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Date : 20080521

Dossier : IMM-2291-08

Référence : 2008 CF 643

 

Vancouver (Colombie-Britannique), le 21 mai 2008

 

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE

JOSE FRANCISCO CARDOZA QUINTEROS

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de sursis qui a été présentée pour audition urgente l’après-midi du 21 mai 2008, car le demandeur devait être renvoyé du Canada le lendemain matin. Voici les motifs pour lesquels j’ai rejeté la demande de sursis.

 


I. Contexte

[2]               M. Cardoza Quinteros a comparu deux fois devant la Cour ces dernières semaines. Les faits le concernant sont amplement exposés dans la décision du juge Hansen en date du 17 avril 2008, dossier IMM-3883-07, et dans celle du juge Pinard datée du 2 mai 2008, dossier IMM-2013-08.

 

[3]               Le 22 février 2008, la Section de l’immigration a conclu que M. Cardoza Quinteros appartenait au gang Mara Salvatrucha au Salvador et qu’en conséquence, il était interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée au titre de l’alinéa 37(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27. M. Cardoza Quinteros a d’abord nié toute appartenance au gang Mara Salvatrucha. Il n’a toutefois pas contesté la conclusion de la Section de l’immigration selon laquelle il était réellement membre de ce gang.

 

[4]               Pendant la procédure d’immigration, M. Cardoza Quinteros a admis plusieurs fois avoir participé à des actes criminels et violents en tant que membre de gang. Plus précisément, il a admis avoir commis les actes suivants ou en avoir été complice :

a)      tuer ou blesser des personnes en leur jetant des grenades à main;

b)      tirer dans la poitrine d’un membre de gang rival;

c)      assister à la décapitation d’une femme, puis à l’exposition de sa tête dans le stationnement de la police nationale;

d)      être condamné pour vol à main armée;


e)      assister au meurtre de 100 à 150 personnes.

Il a également admis avoir été arrêté 50 à 60 fois et avoir tué quatre personnes environ.

 

[5]               M. Cardoza Quinteros soutient qu’il a été expulsé du gang en 2004, celui-ci lui ayant reproché une émeute de prison qui a entraîné la mort de 300 personnes, dont 60 membres du gang. Il a quitté le Salvador le 4 avril 2007 et est arrivé au Canada le 2 septembre 2007 en passant par le Mexique et les États-Unis.

 

[6]               Étant interdit de territoire, M. Cardoza Quinteros peut faire l’objet d’une expulsion. Il a malgré tout présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR), alléguant que comme il était devenu un [traduction] « informateur important contre le gang Mara Salvatrucha », celui-ci constituait une menace pour lui s’il retournait au Salvador, et que ses déclarations au Canada concernant le gang avaient été publiées et seraient probablement portés à l’attention du gang au Salvador.

 

[7]               Au moment de la décision de l’agent d’ERAR, rien ne prouvait que les déclarations de M. Cardoza Quinteros avaient été rendues publiques au Salvador; l’agent a toutefois précisé par écrit qu’en arrivant à sa décision, il avait apprécié la possibilité que la presse au Salvador avait couvert ou couvrirait les événements récents concernant M. Cardoza Quinteros au Canada. M. Cardoza Quinteros a déposé avec sa demande des éléments indiquant que la presse salvadorienne avait à présent couvert sa situation au Canada.

 

[8]               La décision faisant suite à la demande d’ERAR a été rendue le 15 mai 2008. L’agent d’ERAR a conclu que, si M. Cardoza Quinteros était renvoyé au Salvador, il ne risquerait pas la torture et ne serait pas exposé à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités.

 

[9]               M. Cardoza Quinteros comparaît devant la Cour, car il cherche à faire surseoir à l’exécution de la mesure d’expulsion prononcée contre lui. Son expulsion est prévue pour le jeudi 22 mai 2008 à 9 h. Il demande qu’il soit sursis à  l’exécution de la mesure jusqu’à ce qu’une décision soit rendue à l’égard de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’ERAR.

 

II. Analyse

[10]           Il est reconnu que pour obtenir un sursis, le demandeur doit établir 1) qu’il existe une question sérieuse à trancher, 2) qu’il subirait un préjudice irréparable si le sursis était refusé et 3) que la prépondérance des inconvénients favorise l’octroi du sursis : Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.).

