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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080516

Dossier : T‑1679‑07

Référence : 2008 CF 619

ENTRE :

MARLENE LAYDEN

demanderesse

 

 

et

 

LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET

DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LA JUGE MACTAVISH

 

[1]               La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un membre de la Commission d’appel des pensions qui donnait au défendeur l’autorisation de faire appel d’une décision du tribunal de révision accordant à la demanderesse une pension d’invalidité.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la demande devrait être accueillie.

 

 

Les faits

 

[3]               La demanderesse travaillait comme conductrice d’autobus depuis 1989 et jusqu’au 3 juin 2004, date à laquelle elle a cessé de travailler en raison d’un sévère mal de dos. Le 22 octobre 2004, elle a présenté une demande de prestations d’invalidité au Régime de pensions du Canada.

 

[4]               La demande de prestations fut d’abord refusée par un évaluateur médical qui trouva qu’elle n’avait pas établi que son invalidité l’empêchait d’accomplir régulièrement son travail. La demanderesse a alors remis à l’évaluateur des renseignements médicaux complémentaires, mais sa demande de prestations fut encore une fois refusée.

 

[5]               Le tribunal de révision a plus tard fait droit à l’appel de la demanderesse, estimant qu’elle ne pouvait pas retourner au travail et qu’elle devrait obtenir une pension d’invalidité.

 

[6]               Le tribunal de révision a jugé en particulier que, compte tenu du témoignage de la demanderesse selon lequel la douleur qu’elle ressentait était aiguë, constante et imprévisible au point de lui causer des insomnies, il n’était pas réaliste de croire qu’elle pourrait se recycler, travailler à temps partiel à des tâches plus légères ni même occuper un poste quelconque.

 

[7]               Au paragraphe 26 de ses motifs, le tribunal de révision posait, pour la forme, la question suivante :

[traduction] Qui embaucherait une personne qui souffre constamment de douleurs, qui prend des calmants, qui ne peut pas conduire un véhicule en raison de son état et qui doit régulièrement passer du temps dans une cuve thermale plusieurs fois par jour?

 

[8]               Le défendeur a alors, le 23 mai 2007, sollicité l’autorisation d’interjeter appel de la décision du tribunal de révision. C’est la décision lui accordant cette autorisation qui est à l’origine de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

Les dispositions législatives

 

[9]               Les appels formés devant la Commission d’appel des pensions sont régis par l’article 83 du Régime de pensions du Canada. La partie qui veut faire appel d’une décision d’un tribunal de révision doit présenter au président ou au vice‑président une demande écrite d’autorisation de faire appel de la décision à la Commission d’appel des pensions.

 

[10]           Le paragraphe 83(2) du Régime de pensions du Canada dispose que, après réception d’une demande d’autorisation d’interjeter appel, le président ou le vice‑président doit soit accorder, soit refuser cette autorisation.

 

[11]           Le paragraphe 83(2.1) du Régime de pensions du Canada prévoit que le président ou le vice‑président de la Commission peut désigner l’un de ses membres pour qu’il donne suite à une demande d’autorisation. La décision dont il s’agit ici a été rendue par un membre de la Commission désigné à cette fin.

 

[12]           L’article 7 des Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions dispose qu’il est statué ex parte sur les demandes d’autorisation, à moins que le président ou le vice‑président n’en décide autrement. Le président ou le vice‑président n’en a pas décidé autrement ici, et le membre désigné a statué ex parte sur la demande d’autorisation.

 

[13]           Le paragraphe 83(3) du Régime de pensions du Canada prévoit que le refus d’autorisation d’interjeter appel doit être motivé par écrit. Il n’y a aucune disposition semblable pour les cas où l’autorisation est accordée, et la Commission n’a pas ici motivé sa décision.

 

[14]           Le paragraphe 83(4) du Régime prévoit que, lorsque l’autorisation d’interjeter appel est accordée, la demande d’autorisation est assimilée à un avis d’appel, lequel est réputé avoir été déposé le jour où la demande d’autorisation a été déposée.

