Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080512

Dossier : T-1113-07

Référence : 2008 CF 596

Ottawa (Ontario), le 12 mai 2008

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

CHARLENE COX

demanderesse

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Mme Charlene Cox, la demanderesse, sollicite le contrôle judiciaire, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d’une décision rendue le 9 mai 2007 par M. William McDowell, le sous-ministre délégué (le SMD) du ministère de la Justice.

 

CONTEXTE

[2]               La demanderesse travaille comme parajuridique pour le ministère de la Justice, à la Section du droit autochtone, en Colombie-Britannique. Elle était insatisfaite de son rapport de rendement et d’évaluation de l’employé (le rapport de REE), daté du 6 juillet 2006, pour la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2006, et a déposé un grief en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art.2. Elle a eu gain de cause au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Le directeur régional principal a accueilli le grief en partie, soulignant, premièrement, que le rapport de REE provisoire n’avait pas été fourni à la demanderesse en temps utile et, deuxièmement, que le rapport ne contenait pas de commentaires descriptifs concernant le rendement de la demanderesse pour l’année entière. Par conséquent, ces premiers rapports de REE provisoire et définitif ont été retirés de son dossier d’employée.

 

[3]               Un deuxième rapport de REE a été préparé, et il a été terminé le 13 décembre 2006. La demanderesse a reçu, comme dans son rapport de REE précédent, une note globale de deux points sur une échelle de quatre points, la note de deux étant considérée insatisfaisante. 

 

[4]               La demanderesse a contesté le deuxième rapport de REE lors d’une séance de médiation tenue le 15 décembre 2006, séance qui avait été organisée en vue de tenter de régler les problèmes liés au milieu de travail. Par suite de la médiation, un protocole d’entente (le PE) a été signé par les parties. L’article 5 du PE prévoit que les parties doivent :

[traduction] [R]éviser et modifier l’ébauche la plus récente de l’évaluation de rendement et de la note globale attribuée pour qu’elle reflète objectivement, équitablement et fidèlement son rendement pendant la période évaluée.

 

 

L’employeur a par la suite révisé l’évaluation de rendement en vue d’adopter un ton plus positif à l’égard de la demanderesse, et d’y ajouter des commentaires, mais la note globale est demeurée de deux. 

 

[5]               La demanderesse a renouvelé son grief auprès du SMD. Après avoir reçu des observations écrites et orales, le SMD a rejeté le grief.

 

DÉCISION FAISANT L’OBJET DE CONTRÔLE

[6]               Le SMD a examiné les observations de la demanderesse relativement au PE. Il a affirmé ce qui suit (dossier de la demanderesse, à la page 169) :

[traduction] Je n’ai trouvé aucun renseignement dans le document que vous avez fourni empêchant l’employeur d’évaluer le rendement à la lumière d’objectifs de travail établis par vous et un superviseur, en l’espèce M. Christoff, au début de la période d’évaluation.

 

 

[7]               Le SMD a ensuite déclaré que rien n’indiquait que l’issue du processus de REE était attribuable à une intention de nuire à la demanderesse. Le SMD était convaincu que le superviseur de la demanderesse lui avait fourni la rétroaction et l’appui appropriés tout au long de la période d’évaluation. Le SMD a souligné en conclusion qu’il n’était pas en mesure d’évaluer le travail de la demanderesse et qu’il ne remplacerait pas l’opinion de son superviseur par la sienne. En conséquence, le grief a été rejeté.

 

 

 

NORME DE CONTRÔLE

[8]               L’avocate de la demanderesse a traité de façon approfondie la question de la norme de contrôle, compte tenu de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, rendu par la Cour suprême du Canada. Elle a indiqué que la Cour suprême du Canada avait affirmé dans l’arrêt Dunsmuir qu’il existait seulement deux normes de contrôle, soit la décision correcte et la décision raisonnable. Pour déterminer la norme de contrôle applicable, la Cour devait examiner si la jurisprudence antérieure avait établi la norme de contrôle applicable à une question particulière. Dans la négative, la Cour devait procéder à une analyse pour déterminer la norme de contrôle applicable.

