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Date : 20080502

Dossier : IMM-3320-07

Référence : 2008 CF 565

Ottawa (Ontario), le 2 mai 2008

En présence de monsieur le juge Beaudry

 

 

ENTRE :

MAZEN HAMZEH TANTASH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), d’une décision en date du 19 juin 2007 par laquelle l’agente des visas, Mme Sweetman-Griffin (l’agente), a refusé la demande de résidence permanente au Canada du demandeur en qualité de travailleur qualifié de la catégorie de l’immigration économique, au motif qu’il n’avait pas fourni les documents demandés et, par conséquent, qu’elle n’était pas convaincue qu’il était admissible.

 

LA QUESTION EN LITIGE

[2]               J’énoncerai de la manière suivante l’unique question découlant des arguments invoqués en l’espèce : l’agente a-t-elle commis une erreur en violant un principe de justice naturelle ou de l’équité procédurale?

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

LES FAITS

[4]               Le demandeur est un citoyen de la Jordanie, né au Koweït. Il a étudié aux États-Unis pendant cinq ans, et il réside actuellement aux Émirats Arabes Unis (les EAU). Il a présenté une demande d’immigration au Canada à titre de travailleur qualifié de la catégorie de l’immigration économique le 9 juin 2004 au Consulat canadien à Londres, en Angleterre. 

 

[5]               Les notes inscrites au Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (le STIDI), datées du 27 avril 2006, indiquent que le demandeur a obtenu le nombre de points requis pour immigrer en qualité de travailleur qualifié de la catégorie de l’immigration économique. Cependant, sa demande de résidence permanente a été rejetée puisque l’agente n’était pas convaincue qu’il était admissible faute d’avoir fourni les certificats de police de chaque pays dans lesquels il avait habité pendant plus de six mois.

 

[6]               Une brève chronologie des faits pertinents servira à mieux comprendre les prétentions des parties et la décision faisant l’objet de contrôle :

a)      Le 17 janvier 2007 – L’agente a demandé à obtenir de Washington les certificats de la police jordanienne, ainsi que les certificats de sécurité du FBI et les certificats de la police d’État. L’agente a donné au demandeur 90 jours pour fournir les documents.

b)      Le 13 mars 2007 – Le demandeur a envoyé au Consulat une lettre, accompagnée des certificats jordaniens, et il a demandé une prorogation de délai pour le dépôt des autres certificats de police.

c)      Le 20 mars 2007 – Le demandeur a envoyé au Consulat une lettre contenant les certificats de l’État de Washington, et il a encore une fois demandé une prorogation de délai pour le dépôt du certificat de sécurité du FBI.

d)      Le 2 avril 2007 – L’agente a indiqué dans les notes inscrites au STIDI que le délai pour fournir le certificat de sécurité du FBI serait prolongé de 30 jours, c’est‑à‑dire jusqu’au 17 mai 2007.

e)      Le 19 avril 2007 – L’agente a refusé la demande de résidence permanente.

 

[7]               Avant d’aller plus loin, il convient de souligner qu’il y avait une divergence dans les comptes rendus des faits des parties. Le demandeur soutient que la lettre datée du 13 mars 2007 expliquait clairement que le long délai d’attente des certificats de sécurité du FBI était attribuable à l’arriéré des demandes, et qu’une copie papier provenant du site Web du FBI avait été jointe à la lettre comme preuve que ce délai d’attente se situait entre 16 et 18 semaines. Le défendeur allègue que la lettre n’indiquait pas la date à laquelle les certificats étaient censés être reçus. Un examen attentif du dossier révèle que les copies papier provenant du site Web ne faisaient pas partie de la liste des pièces jointes à la lettre du 13 mars 2007. On trouve dans le dossier du tribunal toutes les autres pièces jointes, mais aucune copie papier. En outre, les copies papier jointes au dossier du demandeur, aux pages 16 et 17, sont datées du 17 juillet 2007, ce qui dépasse de plusieurs mois la date de la lettre.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]               Le 19 juin 2007, l’agente a refusé la demande de résidence permanente, parce que le demandeur ne lui avait pas fourni l’information demandée. N’ayant reçu aucune information concernant le certificat de sécurité du FBI, l’agente s’est dit persuadée d’avoir donné au demandeur suffisamment de temps pour que celui-ci lui transmette le document. En conséquence, elle s’est dit non convaincue que le demandeur n’était pas interdit de territoire pour criminalité.