 

La question soulevée dans la demande de contrôle judiciaire

 

[15]           La demanderesse dit que la procédure par laquelle le défendeur a obtenu l’autorisation d’interjeter appel n’a pas été équitable, et cela parce que les observations de l’avocat du défendeur à propos de la demande d’autorisation ont dérogé à l’obligation du défendeur de faire une divulgation complète et équitable de la preuve lorsqu’il a déposé ex parte une demande d’autorisation d’interjeter appel.

 

La norme de contrôle

 

[16]           La demanderesse met en doute l’équité de la procédure qui a conduit à l’autorisation d’interjeter appel. Comme l’a fait observer la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, aux paragraphes 52 et 53, l’analyse pragmatique et fonctionnelle (remplacée depuis par l’« analyse de la norme de contrôle ») n’a pas lieu d’être lorsque la demande de contrôle judiciaire est fondée sur un prétendu manquement à l’équité procédurale. La tâche de la Cour consiste plutôt à dire si la procédure suivie dans un cas donné atteignait le niveau d’équité requis compte tenu des circonstances.

 

[17]           La situation est restée la même depuis l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada, Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] A.C.S. n° 9 : voir les motifs concourants du juge Binnie, aux paragraphes 129 et 151 de l’arrêt Dunsmuir, où il confirmait que c’est la juridiction de contrôle qui a le dernier mot dans les questions d’équité procédurale. Voir aussi Halifax Employers’ Association c. Tucker, 2008 CF 516.

 

Compétence

 

[18]           L’article 28 de la Loi sur les Cours fédérales dispose que la Cour d’appel fédérale a compétence pour juger les demandes de contrôle judiciaire portant sur les décisions de la Commission d’appel des pensions, mais la Cour d’appel fédérale a jugé que les décisions du président ou du vice‑président (et sans doute de leurs représentants), rendues dans l’exercice de la compétence qui leur est conférée par la loi, ne sont pas des décisions de la Commission d’appel des pensions elle‑même. Le contrôle judiciaire de telles décisions revient à la Cour fédérale : voir l’arrêt Martin c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1997] A.C.F. n° 1600 (C.A.F.), paragraphe 5. Voir aussi Gramaglia c. Canada (Vice‑président de la Commission d’appel des pensions), [1998] A.C.F. n° 200, paragraphe 5.

 

[19]           Je ne crois pas que la situation ait changé à la suite de l’arrêt récent rendu par la Cour d’appel fédérale, Mazzotta c. Canada (Procureur général), [2007] A.C.F. n° 1209.

 

 

Caractère prématuré

 

[20]           Bien qu’elle n’ait pas été soulevée par le défendeur, la Cour a évoqué auprès des parties la question de savoir si elle devrait intervenir dans cette affaire, étant donné que tous les arguments de fond avancés par la demanderesse concernant la pertinence de la décision du tribunal de révision pouvaient être soumis à l’appréciation de la Commission d’appel des pensions.

 

[21]           La plupart des jugements rendus par la Cour portant sur des décisions de la Commission relatives à des demandes d’autorisation d’interjeter appel de décisions du tribunal de révision concernent des cas où l’autorisation fut refusée. En fait, l’unique précédent où, à la connaissance des parties, un contrôle judiciaire ait été demandé à propos d’une décision accordant l’autorisation est le jugement Mrak c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement social), [2007] A.C.F. n° 909.

 

[22]           Au paragraphe 21 de la décision Mrak, le juge Lemieux, notant le caractère inusité de la demande, a estimé que le demandeur devait établir l’existence de « circonstances spéciales » justifiant le contrôle judiciaire d’une décision d’accorder l’autorisation, parce que l’octroi de l’autorisation est une procédure interlocutoire qui ne porte pas sur le fond d’un appel.

