suivants :

(i) un retard ou une erreur de la part de la Commission dans le traitement d’une demande de prestations,

(ii) des mesures de contrôle rétrospectives ou un examen rétrospectif entrepris par la Commission,

(iii) une erreur dans le relevé d’emploi établi par l’employeur,

(iv) une erreur dans le calcul, par l’employeur, de la rémunération assurable ou du nombre d’heures d’emploi assurable du débiteur,

(v) le fait d’avoir assuré par erreur l’emploi ou une autre activité du débiteur.

 

 

56. (1) A penalty owing under section 38, 39 or 65.1 of the Act or an amount payable under section 43, 45, 46, 46.1 or 65 of the Act, or the interest accrued on the penalty or amount, may be written off by the Commission if

(a) the total of the penalties and amounts, including the interest accrued on those penalties and amounts, owing by the debtor to Her Majesty under any program administered by the Department of Human Resources Development does not exceed $20, a benefit period is not currently running in respect of the debtor and the debtor is not currently making regular payments on a repayment plan;

(b) the debtor is deceased;

(c) the debtor is a discharged bankrupt;

(d) the debtor is an undischarged bankrupt in respect of whom the final dividend has been paid and the trustee has been discharged;

(e) the overpayment does not arise from an error made by the debtor or as a result of a false or misleading declaration or representation made by the debtor, whether the debtor knew it to be false or misleading or not, but arises from

(i) a retrospective decision or ruling made under Part IV of the Act, or

(ii) a retrospective decision made under Part I or IV of the Act in relation to benefits paid under section 25 of the Act; or

(f) the Commission considers that, having regard to all the circumstances,

(i) (i) the penalty or amount, or the interest accrued on it, is uncollectable, or

(ii) the repayment of the penalty or amount, or the interest accrued on it, would result in undue hardship to the debtor.

(2) The portion of an amount owing under section 47 or 65 of the Act in respect of benefits received more than 12 months before the Commission notifies the debtor of the overpayment, including the interest accrued on it, may be written off by the Commission if

(a) the overpayment does not arise from an error made by the debtor or as a result of a false or misleading declaration or representation made by the debtor, whether the debtor knew it to be false or misleading or not; and

(b) the overpayment arises as a result of

(i) a delay or error made by the Commission in processing a claim for benefits,

(ii) retrospective control procedures or a retrospective review initiated by the Commission,

(iii) an error made on the record of employment by the employer,

(iv) an incorrect calculation by the employer of the debtor's insurable earnings or hours of insurable employment, or

(v) an error in insuring the employment or other activity of the debtor.

 


 

 

 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1268-07

 

INTITULÉ :                                       Richard CLAVEAU & AUTRES c. PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Québec (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 avril 2008

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET

JUGEMENT  :                                   LE JUGE BLANCHARD

 

DATE DES MOTIFS :                      le 27 mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Sylvain Unvoy

Québec (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Pauline Leroux

Québec (Québec)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dussault Larochelle Gervais Thivierge

Québec (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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