 

[9]               L’avocate de la demanderesse a soutenu que la jurisprudence antérieure faisait état de diverses conclusions quant à la norme de contrôle applicable. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Assh (2006), 274 D.L.R. (4th) 633 (C.A.F.), portant sur une question de conflit d’intérêts, on a jugé que la norme de contrôle applicable était la décision correcte. Dans la décision Desloges c. Canada (Procureur général), 2007 CF 60, portant sur le contrôle judiciaire de la décision d’une sous-ministre déléguée de rejeter un grief en raison du non-respect du délai prescrit, on a conclu que la norme de contrôle applicable était la décision manifestement déraisonnable, et que la norme de la décision raisonnable simpliciter s’appliquait à la décision de rejeter le grief sur le fond. Dans la décision Dubé c. Canada (Procureur général), 2006 CF 796, le grief des demandeurs selon lequel la sous-ministre déléguée avait omis de leur accorder une priorité de rappel a aussi été contrôlé selon la norme de la décision raisonnable simpliciter.   

 

[10]           L’avocate de la demanderesse a ensuite procédé à une analyse relative à la norme de contrôle pour déterminer la norme de contrôle applicable. Après avoir examiné les facteurs de la faiblesse de la clause privative (Assh, précité, au paragraphe 35; Vaughan c. Canada, 2003 CAF 76, aux paragraphes 125 à 130; conf. par 2005 CSC 11), du faible niveau de déférence dont il faut faire preuve à l’égard des décisions du SMD relativement à l’interprétation des contrats (Assh, précité, aux paragraphes 42 et 44), de l’objet de la loi applicable et de la procédure de règlement des griefs (Dubé, précitée, au paragraphe 30), et de la nature de la question, soit une question de fait et de droit, elle a conclu que la norme de contrôle applicable en l’espèce est la décision raisonnable.

 

[11]           L’avocat du défendeur était d’accord. Je suis aussi d’avis que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable.

 

ANALYSE

[12]           La demanderesse soutient que le SMD a pris sa décision sans tenir compte des documents dont il disposait, et ce, pour deux motifs. Premièrement, le libellé clair de l’article 5 du PE prévoit :

 

[traduction] [La demanderesse et directeur par intérim s’engagent à] réviser et [à] modifier l’ébauche la plus récente de l’évaluation de rendement et de la note globale attribuée pour qu’elle reflète objectivement, équitablement et fidèlement [le] rendement […] évalu[é] [Non souligné dans l’original.] 

 

 

 

[13]           La demanderesse allègue que le libellé clair de l’article 5 exige la modification de la note globale attribuée et que le SMD n’en a pas tenu compte.

 

[14]           Deuxièmement, la demanderesse allègue aussi que le SMD n’a pas tenu compte de la preuve indiquant que son rapport de REE définitif ne [traduction] « reflét[ait] [pas] objectivement, équitablement et fidèlement son rendement pendant la période […] ». La demanderesse soutient que l’article 5 du PE sous-entend que les parties reconnaissaient que le rapport de REE et la note globale de la demanderesse ne reflétaient pas objectivement, équitablement et fidèlement son rendement pendant la période en cause.

 

[15]           La demanderesse allègue que la décision du SMD de ne pas tenir compte du libellé clair du PE et de la preuve était déraisonnable.

 

[16]           Le défendeur soutient que le SMD a bel et bien tenu compte du PE, affirmant qu’il est clair selon le libellé du PE que les parties se sont engagées à évaluer le rendement de la demanderesse d’une façon objective, équitable et fidèle, mais qu’il n’y a aucune entente quant à une note particulière à attribuer ou quant aux résultats de l’évaluation.

 

[17]             À mon avis, il fallait réviser le rapport de REE et la note globale attribuée pour s’assurer qu’ils reflétaient objectivement, équitablement et fidèlement le travail de la demanderesse. Le PE constitue une entente portant sur une façon de procéder et non sur un résultat. Si des modifications devaient être apportées à la suite de la révision, elles l’étaient. Si les modifications exigeaient que la note globale soit modifiée, elle pouvait l’être, mais toujours de façon à ce que soit respectée l’exigence selon laquelle le rapport de REE devait refléter objectivement, équitablement et fidèlement le rendement de la demanderesse.

 

[18]           Selon moi, la preuve révèle que le SMD a tenu compte du libellé clair du PE et, plus précisément de l’article 5. L’interprétation qu’a faite le SMD du PE et sa conclusion selon laquelle le processus de REE avait bien été suivi à l’égard de la demanderesse appartiennent aux issues raisonnables. La preuve dont disposait le SMD appuyait l’évaluation de rendement et la note globale attribuée. Je ne peux conclure que la décision du SMD est déraisonnable.

 

CONCLUSION

[19]           La demande sera rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1113-07

 

INTITULÉ :                                       CHARLENE COX

c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                               

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1ER MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 12 MAI 2008        

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lise Leduc                                           POUR LA DEMANDERESSE

Colleen Bauman

 

Neil McGraw                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sack Goldblatt Mitchell LLP                 POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Ottawa (Ontario) 

 

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.