 

[23]           Puis le juge Lemieux s’est référé à la règle générale selon laquelle, sauf circonstances spéciales, il ne devrait pas y avoir contrôle judiciaire immédiat d’un jugement interlocutoire : voir la décision Mrak, au paragraphe 28. Voir aussi Szczecka c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. n° 934 (C.A.F.), Sherman c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 715, au paragraphe 39, et Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 C.F. 255, 256 N.R. 125 (C.A.), au paragraphe 10.

 

[24]           Plusieurs raisons font que, en l’absence de circonstances spéciales, les décisions interlocutoires rendues par les tribunaux administratifs ne devraient pas être contestées tant que le tribunal n’a pas rendu sa décision finale. Parmi ces raisons, il y a le fait que la demande pourrait devenir théorique à la clôture de l’instance, et aussi le risque d’une fragmentation de la procédure, avec les coûts et délais qui en résultent. Dans certains cas, il pourrait aussi arriver que le tribunal modifie sa décision initiale à mesure qu’avance la procédure.

 

[25]           Dans le cas présent toutefois, le doute de la demanderesse concernant l’équité de la procédure d’octroi de l’autorisation d’interjeter appel n’est pas un aspect qui serait étudié par la Commission d’appel des pensions, dont le mandat, une fois l’autorisation accordée, consiste à reprendre l’audience sur le fond de la demande de pension d’invalidité, et non à réexaminer la procédure d’octroi de l’autorisation. Le dossier soulève aussi, s’agissant de l’intégrité de cette procédure, des aspects qui autrement pourraient ne pas être considérés.

 

[26]           Je suis donc d’avis qu’il existe ici des circonstances spéciales qui font que la Cour devrait statuer sur la demande de contrôle judiciaire, bien qu’elle concerne une décision interlocutoire.

 

Analyse

 

[27]           Les dispositions de l’article 7 des Règles de procédure de la Commission d’appel des pensions, dispositions qui concernent la demande d’autorisation d’interjeter appel, sont inusitées, parce que les demandes d’autorisation sont en principe examinées sans qu’avis soit signifié à la partie adverse. Sans doute la plupart des demandes d’autorisation sont‑elles déposées par des demandeurs de prestations de pension, et le ministre se satisfait‑il alors d’exposer ses arguments devant la Commission d’appel des pensions. Toutefois, comme le montre la présente affaire, tel n’est pas toujours le cas, puisque c’est le ministre qui ici a demandé l’autorisation de faire appel.

 

[28]           Dans le jugement Commissaire de la concurrence c. Labatt Brewing Company Limited et al., 2008 CF 59, j’ai récemment eu l’occasion d’examiner d’une manière assez détaillée la responsabilité qui incombe à un justiciable déposant une demande ex parte. Comme je le faisais observer dans cette affaire :

[23] La partie qui dépose une demande ex parte a l’obligation de veiller à ce que la Cour soit informée de tous les faits pertinents. La raison d’être de cette obligation se passe d’explication. Comme l’écrivait le juge Sharpe dans le précédent ontarien United States of America v. Friedland, [1996] O.J. No. 4399, tant le juge qui instruit la requête ex parte que la partie contre laquelle l’ordonnance est demandée sont littéralement « à la merci » de la partie qui sollicite le redressement en cause.

 

[24] Puis le juge Sharpe faisait observer ce qui suit, au paragraphe 26 de la décision Friedland :

[traduction]

Les freins et contrepoids ordinaires du système accusatoire sont inopérants. La partie adverse est privée de la possibilité de contester les prétentions factuelles et juridiques avancées par la partie requérante au soutien de l’injonction demandée. La situation est imprégnée du risque de voir une injustice infligée à la partie absente. Comme le faisait observer récemment un juge de la Colombie‑Britannique :

« Il n’est pas de situation plus chargée de possible injustice et de possible abus des pouvoirs de la Cour qu’une demande d’injonction ex parte. » (Watson v. Slavik) [référence omise]

 