 

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[9]               La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

Visa et documents

 

 

11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, qu’il n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

 

Obligation du demandeur

 

16. (1) L’auteur d’une demande au titre de la présente loi doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées lors du contrôle, donner les renseignements et tous éléments de preuve pertinents et présenter les visa et documents requis.

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

Obligation — answer truthfully

 

16. (1) A person who makes an application must answer truthfully all questions put to them for the purpose of the examination and must produce a visa and all relevant evidence and documents that the officer reasonably requires.

 

 

L’ANALYSE

L’agente a-t-elle commis une erreur en violant un principe de justice naturelle ou de l’équité procédurale?

 

[10]           Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable aux questions de justice naturelle et de l’équité procédurale est la décision correcte.

 

[11]           Le demandeur allègue que l’agente a violé les principes de justice naturelle et de l’équité procédurale en refusant sa demande de prorogation de délai. Il soutient que la prorogation de délai de 30 jours a été fixée arbitrairement, compte tenu que les copies papier provenant du site Web indiquaient que les certificats de sécurité du FBI ne sont traités que dans un délai de cinq à six mois. Le demandeur signale que l’agente a fait sa demande initiale le 17 janvier 2007 et que, selon l’information contenue dans les copies papier, il aurait été raisonnable qu’elle s’attende à ce qu’il soit impossible d’obtenir les certificats de sécurité avant juillet 2007.

 

[12]           À l’appui de ses prétentions, le demandeur cite la décision Ching-Chu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 855, [2007] A.C.F. no 1117. Plus particulièrement, le demandeur se fonde sur la décision Ching-Chu pour faire valoir que, parce qu’une prorogation a été sollicitée avant l’expiration du délai et qu’une explication a été fournie sur la prorogation demandée, l’agente a violé en l’espèce les principes de justice naturelle et de l’équité procédurale. Dans la décision susmentionnée, le juge Kelen précise aux paragraphes 17 à 20 :

 

[17]      À l’appui de cette thèse, le demandeur se fonde sur une décision de la Cour rendue en 2000 dans l’affaire Gakar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 189 F.T.R. 306. Dans cette affaire, le juge Teitelbaum a accueilli une demande de contrôle judiciaire après qu’il eut jugé que l’agente des visas avait porté atteinte au droit du demandeur à l’équité procédurale en refusant de proroger de 30 jours le délai à l’intérieur duquel il devait produire les documents demandés. Dans sa décision, le juge Teitelbaum s’exprime ainsi aux paragraphes 36 et 39 :

 

[36]      Le refus serait compréhensible si le demandeur avait demandé un délai supplémentaire de 90 ou de 180 jours. Je ne conçois pas que l'agente des visas ait pu refuser une prorogation de 30 jours, puisqu'il s'agissait de la première demande de prorogation, laquelle ne pouvait avoir aucun effet adverse sur le défendeur. 

 

[39]      Je l'ai dit et je le répète, un agent des visas doit faire preuve de souplesse et de compréhension lorsqu'il s'agit de se prononcer sur une demande de prorogation de délai. Se contenter de dire non constitue un déni de justice naturelle.

 

[18]      Cependant, le demandeur ne fait pas la distinction entre les faits de l’espèce et ceux de l’affaire Gakar. Premièrement, dans Gakar, le demandeur n’avait obtenu qu’un délai de 30 jours pour recueillir les renseignements demandés. Dans la présente affaire, le demandeur a obtenu 68 jours au total pour répondre à la demande de renseignements supplémentaires de l’agent des visas.

