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Date : 20080429

Dossier : IMM-4176-07

Référence : 2008 CF 556

Toronto (Ontario), le 29 avril 2008

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGHES

 

 

ENTRE :

ROCIO VILLAGRANA CAMPOS

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demanderesse est une adulte, citoyenne du Mexique. Elle est entrée au Canada pour la première fois le 18 décembre 2004, mais elle a été interdite de territoire et renvoyée au Mexique le 19 décembre 2004. Elle est entrée de nouveau au Canada le 13 janvier 2005 et a présenté une demande d’asile au motif qu’elle craint que son conjoint de fait (Luis Duarte) lui fasse du mal au Mexique. Cette demande d’asile a été rejetée le 18 août 2005 par la Commission de l’immigration du statut de réfugié. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire relative à la décision de la Commission a été rejetée le 16 février 2006.

[2]               La demanderesse a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR),  déposé des éléments de preuve en sus de ceux déposés devant la Commission dans le cadre de l’audience relative à la demande d’asile et présenté des observations écrites. Au moment de la présentation de la demande d’ERAR, la demanderesse avait donné naissance, au Canada, à un enfant (Ashley) qui n’avait pas été conçu par son ex-conjoint de fait. Le père de l’enfant avait abandonné la demanderesse et il ne faisait plus partie de sa vie.

 

[3]               Dans l’affidavit déposé à l’appui de son ERAR, la demanderesse a notamment affirmé ce qui suit :

[traduction]

10.              Luis (Duarte) est un alcoolique et un toxicomane. C’est un homme très violent. Il m’a menacé à de nombreuses reprises de me tuer si j’allais le dénoncer à la police. J’ai très peur de lui. Je suis certaine que si Ashley et moi retournions au Mexique, il nous retrouverait et soit qu’il nous tuerait, soit qu’il nous ferait très mal. Je ne crois pas que les autorités du Mexique seraient capables de nous protéger ou même disposées à le faire.

 

 

[4]               Dans ses observations écrites déposées devant l’agent d’ERAR, l’avocat de la demanderesse a notamment présenté les arguments suivants :

[traduction]

Deuxièmement, constitue un nouveau fait important la naissance d’Ashley (la fille de la demanderesse) aujourd’hui âgée de cinq mois, laquelle n’a pas été conçue par M. Duarte. Dans la présente demande d’ERAR, ce fait n’est pas invoqué à titre de motif d’ordre humanitaire, mais plutôt comme élément qui met en lumière le risque que courrait la demanderesse si elle devait retourner au Mexique. Que la demanderesse ait eu un enfant avec un autre homme que M. Duarte enragera certainement M. Duarte, comme nous pouvons tous l’imaginer. Nous avons établi de façon crédible que M. Duarte considère la demanderesse comme étant sa possession, sa femme, et il a juré que si la demanderesse ne peut pas être sienne, elle ne sera la femme d’aucun autre homme.

 

 

[5]               Les avocats des parties conviennent qu’une audience relative à un ERAR ne doit pas consister en un réexamen d’une demande d’asile qui a été rejetée. Ils conviennent également que l’agent d’ERAR n’a pas à tenir compte de l’intérêt supérieur de l’enfant qui n’est pas partie à l’audience. Ces arguments n’ont pas été avancés en l’espèce.

 

[6]               L’argument avancé ici est que la demanderesse, partie à l’audience, serait exposée à un plus grand risque de la part de son ex‑conjoint de fait si elle devait retourner au Mexique maintenant qu’elle a donné naissance à un enfant dont cet ex‑conjoint n’est pas le père. Cet argument a clairement été inclus dans la preuve et dans les observations présentées à l’agent d’ERAR, et, pourtant, les motifs de la décision prononcée par l’agent d’ERAR ne révèlent aucunement que cet argument a été analysé ou que l’agent d’ERAR en a tenu compte.

 

[7]               L’argument est valable. Au paragraphe 17 de l’arrêt Varga c. Canada (MCI), [2007] 4 RCF 3, 2006 CAF 394, la Cour d’appel fédérale a expressément traité d’un tel argument, et elle a affirmé qu’il relevait de la compétence de l’agent d’ERAR d’en tenir compte :

 

[17]           Lors de la plaidoirie, l’avocat des intimés a soutenu que l’agent d’ERAR n’avait pas examiné la possibilité que, si leurs deux enfants nés au Canada allaient en Hongrie, les intimés seraient eux‑même exposés à un plus grand risque d’être persécutés. Je conviens qu’il s’agit d’une question relevant de la compétence de l’agent d’ERAR. Toutefois, puisque l’avocat n’a pas soumis cette observation à l’agent, il ne peut se plaindre que l’agent a commis une erreur en omettant de l’examiner.

 

 

[8]               Ici, l’argument a clairement été mentionné devant l’agent d’ERAR, mais il n’en a pas tenu compte. Pour cette unique raison, la décision de l’agent doit être infirmée et l’affaire renvoyée devant un autre agent.

[9]               Il n’est pas nécessaire de traiter en l’espèce des autres contestations que l’avocat de la demanderesse a élevées relativement au raisonnement de l’agent. L’autre agent ne devrait pas se sentir lié par les conclusions tirées par le premier agent sur quelque question que ce soit, et il doit traiter de nouveau de toutes les questions.

[10]           Il n’y a aucune question à certifier et aucune raison particulière d’adjuger des dépens.

 

 

 

 

 

 

 


JUGEMENT

POUR LES MOTIFS EXPOSÉS,

LA COUR STATUE :

1.         que la demande est accueillie;

2.         que l’affaire est renvoyée à un autre agent d’ERAR pour nouvel examen qui devra de nouveau traiter de toutes les questions;

3.         qu’aucune question n’est certifiée;

4.         qu’aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

              «  Roger T. Hughes »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4176-07

                                                           

INTITULÉ :                                                   ROCIO VILLAGRANA CAMPOS c. MCI ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 29 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE HUGHES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 29 AVRIL 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Neil Cohen                                                       POUR LA DEMANDERESSE

 

Negar Hashemi                                                 POUR LES DÉFENDEURS

                       

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Neil Cohen                                                       POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LES DÉFENDEURS

Toronto (Ontario)

 

 

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