[25] C’est pour cette raison que la loi oblige la partie qui dépose une demande ex parte à faire davantage que simplement présenter ses propres arguments sous le meilleur jour possible, comme ce serait le cas si l’autre partie était présente. La partie qui dépose une demande ex parte doit plutôt :

[traduction]

exposer ses propres arguments avec loyauté et informer la Cour des points de fait ou de droit qui sont connus d’elle et qui favorisent l’autre partie. L’obligation de communiquer les faits d’une manière complète et transparente vise à atténuer le risque évident d’injustice inhérent à toute situation où il est demandé à un juge de rendre une ordonnance sans entendre l’autre partie : décision Friedland, paragraphe 27.

 

[26] Cette règle de l’absolue bonne foi impose « une obligation additionnelle envers le tribunal et les autres parties, celle de veiller à ce que soit entrepris un examen aussi équilibré de la question que le permettent les circonstances » : voir Canadian Paraplegic Assn (Newfoundland and Labrador) Inc. v. Sparcott Engineering Ltd., [1997] N.J. No. 122 (C.A. T.‑N. et L), paragraphe 18, décision citée dans l’arrêt TMR Energy Ltd. c. Ukraine (State Property Fund), [2005] A.C.F. n° 116, 2005 CAF 28, paragraphe 65.

 

[27] Puis la juridiction ontarienne faisait observer dans la décision Friedland que l’obligation de faire une divulgation complète et franche ne doit pas être imposée d’une manière formelle ou mécanique. La partie ne doit pas être privée de recours en raison [traduction] « de simples imperfections entachant l’affidavit, ou de faits sans conséquence qui n’ont pas été divulgués ». Les lacunes reprochées doivent plutôt être pertinentes et intéresser le pouvoir discrétionnaire que doit exercer la Cour [paragraphe 31].

 

 

[29]           Il convient de noter que l’un des motifs exposés dans le jugement Friedland pour justifier une certaine liberté de manœuvre en faveur de la partie qui dépose une demande ex parte est que les demandes de cette nature sont presque toujours déposées en urgence et que le délai de préparation du dossier est bref. Tel n’est pas le cas ici.

 

[30]           Je sais que le Régime de pensions du Canada est conçu de manière à favoriser des décisions rapides, informelles et peu coûteuses dans les affaires intéressant les prestations de pension. D’ailleurs, comme je le disais plus haut, la plupart des demandes d’autorisation d’interjeter appel seront déposées par les demandeurs de prestations de pension, qui très souvent ne seront pas représentés par un avocat : voir l’arrêt Mazzotta, précité, paragraphe 17. Un demandeur de prestations n’aura en général pas connaissance de son obligation, dans une demande ex parte, de faire une divulgation complète et transparente, et il se limitera vraisemblablement à asseoir sa propre position. Dans ces conditions, il ne devrait sans doute pas être astreint à la norme décrite dans le jugement Labatt. Mais c’est là un point qu’il conviendra de décider ultérieurement, car ce n’est pas celui qui est soumis aujourd’hui à la Cour.

 

[31]           En l’espèce, la demande d’autorisation a été déposée par l’avocat qui représente le ministre défendeur. Selon moi, l’obligation du ministre de divulguer les faits d’une manière complète et transparente dans une demande d’autorisation d’interjeter appel présentée ex parte à un dirigeant de la Commission d’appel des pensions n’est pas différente de l’obligation imposée aux parties dans un autre type de procédure ex parte.

 

[32]           Plus exactement, l’avocat du ministre doit faire davantage que simplement présenter les arguments du ministre sous le meilleur jour possible, il doit aussi les présenter d’une manière équitable et, en outre, il doit porter à la connaissance du dirigeant de la Commission les points de fait ou de droit qui favorisent le demandeur de prestations.

