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Date : 20080513

Dossier : IMM-4093-07

Référence : 2008 CF 599

Entre :

KALADEVI BAGEERATHAN

demanderesse

et

 

le ministre de la citoyenneté

et de l’immigration

défendeur

 

motifs de l’ordonnance

Le juge PHELAN

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Dans la présente instance, la demanderesse sollicite une forme de mandamus ordonnant que le statut de résident permanent soit accordé à son époux. La raison de cette demande est le retard indu dans le traitement de la demande parrainée de résidence permanente.

 

[2]               Il s’agit d’une malheureuse affaire de paralysie bureaucratique qui exige que la Cour ordonne au défendeur de remplir son devoir. Des affaires de ce genre sont des cas d’espèce et il convient de souligner que l’utilisation des pouvoirs de mandamus est rare et qu’elle doit le demeurer.

 

II.         le contexte factuel

[3]               La demanderesse, née au Sri Lanka, est une femme tamoule du nord du pays. Elle a épousé son mari, a vécu avec lui, puis ils ont eu un fils.

 

[4]               La demanderesse a quitté le Sri Lanka et est arrivée au Canada avec son fils en juin 2003. Sa demande de statut de réfugiée au sens de la Convention a été accordée en octobre 2003.

 

[5]               En conséquence de son statut de réfugiée, la demanderesse avait le droit de présenter une demande de résidence permanente pour elle-même, son fils et son époux, qui était demeuré au Sri Lanka. Elle a présenté une telle demande en novembre 2003.

 

[6]               En vertu du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), l’époux de la demanderesse n’était pas tenu de répondre aux conditions d’admission en matière médicale, pas plus que la demanderesse n’était tenue de répondre à des conditions d’ordre financier. La principale condition d’admission est uniquement l’attestation de sécurité.

 

[7]               Le problème en l’espèce semble provenir du bureau des visas à Colombo. Bien que la demanderesse ait eu un enfant de son mari, qu’elle ait vécu avec lui avant de venir au Canada et qu’elle ait souhaité qu’il la rejoigne au Canada en qualité d’époux, il faut supposer que le bureau des visas a retardé le traitement du visa de résident permanent en raison de questions concernant leur état matrimonial.

 

[8]               Bien qu’un couple doive uniquement démontrer qu’il vivait en union de fait, le bureau des visas a choisi de vérifier l’authenticité du certificat de mariage présenté par l’époux. Par conséquent, à la fin de 2004, le traitement de la demande a été suspendu, y compris toute entrevue avec l’époux concernant son mariage ou les questions pertinentes pour son admission au Canada.

 

[9]               Malgré des demandes de traitement de la demande de la part d’agents d’immigration à Toronto, le bureau des visas n’a pas réagi.

 

[10]           En mai 2006, le bureau des visas, ayant retenu la demande pendant 21 mois (la demande a été présentée 30 mois plus tôt), a inscrit dans ses dossiers qu’il examinerait le dossier six mois plus tard.

 

[11]           Malgré l’absence de réponse des autorités sri lankaises concernant la vérification de l’authenticité du certificat de mariage, le bureau des visas a interviewé l’époux. Il a fourni d’autres éléments de preuve concernant son mariage, notamment un album de mariage et des photographies. Le membre du personnel du bureau des visas a inscrit la mention suivante en juillet 2006 : [traduction] « aucune préoccupation quant à la relation ».

 

[12]           Toutefois, en octobre 2006, un autre membre du personnel a inscrit dans les notes du STIDI que le certificat de mariage avait été reconnu comme étant frauduleux.

 

[13]           Cette note a entraîné une visite au registre central à Colombo où le membre du personnel du bureau des visas a été informé qu’aucun certificat de mariage n’avait été déposé. En fait, aucun certificat de mariage n’a été déposé pour cette journée, de quelque endroit que ce soit au Sri Lanka, une période de l’année réputée favorable aux mariages.

 

[14]           Le bureau des visas a conclu de manière définitive qu’un certificat de mariage délivré à Jaffna (pendant la guerre civile dans cette région), mais non enregistré à Colombo, était frauduleux.

 

[15]           L’époux a été interviewé une autre fois, cette fois en novembre 2006, et il a de nouveau déclaré que le mariage était authentique, qu’il avait eu lieu tel qu’il avait été déclaré et que le certificat de mariage était authentique. Le bureau des visas a alors suspendu l’entrevue et ordonné à l’époux de remplir un formulaire indiquant tous les endroits où il avait vécu depuis l’âge de 18 ans.

 

[16]           La dernière action consignée dans le dossier était l’entrevue de novembre 2006. Depuis ce moment-là, le bureau des visas n’a pas infirmé la déclaration antérieure selon laquelle la relation était authentique, n’a pas infirmé la conclusion selon laquelle le certificat de mariage était frauduleux, ne s’est pas prononcé sur la liste des anciennes adresses de l’époux, ni n’a autrement traité la demande, ni rendu aucune autre décision de quelque nature.

