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Date : 20080516

Dossier : IMM-4323-07

Référence : 2008 CF 602

ENTRE :

Jose Oswaldo RAMIREZ RAMIREZ

 

Partie demanderesse

 

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Pinard

[1]          Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après la « SPR »), statuant que le demandeur n’est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27 (la « Loi »).

 

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[2]          Le demandeur est un Mexicain qui prétend craindre les vendeurs de drogues dans son voisinage, les ayant dénoncés deux fois à la police. La première dénonciation a eu lieu le 5 janvier 2005 par téléphone et a provoqué l’arrestation et l’incarcération des vendeurs de drogues. Cependant, après la seconde dénonciation, lorsque ces derniers ont été libérés, ils, ou des personnes liées à eux, ont brisé les fenêtres de la maison et de la voiture du demandeur et l’ont attaqué en le menaçant de mort.

 

[3]          Le demandeur s’est caché, mais sa famille avait peur que les vendeurs de drogues le trouve et le tue. Alors, le demandeur a quitté son pays et est venu se réfugier au Canada.

 

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[4]          Le demandeur a reçu un avis, daté du 6 juillet 2007, à l’effet que le tribunal allait être constitué de trois commissaires, à des fins de formation. L’audience a été tenue le 31 juillet 2007, en la présence de trois commissaires.

 

[5]          La SPR n’a pas infirmé la crédibilité du demandeur. Cependant, elle s’est basée sur l’existence de la protection de l’État pour conclure que le demandeur n’est pas un réfugié ni une personne à protéger. Selon la SPR, la réponse de la police à la première dénonciation du demandeur démontrait l’efficacité de la protection de l’État. Cependant, le demandeur n’a pas contacté les autorités après l’événement subséquent du 12 janvier 2007.

 

[6]          De plus, la SPR a noté l’existence d’une possibilité de refuge intérieur (ci-après « PRI »). Malgré le fait que le demandeur a témoigné qu’il craignait être retrouvé grâce au réseau de téléphonie national, la SPR a préféré la preuve documentaire démontrant qu’il était « presqu’impossible [sic] pour des personnes tels [sic] que des bandits vendeurs de drogues de retrouver le demandeur d’asile dans une autre grande ville du pays. »

 

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[7]          La SPR peut être constituée de trois commissaires en vertu de l’article 163 de la Loi qui se lit comme suit :

  163. Les affaires sont tenues devant un seul commissaire sauf si, exception faite de la Section de l’immigration, le président estime nécessaire de constituer un tribunal de trois commissaires.

  163. Matters before a division shall be conducted before a single member unless, except for matters before the Immigration Division, the Chairperson is of the opinion that a panel of three members should be constituted.

 

 

 

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[8]          Cette affaire soulève les deux questions suivantes :

(1)   La SPR était-elle légalement constituée?

 

(2)   La SPR a-t-elle erré lorsqu’elle s’est basée sur l’existence de la protection de l’État et d’une PRI?

 

 

 

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(1)   La SPR était-elle légalement constituée?

 

[9]          Selon le demandeur, la constitution de la SPR n’était pas équitable, parce que deux des commissaires étaient en formation et parce que les revendicateurs pouvaient être intimidés du fait qu’on leur envoie le message « qu’on va se mettre à trois pour trouver des raisons pour les refuser. » Le demandeur prétend que la politique de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après la « CISR ») concernant la formation des commissaires veut que les nouveaux commissaires agissent seulement comme observateurs des commissaires expérimentés pour les six premiers mois de leurs mandats. Je ne suis pas d’accord.

 

[10]      En effet, les arguments du demandeur, dont l’avocate ne s’est pas objectée à l’audience devant la SPR, concernant la formation des commissaires, sont basés sur les commentaires suivants du président de la CISR (dossier du demandeur, à la page 24) :

. . . Une équipe, composée d’un instructeur de la Direction générale du perfectionnement, d’un conseiller juridique, et d’un commissaire expérimenté de la SSR appelé à faire fonction de mentor pour le nouveau commissaire, est désignée pour l’assister pendant les six premiers mois de son mandat. [. . .] Au début, chaque nouveau commissaire siège aux côtés de son mentor. Par la suite, il fera équipe avec d’autres commissaires expérimentés afin d’élargir leur horizon et leur expérience [sic].