 

[19]      Deuxièmement, dans l’affaire Gakar, le demandeur avait sollicité une prorogation dans le délai de 30 jours déjà fixé. En l’espèce, le demandeur n’a présenté sa demande de prorogation de délai que les 2 et 13 décembre 2006, c’est-à-dire après l’expiration du délai fixé par l’agent des visas et presque trois mois après la lettre de ce dernier, requise par l’obligation d’équité et datée du 18 septembre 2006, dans laquelle l’agent lui demandait de fournir des renseignements supplémentaires.

 

[20]      Enfin, dans l’affaire Gakar, le demandeur a donné les raisons pour lesquelles il n’avait pas été en mesure de répondre à la demande dans le délai imparti. En particulier, le demandeur a clairement indiqué dans sa lettre qu’il « n'était pas en mesure de réunir les documents nécessaires dans le délai imparti ». Dans la présente affaire, l’avocat du demandeur n’a pas fourni de motifs pour justifier la prorogation demandée, ni expliqué pourquoi le demandeur n’avait pas été en mesure de répondre à la demande dans le délai initial de 68 jours.

 

[13]           Le défendeur allègue que la présente affaire ne soulève aucune question relative à l’équité procédurale; la décision de l’agente était plutôt fondée sur l’omission du demandeur de fournir l’information requise. À l’appui de cette allégation, le défendeur cite le paragraphe 16(1) de la Loi, ainsi que la politique affichée sur le site Web de CIC qui exige que le demandeur présente un certificat de police de chaque pays où il a habité pendant plus de six mois depuis l’âge de 18 ans.

 

[14]           Le défendeur soutient que la décision de l’agente de rejeter la demande plus d’un mois après l’expiration du délai supplémentaire de 30 jours ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.

 

[15]           Je suis d’avis que les faits de la présente affaire n’appuient pas l’allégation selon laquelle il y a eu manquement à l’équité procédurale. Même si le demandeur prétend avoir fourni la preuve que le délai de traitement des certificats de sécurité du FBI se situait entre cinq et six mois, ce n’est pas ce qui ressort du dossier. Le dossier n’indique pas que des copies papier ont été fournies à l’agente et, par conséquent, l’allégation du demandeur selon laquelle il aurait expliqué dans sa demande pourquoi il sollicitait une prorogation est insoutenable. Comme dans la décision Ching-Chu, précitée, le demandeur n’a pas expliqué pourquoi il avait sollicité une prorogation, ni pourquoi le délai de 90 jours était insuffisant.

 

[16]           Bien que le demandeur ait présenté sa demande de prorogation dans le délai imparti de 90 jours, ce qui n’était pas le cas dans la décision Ching-Chu, sa demande de prorogation de délai a été accueillie, et non catégoriquement rejetée comme dans la décision susmentionnée. En fait, l’agente a seulement rejeté la demande environ 150 jours après la date de sa demande initiale. À aucun moment le demandeur n’a tenté d’expliquer à l’agente pourquoi il prenait autant de temps à lui fournir le certificat de sécurité du FBI, et il ne lui a pas non plus indiqué la période au cours de laquelle il prévoyait recevoir les documents. L’agente n’a rien reçu après la lettre datée du 20 mars 2006. 

 

[17]           Le refus découlait de l’omission du demandeur de fournir à l’agente les éléments de preuve et les documents qui étaient raisonnablement requis. Il faut respecter les délais raisonnables pour s’assurer que les demandes soient traitées de manière expéditive (Ching-Chu, précitée, aux paragraphes 22 et 23).

 

[18]           Par conséquent, je suis d’avis que la décision de l’agente de refuser la demande et toute autre prorogation de délai ne constitue pas un manquement aux principes de l’équité procédurale ou de justice naturelle. 

 

[19]           Les parties n’ont pas proposé de questions aux fins de certification et aucune n’est soulevée.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-3320-07

 

INTITULÉ :                                                                           MAZEN HAMZEH TANTASH

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’MMIGRATION

                                                           

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 30 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LE JUGE BEAUDRY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                                           LE 2 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maude Farah                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Viken G. Artinian

                                                                                               

 

Zoé Richard                                                                             POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                               

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Joseph W. Allen & Associés                                                     POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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