 

[17]           Cette inaction complète a perduré malgré la permission accordée à la demanderesse de présenter une demande de contrôle judiciaire, le litige de la présente demande, l’ajournement de la Cour pour permettre au défendeur de décider s’il pouvait ou devait délivrer un visa de résident temporaire. À la reprise de l’audience le 6 mai 2008, le défendeur a maintenu l’incertitude de la situation.

 

III.       ANALYSE

[18]           L’article 141 du Règlement contient le libellé obligatoire « est délivré ». Les dispositions pertinentes sont reproduites ci-après :

141. (1) Un visa de résident permanent est délivré à tout membre de la famille du demandeur qui ne l’accompagne pas si, à l’issue d’un contrôle, les éléments suivants sont établis :

 

a) le membre de la famille était visé par la demande de visa de résident permanent du demandeur au moment où celle-ci a été faite ou son nom y a été ajouté avant le départ du demandeur pour le Canada;

 

 

b) il présente sa demande à un agent qui se trouve hors du Canada dans un délai d’un an suivant le jour où le demandeur se voit conférer l’asile;

 

 

c) il n’est pas interdit de territoire;

 

[…]

141. (1) A permanent resident visa shall be issued to a family member who does not accompany the applicant if, following an examination, it is established that

 

 

(a) the family member was included in the applicant's permanent resident visa application at the time that application was made, or was added to that application before the applicant's departure for Canada;

 

(b) the family member submits their application to an officer outside Canada within one year from the day on which refugee protection is conferred on the applicant;

 

(c) the family member is not inadmissible;

 

[…]

 

[19]           Je ne suis pas tenu de trancher la question de savoir si l’article 141 exige la délivrance d’un visa pour le membre de la famille du demandeur qui ne l’accompagne pas au même moment que la délivrance aux autres membres de la famille qui se trouvent au Canada, même si les demandes étaient concurrentes.

 

[20]           Il est évident en l’espèce que le défendeur a cessé de traiter la demande de l’époux. La demanderesse et son époux avaient droit à une décision dans un délai raisonnable. Le bureau des visas avait déjà établi que la relation familiale était authentique.

 

[21]           La demanderesse et son époux ont présenté une preuve d’ADN établissant la paternité de leur fils. Cette preuve de paternité n’a pas été contestée.

 

[22]           Le seul empêchement semble être l’absence de trace de leur mariage à Colombo (non à Jaffna où la cérémonie du mariage a eu lieu), comme apparemment l’absence de trace de tout autre mariage dans le pays tout entier à cette date, un sujet qui aurait dû soulever des questions concernant la tenue des dossiers au registre central.

 

[23]           Compte tenu de toutes les circonstances, la Cour doit conclure qu’il s’agit d’un cas de retard indu pour prendre une décision concernant le statut de résident permanent. Il s’agit d’un cas troublant d’inaction, rendu accablant par la prolongation du délai pendant le processus de contrôle judiciaire.

 

IV.       CONCLUSION

[24]           En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. Alors que la demanderesse demande, de manière tout à fait raisonnable, une ordonnance exigeant que le défendeur accorde la résidence permanente dans les 90 jours, la Cour est réticente à accéder à cette demande compte tenu de l’attestation de sécurité en cours. Elle est en cours parce que le défendeur a permis que le certificat de police expire en raison de son inaction.

 

[25]           La Cour a rendu une ordonnance exigeant que le défendeur se prononce sur la demande dans les 90 jours. La Cour a conservé la compétence de se prononcer sur toute question qui peut survenir et avoir une incidence sur l’ordonnance mandatoire.

 

[26]           La Cour s’attend à ce que, sauf en cas de circonstances inhabituelles, le défendeur accueille la demande avant l’échéance. Un autre retard injustifié pourrait constituer un outrage au tribunal et pourrait entraîner des pénalités et des frais.

 

[27]           Il n’y a aucune question en vue de la certification.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 13 mai 2008

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur


Cour fédérale

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

 

Dossier :                                                                IMM-4093-07

 

Intitulé :                                                               KALADEVI BAGEERATHAN

                                                                                    c.

                                                                                    le ministre de la citoyenneté

                                                                                    et de l’immigration

 

 

Lieu de l’audience :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience :                                       le 6 mai 2008

 

Motifs de l’ordonnance :                          le juge Phelan

 

Date des motifs :                                              le 13 mai 2008

 

 

 

Comparutions :

 

Raoul Boulakia                                                             POUR LA DEMANDERESSE

 

Leanne Brisco                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Raoul Boulakia                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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