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Date: 20080508

Dossier : IMM-4202-07

Référence : 2008 CF 583

Ottawa (Ontario), le 8 mai 2008

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

 

ENTRE :

DEACHON TSERING KHAN

HOWARD KHAN

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

Introduction et contexte

[1]               Deachon Tsering Khan, citoyenne du Tibet, a épousé Howard Khan, citoyen de la Guyana, aux États-Unis en 1999. Dans la présente instance de contrôle judiciaire, les demandeurs contestent la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (le tribunal) concluait le 28 août 2007 qu’ils n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger selon les articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi).

 

[2]               L'avocat des demandeurs a soulevé les points suivants :

1.      Concernant Deachon Tsering Khan (Mme Khan) que (a) le tribunal a commis une erreur de droit en concluant qu’elle avait la citoyenneté ou le droit à la citoyenneté guyanienne et qu’elle devait donc établir le bien-fondé de sa prétention en ce qui concerne le Tibet et la Guyana, et, (b) de façon subsidiaire, que le tribunal a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve lorsqu’il a conclu qu’aucune preuve ni aucun argument n’avait été avancé pour étayer la conclusion selon laquelle il se pourrait que sa demande de citoyenneté guyanienne soit rejetée pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public.

 

2.      Concernant Howard Khan que (a) le tribunal a commis une erreur en omettant d’examiner s’il avait besoin de la protection prévue à l’article 97 de la Loi et, (b) que le tribunal a commis une erreur en concluant qu’il pouvait se réclamer de la protection de l’État en Guyana.

 

[3]               Comme il a déjà été mentionné, Howard Khan est né en Guyana et est citoyen de ce pays. Deachon Tsering Khan est née au Tibet et est citoyenne de la Chine. Elle a grandi au Népal où sa famille s’est réfugiée après l’occupation de la Chine au Tibet.

 

[4]               Durant sa petite enfance, M. Khan, ses parents, ainsi que ses frères et sœurs, ont subi des incidents de violence par les bandits afro-guyaniens. En 1995, M. Khan s’est rendu aux États-Unis où il a vécu et travaillé illégalement de 1995 à 2005.

 

[5]               En 1997, Deachon Tsering est entrée aux États-Unis au moyen d’un faux passeport népalais. Deux ans plus tard, elle a rencontré M. Khan et ils se sont mariés dans ce pays. Mme Khan a présenté une demande de certificat de mariage en utilisant le nom qui figurait dans son faux passeport, lequel contenait de faux renseignements personnels.

 

[6]               Ils ont deux enfants. En février 2005, ils sont entrés au Canada et ont présenté une demande d’asile, laquelle, comme il a déjà été signalé, a été rejetée le 28 août 2007.

 

Décision du tribunal

(a) Concernant Mme Khan

[7]               Le tribunal a conclu que Mme Khan avait le droit à la citoyenneté en Guyana et qu’elle pouvait se réclamer de la protection de ce pays. Cette conclusion du tribunal a été tirée malgré l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle n’avait aucun droit absolu à la citoyenneté guyanienne de par son mariage avec Howard Khan, une affirmation qui était appuyée par un avis juridique signé par MM. Radhamohan et Singh, avocats spécialisés en droit guyanien.

 

[8]               La question relative au droit de Mme Khan à la citoyenneté guyanienne est liée à l’article 45 de la Constitution de la Guyana qui est ainsi rédigé :

[traduction]

 

Quiconque épouse, après l’entrée en vigueur de la présente Constitution, une personne qui est ou qui deviendra citoyenne de la Guyana a le droit, après avoir présenté une demande et prêté serment d’allégeance conformément aux modalités en vigueur, d’être officiellement reconnu comme citoyen de la Guyana; toutefois, le droit d’être officiellement reconnu comme citoyen de Guyana aux termes du présent article doit être subordonné aux exceptions ou aux restrictions prévues dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public.

