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Date : 20080516

Dossier : T-2216-07

Dossier : T-2217-07

 

Référence : 2008 CF 621

Vancouver (Colombie-Britannique) le 16 mai 2008

En présence de monsieur le juge Zinn

 

T-2216-07

ENTRE :

MARCHÉS MONDIAUX CIBC INC.

demanderesse

 

et

 

STENNER FINANCIAL SERVICES LTD.

 

défenderesse

 

 

T-2217-07

ET ENTRE :

THANE STENNER

demandeur

 

et

 

STENNER FINANCIAL SERVICES LTD.

 

défenderesse

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNNABCE

 

 

  • [1] Deux demandes de radiation de marque de commerce ont été déposées en vertu de l’article 57 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. (1985), ch. T-13), pour radier la marque de commerce STENNER : CIBC World Markets Inc. c. Stenner Financial Services Ltd., Dossier nT‑2216-07 de la Cour fédérale (la « requête de la CIBC ») et Thane Stenner v. Stenner Financial Services Ltd., dossier no T-2217-07 de la Cour fédérale (la requête de Stenner). Les demandeurs dans ces deux causes seront désignés comme « CIBC » et « Stenner » et le défendeur comme « Stenner Financial ».

 

  • [2] Le 13 février 2008, avec le consentement de l’ensemble des parties, le juge Lemieux a ordonné que les deux procédures de radiation soient entendues en même temps et que la preuve dans chaque procédure soit une preuve dans l’autre. Cependant, la procédure n’a pas fait l’objet d’un regroupement. Par conséquent, bien que je ne rende qu’un seul ensemble de motifs, ils sont rendus à l’égard de chaque affaire.

 

  • [3] Stenner Financial interjette les appels d’ordonnance du protonotaire Lafrenière faits le 28 avril 2008 accordant une prorogation de délai en vertu de la Règle 308 des Règles des Cours fédérales à CIBC et à Stenner pour contre-interroger sur un certain nombre d’affidavits déposés par Stenner Financial, et une ordonnance pour les dépens de 1 000 $ payables par Stenner Financial à la CIBC et à Stenner, quelle que soit l’issue de la cause . De plus, le protonotaire a ordonné que ces deux requêtes se poursuivent en tant que procédures spécialement gérées.

 

I. Introduction et contexte

  • [4] Plus tôt dans ces demandes complémentaires, les avocats des parties avaient des relations cordiales et professionnelles, comme ce à quoi on peut s’attendre de deux avocats chevronnés. Des indulgences sont accordées aux deux parties.Stenner Financial a consenti à une prorogation de délai pour permettre à CIBC et Stenner de signifier et de déposer leurs affidavits à l’appui en vertu de la Règle 7 des Règles de la Cour Fédérale. CIBC et Stenner ont consenti à une prorogation de délai pour Stenner Financial afin qu’elle dépose ses affidavits à l’appui. Le mercredi 2 avril 2008, Stenner Financial a signifié et a déposé 13 affidavits.

 

  • [5] La règle 308 des Règles des Cours fédérales prévoit que toutes les parties réalisent leur contre-interrogatoire à l’égard des affidavits dans les 20 jours suivant le dépôt des affidavits du défendeur. La date limite pour réaliser le contre-interrogatoire de ces demandes expirerait donc le mardi 22 avril 2008, à moins d’une prorogation par consentement ou ordonnance de la Cour.

 

  • [6] Il n’y a aucun contentieux quant aux événements qui ont suivi la signification des affidavits du défendeur. Ils sont consignés dans la correspondance entre les parties. Il est important de préciser ces faits et l’existence de cette correspondance afin de répondre pleinement aux arguments du défendeur dans le cadre du présent appel. Les faits pertinents sont résumés comme suit.

Le 2 avril 2008

13 affidavits sont signifiés par Stenner Financial.

Le 7 avril 2008

L’avocat de la CIBC a informé l’avocat de Stenner Financial qu’il souhaitait contre-interroger 12 des 13 déposants.

Le 8 avril 2008

L’avocat de la CIBC écrit à l’avocat de Stenner Financial pour confirmer son intention de contre-interroger 12 des déposants. Il souligne la limite de 20 jours prévue dans les Règles et demande si Stenner Financial consentira à une prorogation de 10 jours. Il demande en outre si l’avocat coordonnera des dates convenables pour le contre-interrogatoire et la signification d’assignation à comparaître pour les déposants. Enfin, il a demandé à l’avocat de fournir les adresses des déposants.