 

[33]           Au cours de l’audience tenue devant la Cour dans cette affaire, il est rapidement apparu que l’avocat du ministre n’était pas au fait des responsabilités particulières qu’il devait assumer en déposant une demande ex parte. Il a dit d’ailleurs clairement que, selon lui, la seule obligation qui lui incombait dans la préparation de la demande d’autorisation était de « présenter l’information propre à soutenir la position [du ministre] », et que c’était ce qu’il avait fait ici.

 

[34]           Selon moi, les observations écrites présentées par l’avocat du ministre au membre désigné de la Commission ne répondaient pas à la norme susmentionnée d’une divulgation complète et transparente.

 

[35]           Ainsi, le paragraphe 26 de la demande d’autorisation et de l’avis d’appel déposés par le ministre fait référence à un rapport du 7 juillet 2005 du chiropraticien de la demanderesse. Après le résumé du traitement appliqué par le chiropraticien, le paragraphe 26 précise que, selon le rapport en question, « les douleurs et spasmes ressentis par [Mme Layden] avaient diminué quelque peu, mais d’une manière constante, et la fréquence des crises n’était pas aussi élevée ».

 

[36]           Après examen du rapport médical initial, on constate que ce qu’a dit en réalité le chiropraticien était plutôt :

[traduction] À ce jour, les douleurs et spasmes ressentis par Mme Layden ont diminué quelque peu, mais d’une manière constante. La fréquence des crises n’est pas aussi élevée, mais des crises surviennent sporadiquement et inopinément. Les perspectives d’emploi de Mme Layden sont pour l’instant très faibles, en raison du caractère aigu des douleurs et de l’imprévisibilité des crises, ainsi qu’en raison de l’incapacité de la patiente de supporter la position assise ou debout d’une manière prolongée. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[37]           Sur ce point, l’avocat du ministre a reconnu très franchement qu’il n’avait pas « fait une évaluation équilibrée du dossier », mais qu’il avait plutôt « retenu la partie [du rapport] qui appuyait [sa] position ». Cependant, l’emploi sélectif d’extraits du rapport cité au paragraphe 26 de la demande d’autorisation a donné une idée trompeuse de l’état de Mme Layden.

 

[38]           Particulièrement troublante est l’omission de l’avis du chiropraticien concernant l’inaptitude au travail de Mme Layden, un aspect qui était l’élément central de l’appel.

 

[39]           Déconcertant aussi est le fait que l’avocat du ministre a négligé de signaler au membre désigné que les pièces annexées à un appendice de la demande d’autorisation et de l’avis d’appel contenaient des renseignements médicaux qui concernaient quelqu’un d’autre et qui étaient sans rapport avec le cas de Mme Layden. L’inclusion de ces renseignements dans le dossier avait évidemment été évoquée devant le tribunal de révision, lequel les avait fort justement laissés de côté dans ses conclusions.

 

[40]           Particulièrement inquiétant est le document du 28 novembre 2006, intitulé « Observations additionnelles complétant l’explication par RHDS de la décision dont appel a été interjeté devant le tribunal de révision », un document qui résume les rapports censés concerner Mme Layden. On peut lire ce qui suit dans ce document :

[traduction] Le 20 septembre 2006, le Dr W. Reynolds, rhumatologue, a évalué les symptômes de douleur et de fatigue ressentis par Mme Layden. Au cours de l’examen, la motricité du cou, du dos et des épaules s’est révélée douloureuse, ainsi que l’ensemble des points sensibles. La force de la main était réduite. Mme Layden a été encouragée à faire de l’exercice chaque jour, en particulier des étirements et un peu de marche. Le Tramacet (pour venir à bout de la douleur) lui a été prescrit. La preuve versée dans le dossier n’indique pas que Mme Layden a participé à un programme d’exercices assidus. En fait, les modalités du traitement qu’elle suit comprennent des exercices passifs, prenant la forme de séances de physiothérapie et d’ajustements chiropratiques. En outre, si Mme Layden suit les recommandations du Dr Reynolds, il pourrait en résulter une amélioration de sa capacité fonctionnelle et de son niveau de confort. [Souligné dans l’original.]

