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Date : 20080501

Dossiers : T-1570-07

                                                                                                                                         T-1571-07

 

Référence : 2008 CF 569

Toronto (Ontario), le 1er mai 2008

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

SIMPSON STRONG‑TIE COMPANY, INC.

demanderesse

 

 

et

 

 

PEAK INNOVATIONS INC.

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

Introduction et historique

[1]               Il s'agit d'un appel interjeté par Simpson Strong‑Tie Inc. (Strong‑Tie) et d'un appel incident interjeté par Peak Innovations Inc. (Peak) à l'encontre de la décision rendue le 31 mars 2008 par le protonotaire Aalto dans les deux présents dossiers, lesquels sont des appels interjetés par Strong‑Tie à l'encontre de deux décisions semblables rendues le 21 juin 2007 par le registraire des marques de commerce (le registraire) par lesquelles celui‑ci a rejeté les oppositions formulées par Strong‑Tie quant aux demandes d'enregistrement faites par Peak à l'égard de la marque GREYISH GREEN DECK BOARD FASTENER en liaison avec des « supports de fixation pour fixation de planches de terrasse ».

 

[2]               Le protonotaire Aalto a tranché deux affaires en litige dans ces appels :

1.         Premièrement, il a rejeté la requête en modification d'une déclaration d'opposition déposée par Strong-Tie devant le registraire afin d'invoquer expressément que les demandes d'enregistrement d'une marque de commerce présentées par Peak n'étaient pas conformes à l'alinéa 38h) de la Loi sur les marques de commerce (La Loi). Ce faisant, le protonotaire Aalto s'est fié à la décision rendue par le juge Harrington dans Sun World International Inc. c. Parmalat Dairy and Bakery Inc. 2007 CF 861 dans laquelle il a conclu que la Cour fédérale avait compétence dans des circonstances très précises pour autoriser, dans le cadre d'un appel interjeté à la Cour en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, une modification d'une déclaration d'opposition afin d'y ajouter un nouveau motif d'opposition dont le registraire n'est pas déjà saisi. Le protonotaire a jugé que la modification envisagée par Strong-Tie n'était pas visée par les circonstances très précises justifiant qu’elle soit apportée.

2.         Deuxièmement, il a rejeté l'opposition de Peak à la requête de Strong-Tie en prorogation du délai prévu à l'article 306 des Règles des Cours fédérales (1998) (les Règles) pour le dépôt de deux affidavits.

           

[3]               Dans son appel, Strong-Tie prétend que le protonotaire a commis une erreur en appliquant aux faits de l'espèce la décision Sun World, susmentionnée. Ce qui est différent en l'espèce, selon l'avocat de Strong-Tie, c’est que le registraire qui a rendu la décision était saisi de la question de savoir si la demande d'enregistrement de la marque de commerce de Peak violait l'alinéa 30h) de la Loi. Dans les circonstances, selon l'avocat de Strong-Tie, contrairement à la décision Sun World, aucune nouvelle question n'est soulevée dans le cadre de l'appel, aucun nouveau dossier (nouvel élément de preuve) en appel n'est exigé et la Cour a bénéficié des opinions éclairées du registraire sur la question. En outre, l’avocat de Strong-Tie prétend que le protonotaire a eu tort de conclure que Strong-Tie scinderait sa preuve.

 

[4]               Dans son appel incident, Peak prétend que le protonotaire Aalto, en accordant à Strong-Tie une prorogation de délai pour déposer ses affidavits, a omis de tenir compte de facteurs pertinents, à savoir l'absence d'explication de la part de Strong-Tie quant à son retard à respecter l'ordonnance rendue par le protonotaire Milczynski le 9 octobre 2007 par laquelle celui‑ci avait déjà prorogé au 27 décembre 2007 le délai accordé à Strong‑Tie pour déposer ses affidavits. Peak prétend également que le protonotaire n'a pas tenu compte de la pertinence des affidavits que Strong-Tie voulait déposer.

 

Conclusions

 

[5]               Pour les motifs exposés ci‑après, l'appel interjeté par Strong‑Tie et l'appel incident interjeté par Peak à l'encontre de la décision rendue par le protonotaire Aalto le 31 mars 2008 sont rejetés avec dépens.

 

[6]               En ce qui concerne la norme de contrôle, j'accepte l'argument de Strong‑Tie que je devrais procéder à un examen de novo de l’affaire parce que la question de savoir si on doit permettre l’ajout d’un nouveau motif dans une déclaration d'opposition est déterminante quant à son règlement final. En ce qui concerne la décision du protonotaire de proroger le délai accordé pour le dépôt des affidavits, cette décision est manifestement une décision discrétionnaire qui, selon la jurisprudence, ne peut être annulée en appel que si elle est entachée d'une erreur flagrante.