 


III. Les questions sérieuses à trancher

[11]           M. Cardoza Quinteros affirme, dans sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’ERAR, que les points suivants sont des questions sérieuses à trancher : 1) étant donné la situation de M. Cardoza Quinteros, il n’était pas raisonnable de la part de l’agent de conclure qu’il pouvait bénéficier au Salvador d’une protection adéquate de l’État; 2) l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que, dans le cas de M. Cardoza Quinteros, le Salvador est ou peut être l’auteur de la persécution ou du préjudice; 3) l’agent a omis de prendre en compte l’absence de garanties diplomatiques que M. Cardoza Quinteros ne sera pas arbitrairement détenu, torturé ou assassiné s’il est renvoyé du Canada vers le Salvador.

 

[12]           Le demandeur allègue que le critère à satisfaire pour convaincre la Cour qu’il y a une question sérieuse à trancher est faible. On a fait valoir qu’il suffit au demandeur d’établir que les questions soulevées ne sont pas futiles ou vexatoires.

 

[13]           On ne peut pas répondre automatiquement au critère en formulant un motif de contrôle judiciaire qui, à première vue, semble être défendable. Il appartient à la Cour de mettre à l’épreuve les motifs invoqués contre la décision contestée et ses motifs, sinon le critère serait respecté dans presque toutes les affaires plaidées par des avocats compétents.

 

[14]           Lorsque la décision à l’origine de la demande de sursis est une décision négative faisant suite à l’ERAR qui, selon le demandeur, l’expose au risque d'être persécuté ou torturé ou à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels ou inusités, et, une fois que le critère de la question sérieuse a été respecté, les deux autres critères seront peut-être également respectés dans la plupart des affaires : Figurado c. Canada (Solliciteur général), 2005 CF 347, au paragraphe 45.

 

[15]           Cela étant, il me semble que, dans les affaires intéressant une décision négative rendue à la suite d’un ERAR, la Cour doit faire preuve de vigilance avant de se dire convaincue que le demandeur a soulevé des questions réellement sérieuses et non pas des questions uniquement sérieuses en apparence.

 

[16]           L’allégation que la décision de l’agent d’ERAR n’était pas raisonnable d’après les éléments de preuve dont il disposait semble être une question sérieuse, mais elle peut ne pas l’être lorsqu’on  analyse la décision en l’espèce et le raisonnement qui la sous-tend. Il n’appartient certes pas à la Cour de procéder à un contrôle judiciaire complet de la décision quand elle est saisie d’une demande de sursis, mais, lorsqu’elle examine si une question sérieuse a été soulevée, elle doit tenir compte de la déférence considérable dont il faut faire preuve envers la décision de cet agent, s’il y a contrôle judiciaire. À cet égard, il faut garder à l’esprit les observations suivantes de la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 47 à 49.

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables.  Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables.  La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.  Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à  l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

L’application d’une seule norme de raisonnabilité n’ouvre pas la voie à une plus grande immixtion judiciaire ni ne constitue un retour au formalisme d’avant l’arrêt Southam.  À cet égard, les décisions judiciaires n’ont peut‑être pas exploré suffisamment la notion de déférence, si fondamentale au contrôle judiciaire en droit administratif.  Que faut‑il entendre par déférence dans ce contexte?  C’est à la fois une attitude de la cour et une exigence du droit régissant le contrôle judiciaire.  Il ne s’ensuit pas que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations.  Elles ne peuvent pas non plus invoquer la notion de raisonnabilité pour imposer dans les faits leurs propres vues.  La déférence suppose plutôt le respect du processus décisionnel au regard des faits et du droit.  Elle « repose en partie sur le respect des décisions du gouvernement de constituer des organismes administratifs assortis de pouvoirs délégués » : Mossop, p. 596, la juge L’Heureux‑Dubé, dissidente.  Nous convenons avec David Dyzenhaus que la notion de [traduction] « retenue au sens de respect » n’exige pas de la cour de révision [traduction] « la soumission, mais une attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » : « The Politics of Deference:  Judicial Review and Democracy », dans M. Taggart, dir., The Province of Administrative Law (1997), 279, p. 286 (cité avec approbation par la juge L’Heureux‑Dubé dans l’arrêt Baker, au par. 65; Ryan, par. 49).