Le 8 avril 2008

L’avocat de Stenner écrit à l’avocat de Stenner Financial. Il exprime également son intention de contre-interroger 12 des déposants. Il écrit que même si les Règles des Cours fédérales permettent à une partie interrogatrice de convoquer unilatéralement chacun des témoins, il est plus logique de coordonner les contre-interrogatoires étant donné que lui et l’avocat de la CIBC ont l’intention d’examiner ces 12 déposants. Il écrit :

[traduction]

Veuillez indiquer si vous souhaitez coordonner les contre-interrogatoires des témoins de façon à ce qu’ils ne reçoivent pas personnellement une assignation à comparaître à une date qui les surprend. Si vous n’êtes pas disposé à coordonner le contre-interrogatoire de chacun de ces témoins, veuillez me le faire savoir le plus tôt possible, afin que je puisse leur signifier une assignation à comparaître.

Le 9 avril 2008

L’avocat de Stenner Financial répond aux deux avocats comme suit :

[traduction]

Nous ne sommes pas en mesure d’accepter la prorogation demandée, car l’auteur n’est pas disponible pendant la période de prorogation. C’est pourquoi il sera nécessaire de demander une ordonnance à la Cour. Je suis certain que des arrangements raisonnables peuvent être faits pour permettre le contre-interrogatoire des différents déposants.

Il suggère un examen restreint des déposants par rapport à celui proposé par l’avocat de Stenner et fournit les adresses de chaque déposant. Il tire la conclusion suivante : « [TRADUCTION] nous serons heureux de vous fournir les dates disponibles une fois les problèmes préliminaires résolus ».

Le 10 avril 2008

L’avocat de Stenner répond en rejetant la restriction temporelle proposée par l’avocat de Stenner Financial et en affirmant que l’avocat de chaque demandeur a le droit absolu de contre-interroger tous les déposants jusqu’à ce que leurs questions soient épuisées, mais suggère qu’un avocat prendrait l’initiative et l’autre poserait alors ses questions non répétitives. Il conclut sa lettre comme suit :

[traduction]

En ce qui concerne le moment des contre-interrogatoires, êtes-vous disponible, ainsi que les témoins, avant la date limite imposée par les Règles de la Cour fédérale [SIC]?

Si ce n’est pas le cas, veuillez communiquer avec moi afin que nous puissions discuter de votre disponibilité et de la disponibilité des témoins, et si vous acceptez une prorogation du délai afin que je puisse déposer une demande de prorogation.

Le 11 avril 2008

L’avocat de la CIBC répond en acceptant les énoncés de la lettre susmentionnée.

Le 11 avril 2008

 

L’avocat de Stenner Financial écrit aux deux avocats pour indiquer qu’il trouve « le ton de la lettre de M. Morrison [l’avocat de Stenner] inutilement hostile ». Il conclut comme suit :

[traduction]

Cela confirmera que nous avons des dates disponibles pour les contre-interrogatoires, mais nous ne coordonnerons pas de dates convenant aux témoins et aux avocats. Car cela relève de votre responsabilité. Nous exigerons un respect strict des Règles de la Cour fédérale [sic].

La lettre susmentionnée était la première indication de l’avocat de Stenner Financial montrant qu’il ne coopérerait pas à la coordination des dates des contre-interrogatoires et qu’il insistait sur le strict respect des délais prévus dans le Règlement.

Le 11 avril 2008

L’avocat de la CIBC écrit à l’avocat de Stenner Financial lui demandant d’accepter une prorogation de 10 jours, comme le prévoit la règle 7 (1), et donne le conseil suivant :

 

[traduction]

Si vous ne consentez pas, nous présenterons une requête à la Cour pour proroger le délai et demander les frais de la requête à votre client.

Le 14 avril 2008

L’avocat de Stenner Financial répond à la CIBC « Nous ne pouvons pas accepter votre demande de prorogation de dix jours ».