 

[9]               Sur ce point, l’analyse et les conclusions du tribunal sont exposées de la façon suivante :

 

Les auteurs de ce mémoire font en effet valoir que le droit de la demandeure d’asile à la citoyenneté n’est pas absolu, étant donné que le ministre peut, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, refuser d’octroyer la citoyenneté dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public. Le tribunal rejette également cette conclusion. Aucune preuve ni aucun argument n’ont été avancés au cours de l’audience pour étayer la conclusion selon laquelle il se pourrait que la demande de citoyenneté guyanienne de la demandeure d’asile soit rejetée pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public. La conseil a tenté d’obtenir une opinion sur cette question auprès du haut-commissariat de la Guyana, qui n’a fourni aucune réponse.

 

La conseil a soutenu dans ses observations écrites que les fausses déclarations de la demandeure d’asile concernant son identité entraîneraient le rejet de sa demande de citoyenneté, puisque le gouvernement la considérerait comme une menace à la sécurité nationale. Je rejette cet argument. La question des faux documents d’identité par rapport au mariage a été abordée précédemment. Aucun obstacle n’empêche la demandeure d’asile, dans le cadre d’une demande de citoyenneté, de divulguer des renseignements véridiques quant à son identité au gouvernement de la Guyana, y compris son mariage avec le demandeur d’asile, un citoyen guyanien. La jurisprudence indique qu’un demandeur d’asile a l’obligation de demander la protection du pays dans lequel il ou a elle a des droits avant de demander la protection du Canada.

 

Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la demandeure d’asile a droit à la citoyenneté guyanienne de par son mariage avec le demandeur d’asile et que les pouvoirs discrétionnaires du ministre précédemment mentionnés ne constitueront pas un obstacle à l’issue favorable de sa demande de citoyenneté. Dans ce contexte, comme dans celui de la demande d’asile de son époux, la demandeure d’asile n’a pas besoin de la protection du Canada. Aucune préoccupation quant à une persécution possible en Guyana n’a été avancée dans la demande d’asile de la demandeure d’asile. [Non souligné dans l’original.]

 

[10]           J’aborderai un autre aspect de l’analyse du tribunal sur la situation de Mme Khan. Le tribunal a examiné le bien-fondé de sa crainte d’être persécutée si elle était renvoyée en Chine :

 

La demande d’asile de la demandeure d’asile est fondée sur sa crainte d’être persécutée si elle était renvoyée en Chine. S’il s’agissait d’une demande d’asile présentée par une Tibétaine craignant d’être persécutée soit au Népal, soit en Chine, la preuve aurait appuyé le bien-fondé de cette demande. Il est clair qu’une telle demandeure d’asile devrait bénéficier du droit d’asile plutôt que d’être forcée de retourner au Népal ou d’être possiblement renvoyée au Tibet, et donc en Chine. [Non souligné dans l’original.]

 

[11]           Le tribunal a poursuivi en exposant : « Ce ne sont toutefois pas là les principales questions à trancher dans le cadre de la présente demande d’asile. » Ensuite, il s’est penché sur le droit à la citoyenneté guyanienne de la demanderesse.

 

(b) Concernant M. Khan

[12]           Les conclusions principales du tribunal visant le demandeur sont les suivantes :

 

1)        Le fait qu’il n’ait pas demandé l’asile pendant qu’il vivait et travaillait illégalement aux États-Unis de 1995 à 2005 témoigne de l'absence de crainte subjective.

 

2)        Les incidents qu’il a signalés pour justifier sa crainte de persécution en Guyana étaient des actes criminels, du harcèlement à l’école ou des préjudices, ce qui « n’équivaut pas à de la persécution ». Le tribunal a également fait observer que M. Khan a été appelé à préciser quelles étaient ses craintes s’il devait retourner en Guyana, question à laquelle il a répondu qu’il n’avait pas peur pour lui-même, mais que le bien-être de son épouse et celui de ses enfants le préoccupait grandement.