 

La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur.  Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review — The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93.  La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[17]           Gardant bien à l’esprit l’exhortation de la Cour suprême que la « retenue au sens de respect » exige que la Cour prête une attention respectueuse aux motifs avancés à l’appui d’une décision, ou susceptibles de l’être, je pense que, si un demandeur cherche à faire surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi dans une situation telle que celle en l’espèce, avant de convenir que les motifs de révision avancés constituent vraiment des questions sérieuses, ceux-ci sont à analyser scrupuleusement.

 

[18]           Si la Cour est convaincue que le demandeur ne réussira pas à établir que la décision, en tout ou en partie, ne respecte pas la norme de la décision raisonnable exposée dans Dunsmuir, elle doit considérer qu’une allégation selon laquelle la décision est déraisonnable ne constitue pas une question sérieuse à juger. Je ne veux pas dire par là qu’en cas de demande de sursis, la Cour doit mener une analyse détaillée, mais plutôt qu’elle doit mener davantage qu’une analyse succincte.

 

[19]           Je vais à présent examiner selon ce cadre les questions sérieuses qu’a débattues le demandeur.


A. Était-il déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’il existe au Salvador une protection adéquate de l’État?

 

[20]           L’agent d’ERAR a noté avec raison qu’il y a une présomption que l’État est capable de protéger ses citoyens : Ward c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] 2 R.C.S. 689. Il appartient au demandeur de réfuter cette présomption en « confirm[ant] d'une façon claire et convaincante l'incapacité de l'État d'assurer sa protection, en l'absence d'un aveu en ce sens par l'État dont il est le ressortissant ». L’agent a aussi noté que, selon l’arrêt Ward, « sauf dans le cas d’un effondrement complet de l’appareil étatique, il y a lieu de présumer que l’État est capable de protéger le demandeur ».

 

[21]           L’agent d’ERAR a ensuite examiné les renseignements recueillis dans plusieurs fiches sur le pays et a conclu :

[traduction]

Considérés dans leur ensemble, ces éléments de preuve corroborent la conclusion que le gouvernement salvadorien  montre qu’en dépit des succès mitigés qui auraient été enregistrés jusqu’à présent, il est sérieusement déterminé à lutter contre la violence impliquant les gangs et est doté des institutions publiques nécessaires à cette fin.

 

[22]           Le demandeur a fait valoir à l’agent d’ERAR que la seule protection dont il pourrait bénéficier serait celle, inefficace, fournie par le Centre salvadorien des victimes et des témoins. L’agent s’est appuyé, après l’avoir étudié, sur le Country Reports on Human Rights Practices le plus récent consacré au Salvador (2007), publié par le Département d’État des États-Unis. D’après l’agent, le rapport indique qu’il y avait en septembre 1 369 personnes dans [traduction] « un programme quelconque de protection policière des témoins et des victimes » et que [traduction] « le Centre salvadorien pour les victimes et les témoins a hébergé et protégé 50 victimes, 40 témoins et 19 criminels avoués ». L’agent cite les passages pertinents du rapport, puis conclut :

[traduction]

Même s’il est très troublant qu’au moins deux personnes qui s’étaient prévalues de la protection de l’État ont été tuées pendant l’année, cette preuve permet de conclure qu’un nombre plus important de personnes a été protégé avec efficacité par l’État. Sur la foi de ces éléments, je conclus qu’il existe des mécanismes de protection des victimes, des témoins et même des criminels menacés qui protègeraient le demandeur convenablement, mais pas forcément parfaitement, au Salvador.

 

[23]           L’agent a mené une analyse approfondie des éléments de preuve qui lui ont été présentés. Il a analysé et qualifié correctement le risque que fait courir au demandeur son ancien gang. Sa décision sur la possibilité pour M. Cardoza Quinteros de bénéficier de la protection de l’État appartient indéniablement, à mon avis, aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. À mon avis, c’est avec raison que le défendeur affirme que la question soulevée par le demandeur est en réalité un désaccord avec les conclusions auxquelles est arrivé l’agent d’ERAR à partir des éléments de preuve qui lui ont été présentés, et non pas une question sérieuse qui permettrait de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi.