Le 14 avril 2008

L’avocat de Stenner écrit à Stenner Financial pour l’informer ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu du temps qui s’est écoulé entre la date à laquelle je vous ai informé que M. Stenner avait l’intention de contre-interroger chaque témoin et votre lettre du vendredi après-midi [le 11 avril] vous informant que vous exigez le respect strict des Règles de la cour fédérale [sic], je dispose d’options très limitées quant à la planification des contre-interrogatoires et j’ai l’intention de demander une ordonnance prorogeant un délai (qui sera presque certainement accordée).

L’avocat de Stenner Financial est invité à reconsidérer le refus de consentir à une prorogation. Une assignation à comparaître pour Gordon Stenner, l’un des déposants, est jointe à son contre-interrogatoire le 22 avril 2008.

Le 15 avril 2008

L’avocat de Stenner Financial observe correctement que l’assignation à comparaître n’a pas été signifiée conformément aux Règles et il informe que Gordon Stenner ne se présenterait pas à la date précisée dans l’assignation. Il écrit :

[traduction]

En raison de votre refus d’accepter des limites raisonnables des procédures de contre-interrogatoire, nous sommes obligés d’adopter une approche tout aussi déraisonnable pour nous prévaloir de l’ensemble de nos droits […]

 

Nous sommes toujours disposés à accepter raisonnablement le contre-interrogatoire dans cette affaire, mais nous répétons que les demandeurs qui se sont joints à la présente procédure à leur propre demande ne peuvent pas se relayer leur contre-interrogatoire. Vous pouvez choisir un avocat pour interroger M. Stenner pour une journée.  M. Stenner sera disponible à notre bureau durant la semaine du 28 avril 2008.

Le 16 avril 2008

Les avocats de la CIBC et de Stenner signifient et déposent des requêtes en vertu de la Règle 8 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir une ordonnance prorogeant le délai de contre-interrogatoire des déposants sur les déclarations sous serment déposées par le défendeur dans ces requêtes.

Le 28 avril 2008

Les parties ont comparu devant le protonotaire Lafrenière qui, après avoir entendu leurs plaidoiries, a fait savoir qu’il avait l’intention de rendre une ordonnance prorogeant le délai pour compléter les contre-interrogatoires. Il a demandé aux parties de discuter des dates des contre-interrogatoires en privé et de revenir avec des dates acceptables et convenables pour les examens qu’il incorporerait ensuite dans une ordonnance.

Le 29 avril 2008

L’avocat de Stenner écrit à la Cour pour obtenir les motifs de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière :

[traduction]

Le protonotaire Lafrenière [le 28 avril 2008] a ordonné une prorogation du délai pour l’achèvement des contre-interrogatoires, ainsi que d’autres redressements.

Une ordonnance n’a pas été signée par le protonotaire Lafrenière.

Murray Smith, avocat de Stenner Financial Services Ltd., a avisé […] qu’il avait l’intention de faire appel de la décision du protonotaire Lafrenière.

La décision du protonotaire Lafrenière a été rendue oralement.

Je demande respectueusement au protonotaire Lafrenière de bien vouloir fournir par écrit les motifs de son ordonnance au bénéfice du juge d’appel.

 

Il informe la Cour qu’il a communiqué avec les deux avocats avant de présenter cette demande, que l’avocat de la CIBC l’appuie et que l’avocat de Stenner Financial était d’avis que la demande de motifs ne doit pas être faite

Le 2 mai 2008

Le protonotaire Lafrenière fait part des motifs de l’ordonnance et de l’ordonnance prorogeant le délai imparti pour compléter les contre-interrogatoires, en y intégrant le programme fourni précédemment par les avocats, et en ordonnant que ces affaires se poursuivent à titre de procédures spécialement gérées.

Le 2 mai 2008

Stenner Financial dépose son appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière et, dans l’avis d’appel, expose les fondements de l’appel.

II. Motifs de l’appel

  • [7] Stenner Financial soulève trois motifs d’appel :

  • [8] Par ailleurs, Stenner Financial a soutenu que le protonotaire Lafrenière avait commis une erreur en ne fournissant pas de motifs écrits au moment où il accordait la prorogation, qu’il ne se réservait pas le droit de fournir des motifs écrits et qu’il fournissait des motifs écrits seulement après appel de son ordonnance, puis sur l’objection de l’avocat de Stenner Financial.