 

3)        « [L]e demandeur d’asile ainsi que tous les citoyens de la Guyana peuvent bénéficier d’une protection de l’État même si celle-ci n’est pas parfaite. » Pour en venir à cette conclusion, le tribunal a jugé que les incidents que le demandeur d’asile avait décrits dans son Formulaire de renseignements personnels (le FRP) étaient des actes criminels ayant tous été signalés à la police et ayant fait l’objet d’une enquête policière, mais qu’un seul de ces incidents avait été résolu parce que le bandit avait été tué par la police lors d’un autre incident.

 

[13]           Le tribunal a poursuivi en affirmant que les États sont censés être capables de protéger leurs citoyens, et qu’un demandeur d’asile doit fournir des preuves claires et convaincantes de l’incapacité de l’État à assurer une telle protection. Citant l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca (1992), 18 Imm. L.R. (2d) 130, le tribunal a déclaré : « Aucun État ne peut garantir une protection parfaite. Lorsqu’un État a la maîtrise de son territoire et qu’il déploie de sérieux efforts en vue de protéger ses ressortissants, le simple fait que ces efforts ne soient pas toujours couronnés de succès ne suffit pas à réfuter la présomption de protection de l’État mentionnée ci-dessus. »

 

[14]           Avant d’exposer ces principes relatifs à la protection de l’État, le tribunal a procédé à l’analyse suivante :

 

Les documents relatifs à la situation qui règne dans le pays indiquent clairement qu’il subsiste de graves obstacles à l’application des garanties constitutionnelles en matière de respect des droits de la personne et de non‑discrimination. Ils soulignent toutefois également les nombreux efforts déployés en vue de surmonter ces obstacles.

 

Des leaders politiques indo-guyaniens et afro-guyaniens ont signé en 2003 une résolution conjointe aux termes de laquelle ils s’engageaient, ainsi que les deux principaux partis, à promouvoir la démocratie, la paix et le développement. Un certain nombre d’amendements à la Constitution et de mesures législatives ont été mis en place afin de lutter contre la discrimination raciale. Une commission sur les relations ethniques a été établie en 2000 afin de veiller à la mixité ethnique dans le domaine du logement. Un groupe de travail des Nations Unies a mis en place des programmes visant à renforcer la cohésion sociale en matière de sécurité et de gouvernance. En outre, diverses ONG, y compris des syndicats, des avocats et des regroupements de jeunes tentent de lutter contre les divisions sociales. L’Association guyanienne de défense des droits de la personne (GHRA) est à la fois active et influente. Il est également clair que la criminalité demeure un grave problème pour tous les groupes ethniques de la Guyana. Amnesty International a d’ailleurs reconnu les efforts du gouvernement guyanien en matière de lutte contre le problème de la criminalité violente. Cette organisation a également mentionné l’allégation selon laquelle les Indo-Guyaniens seraient plus particulièrement visés par ces crimes, mais elle a ajouté qu’elle était incapable de confirmer ou de réfuter cette allégation.

 

Il appert que les documents concernant la Guyana fournissent des renseignements contradictoires quant au degré de tensions raciales et ethniques, ainsi qu’à l’impact de ces tensions sur la vie des Guyaniens en général. Bien que la prédominance des Afro-Guyaniens au sein des forces de police soulève des préoccupations parmi les Indo-Guyaniens, la prépondérance de ces derniers au sein du gouvernement s’avère également une source d’inquiétude pour les Afro-Guyaniens. La récupération politique des diverses identités ethniques a par le passé conduit à des confrontations souvent violentes. Il appert cependant que, bien que des différences significatives demeurent, la situation s’est améliorée, et les autorités gouvernementales et municipales déploient des efforts concertés en vue de désamorcer les tensions ethniques et raciales et de s’attaquer au problème de la criminalité. 

 

Analyse

(a) La norme de contrôle

[15]           Dans l’arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 126, la Cour d’appel fédérale a conclu que la norme de la décision correcte s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer si la possibilité de se réclamer de la protection d’un État constitue une raison valable de refuser d'accorder la qualité de réfugié, ce qui exige une interprétation de l'article 96 de la Loi ; une question de droit de cette nature doit être tranchée suivant la norme de la décision correcte (voir également le récent arrêt de la Cour suprême du Canada relativement à la norme de contrôle dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 55).