 

[41]           Il n’est pas contesté que le rapport du Dr Reynolds était sans rapport avec le cas de Mme Layden. L’avocat du ministre fait remarquer qu’il ne s’est pas explicitement référé à ce document dans la demande d’autorisation et l’avis d’appel, et il fait valoir que l’inclusion par mégarde de renseignements de tiers dans le dossier de Mme Layden « n’a aucune incidence sur le point de savoir si le ministre a des “arguments défendables à faire valoir” devant la Commission d’appel des pensions ».

 

[42]           Malheureusement, la question n’est pas là. Le ministre était représenté durant l’audience tenue devant le tribunal de révision et il savait donc que le dossier contenait les rapports médicaux d’une autre personne. Le document dont un extrait est cité plus haut donne à penser que Mme Layden ne s’était pas conformée à l’avis médical censément reçu d’un médecin qu’elle n’avait jamais vu, et donne également à penser que, si elle se conformait à tel avis, sa capacité fonctionnelle pourrait s’améliorer. Dans ces conditions, de par son obligation d’exposer fidèlement l’affaire dans une demande ex parte, le ministre devait souligner, dans la demande d’autorisation et l’avis d’appel, qu’il fallait ignorer ce document.

 

[43]           L’affirmation suivante, qui apparaît au paragraphe 32 de la demande d’autorisation et de l’avis d’appel, fait naître d’autres doutes :

[traduction] Dans son rapport daté du 25 avril 2005, le Dr Benoit recommandait que [Mme Layden] se présente à une clinique de gestion de la douleur. Le dossier, pas plus que la décision du tribunal de révision, ne mentionne nulle part que [Mme Layden] a suivi un traitement dans une clinique de gestion de la douleur.

 

 

[44]           Cet extrait donne lui aussi à penser que Mme Layden ne s’était pas conformée à l’avis médical qu’elle avait reçu et qu’elle pouvait recourir à des solutions thérapeutiques qui lui permettraient de continuer de travailler.

 

[45]           Ce n’est pas là une description équitable de la situation. Il est vrai techniquement que Mme Layden ne s’était pas présentée à une clinique de gestion de la douleur, mais un examen du dossier montre qu’elle avait en réalité suivi un traitement à au moins deux reprises chez le Dr  Patrice Langlois, qui est un spécialiste de la gestion de la douleur.

 

[46]           Par ailleurs, on pourrait difficilement blâmer Mme Layden de ne s’être pas présentée à une clinique de gestion de la douleur, puisqu’il ressort clairement du dossier que, à la date du dépôt de la demande d’autorisation, elle figurait sur la liste d’attente depuis un temps considérable en vue d’un traitement additionnel pour gestion de la douleur.

 

 

Dispositif

 

[47]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée au président, au vice‑président ou à un membre désigné de la Commission d’appel des pensions, pour nouvelle décision. Compte tenu des circonstances, la Cour ordonne que Mme Layden soit à même de réagir à la demande d’autorisation présentée par le ministre, et cela avant qu’une décision ne soit rendue sur la demande en question.

 

[48]           Chacune des parties aura cinq jours ouvrables pour signifier et déposer des conclusions écrites sur la question des dépens, conclusions qui ne devront pas dépasser trois pages. Chacune des parties aura alors trois jours ouvrables supplémentaires pour signifier et déposer une réponse aux conclusions de l’autre, réponse qui ne devra pas dépasser deux pages.

 

« Anne MacTavish »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

le 16 mai 2008

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T‑1679‑07

 

INTITULÉ :                                       MARLENE LAYDEN c.

                                                            LE MINISTRE DES RESSOURCES HUMAINES ET DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 28 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 16 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Loreen Irvine                                                                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Jacques‑Michele Cyr                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Howard Ryan Kelford

Knott et Dixon

Avocats

Smiths Falls (Ontario)                                                               POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.                                                                    

Sous‑procureur général du Canada                                           POUR LE DÉFENDEUR

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