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Date : 20080514

 

Dossier : DES‑5‑08

 

Référence : 2008 CF 595

 

Toronto (Ontario), le 14 mai 2008

 

En présence de madame la juge Dawson

 

ENTRE :

 

 

MOHAMED HARKAT

 

demandeur

‑ et ‑

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DES ORDONNANCES

 

[1]        M. Harkat voudrait que soient rendues deux ordonnances, l’une approuvant M. William Baldwin comme caution de surveillance, l’autre autorisant M. Harkat à changer de domicile en attendant que soient réglées deux conditions qui, selon les avocats des ministres, doivent être satisfaites avant que l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) songe à approuver le changement. Ces conditions sont les suivantes :

 

(i)         avant de déménager, M. Harkat doit obtenir par écrit, de l’association condominiale, l’autorisation de faire installer des caméras et tous les équipements connexes;

 

(ii)        avant de déménager, M. Harkat doit obtenir, de l’association condominiale, un document autorisant l’ASFC à stationner en tout temps l’un de ses véhicules sur le chemin privé.

 

[2]        Les paragraphes qui suivent exposent les motifs à l’origine des ordonnances de la Cour, celle qui approuvait M. Baldwin comme caution de surveillance et celle qui refusait à M. Harkat l’autorisation de déménager avant que soient réglées les conditions fixées par l’ASFC. Cette deuxième ordonnance disposait qu’il était loisible à M. Harkat de demander à nouveau l’autorisation de changer de domicile, mais que toute nouvelle demande portant sur le même nouveau domicile projeté devrait contenir des propositions précises qui tiennent compte des conditions fixées par l’ASFC.

 

La nature de la présente instance

[3]        Le 23 février 2007, la Cour suprême du Canada a jugé que la procédure alors en vigueur prévue dans la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), qui permettait de déterminer si un certificat de sécurité était raisonnable, ainsi que la procédure connexe de contrôle d’une détention contrevenaient à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) (la Charte). L’effet de la déclaration de la Cour suprême fut suspendu durant un an.

 

[4]        Finalement, la Loi fut modifiée et elle prévoit aujourd’hui que, dans des instances introduites en vertu de l’article 78 (pour savoir si le certificat de sécurité est ou non raisonnable) et des articles 82 à 82.2 de la Loi (contrôles des détentions, modifications des ordonnances et instances se rapportant à de présumées violations des conditions d’une mise en liberté), un avocat spécial doit être nommé (voir l’alinéa 83(1)b) de la Loi).

 

[5]        Un nouveau certificat de sécurité a été émis à l’encontre de M. Harkat en application des modifications.

 

[6]        Les dispositions transitoires des modifications ont eu les effets suivants :

 

·        M. Harkat est demeuré en liberté aux conditions fixées antérieurement par la Cour;

·        au cours des 60 jours qui ont suivi la date de l’entrée en vigueur des modifications, à savoir le 22 février 2008, M. Harkat était fondé à demander à la Cour d’examiner les motifs du maintien des conditions de sa mise en liberté;

·        si aucune demande du genre n’était faite, M. Harkat pouvait demander l’examen des conditions après l’expiration d’un délai de six mois depuis la date de l’entrée en vigueur des modifications1.

 

[7]        À la date de l’audition de la requête de M. Harkat, aucun avocat spécial n’avait été nommé pour le représenter. L’avocat de M. Harkat a informé la Cour, au début de la présente instance, que [traduction] « [s]’agissant de la nouvelle procédure instituée par le projet de loi C‑3 et du recours à l’avocat spécial, la position que j’adopte sur la question est que nous voudrions être dispensés de cette procédure en raison du temps qu’il faudra, je crois, pour la mener à terme ». L’avocat de M. Harkat poursuivait ainsi :

[traduction]

 

            Je ne souhaite donc pas que soit nommé un avocat spécial et je renonce à la nouvelle procédure envisagée dans la législation. Je me contenterai d’aller de l’avant en tenant pour acquis que M. Harkat présente le même danger que celui que vous avez constaté précédemment. Vous vous êtes évidemment prononcé sur le caractère raisonnable du certificat et vous vous êtes prononcé sur la mise en liberté initiale. Vous avez rendu une décision, M. le juge Noël en a rendu une autre.

 

            Je ne cherche pas à prendre mes distances par rapport à l’un ou l’autre des aspects de la conclusion selon laquelle il constitue un danger, me limitant à dire que, après bientôt deux ans, on devrait lui reconnaître la bonne conduite dont il a fait preuve, mais je ne crois pas que cela change ma position de quelque manière en ce qui concerne la question de la dangerosité.