 

[16]           La question de savoir si le tribunal a mal apprécié la preuve en concluant qu’aucun élément ni aucun argument ne montrait que Mme Khan se serait vu refuser la citoyenneté en Guyana pour des motifs de sécurité nationale soulève une question de fait qui constitue une violation selon l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, si la Cour est convaincue que l’office fédéral « a rendu une décision ou une ordonnance fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il dispose », qui était qualifiée précédemment de « décision manifestement déraisonnable » et qui, suivant l’arrêt Dunsmuir, précité, est susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité puisque la norme de la décision manifestement déraisonnable est maintenant abolie. Il va sans dire qu’une violation selon l’alinéa 18.1(4)d), précité, rend la décision du tribunal automatiquement déraisonnable.

 

[17]           La question de savoir si le tribunal a violé la Loi en ne procédant pas à une analyse au regard de l’article 97 constitue une question de droit susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte; et la question de savoir s’il y a un fondement probatoire au soutien de la demande fondée sur l’article 97 constitue une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme du caractère raisonnable (voir Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99).

 

[18]           La question relative au caractère adéquat de la protection de l'État constitue une question mixte de fait et de droit assujettie à la norme de la décision raisonnable (voir Arellano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1265, au paragraphe 21).

 

(b) La question de la double nationalité

[19]           Il s’agit d’une question qui ne vise que Mme Khan. L’avocat des demandeurs a formulé les propositions juridiques suivantes qui sont déterminantes pour trancher cette question.

 

1.         L’article 96 de la Loi prévoit que si le demandeur d’asile au Canada possède la citoyenneté de plusieurs pays, il doit démontrer qu'il a raison de craindre d'être persécuté dans chacun des pays dont il a la citoyenneté avant de pouvoir demander l'asile dans un pays dont il n'est pas un ressortissant. À cet égard, l’article 96 confirme la jurisprudence sur ce point (Williams, précité, au paragraphe 20).

 

2.         Le principe a été élargi de manière à signifier que si au moment de l’audience le demandeur peut acquérir la citoyenneté d’un autre pays de plein droit par l'accomplissement de simples formalités, il doit alors démontrer qu'il craint avec raison d'être persécuté dans cet autre pays avant de demander l’asile au de savoir « s’il est en son pouvoir d’obtenir la citoyenneté d’un pays ». Il a écrit au paragraphe 22 de ses motifs :  « Bien que des expressions comme acquisition de la citoyenneté de plein droit ou  par l’accomplissement de simples formalités aient été employées, il est préférable de formuler le critère en parlant de pouvoir, faculté ou contrôle du demandeur, car cette expression englobe divers types de situations. »

 

3.             En se fondant sur la décision du juge McKeown dans Katkova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 549, on ne peut pas dire qu’il est du pouvoir du demandeur d’obtenir la citoyenneté si l’État visé confère par la loi à ses fonctionnaires le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou de refuser une demande de citoyenneté. L’avocat a fait valoir que c’est ce que prévoit l’article 45 de la Constitution de la Guyana, selon lequel la citoyenneté n’est pas automatique.

 

[20]           L’avocate du ministre n’a pas contesté les propositions énoncées par l’avocat des demandeurs, mais, comme l'a conclu le tribunal, elle a allégué que celui-ci ne disposait pas d'éléments de preuve lui permettant d’étayer la conclusion selon laquelle il se pourrait que la demande de citoyenneté guyanienne de la demanderesse soit rejetée par les autorités de la Guyana pour des motifs de sécurité nationale ou d’ordre public, ce qui constitue une reconnaissance tacite que les autorités de la Guyana avaient le pouvoir de refuser la demande de citoyenneté de Mme Khan, un fait que le tribunal a lui-même reconnu lorsqu’il a jugé, selon la prépondérance des probabilités, que « les pouvoirs discrétionnaires du ministre [de la Guyana] ne constitueront pas un obstacle à l’issue favorable de sa demande de citoyenneté ».

