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Date : 20080520

Dossier : IMM-4799-07

Référence : 2008 CF 623

Ottawa (Ontario), le 20 mai 2008

En présence de monsieur le juge Hughes

ENTRE :

JUNGHIE PARK

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]       La demanderesse est une citoyenne adulte de la Corée du Sud. Depuis décembre 2000, elle vit presque sans interruption au Canada au moyen d’une série de visas de séjour de six mois. La demanderesse a demandé l’asile au Canada en vertu des alinéas 97(1)a) et b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR). Elle n’a pas présenté de demande en vertu de l’article 96 de la LIPR. La demanderesse a déclaré qu’elle serait soumise à la torture ou exposée à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités si elle était renvoyée en Corée du Sud.

 

[2]       La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a examiné la demande de la demanderesse et l’a rejetée dans une décision écrite rendue le 30 octobre 2007.

 

[3]       Pour arriver à cette décision, le tribunal a bel et bien examiné l’article 96 de la LIPR et a conclu qu’aucun des motifs énoncés dans cette disposition ne s’appliquait à la situation de la demanderesse. Le tribunal a conclu, quant à l’alinéa 97(1)a), que le risque de torture ou de préjudice concernait l’époux de la demanderesse – dont celle-ci est séparée – qui vit toujours en Corée du Sud. Étant donné que l’époux n’était pas un agent de l’État, l’alinéa 97(1)a) ne s’appliquait pas. Le tribunal a conclu, relativement à l’alinéa 97(1)b), que l’État de la Corée du Sud offrait une bonne protection et que la demanderesse ne risquait pas d’être prise à parti par l’époux si elle ne le recherchait pas; il y avait donc beaucoup d’endroits dans le pays où la demanderesse pouvait se réfugier. La demanderesse fonde sa demande de contrôle judiciaire sur les deux motifs énoncés dans l’avis de demande :

                        [traduction]

a)                 La Commission n’a pas tenu compte des aspects culturels relatifs aux relations entre époux de la génération de la demanderesse dans son pays d’origine;

 

b)                La Commission a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée par rapport à la protection réellement offerte aux personnes victimes de violences dans le pays d’origine de la demanderesse.

 


[4]       Ces deux motifs se rapportent à l’article 97 et non à l’article 96 de la LIPR. Étant donné que la demanderesse n’a pas expressément invoqué l’article 96 devant le tribunal –même si le tribunal a examiné cet article parce que la demanderesse se représentait elle‑même – et étant donné que la demanderesse n’a pas fait mention de l’article dans l’avis de demande qu’elle a présenté à la Cour, il n’est pas nécessaire d’examiner davantage la question.

 

[5]       Les deux motifs invoqués par la demanderesse ont trait aux conclusions de fait tirées par le tribunal. La norme de contrôle qui s’applique à cet égard est celle de la décision raisonnable, comme l’a établi la Cour suprême du Canada dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9. La Cour doit faire preuve d’une grande déférence envers le tribunal lorsqu’il tranche des questions soulevées par la demanderesse puisque ces questions relèvent complètement de la compétence du tribunal.

 

[6]       Tout d’abord, la demanderesse a déposé auprès de la Cour son propre affidavit dans lequel elle avance plusieurs arguments factuels, notamment que, lorsqu’elle était plus jeune en Corée du Sud, elle avait fait l’objet de traite à des fins d’esclavage, été détenue en isolement forcé, contrainte de faire des travaux et victime de mauvais traitements ainsi que de viol. Au paragraphe 27 des « observations » qu’elle a présentées à la Cour, la demanderesse déclare qu’elle n’a [traduction] « jamais parlé de ceci à qui que ce soit, même pas à ma famille, avant d’en faire mention aujourd’hui dans ma déclaration ». Bien que ces allégations soient graves, elles n’ont jamais été soulevées lors de l’instance devant la CISR, et ne peuvent pas, à présent, être examinées dans le cadre du contrôle du caractère raisonnable de la décision du tribunal. La Cour prend acte du fait que les éléments de preuve touchant la compétence, la justice naturelle, ou l’absence de l’un ou l’autre de ces éléments, peuvent être produits dans des instances subséquentes devant la Cour, mais pas les éléments qui concernent des questions soulevées devant le tribunal ou qui auraient dû être soulevées devant lui (Kante c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 109, aux paragraphes 9 et 10).