 

[8]        Les avocats des ministres ont confirmé ce qui suit :

[traduction]

 

            Aux fins de la présente audience, les ministres jugent acceptables les observations de mon collègue sur la question de la dangerosité, de telle sorte qu’il ne nous est pas nécessaire de nous référer à des éléments de preuve requérant la nomination d’un avocat spécial.

 

[9]        Cette position comporte deux conséquences. D’abord, les points soumis à la Cour sont très étroits. Il y a la demande de nomination d’une nouvelle caution de surveillance additionnelle, et il y a la demande d’autorisation de déménager. Deuxièmement, il n’est pas opportun pour la Cour de se demander quel danger fait peser la mise en liberté de M. Harkat. Cela ne peut se faire qu’avec l’assistance d’un avocat spécial. Comme l’ont admis les avocats, la Cour conduira la présente audience en considérant que la menace demeure telle qu’elle a déjà été appréciée et déterminée par elle.

 

[10]      Je passe maintenant aux deux demandes présentées par M. Harkat.

 

La demande d’approbation d’une nouvelle caution de surveillance

[11]      Depuis que M. Harkat a été mis en liberté, des changements ont été apportés pour ajouter une caution de surveillance lorsque la Cour a été persuadée que la caution de surveillance proposée était en mesure de garantir objectivement la satisfaction des conditions de la mise en liberté et d’avoir suffisamment d’ascendant sur M. Harkat.

 

[12]      M. Baldwin, la caution de surveillance additionnelle proposée, est un prêtre à la retraite de l’Église anglicane du Canada. Il peut donc organiser son temps à sa guise. Avant de prendre sa retraite, outre les devoirs de son ministère dans diverses paroisses, M. Baldwin travaillait comme coordonnateur de l’enseignement théologique. Il est disposé à souscrire un cautionnement d’une somme de 5 000 $ et il a les ressources nécessaires pour appuyer ce cautionnement. M. Baldwin s’est entretenu avec l’ASFC, laquelle n’a fait part à la Cour d’aucune inquiétude à la suite de cet entretien. M. Baldwin a témoigné qu’il était au fait des allégations dont était l’objet M. Harkat, qu’il avait discuté de son rôle de caution de surveillance avec M. et Mme Harkat et qu’il comprenait que son rôle était de veiller à ce que M. Harkat satisfasse aux conditions de sa mise en liberté.

 

[13]      Selon les mots de l’avocat des ministres, [traduction] « M. Baldwin est éminemment compétent et ses antécédents sont tout à fait estimables ».

 

[14]      Le témoignage de M. Baldwin m’a impressionnée. Il s’intéresse aux questions de paix et de justice et il a manifestement beaucoup réfléchi à la manière dont ses convictions personnelles pourraient influer sur son rôle de caution de surveillance. Bien que, selon lui, il puisse y avoir des cas relevant d’une justice supérieure à celle des hommes, M. Baldwin est disposé à se soumettre à l’ensemble des conditions auxquelles il a souscrit en tant que caution. Il veillerait à ce que, si ordre lui en était donné, M. Harkat se présente en vue de son renvoi.

 

[15]      Je reconnais la véracité et la sincérité du témoignage de M. Baldwin. Je suis d’avis qu’il est en mesure de garantir la satisfaction des conditions de la mise en liberté et d’exercer suffisamment d’ascendant sur M. Harkat. J’ai donc ordonné, sous réserve de la signature d’un cautionnement et d’un document par lequel il reconnaît avoir pris connaissance de l’ensemble des modalités de la mise en liberté de M. Harkat, que M. Baldwin soit approuvé comme caution de surveillance.

 

La demande de changement de domicile

[16]      Le nouveau domicile projeté de M. Harkat se trouve dans un immeuble en copropriété. La recommandation formulée par l’ASFC, et la position adoptée par les ministres, c’est que M. Harkat ne devrait être autorisé à emménager dans son nouveau domicile qu’après avoir obtenu du conseil de l’association condominiale l’autorisation de faire installer des caméras de surveillance et l’autorisation pour l’ASFC de stationner en tout temps ses véhicules sur le chemin privé de l’association.

