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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080514

Dossier : IMM-4500-07

Référence : 2008 CF 609 

Toronto (Ontario), le 14 mai 2008

En présence de madame la juge Mactavish

 

 

ENTRE :

SEVERINA BUENAVISTA

demanderesse

 

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Severina Buenavista sollicite le contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, rejetant la demande de parrainage qu’elle avait présentée à l’égard de ses deux enfants adoptifs. La SAI a conclu que l’adoption par Mme Buenavista et son mari de la nièce et du neveu de celui-ci avait eu lieu aux fins d’immigration, et qu’elle n’avait pas créé un véritable lien affectif parent-enfant entre les adoptés et les adoptants.

 

[2]               Mme Buenavista soutient que la SAI a commis une erreur en mettant l’accent sur la nature et sur la portée de la relation continue qu’entretenaient les enfants avec leurs parents biologiques, et en ne tenant pas compte adéquatement, dans son analyse, de tous les facteurs pertinents. Elle conteste aussi le poids accordé par la SAI à certains éléments de preuve.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis convaincue que la SAI n’a pas commis les erreurs reprochées et que sa décision était à tous égards raisonnable. Par conséquent, la demande sera rejetée.

 

Norme de contrôle

 

[4]               Les deux parties conviennent que la norme de contrôle applicable à la décision de la SAI est la raisonnabilité. Vu que la question dont était saisie la SAI était largement fondée sur les faits, je partage l’avis selon lequel la norme de la raisonnabilité devrait s’appliquer à la décision.

 

[5]               Comme l’a récemment énoncé la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] A.C.S. no 9, la cour de révision doit, en examinant une décision suivant la norme de la raisonnabilité, tenir compte de la justification de la décision, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel. La cour doit aussi examiner si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47.

 

 

Analyse

 

[6]               Pour remplir les conditions requises du parrainage, un enfant adoptif doit être membre de la catégorie « regroupement familial » au sens de l’article 117 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Entre autres, l’adoption doit avoir créé un véritable lien affectif parent‑enfant entre l’adopté et l’adoptant.

 

[7]               En outre, l’article 4 du Règlement prévoit que l’étranger ne sera pas considéré comme étant l’« enfant adoptif » pour les besoins du parrainage si l’adoption n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

[8]               Selon la jurisprudence, il faut tenir compte des facteurs suivants dans l’examen du caractère véritable du lien affectif parent-enfant entre l’adopté et l’adoptant :

a) les motifs des parents adoptifs;

b) dans une moindre mesure, les motifs et la situation des parents naturels;

c) l’autorité et l’influence exercées par les parents adoptifs sur l’enfant adopté;

d) le fait que l’autorité des parents adoptifs a supplanté celle des parents naturels;

e) les rapports de l’enfant avec ses parents naturels après l’adoption;

f) le traitement accordé à l’enfant adopté par les parents adoptifs en comparaison de celui accordé à leurs enfants naturels;

g) les rapports entre l’enfant adopté et les parents adoptifs avant l’adoption;

h) les changements découlant du nouveau statut de l’enfant adopté, par exemple des registres, des droits, et notamment la reconnaissance, par des documents, que l’enfant est le fils ou la fille des parents adoptifs;

i) les dispositions et les mesures prises par les parents adoptifs relativement au soin, au soutien et à l’avenir de l’enfant.

 

 

[9]               Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive et d’autres facteurs peuvent être pertinents dans des cas particuliers : voir, par exemple, la décision Annor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2007] A.C.F. no 190, au paragraphe 17, dans laquelle est citée la décision De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 33 Imm. L.R. (2d) 28, rendue par la SAI.

 

[10]           Un examen de la décision révèle que, bien qu’elle ait certainement eu des réserves à l’égard des contradictions importantes dans la preuve relative à la nature et à la portée de la relation continue qu’entretenaient les enfants avec leurs parents biologiques, la SAI n’a aucunement limité son analyse à cette question.

 

[11]           Par exemple, la SAI a examiné en particulier les raisons qu’avait Mme Buenavista d’adopter les enfants, faisant particulièrement référence à la preuve médicale attestant qu’elle ne pouvait pas avoir ses propres enfants. La SAI a aussi examiné les raisons qu’avaient les parents biologiques de donner leurs enfants en adoption.

 

[12]           La SAI s’est également penchée sur la nature et la portée de la relation qu’entretenaient les enfants avec leurs parents adoptifs, soulignant des divergences importantes dans la preuve relative au moment où le garçon aurait rencontré ses parrains pour la première fois, à la fréquence des appels téléphoniques entre Mme Buenavista et sa fille adoptive, et à la nature de l’aide financière offerte par Mme Buenavista et son mari aux enfants et à d’autres membres de leur famille élargie qui demeuraient toujours aux Philippines.

 

[13]           La SAI avait aussi, à juste titre, des réserves quant à la quantité limitée d’éléments de preuve documentaire portant sur les rapports entre les enfants et leurs parents adoptifs, particulièrement en ce qui concerne la période précédant le rejet initial de leur demande de résidence permanente. La question du poids à accorder aux éléments de preuve documentaire présentés après le rejet de la demande devait être tranchée par la SAI.

 

[14]           En outre, les contradictions et les incohérences très importantes dans la preuve relative à la nature et à la portée de la relation continue qu’entretenaient les enfants avec leurs parents biologiques ont mené la SAI à conclure que Mme Buenavista et les deux enfants avaient tenté d’induire le tribunal en erreur à cet égard. Il était raisonnablement loisible à la SAI de tirer cette conclusion vu la preuve dont elle disposait.

 

Conclusion

[15]           La Cour est donc convaincue que la conclusion de la SAI selon laquelle Mme Buenavista et son mari entretenaient une relation avec les enfants en tant que tante et oncle bienveillants, mais qu’ils n’avaient pas créé avec eux un véritable lien affectif parent-enfant, appartenait manifestement aux issues possibles acceptables, compte tenu de la preuve dont la SAI disposait.

 

[16]           De plus, la SAI a fourni des motifs clairs et intelligibles à l’appui de sa conclusion. Par conséquent, la Cour n’a aucune raison d’intervenir en l’espèce. La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

Certification

 

[17]           Les parties n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et aucune n’est soulevée en l’espèce.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

JUGEMENT

           

            LA COUR STATUE QUE :

           

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

           

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

            Traduction certifiée conforme

                Isabelle D’Souza, LL.B., M.A.Trad. jur.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4500-07

 

 

INTITULÉ :                                                   SEVERINA BUENAVISTA

                                                                        c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 14 MAI 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT              

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE MACTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                   LE 14 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

     POUR LA DEMANDERESSE

Catherine Vasilaros

 

     POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman and Associates

Toronto (Ontario)

 

     POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

     POUR LE DÉFENDEUR

 

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