 

[7]       À l’audience qui s’est déroulée devant moi, la demanderesse était représentée par son fils. L’avocat du défendeur ne s’y est pas opposé car il semble que la demanderesse parle très peu l’anglais. À l’audience, le fils de la demanderesse a contesté, pour la première fois, l’exactitude de la traduction du témoignage de sa mère devant le tribunal. La demanderesse et son fils avaient la transcription depuis au moins un mois et ils n’ont rien soulevé, sauf à l’audience. Le fils a contesté l’exactitude de la traduction en se basant uniquement sur ce que sa mère se souvient avoir dit à l’audience. Lorsqu’on leur a demandé de fournir le meilleur exemple, selon eux, d’une erreur, ils ont abordé la question de savoir si un mot plus fort avait été utilisé pour décrire l’éclatement de la famille. L’avocat du défendeur n’a pas consenti à ce que cette question soit soulevée à présent. Je conclus que la question ne peut pas être soulevée : la demanderesse avait la transcription depuis au moins un mois et n’a pas fait l’effort de soulever la question, la Cour ne peut pas vérifier elle-même l’exactitude de la transcription, et l’objet de la contestation importe peu pour la décision à l’examen.

 

[8]       La demanderesse s’est représentée elle-même devant le tribunal ainsi que devant la Cour, et il se peut qu’elle ait commis plusieurs omissions et erreurs procédurales parce qu’elle n’a pas sollicité de conseils professionnels ou qu’elle n’en a pas reçu. Cependant, la Cour ne peut pas rendre des ordonnances ou des décisions qui outrepassent sa compétence ou qui vont au-delà de ce qui lui a été demandé dans l’avis de demande du seul fait qu’une personne renonce à être représentée.

 

[9]       En ce qui concerne les questions soulevées par la demanderesse dans l’avis de demande, on ne m’a pas convaincu que le tribunal a rendu une décision déraisonnable, à en juger par les éléments de preuve qui lui ont été présentés. Le tribunal disposait des éléments de preuve présentés par la demanderesse quant aux activités de son époux et, dans sa décision, le tribunal a pris acte de la violence infligée par l’époux, mais a déclaré que la demanderesse serait exposée à une telle violence seulement si elle recherchait l’époux. Le tribunal a, en outre, conclu que la protection offerte par l’État était adéquate et qu’il y avait beaucoup d’endroits où elle pouvait trouver refuge au pays.

 

[10]     On s’attend à ce qu’un demandeur déploie des efforts raisonnables pour obtenir la protection de l’État (Castro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 40, au paragraphe 14). En l’espèce, la demanderesse reconnaît qu’un voisin avait une fois appelé la police car il semblait qu’elle se faisait agresser physiquement par son époux, mais qu’elle n’avait pas déposé de plainte, semble-t-il, par compassion pour l’époux et parce qu’il était le père de son enfant. Bien que ces raisons de ne pas déposer de plainte soient valables du point de vue de la demanderesse, elles ne constituent pas un fondement qui permette d’accueillir la demande d’asile.

 

[11]     La demande sera rejetée. Il n’y a aucune question à certifier. Aucuns dépens ne sont adjugés.


 

JUGEMENT

 

POUR CES MOTIFS,

LA COUR ORDONNE :

1.      La demande est rejetée.

  1. Il n’y a aucune question à certifier.
  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Roger T. Hughes »               

____________________________

                                   Juge                            

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                               IMM-4799-07

 

INTITULÉ :                                                              JUNGHIE PARK

                                                                                  c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                       OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                     LE 20 MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                    LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                             LE 20 MAI 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Junghie Park                                                               DEMANDERESSE

                                                                                  (se représente elle-même)

 

Brian Harvey                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Junghie Park                                                               POUR LA DEMANDERESSE

170, avenue Lees, pièce 1416

Ottawa (Ontario)  K1S 5G5

 

Ministère de la Justice                                     POUR LE DÉFENDEUR

Section du contentieux des affaires civiles                    Le Ministre de la Citoyenneté et de

234, rue Wellington                                                     l’Immigration

Tour est, pièce 1249

Ottawa (Ontario)  K1A 0H8

Télécopieur : (613) 954-1920

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