 

[21]           L’erreur déterminante qu’a commise le tribunal a été de faire une incursion en territoire interdit lorsque, après avoir reconnu que les autorités guyaniennes n’étaient pas tenues d’accepter la demande de citoyenneté de Mme Khan, il s’est exprimé sur la manière dont le ministre guyanien pouvait exercer le pouvoir discrétionnaire qui lui a été conféré. De telles circonstances sont hors du contrôle de la demanderesse. Mme Khan n’est pas obligée de demander la protection de la Guyana avant de demander celle du Canada.

 

(c) La question liée à l’article 97

[22]           Cette question ne vise que M. Khan. Comme il a été dit précédemment, M. Khan n’a pas contesté la conclusion du tribunal selon laquelle il n’avait pas raison de craindre d’être persécuté, selon l’article 96 de la Loi, s’il devait retourner en Guyana.

 

[23]           À l’audience devant la Cour, l’avocate du défendeur a confirmé que le tribunal n’avait pas fait d’analyse distincte au regard de l’article 97, mais elle a soutenu qu’il n’était pas tenu de le faire parce qu’il avait jugé M. Kwan non crédible.

 

[24]           Je suis d’accord en l’espèce avec l’avocat des demandeurs qui allègue que la nature de la conclusion sur la crédibilité que le tribunal a tirée ne le soustrayait pas à l’obligation de procéder à une analyse de l’article 97. Une lecture de la décision du tribunal révèle qu’il n’a pas refusé de croire les incidents dont M. Khan disait avoir été victime en Guyana. En effet, le tribunal a jugé que ces incidents s’étaient produits, mais qu’ils constituaient soit des actes criminels, soit du harcèlement ou de la discrimination. Il a conclu que la crainte du demandeur n’était pas crédible principalement en raison de l’absence de crainte subjective du fait qu’il n’avait pas demandé l’asile aux États-Unis.

 

[25]           Il est bien reconnu que l’un des objectifs de l’ajout de l’article 97 à la Loi en 2001 était de prévoir les situations dans lesquelles un demandeur risque de subir un préjudice à la suite d’incidents qui ne constituent pas de la persécution selon l’un des cinq motifs de la Convention. Tel est le cas en l’espèce : les actes que craignait M. Khan étaient des actes criminels qui ne sont pas visés par l’article 96 puisqu’ils ne se rapportent pas à l’un des motifs énumérés. Un autre exemple se trouve dans les cas de harcèlement ou de discrimination qui ne constituent pas de la persécution selon la jurisprudence.

 

[26]           Enfin, je suis également d’accord avec l’avocat des demandeurs lorsqu’il soutient que la conclusion générale du tribunal quant à l’existence d’une protection de l’État en Guyana ne met pas la décision du tribunal à l’égard de M. Khan à l’abri d’un contrôle judiciaire. Une analyse de l’existence de la protection de l’État se fait à partir d’un examen sur des incidents précis, sur le moment auquel le demandeur a sollicité la protection et la façon dont il l’a fait, ainsi que sur la manière dont les autorités ont traité sa demande de protection. Dans la présente affaire, on ne trouve pas un tel degré d’analyse en ce qui a trait aux efforts faits en Guyana pour améliorer la protection de l’État, qui constitue le fondement de la conclusion du tribunal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision du tribunal soit annulée et que la demande d’asile des demandeurs soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Aucune question n'a été proposée aux fins de certification.

 

                                                                                                         « François Lemieux »

                                                                                                ___________________________

                                                                                                                        Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-4202-07

 

INTITULÉ :                                                               DEACHON TSERING KHAN ET AL.

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       1ER MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                      LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                               LE 8 MAI 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

D. Clifford Luyt

 

 

         POUR LES DEMANDEURS

Leanne Briscoe

 

   POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

 

         POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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