 

[17]      À cela, M. Harkat répond que ses conditions actuelles de logement, lui et son épouse habitant avec M. Alois Weidemann, sont intenables. M. Weidemann est l’ancien conjoint de la mère de Mme Harkat, Pierrette Brunette. M. Weidemann ne s’est pas exprimé sur cette requête, mais il aurait dit qu’il souhaite maintenant que M. Harkat et son épouse quittent le logement. M. Harkat soutient qu’il ne devrait pas être contraint de vivre dans de telles conditions. La nécessité de déménager est qualifiée d’urgente et l’unique solution de M. Harkat, s’il n’est pas autorisé à le faire, serait, paraît‑il, son retour en détention.

 

[18]      M. Harkat relève que, dernièrement, l’ASFC ne le surveille pas aussi souvent qu’elle l’a fait par le passé et il signale le témoignage de Peter Foley, le chargé opérationnel du dossier de mise en liberté de M. Harkat au sein de l’ASFC, témoignage selon lequel, depuis février de cette année, la surveillance et le contrôle de M. Harkat se sont déroulés sans accroc. M. Harkat signale aussi qu’il s’est toujours conformé aux conditions de sa mise en liberté (à l’exception du manquement survenu lorsque Mme Brunette avait cessé de partager le domicile de M. Harkat et que ni elle ni M. ou Mme Harkat n’avaient signalé ce fait à l’ASFC).

 

[19]      L’avocat de M. Harkat affirme donc ce qui suit :

[traduction]

 

[…] il est donc opportun pour la Cour de rendre l’ordonnance autorisant le déménagement aussi rapidement que possible et invitant les parties à s’entendre pour tenter de trouver une solution autre que celle consistant à installer des caméras et peut‑être – je ne crois pas avoir de proposition à faire sur la manière de régler cet aspect – celle consistant à prévoir un espace de stationnement pour l’ASFC, pour que ses agents puissent surveiller la façade de la maison. Je me demande comment nous allons pouvoir résoudre ce point particulier.

 

[20]      Mon analyse des observations de M. Harkat se présente ainsi.

 

[21]      La nouvelle habitation projetée est une maison en rangée en copropriété, située dans la partie médiane, mitoyenne avec d’autres unités. La façade de l’unité donne sur un chemin privé appartenant à l’association condominiale. Le chemin privé est très étroit. Aucun stationnement n’est autorisé sur le chemin. Lorsque des agents de l’ASFC y ont stationné leur véhicule, ils ont été approchés par des voisins et par la famille Harkat, tous se plaignant que le véhicule de l’ASFC obstruait le passage.

 

[22]      Le chemin privé est bordé sur un côté par un autre chemin privé, qui appartient lui aussi à l’association condominiale. Il ne semble pas y avoir d’endroit où les visiteurs puissent se stationner et qui permette de voir la façade de l’habitation. Selon le témoignage de Mme Harkat, le stationnement réservé aux visiteurs n’offre aucune ligne de vue sur la porte principale de l’habitation.

 

[23]      Le nombre d’itinéraires depuis la façade de l’habitation est plus élevé que pour les autres habitations dans lesquelles M. Harkat a vécu, en raison de la présence de plusieurs sentiers de promenade et pistes cyclables. Une fois, alors qu’il visitait la nouvelle habitation projetée, M. Harkat a quitté l’habitation en empruntant un sentier ou une piste, et les agents de l’ASFC qui surveillaient l’arrière de l’habitation ne savaient pas qu’il était parti.

 

[24]      L’association condominiale a refusé de consentir à l’installation de caméras de surveillance ou d’autoriser l’ASFC à stationner ses véhicules sur le chemin privé.

 

[25]      L’arrière de l’habitation projetée donne sur une importante voie publique. Aucun stationnement n’est autorisé sur l’un des côtés de cette voie; cependant, six ou sept places de stationnement sont possibles de l’autre côté. Sur ce point, je me reporte aux indications supplémentaires apparaissant dans les lettres de M. Copeland et de M. Tyndale en date du 8 mai 2008, indications qui rectifiaient certains témoignages produits au procès. L’arrière‑cour est entourée d’une clôture. La clôture a une hauteur d’environ 5 pieds et 2 pouces. Du côté faisant face à la route, environ la moitié ou les trois quarts de la clôture sont couverts de buissons qui ajoutent entre 2 1/2 pieds et 3 pieds à la hauteur de la clôture. Celle‑ci est munie d’un portillon qui permet d’accéder à l’habitation et d’en sortir.