 

 

 

[11]      Je suis d’avis que le demandeur a mal compris ces commentaires lorsqu’il prétend que le président de la CISR a indiqué que les nouveaux commissaires ne peuvent qu’observer les audiences pendant les six premiers mois. La politique de la CISR concernant la constitution de tribunaux de trois commissaires est claire. Selon son document « Constitution de tribunaux de trois commissaires : Approche de la SPR » (pièce A à l’affidavit de Hélène Jarry, dossier du défendeur) :

La majorité des cas qui seront entendus par trois commissaires le seront dans le but de permettre aux commissaires nouvellement arrivés d’accroître leurs habiletés comme président d’audience. [. . .]

. . . À titre d’exemple, les commissaires nouvellement nommés à la Section peuvent tirer profit de la tenue d’audiences avec des commissaires d’expérience s’ils sont désignés pour siéger à un tribunal de trois commissaires. Ils peuvent ainsi améliorer leurs habiletés comme président d’audience avant de commencer à statuer sur des cas en siégeant seuls.

 

 

 

[12]      Il n’y a aucun élément de preuve qui indique que cette politique est contraire à l’article 163 de la Loi, qui permet au président de la CISR de constituer un tribunal de trois commissaires. Il n’y a pas davantage de preuve à l’effet que le demandeur a subi un préjudice réel dans les circonstances.

 

(2)   La SPR a-t-elle erré lorsqu’elle s’est basée sur l’existence de la protection de l’État et d’une PRI?

 

[13]      Le demandeur prétend que la preuve documentaire démontre les problèmes graves, au Mexique, reliés au trafic de drogue et que la conclusion de la SPR sur l’existence d’une PRI est déraisonnable parce que « partout dans le monde, les gens peuvent être retracés avec l’internet, par le numéro de téléphone ou en écrivant son nom. »

 

[14]      Il incombe au demandeur d’asile de démontrer qu’il ne peut pas rechercher la protection de son État et qu’il n’existe pas une PRI (voir, entre autres, Villasenor c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1080, [2006] A.C.F. n1359 (1re inst.) (QL), Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689 au paragraphe 52 et Thirunavukkarasu c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 C.F. 589 (C.A.)). La SPR, étant un tribunal spécialisé, mérite une grande mesure de retenue judiciaire à l’endroit de ses décisions, qui doivent être révisées selon la norme de contrôle de la décision raisonnable. La Cour suprême du Canada s’exprime ainsi dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] A.C.S. no 9 (QL), au paragraphe 47 :

. . . Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

 

[15]      À mon avis, la preuve documentaire citée par le demandeur ne démontre pas que les conclusions de la SPR concernant l’existence de la protection de l’État et d’une PRI sont déraisonnables. La SPR a bien considéré les faits particuliers concernant le demandeur et l’ensemble de la preuve documentaire en preuve (notamment celle contenue aux pages 16, 20, 21 et 22 du dossier du tribunal) et a raisonnablement conclu qu’il n’avait pas démontré l’inexistence de la protection de l’État.

 

[16]      De plus, tel que soutenu par le défendeur, les prétentions du demandeur concernant l’existence particulière d’une PRI sont de nature générale et ne traitent aucunement de sa situation personnelle, laquelle a été dûment considérée par la SPR.

 

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[17]      Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 16 mai 2008


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4323-07

 

INTITULÉ :                                       Jose Oswaldo RAMIREZ RAMIREZ c. MINISTRE DE LA

                                                            CITOYENNETÉ ET DE  L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 avril 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 mai 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Éveline Fiset                                  POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

 

Me Sylviane Roy                                  POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Éveline Fiset                                                                 POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

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