 

B. L’agent a-t-il commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que le Salvador est ou peut être l’auteur de la persécution ou du préjudice?

 

 

[24]           Dans ses observations adressées à l’agent d’ERAR, M. Cardoza Quinteros n’a pas allégué que le Salvador puisse être lui-même l’auteur du préjudice. C’est l’agent qui l’a soulevé, car, selon des documents qui lui ont été présentés, des membres de gang ou des personnes dont on a pensé qu’elles appartenaient à des gangs du fait de leurs tatouages ont été détenues arbitrairement ou dans des conditions sévères, l’État leur ayant infligé des traitements équivalant à de la torture.

[25]           L’agent a, à cet égard, conclu ce qui suit :

[traduction]

Le demandeur prétend qu’il n’appartient plus à un gang et qu’il ne fait l’objet d’aucune inculpation en instance. Cette situation, à laquelle s’ajoutent le fait que ses tatouages n’indiquent aucune appartenance à un gang en particulier et que leur emplacement lui permet de les dissimuler avec des vêtements, m’amène à conclure qu’il n’existe aucun motif raisonnable de penser que des agents de l’État ou des criminels qui ciblent des personnes appartenant, selon eux, à des gangs lui feraient subir des traitements constituant une menace à sa vie ou un risque de subir la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités.

 

 

 

[26]           Le demandeur fait valoir que la décision de l’agent selon laquelle il peut dissimuler ses tatouages est soit abusive, soit arbitraire, car l’un de ses tatouages est situé sur le dessus de sa main droite. Je ne suis pas d’accord. Même des tatouages de la main peuvent être dissimulées. L’affirmation de l’agent selon laquelle les tatouages n’indiquent aucune « appartenance à un gang en particulier » est en revanche plus troublante.

 

[27]           Je relève que, dans le Formulaire de renseignements personnels qu’il a déposé à l’appui de sa revendication du statut de réfugié, M. Cardoza Quinteros a nié que ses tatouages aient un rapport avec un gang. Il était donc loisible à l’agent de conclure que les tatouages n’indiquaient aucune appartenance à un gang en particulier. Néanmoins, la prépondérance de la preuve montre, à mon avis, que ces tatouages indiquent précisément l’appartenance au gang Mara Salvatrucha.

 

[28]           Ainsi que l’a souligné le demandeur, l’agent ayant détenu M. Cardoza Quinteros aux bureaux de l’Immigration pour l’interroger l’a fait parce qu’il avait compris que les tatouages qu’il avait remarqués étaient reconnus comme des tatouages de gang du Salvador. Si, au Canada, on sait ce qu’ils sont, il est raisonnable de conclure qu’au Salvador, on les repérerait encore plus vite. Si l’agent d’ERAR s’est trompé sur les propriétés identificatoires des tatouages, cela soulève-t-il une question sérieuse de savoir s’il a commis une erreur en ne concluant pas que le Salvador est peut‑être l’auteur de la persécution visant le demandeur?

 

[29]           Il est nécessaire, pour répondre à cette question, de prendre en compte l’ensemble de la décision de l’agent d’ERAR. Je relève que d’autres éléments de preuve lui ont été soumis, qui corroborent l’opinion que son erreur est sans conséquence sur l’appréciation du caractère raisonnable de sa conclusion.

 

[30]           L’agent d’ERAR reproduit la transcription d’un entretien avec M. Cardoza Quinteros, au cours duquel celui-ci explique sa participation à des actes criminels et à des actes de violence quand il appartenait au gang. L’agent note : [traduction] « il a déclaré qu’il a été arrêté entre 50 et 60 fois et que sa condamnation la plus grave concernait un vol à main armée ». Rien ne prouve que M. Cardoza Quinteros n’avait pas ses tatouages lors de ses arrestations antérieures, ni qu’il existe des éléments établissant que les autorités lui ont alors causé un préjudice quelconque. Ces arrestations ont eu lieu quand M. Cardoza Quinteros était un membre de gang reconnu.