 

[7]               En ce qui concerne la première question, le refus d'autoriser l’ajout d’une modification à la déclaration d'opposition de Strong-Tie, l'extrait suivant tiré de la décision du registraire indique comment il en est venu à être saisi de la question relative à l'alinéa 30h) :

À l'audience, l'agent de l'opposante a fait valoir que les demandes n'indiquent ni la taille ni les dimensions matérielles exactes de l'objet illustré dans le dessin. Comme il l’a fait remarquer cependant, les déclarations d'opposition ne contiennent aucune allégation en ce sens, ni aucun motif fondé sur l'inobservation de l'alinéa 30h) de la Loi. Je ne suis donc pas autorisé à me pencher sur un tel motif dans la présente instance. Quoi qu'il en soit, la requérante n'est pas tenue de restreindre la marque revendiquée à une taille spécifique. Dans la mesure où les marchandises sont suffisamment décrites et définies, la couleur peut à elle seule constituer une marque de commerce comme c'est le cas, par exemple, d'une couleur unique pour un panneau isolant en fibre de verre. [Non souligné dans l'original.]

 

[8]               Dans son avis d'appel de la décision rendue par le registraire le 27 août 2007, l'avocat de Strong-Tie a mentionné que la conclusion suivante tirée par le registraire constituait l’erreur qu’il avait commise eu égard à l'alinéa 30h) :

[traduction]

 

Il était nécessaire d'invoquer expressément l'alinéa 30h) de la Loi sur les marques de commerce et la simple mention de l'article 30 n'était pas suffisante pour que l'on retienne l'opposition.

 

[9]               L'avocat de Peak a contesté l'appel de Strong-Tie pour les deux motifs suivants : premièrement, la Cour fédérale n'avait pas compétence pour apporter la modification demandée et, même si elle avait compétence, le protonotaire a eu raison de conclure que les circonstances très précises dans lesquelles une telle modification est permise n’étaient pas présentes en l'espèce.

 

[10]           Je n'ai pas l'intention de traiter la question de l'absence de compétence soulevée par l'avocat de Peak. Je suis tout à fait d'accord avec le juge Harrington et le protonotaire Aalto pour affirmer que, selon le droit, ce n'est que dans de très rares cas, afin de rendre justice, que la Cour autorisera la modification d'une déclaration d'opposition (une plaidoirie) afin d'y ajouter un nouveau motif d'opposition qui n'a pas été évoqué devant le registraire. Il est intrinsèquement injuste de permettre à une partie à un litige de « réserver » de nouveaux motifs pour l'appel. Je ne peux pas accepter les arguments de l'avocat de Strong-Tie selon lesquels aucun nouveau motif n'est invoqué en l'espèce et qu'aucun nouveau dossier n'est nécessaire. Il est clair que si Strong-Tie ne convainc pas un juge de la Cour que le registraire a commis une erreur lorsqu'il a décidé que sa déclaration d'opposition n'invoquait pas l'alinéa 30h), la modification exigée à la déclaration d'opposition visant à l'invoquer est nécessaire et ajoute donc un nouveau motif qui n'a pas déjà été soumis.

 

[11]           En outre, l’argument de l’avocat de Strong‑Tie selon lequel la preuve au dossier n'a pas à faire l’objet d’un ajout n'est pas étayé par la requête soumise par Strong-Tie au protonotaire en vue d'obtenir une ordonnance l'autorisant à déposer des affidavits à l'appui [traduction] « du motif d'opposition plus détaillé énoncé au nouvel alinéa 1b) de la déclaration d'opposition modifiée [...] ». Manifestement, c'était devant le registraire qu'il fallait solliciter une modification à la déclaration d'opposition et non pas devant la Cour. Dans ces circonstances, selon moi, rien ne justifie d'accorder la modification demandée.

 

[12]           En ce qui concerne l'appel incident interjeté par Peak, l'argument de l’avocat de Peak est que le protonotaire a commis une erreur en ne tenant pas compte de facteurs pertinents. L’avocat de Peak invoque la décision Strykiwsky c. Établissement de Stony Mountain, [2000] A.C.F. no 1404.

 

[13]           Dans sa plaidoirie, l'avocat de Peak a admis que les questions qu’il a soulevées quant au manque d'explication sur le retard et quant aux projets d'affidavits visant à en démontrer la pertinence ont été soumises au protonotaire. Il a également admis que son appel incident a été signifié et déposé après que Strong‑Tie eut déposé ses documents en conformité avec l'ordonnance du protonotaire. Le seul fait que le protonotaire n'a pas expressément mentionné les facteurs mentionnés par l'avocat de Peak ne signifie pas qu'il ne les a pas pris en compte et qu’il ne les a pas évalués. Selon moi, il l'a fait. Il est clair qu'il a accordé une grande importance au facteur d'absence de préjudice à l'égard de Peak comme il avait droit de le faire. Il a également tenu compte d'autres facteurs comme le nombre de questions en suspens mettant en cause les parties qui sont devant la Cour, la nécessité qu'elles soient coordonnées et la nécessité de la gestion de l'instance qu'il a ordonnée.

 

[14]           Pour ces motifs, je refuse d'intervenir dans l'exercice par le protonotaire de son pouvoir discrétionnaire de proroger le délai.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.         L'appel interjeté par Simpson Strong-Tie Company, Inc. est rejeté avec dépens.

 

2.         L'appel incident interjeté par Peak Innovations est rejeté avec dépens.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                      T-1570-07

                                                            T-1571-07

 

INTITULÉ :                                       SIMPSON STRONG-TIE COMPANY, INC. c.

                                                            PEAK INNOVATIONS INC.

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 28 avril 2008

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 1er mai 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kenneth D. McKay

 

POUR LA DEMANDERESSE

Paul Smith

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Sim, Lowman, Ashton & McKay LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Smith IP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

 

 

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