  1. le protonotaire Lafrenière a commis une erreur en accordant la prorogation lorsque les déclarations sous serment déposées sur la requête ne révélaient aucun motif justifiant l’omission de signifier les assignations de comparaître et de compléter les contre-interrogatoires dans les 20 jours prévus dans les Règles;
  2. le protonotaire Lafrenière a commis une erreur en accordant la prorogation lorsque les affidavits déposés dans la requête ne révélaient aucun motif quant aux demandes de radiation sous-jacentes ; et
  3. le protonotaire Lafrenière a commis une erreur en accordant la prorogation lorsque les affidavits déposés dans la requête n’ont pas permis d’établir la valeur intrinsèque de la preuve demandée lors des contre-interrogatoires.

 

  • [9] Il convient de traiter d’abord de cette dernière communication, car elle est susceptible d’avoir une incidence sur le critère à appliquer dans le présent appel.

 

III. Motifs écrits du protonotaire

  • [10] Stenner Financial a soutenu que si les motifs de l’ordonnance étaient inappropriés, ils ne devraient pas être examinés par cette Cour siégeant en appel. S’appuyant sur la décision du juge Mactavish dans Bank of the West c. Weldga281596 (The), 2007 FC 1112, il a été observé qu’en l’absence des motifs de la décision ci-dessous, cette Cour devrait entendre la requête initiale pour une extension de novo.

 

  • [11] L’avocat de Stenner Financial se fonde sur l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, dans Regina c. Hawke (1975), 7 O.R. (2d) 145 [Hawke] à l’appui de son argument, selon lequel il n’était pas approprié pour le protonotaire de fournir des motifs après le lancement de l’appel. Il a soutenu qu’il est inopportun d’émettre des motifs dans des circonstances puisque le protonotaire défendait en fait sa position devant notre Cour. Il essayait de se redresser. L’avocat se fonde sur l’observation suivante de la Cour d’appel au paragraphe 110 de sa décision :

[traduction]

En l’espèce, il ne serait pas déraisonnable que l’accusé ait l’impression que le juge de première instance s’est avancé dans le processus d’appel à l’appui de sa déclaration de culpabilité. Il est à noter qu’il ne s’agit pas d’un cas où un juge de première instance a indiqué le résultat auquel il était parvenu et annoncé qu’il avait proposé de donner ses motifs ultérieurement. En l’espèce, le procès était terminé, les décisions avaient été rendues après un long débat et les motifs supplémentaires n’étaient rendus qu’en raison de l’appel. En l’espèce, l’apparence de justice aurait été mieux servie si le juge de première instance s’était contenté de laisser subsister l’affaire inscrite dans la transcription de la preuve.

 

 

  • [12] Les faits dans Hawke diffèrent considérablement de ceux qui sont devant moi. Dans l’affaire Hawke, l’accusé a été déclaré coupable en mars 1973. Environ cinq mois plus tard, un appel a été interjeté et les motifs du juge du procès ont été rendus. La Cour d’appel a considéré que ces motifs étaient plus que de simples [traduction] « raisons à l’appui de certaines décisions rendues au procès », mais les ont trouvés plus semblables à un mémoire à l’appui de la déclaration de culpabilité.

 

  • [13] En l’espèce, le protonotaire Lafrenière, avant de rendre ses motifs, savait qu’un appel devait être interjeté, mais aucun appel n’avait encore été interjeté lorsqu’il a rendu ses motifs. Par conséquent, la suggestion de l’avocat selon laquelle le protonotaire a rédigé ses motifs pour répondre aux motifs de l’appel est entièrement dénuée de fondement. De plus, contrairement à Hawke, le protonotaire Lafrenière a rendu ses motifs en temps opportun. Ils ont été rendus le vendredi de la semaine où la requête a été entendue; il a été discuté le lundi de cette semaine.

  • [14] L’avocat s’est également appuyé sur l’arrêt Virani c. Virani, 2006 BCCA 63 [Virani], à l’appui de son argument selon lequel il ne fallait pas accorder d’importance aux motifs du protonotaire Lafrenière. Les faits dans cette décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique peuvent faire l’objet d’une distinction. Dans l’arrêt Virani, la Cour d’appel a jugé que le juge d’instance inférieur avait indûment rendu « des motifs plus généraux [...] après l’avis d’appel » et à la suite de Ribeiro c. Vancouver (City) (2004), 41 B.C.L.R. (4th) 64 à 66, 2004 BCCA 482 au ¶3, a décrit ceci comme « individualisme judiciaire ». Le protonotaire Lafrenière n’a rien fait de la sorte. Il n’avait jamais formulé de motifs ou formulé d’ordre pour la décision qu’il avait avisé les parties à la fin de l’audience qu’il ferait.