 

[31]           Le demandeur soutient que ces arrestations ont eu lieu avant que ne commence le type de mesure de l’État dont il se sentait menacé et qu’il craignait. Des éléments prouvent toutefois qu’entre 2003 et 2007, pendant qu’était prétendument prise la mesure de l’État dont il se sentait menacé, M. Cardoza Quinteros est demeuré au Salvador, exception faite de brefs déplacements illégaux aux États-Unis. Il n’a rien présenté indiquant que, pendant cette période, il ait été maltraité par l’État de quelque manière que ce soit. En fait, il a présenté des éléments selon lesquels il s’est battu en décembre 2005 avec un membre du gang [traduction] « que la police a alors emmené ». Ceci corrobore tant s’en faut la conclusion à laquelle est arrivé l’agent d’ERAR, à savoir que M. Cardoza Quinteros peut se prévaloir de la protection de l’État et qu’il n’est probablement pas menacé par les autorités.

 

[32]           Je pense donc que l’agent d’ERAR a correctement examiné la question de savoir si le Salvador est peut être l’auteur de la persécution ou du préjudice.  Sa conclusion qu’il n’y a pas de motif raisonnable de penser que M. Cardoza Quinteros serait pris à parti par les autorités publiques appartient indéniablement, à mon avis, aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, et donc ne constitue pas une question sérieuse à juger.

 

C. L’agent a-t-il commis une erreur en omettant de prendre en compte l’absence de garanties diplomatiques que M. Cardoza Quinteros ne sera pas arbitrairement détenu, torturé ou assassiné s’il est renvoyé du Canada vers le Salvador?

 

[33]           M. Cardoza Quinteros soutient que l’agent d’ERAR ayant reconnu l’existence de motifs objectifs de penser qu’il courait un grave danger au mains du gang Mara Salvatrucha et des autorités salvadoriennes, il appartenait au défendeur de solliciter et d’obtenir auprès du gouvernement salvadorien les garanties qu’il recevrait la meilleure protection possible. Quant à l’incidence de ces garanties, il cite la décision du juge de Montigny dans Sing c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2007 CF 361, au paragraphe 87.

 

[34]           Le défendeur répond en ces termes dans son mémoire exposant les faits et le droit :

[traduction]

[…] les affaires mettant en jeu des assurances diplomatiques sont uniques en leur genre et concernent des cas particuliers. En l’espèce, M. Cardoza Quinteros n’a pas établi que les autorités salvadoriennes s’intéressaient particulièrement à lui ou qu’on l’y recherchait pour un acte criminel passible de la peine de mort ou d’une autre peine. Rien ne justifie que le Canada demande des assurances diplomatiques à l’égard de Mr. Cardoza Quinteros ou que l’absence de celles-ci démontre que l’agent d’ERAR a commis une erreur. À première vue, M. Cardoza Quinteros ne court pas de risque et l’agent d’ERAR a conclu qu’il pouvait bénéficier d’une protection adéquate de l’État.

 

 

[35]           Je pense que la conclusion de l’agent d’ERAR, selon laquelle il existe une protection de l’État qui, sans être parfaite, est adéquate, répond entièrement à l’allégation du demandeur que l’agent de l’ERAR a commis une erreur en omettant de prendre en compte l’absence de garanties diplomatiques. Je conclus donc que cette question n’est pas une question sérieuse à trancher.


IV. Conclusion

[36]           Je ne suis pas convaincu que M. Cardoza Quinteros a soulevé des questions sérieuses qui justifieraient d’octroyer le sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. La demande de sursis ne satisfaisant pas à l’un des trois volets du critère posé dans Toth, elle sera en conséquence rejetée. Il n’est pas nécessaire que j’examine si le demandeur a satisfait aux deux autres volets de ce critère.


ORDONNANCE

[37]           LA COUR ORDONNE : La demande d’ordonnance présentée avec un court préavis en vertu de l’article 18.2 de la Loi sur les Cours fédérales, conformément au paragraphe 362(2) des Règles des Cours fédérales, en vue de faire surseoir à la mesure d’expulsion visant le demandeur jusqu’à ce que soit tranché le fond de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-2291-08

 

INTITULÉ :                                                   JOSE FRANCISCO CARDOZA QUINTEROS

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 21 MAI 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                     LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DE L’ORDONNANCE :                          LE 21 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shepherd Moss

 

 POUR LE DEMANDEUR

Helen Park

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

Avocats inscrits au dossier : 

 

Shepherd Moss

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 POUR LE DEMANDEUR

 

 

John Sims, c.r.                                                      pour le défendeur

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

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