 

[26]      Au vu de cette preuve, je suis d’avis que les doutes de l’ASFC à propos du déménagement prévu et à propos de l’aptitude de l’ASFC à surveiller les activités de M. Harkat, sont légitimes et justifiés. L’ASFC est aujourd’hui en mesure de surveiller, à l’aide de caméras de surveillance, les activités qui se déroulent à l’avant et à l’arrière de l’habitation actuelle de M. Harkat. Il y a aussi de nombreuses places de stationnement sur la rue bordant l’habitation actuelle, ce qui permet aux agents de l’ASFC une vue dégagée sur la façade de l’habitation. Aucune de ces conditions n’est présente en ce qui concerne l’habitation projetée.

 

[27]      Je suis donc d’avis que le fait d’autoriser M. Harkat à changer de domicile entraînerait un changement considérable des conditions qui ont conduit à sa mise en liberté. Un changement aussi considérable n’est pas justifié, sans un réexamen du danger que pose maintenant la mise en liberté de M. Harkat.

 

[28]      M. Harkat a fait valoir que la nécessité pour lui de déménager est urgente et que, si le déménagement n’est pas autorisé, il n’aura d’autre choix que de demander son renvoi en détention. À mon avis, aucune de ces solutions n’est suffisamment étayée par la preuve.

 

[29]      Je reconnais que les conditions actuelles de logement de M. Harkat sont difficiles et ne sont pas viables à moyen terme ou à long terme. Cependant, alors que M. Weidemann disait en février de cette année qu’il était disposé à agir comme caution pour encore six semaines, il continue néanmoins de laisser M. et Mme Harkat vivre dans sa maison (dont une petite partie appartient à Mme Pierrette Brunette). Mme Brunette y reçoit encore des appels téléphoniques et des courriels liés à ses activités professionnelles, et elle continue d’y donner des leçons de musique. Il n’y a aucune preuve que M. Weidemann a donné à M. Harkat un délai ferme à l’expiration duquel il devra quitter les lieux. Comme je l’ai dit plus haut, M. Weidemann n’a pas témoigné sur cette requête. Je ne suis donc pas persuadée que M. Harkat ne dispose pas d’un délai suffisant pour remplir les conditions fixées par l’ASFC avant de devoir quitter son domicile actuel.

 

[30]      S’agissant d’un éventuel retour en détention, aucune preuve n’a été produite pour démontrer que M. Harkat a exploré une autre solution pour ses conditions de logement à court terme. Il est raisonnable de penser que, plutôt que de retourner en détention, M. Harkat pourrait demander l’autorisation d’emménager temporairement chez un parent, par exemple sa belle‑mère ou sa belle‑sœur. Si cela n’est pas possible, il est également raisonnable de penser qu’il aurait pu apporter la preuve que des solutions avaient, en vain, été envisagées ou explorées.

 

[31]      J’ai examiné les arguments de M. Harkat portant sur l’urgence d’une solution et sur un éventuel retour en détention. Cependant, il importe de comprendre que la Loi précise, en son paragraphe 82(5), que, lorsqu’une personne est mise en liberté sous condition, le juge, au moment du contrôle de telles conditions, « ordonne le maintien en détention s’il est convaincu que la mise en liberté sous condition de la personne constituera un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité d’autrui ». Cela signifie que la Cour doit faire porter son attention sur la sécurité nationale et la sécurité d’autrui. Puisque M. Harkat reconnaît qu’il continue de constituer le danger constaté à l’origine par la Cour, la Cour ne saurait approuver un changement de domicile lorsque la capacité de l’ASFC de le surveiller est à ce point réduite.

 

[32]      Je ferai trois observations additionnelles.

 

[33]      D’abord, je suis d’avis que, à la date de l’audience, M. Harkat n’avait pas véritablement réfléchi à la manière dont les doutes de l’ASFC pourraient être dissipés. Ainsi, ni M. Harkat ni son épouse ne possèdent un véhicule. De temps à autre, ils empruntent la voiture de Mme Pierrette Brunette. Le nouveau domicile projeté contient un garage et une allée pour un véhicule. Il ne semble donc y avoir aucune raison pour laquelle la voiture de Mme Brunette ne pourrait pas être gardée dans le garage lorsque Mme Brunette se trouvera dans le nouveau domicile ou lorsque sa voiture sera prêtée à M. et Mme Harkat. L’allée pourrait être ainsi utilisée par l’ASFC, et le stationnement réservé aux visiteurs pourrait l’être par les visiteurs. (Il faut noter que Mme Harkat a dit qu’elle s’oppose à un tel arrangement, pour des raisons de vie privée.) Comme autres exemples, le paragraphe 16 de l’affidavit de Peter Foley évoquait d’autres méthodes de surveillance, notamment l’installation d’une caméra intérieure permettant de voir la porte principale. On pourrait aussi faire installer une caméra dans l’arrière‑cour du nouveau domicile, caméra qui ne serait pas fixée à l’immeuble en copropriété, ou à l’installation de laquelle pourrait consentir l’association condominiale puisque la caméra ne permettrait pas de visionner autre chose que l’arrière‑cour de la famille Harkat.