 

  • [15] Le comportement du protonotaire Lafrenière n’est pas unique à lui ou à cette Cour. Les protonotaires ont une lourde charge de travail. Lorsque, comme en l’espèce, ils sont en mesure d’informer les parties de la décision qui sera prise, il est approprié de le faire afin de ne pas perdre de temps en attendant l’ordonnance officielle. Lorsque, comme en l’espèce, le temps manque pour terminer les contre-interrogatoires, même avec l’octroi d’un délai supplémentaire, le comportement adopté par le protonotaire est d’autant plus approprié. Le protonotaire Lafrenière aurait peut-être bien conseillé d’informer oralement les parties à la fin de l’audience que des motifs écrits devaient suivre, mais il n’était pas nécessaire de le faire. La règle 392 des Règles des Cours fédérales précise qu’une ordonnance n’est pas rendue ou n’est en vigueur que lorsqu’elle a été réduite par écrit et signée par l’officier de justice qui l’a rendue.

392. (1) The Court may dispose of any matter that is the subject-matter of a hearing by signing an order.

(2) Unless it provides otherwise, an order is effective from the time that it is endorsed in writing and signed by the presiding judge or prothonotary or, in the case of an order given orally from the bench in circumstances that render it impracticable to endorse a written copy of the order, at the time it is made.

392. (1) La Cour peut statuer sur toute question qui fait l’objet d’une instruction en signant une ordonnance.

(2) Sauf disposition contraire de l’ordonnance, celle-ci prend effet au moment où elle est consignée et signée par le juge ou le protonotaire qui préside ou, dans le cas d’une ordonnance rendue oralement en audience publique dans des circonstances telles qu’il est en pratique impossible de la consigner, au moment où elle est rendue.

 

  • [16] En l’espèce, aucune ordonnance n’a été signée ou n’est entrée en vigueur avant la date à laquelle les motifs et l’ordonnance ont été formellement rendus.

 

  • [17] À mon avis, cette Cour n’est pas tenue de réexaminer cette question et n’est pas tenue à le faire. Toutefois, si cela avait été requis, pour les motifs énoncés ci-dessous, j’aurais tiré la même conclusion et aurait fait les mêmes ordonnances que celles qui ont été faites par le protonotaire Lafrenière d’après les documents dont il disposait.

 

  • [18] Les ordonnances rendues par le protonotaire Lafrenière pour proroger le délai et ordonner les dépens étaient des ordonnances discrétionnaires : Solvay Pharma Inc. c. Apotex Inc., 2007 CF 407 [Solvay Pharma], par. 13 et 23. À ce titre, ses ordonnances ne devraient pas être modifiées à moins qu’elles ne soient manifestement erronées en ce sens ou l’exercice du pouvoir discrétionnaire par le protonotaire était fondé sur un principe erroné ou une mauvaise conception des faits : Solvay Pharma, para. 13.

  • [19] Le protonotaire Lafrenière a appliqué le critère approprié quant à une prorogation de délai en vertu des Règles des Cours fédérales, soit celui énoncé dans Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (F.C.A.) [Hennelly]. Une prorogation ne devrait être accordée que si quatre conditions sont remplies : 1) l’intention de poursuivre la demande est toujours présente, 2) la demande est fondée, 3) il n’y a pas de préjudice pour le défendeur du retard et 4) qu’une explication raisonnable du retard existe.

 

  • [20] Le défendeur fait valoir que les affidavits déposés par Stenner et la CIBC à l’appui de leurs demandes de prorogation n’ont pas explicitement expliqué le motif du retard, n’ont pas établi qu’il y avait une valeur intrinsèque pour les contre-interrogatoires proposés, et n’a pas réussi à établir la preuve des mérites des demandes de radiation de marque de commerce. Le protonotaire Lafrenière a conclu le contraire.

