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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080522

Dossier : IMM‑4395‑07

Référence : 2008 CF 644

Toronto (Ontario), le 22 mai 2008

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

KEDIJA MELKA ANJETE

demanderesse

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La demanderesse, Kedija Melka Anjete, est Éthiopienne. Sa demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui ne l’a pas crue. Elle sollicite maintenant le contrôle judiciaire de cette décision, affirmant que la Commission a commis une erreur quand elle a dit qu’il n’était pas prouvé que les personnes âgées membres de l’ethnie oromo couraient le risque d’être persécutées par le gouvernement éthiopien, alors que le dossier d’information sur le pays soumis à la Commission, disait le contraire.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je ne suis pas persuadée que la Commission a commis l’erreur alléguée. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

I. La norme de contrôle

 

[3]               Les deux parties reconnaissent que la norme de contrôle devant s’appliquer aux conclusions de la Commission touchant la crédibilité de la demanderesse est celle qui est énoncée dans l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales. Plus exactement, elles disent que les conclusions de la Commission ne doivent pas être modifiées à moins d’être fondées sur des conclusions de fait erronées, tirées d’une façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments que la Commission avait devant elle.

 

[4]               La Cour suprême du Canada n’a pas considéré l’alinéa 18.1(4)d) dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] A.C.S. n° 9, et l’effet de cette disposition légale, à la lumière de la jurisprudence de common law portant sur la norme de contrôle, est une question qui est actuellement devant la Cour suprême, dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Khosa, (dossier numéro 31952).

 

[5]               Cependant, il ne m’est pas nécessaire aux fins de la présente demande de répondre à cette question, car je suis d’avis que le résultat serait le même, quelle que soit la norme appliquée, soit la conclusion de fait erronée, tirée d’une façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments que la Commission avait devant elle, soit la raisonnabilité dont il est question dans l’arrêt Dunsmuir.

 

II. Analyse

[6]               Contrairement à ce que prétend la demanderesse, la Commission n’a pas dit carrément qu’il n’était pas prouvé que les personnes âgées membres de l’ethnie oromo aient jamais été exposées à la persécution de la part du gouvernement éthiopien. L’examen des motifs de la Commission révèle que ses conclusions portaient sur le risque auquel la demanderesse elle‑même était exposée, compte tenu de la preuve se rapportant à son cas personnel.

 

[7]               La première conclusion à laquelle trouve à redire la demanderesse dans les motifs de la Commission est celle selon laquelle, d’après le dossier d’information sur le pays, la persécution « semble largement dirigée contre les professionnels et les étudiants du pays ». Cependant, la demanderesse n’a avancé aucun argument donnant à penser que cette conclusion n’était pas justifiée par la preuve ou qu’elle était par ailleurs déraisonnable.

 

[8]               Puis la Commission écrivait que « le tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve qui indique que cette femme âgée se verrait attribuer une étiquette politique ou qu’elle constituerait une menace ethnique pour les autorités gouvernementales » [non souligné dans l’original]. L’examen de la preuve que la Commission avait devant elle, dont la transcription du témoignage de la demanderesse, confirme que la Commission pouvait parfaitement arriver à cette conclusion.

 

[9]               La demanderesse récuse aussi la conclusion de la Commission selon laquelle « il n’existe aucun élément de preuve […] qui indique que la demandeure d’asile, en tant que personne âgée, serait précisément ciblée, compte tenu de la preuve documentaire » [non souligné dans l’original]. La demanderesse signale sur ce point un rapport de Human Rights Watch où sont évoqués deux incidents au cours desquels des hommes âgés oromos avaient été détenus par des fonctionnaires du gouvernement éthiopien.

 

[10]           Cependant, l’examen du cas des deux hommes dont parle le rapport donne à penser que leur cas était différent de celui de la demanderesse. Dans l’un des cas, la détention était manifestement liée au fait que le fils de l’homme en question était soupçonné d’appartenance au Front de libération oromo. Quant à l’autre homme âgé, il était soupçonné d’avoir lui‑même embrassé la cause du Front.

 

[11]           Par ailleurs, le témoignage produit par la demanderesse au cours de l’audience du statut de réfugié la concernant autorisait amplement la Commission à conclure qu’elle ne présentait pas un profil qui éveillerait l’attention des autorités.

 

[12]           Finalement, la Commission avait plusieurs autres raisons de conclure que son récit de la persécution dont la demanderesse prétendait être victime de la part du gouvernement éthiopien n’était tout simplement pas crédible. Ainsi, il lui avait fallu un an et demi pour quitter l’Éthiopie, elle avait tardé à revendiquer l’asile une fois au Canada et la fille de la demanderesse au Canada avait fait des démarches pour que sa mère vienne au Canada l’aider à s’occuper de ses quatre enfants. Considérées globalement, ces conclusions suffisaient au rejet de la demande d’asile, et la décision de la Commission sur ce point était raisonnable.

 

III. Dispositif

 

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

IV. Question à certifier

 

[14]           Aucune des parties n’a proposé qu’une question soit certifiée, et aucune ne se pose ici.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

 

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM‑4395‑07

 

 

INTITULÉ :                                       KEDIJA MELKA ANJETE c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 21 MAI 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE Mactavish

 

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 22 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul VanderVennen

 

POUR LA DEMANDERESSE

Asha Gafar

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

VanderVennen Lehrer

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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