 

[34]      Ce sont là des aspects que M. Harkat aurait dû considérer, et qu’il devrait considérer s’il souhaite encore emménager dans cette nouvelle habitation.

 

[35]      Deuxièmement, j’ai accordé peu de poids aux arguments de M. Harkat touchant la fréquence à laquelle l’ASFC surveille aujourd’hui ses activités, et touchant l’efficacité des caméras de surveillance compte tenu de l’existence d’une surveillance GPS active. Sur ce point, c’est à l’ASFC qu’il appartient de décider de l’intensité de la surveillance visible qu’elle exerce. L’aptitude de l’ASFC à surveiller les activités de M. Harkat est un aspect important du dispositif de contrôle de la mise en liberté de M. Harkat. Des caméras ont tout récemment apporté la preuve formelle d’une violation des conditions de la mise en liberté de M. Harkat et elles demeurent un moyen de dissuasion devant toute nouvelle violation.

 

[36]      Finalement, je ne crois pas qu’il soit le moins du monde réaliste d’approuver, comme le voudrait M. Harkat, un changement de domicile après nouvelles négociations. J’accepte l’argument de l’avocat des ministres pour qui, si le changement proposé de domicile est autorisé, il sera extrêmement difficile d’obtenir plus tard un résultat pouvant suppléer, ou pouvant reproduire pour l’essentiel, les conditions qui existent aujourd’hui.

 

[37]      Sur ce point, je prends note de la position de Mme Harkat à propos des caméras de surveillance. Son mari a témoigné qu’il consentirait à ce que des caméras de surveillance soient placées à la porte principale et à la porte arrière, mais, durant son contre‑interrogatoire, Mme Harkat a dit que, même si l’association condominiale approuvait l’installation de telles caméras, elle ne donnerait pas son consentement. Dans la pièce n° 6, un article que Mme Harkat a écrit pour le site Web intitulé [traduction] « Justice pour Mohamed Harkat », elle disait que [traduction] « la passion est là pour lutter contre les caméras de surveillance ». Pareillement, comme je l’ai dit plus haut, l’utilisation de l’allée par le véhicule de l’ASFC lui a fait craindre une menace à la vie privée. Je reconnais que, après la clôture de la preuve le premier jour de l’audience, Mme Harkat a envoyé un courriel (la pièce 9) à Peter Foley, dans lequel elle proposait diverses solutions pour apaiser les inquiétudes de l’ASFC. Je ne crois pas cependant qu’une telle bonne volonté subsisterait si le déménagement sollicité était autorisé sans que des conditions précises ne soient établies avant le déménagement.

 

[38]      Pour ces motifs, la requête en vue d’une ordonnance autorisant M. Harkat à changer de domicile a été rejetée, avec autorisation de présenter une nouvelle demande sur la base de ce qui est énoncé au paragraphe 2 des présents motifs.

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

1.  Projet de loi C‑3, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence, 2e session, 39e législature, 2008, cl. 7 (sanctionnée le 14 février 2008).

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, juriste‑traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                DES‑5‑08

 

INTITULÉ :                                                               MOHAMED HARKAT

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE

                                                                                    DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         OTTAWA (ONTARIO)

 

DATES DE L’AUDIENCE :                                     LE 30 AVRIL ET LE 1er MAI 2008

 

OBSERVATIONS ÉCRITES

SUPPLÉMENTAIRES :                                           LE 8 MAI 2008

 

MOTIFS DES ORDONNANCES :                         LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 14 MAI 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Copeland                                                              POUR LE DEMANDEUR

 

David Tyndale                                                              POUR LES DÉFENDEURS

Amina Riaz

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paul Copeland                                                              POUR LE DEMANDEUR

Copeland, Duncan

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                         POUR LES DÉFENDEURS

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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