 

  • [21] La position adoptée par le défendeur semble être fondée sur la prémisse selon laquelle l’affidavit à l’appui doit, à première vue, exposer la raison du retard et faire une déclaration pour appuyer le bien-fondé de la demande initiale. Cette prémisse ne tient pas compte du fait que souvent, comme dans le cas présent, des documents sont joints à l’affidavit. Ils constituent également des éléments de preuve qui doivent être pris en compte lors de l’adjudication de la requête. En fait, une vague déclaration selon laquelle la demande est fondée ou il y a une raison pour laquelle le délai est sans effet ne convaincra probablement pas la Cour qu’une prorogation est justifiée.

 

  • [22] La correspondance jointe aux affidavits à l’appui établissait assez clairement la raison du retard. Il n’était pas nécessaire d’énoncer la preuve dans le corps de l’affidavit. La correspondance jointe aux affidavits, dans le résumé susmentionné, établit que Stenner et CIBC avaient toujours l’intention de contre-interroger 12 des déposants. Il est également clair qu’ils avaient l’intention de collaborer dans le cadre de ces contre-interrogatoires avec l’avocat de Stenner Financial. Lorsque l’avocat de Stenner Financial a indiqué qu’il insisterait sur le strict respect des Règles, il était 15 h 9 le vendredi 11 avril 2008. Afin de signifier des directives valables pour les 12 déposants individuels, Stenner et CIBC devraient les aviser tous dans la prochaine heure et 41 minutes.La correspondance et l’histoire passée de leur coopération fournissent toute l’explication nécessaire quant aux raisons du retard. Par ailleurs, les demandeurs ont réagi rapidement lorsqu’ils ont été informés que Stenner Financial insistait sur la stricte conformité pour présenter leurs requêtes à la Cour.

 

  • [23] [23] Stenner Financial se plaint également que les documents de la requête n’ont pas permis d’établir que la demande de radiation avait « un certain mérite ». L’avocat a également soutenu que le protonotaire Lafrenière a appliqué une norme différente de celle exigée par Hennelly lorsqu’il a conclu que [TRADUCTION] « il existe au moins une preuve défendable que la marque de commerce STENNER n’est pas distinctive ». Je trouve que la prétention de l’avocat est sans fondement. Au contraire, le protonotaire a imposé aux demandeurs une exigence légèrement plus élevée que ce qu’exige Hennelly lorsqu’il a cherché à savoir s’ils avaient un argument défendable.

 

  • [24] Stenner Financial a également soutenu que les affidavits ou les pièces à conviction ne comprenaient rien qui permettait au protonotaire de conclure que l’affaire avait un certain fondement. Nous soutenons qu’il s’agissait d’une erreur de droit. Cette position implique d’accepter que la Cour et le protonotaire ferment les yeux sur les éléments du dossier judiciaire de ces requêtes. La proposition selon laquelle notre Cour pourrait prendre en considération des documents dans son propre dossier est amplement étayée. Voir par exemple Apotex c. Wellcome Foundation Ltd., [2003] F.C.J. 1551, par. 10 et la règle 363 qui l’énonce expressément. Un examen des documents déposés à ce jour dans ces demandes nous amène rapidement à conclure qu’il y a un certain mérite dans les demandes, c’est-à-dire que ces demandes ne sont pas clairement frivoles ou manifestement sans mérite.

 

  • [25] Enfin, il a été soutenu qu’une fois que Stenner et la CIBC ont demandé l’autorisation de cette Cour pour proroger le délai de contre-interrogatoire, elles ont ensuite dû démontrer qu’il y avait une valeur intrinsèque à ce processus. L’avocat a cité et s’appuie sur President Group Realty Ltd., [1997] F.C.J. 389, aff’d [1997] F.C.J. 631 [President Asian]; Kurniewicz c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1974] F.C.J. 922; Azatian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] F.C.J. 932; Vlahou c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1977] F.C.J. 27; Taylor Made Golf Co. c. 1110314 Ontario Inc. (c.o.b. Selection Sales), [1998] F.C.J. 681 et Fibremann Inc. v. Rocky Mountain Spring (Icewater 02), [2005] F.C.J. 1238 [Fibremann].

 

  • [26] Aucun de ces cas n’appuie la position avancée. Nombreux sont ceux, dont President Asian, dans le cadre desquels une situation a été réglée avant la modification des Règles. Dans ces affaires antérieures, l’autorisation de la Cour était nécessaire pour contre-interroger sur un affidavit déposé à l’appui d’une demande. La règle 91 est claire, aucun consentement n’est requis.

