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Date : 20080528

 

Dossier : IMM-4730-07

 

Référence : 2008 CF 684

 

Ottawa (Ontario), le 28 mai 2008

 

En présence de monsieur le juge Phelan

 

ENTRE :

 

JESUS ROBERTO SALAZAR-SANCHEZ

et

JESUS ROBERTO SALAZAR-GARCIA

 

demandeurs

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]       La présente demande de contrôle judiciaire a été entendue le même jour que celle présentée dans l’affaire Hurtado-Martinez c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 630 (décision rendue le 21 mai 2008). Dans les deux cas, il s’agit de conclusions quant à la protection de l’État au Mexique. En l’espèce, le demandeur principal a déclaré qu’il avait été pris pour cible par un cartel de la drogue et que ni lui ni son fils n’avaient reçu une aide adéquate des autorités.

II.        CONTEXTE

[2]       En 2005, le demandeur principal, un citoyen du Mexique, a découvert que son frère avait permis à un cartel de la drogue de cultiver de la drogue sur le terrain familial. Il a intenté une action contre son frère pour reprendre possession du terrain.

 

[3]       Entre le 25 août 2005 et vers le 19 septembre 2005, le demandeur a été agressé par son frère et d’autres personnes, son fils a été enlevé à l’école et passé à tabac, et le demandeur et son fils ont été victimes d’une tentative d’assassinat par coups de feu tirés d’un véhicule.  

 

[4]       En ce qui concerne le premier incident, le demandeur a déclaré qu’il avait déposé une plainte auprès du ministère public à Mexico mais qu’il n’y avait eu aucun suivi. Quant au deuxième incident, le demandeur déclare qu’il avait porté plainte auprès de la police locale, mais qu’il n’y avait eu aucun suivi non plus.

 

[5]       Relativement au troisième incident, le demandeur a déposé une plainte auprès de la police. Lorsque la police a raccompagné le demandeur et son fils chez eux, ceux-ci ont constaté que leur maison avait été saccagée. C’est à ce moment-là que le demandeur, son fils et un ami se sont cachés dans un hôtel à Mexico durant quelques jours.

 

[6]       Le troisième jour, le réceptionniste a confié au demandeur que trois hommes s’étant présentés comme des agents de police étaient venus à sa recherche, mais que l’ami qui restait avec le demandeur et son fils avait dit aux « agents de police » qu’il n’avait vu ni l’un ni l’autre. Le demandeur et son fils ont quitté l’hôtel et sont partis au Canada peu de temps après.

 

[7]       La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a tranché l’affaire uniquement sur le fondement de la question de la protection de l’État.  La SPR a d’abord décidé, au vu de la preuve documentaire, que le demandeur disposait d’autres recours et que le Mexique déployait de sérieux efforts pour protéger les personnes prises pour cible par les cartels de la drogue. La SPR a ensuite conclu, à la lumière de l’exposé circonstancié, même s’il n’y avait aucune preuve indiquant que des enquêtes étaient en cours, que le demandeur pouvait exercer d’autres recours, mais qu’il ne l’avait pas fait. Quant à l’aide offerte par la police, la SPR a jugé qu’elle était imparfaite mais adéquate.

 

III.       Analyse 

[8]       Même avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, la norme de contrôle applicable aux conclusions quant à la protection de l’État était celle de la décision raisonnable. L’arrêt Dunsmuir n’a rien changé à cette norme.

 

[9]       La thèse dominante selon laquelle la protection de l’État existe, en règle générale, au Mexique n’est pas contestée en l’espèce. La véritable question est de savoir si la police était disposée à offrir au demandeur une protection adéquate de l’État et en mesure de le faire dans ce cas-ci.

 

[10]     Comme l’a déclaré l’avocat du demandeur dans son argumentation, ce dont se plaint réellement le demandeur, c’est que la police n’ait pas recherché son frère. Il n’y avait aucune preuve que la police avait enquêté au sujet du frère même si le demandeur avait prétendument dénoncé celui-ci à la police. 

 

[11]     La plainte du demandeur se rapporte donc plutôt à l’application inadéquate de la loi qu’à l’omission de le protéger des actes de son frère et des complices de celui-ci.

 

[12]     Au vu du dossier dont la SPR était saisie, je comprends mal comment la SPR a pu conclure qu’en règle générale, le Mexique ne fait aucun effort pour s’attaquer aux problèmes liés à la drogue et, plus particulièrement, qu’il a refusé de rechercher le frère du demandeur. La période à l’examen était de près de trois semaines. Je doute que les autorités canadiennes, saisies d’une situation semblable, auraient clos une enquête sur la drogue de ce genre en trois semaines.

 

[13]     Relativement à la question plus pertinente de savoir si le demandeur pouvait bénéficier de la protection de l’État, rien ne prouve que les autorités n’étaient pas disposées à agir ou en mesure de le faire. (Voir Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 490)

 

[14]     La transcription (à la page 288 du dossier du tribunal certifié) révèle qu’à la suite de la plainte concernant l’enlèvement et le passage à tabac, la police a mis sous surveillance le fils du demandeur ainsi que l’école qu’il fréquentait. En outre, rien ne prouve que les « agents de police » qui s’étaient présentés à l’hôtel n’étaient pas réellement des agents de police qui essayaient de retrouver des personnes (le demandeur et son fils) qu’ils surveillaient à des fins de protection.

 

[15]     Compte tenu du contexte, je ne peux pas juger déraisonnable la conclusion de la SPR selon laquelle le demandeur et son fils disposaient d’une protection adéquate de l’État. La police avait démontré une certaine volonté de protéger le demandeur et son fils, et avait pris des mesures en ce sens, mais le demandeur ne s’est pas plaint auprès de la police quant à l’efficacité de ces mesures ou à leur caractère adéquat. Le demandeur n’a pris aucune autre démarche pour faire valoir les plaintes qu’il aurait pu avoir relativement à la protection de l’État.

 

IV.       CONCLUSION

[16]     En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y aucune question à certifier.


 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

            « Michael L. Phelan »  

__________________________

Juge                            

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.         

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                   IMM-4730-07

 

INTITULÉ :                                                  JESUS ROBERTO SALAZAR-SANCHEZ  

                                                                       et

                                                                       JESUS ROBERTO SALAZAR-GARCIA

                                                                       c.

                                                                       LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                       ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                          LE 6 MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                 LE 28 MAI 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Douglas Lehrer                                               POUR LES DEMANDEURS

 

Stephen H. Gold                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Vandervennen Lehrer                                      POUR LES DEMANDEURS

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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