  • [27] Fibremann ne comporte aucune prorogation. Il s’agissait plutôt d’une demande d’annulation d’une ordonnance ex parte de jugement par défaut. Le critère dans de tels cas est très différent de celui d’une prorogation de délai. Mais surtout, , la Cour d’appel fédérale dans Hennelly a énoncé les quatre critères à prendre en considération avant qu’une prorogation soit accordée. La Cour d’appel ne mentionne aucune exigence selon laquelle le demandeur doit établir que l’examen proposé présente un certain mérite si la prorogation est accordée.

 

  • [28] En résumé, le protonotaire Lafrenière n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire en fonction d’un principe erroné ou d’une mauvaise compréhension des faits.

 

  • [29] Quant à la position avancée par Stenner Financial selon laquelle le protonotaire a commis une erreur en ordonnant que ces affaires continuent en tant que procédures à gestion spéciale, la Règle 384 constitue une réponse complète à cette préoccupation. De plus, lorsque, comme en l’espèce, le litige semble avoir heurté un obstacle, il est dans l’intérêt de la justice de prendre des t une mesure appropriée et que le litige se déroule de façon ordonnée jusqu’à la décision finale.

 

  • [30] [30]L’ordonnance du protonotaire Lafrenière quant aux dépens a également été attaquée. Ses motifs pour rendre cette ordonnance sont les suivantes :

[traduction]

Le Défendeur a refusé de façon déraisonnable de consentir à une prorogation du délai pour compléter ou faciliter les contre-interrogatoires. Il a également injustement créé des obstacles procéduraux, sous prétexte du « strict respect des règles », dans une tentative claire d’obtenir des concessions des requérants. De telles tactiques sont inappropriées et ne devraient pas être tolérées. Le plus important lorsqu’on détermine l’accord d’une prorogation de délai est l’intérêt de la justice. Selon la preuve dont je suis saisi, le défendeur aurait dû accepter les demandes raisonnables des demandeurs. Dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je suis convaincu que la requête en prorogation de délai devrait être accordée, avec dépens, en faveur des demandeurs dans tous les cas en cause.

À mon avis, le protonotaire Lafrenière n’était pas manifestement injuste dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l’adjudication de dépens et cette Cour n’interviendra pas dans sa décision.

  • [31] La CIBC et Stenner réclament tous les frais encourus dans le cadre de cet appel, payables immédiatement par le défendeur dans tous les cas. À mon avis, les motifs invoqués dans le présent appel étaient entièrement dénués de fondement et le présent appel n’aurait pas dû être interjeté. Par conséquent, il convient que les demandeurs assument les frais du présent appel dans l’ensemble des causes et que ces frais soient payables immédiatement.


ORDONNANCE

CETTE COUR OERDONNE que :

  1. l’interjection d’appel de l’ordonnance du protonotaire Lafrenière daté du 2 mai 2008, prorogeant le délai de contre-interrogatoire soit rejeté;
  2. 2. les frais du présent appel soient fixés à 2 500 $ payables par le défendeur à chaque demandeur immédiatement et dans toutes les causes de l’affaire.

 

 

« Russel W. Zinn »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-2216-07

 

INTITULÉ :  MARCHÉS MONDIAUX CIBC INC. c.

  STENNER FINANCIAL SERVICES LTD.

 

DOSSIER :  T-2217-07

 

INTITULÉ :  THANE STENNER v.

  STENNER FINANCIAL SERVICES LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Vancouver, COLOMBIE-BRITANNIQUE

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 12 mai 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 ET ORDONNANCE :  ZINN J.

 

DATE DES MOTIFS :  LE 16 MAI 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Bradley Freedman

Stephen Warnett

 

Andrew Morrison

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-2216-07)

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-2217-07)

 

Murray Smith

 

POUR LE DÉFENDEUR

(T-2216-07/T-2217-07)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Borden Ladner Gervais LLP

Vancouver, Colombie-Britannique

 

Me Shields Harney

Vancouver, Colombie-Britannique

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-2216-07)

 

POUR LE DEMANDEUR

(T-2217-07)

Me Smith Barristers

Vancouver, Colombie-Britannique

POUR LE DÉFENDEUR

(T-2216-07/T-2217-07)

 

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