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Date : 20080429

Dossier : T-1249-07

Référence : 2008 CF 544

Ottawa, Ontario, le 29 avril 2008

En présence de L'honorable Orville Frenette

 

ENTRE :

M. ANTHONY DAOULOV

demandeur

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et

GROUPE DE LA RÉVISION DES CONDAMNATIONS CRIMINELLES

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision de Martin Lamontagne, avocat avec le Groupe de révision des condamnations criminelles (ci-après le « GRCC »), qui a conclu qu’il n’existait pas de motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite dans le dossier du demandeur.

 

[2]               Le demandeur fut trouvé coupable de l’infraction de possession d’héroïne, lors d’un procès devant juge et jury, le 17 décembre 1998. Suite à un appel, un nouveau procès fut ordonné.

 

[3]               Lors de l’appel précité, le demandeur avait allégué qu’il désirait faire entendre de nombreux témoins pour supporter sa défense de contrainte, dont un dénommé Dominico Di Capua (ci-après « Di Capua »). Ce dernier aurait été celui qui aurait induit le demandeur à transporter de l’héroïne. Le demandeur soupçonne que Di Capua était l’informateur de la police dans cette affaire.

 

[4]               Le 3 mai 2000, Manon Ouimet, substitut de la procureure générale écrivait une lettre à Me Jérôme Choquette, procureur du demandeur, lui recommandant de faire entendre comme témoin en défense, ledit Di Capua.

 

[5]               Le demandeur a déclaré à l’audience devant cette cour qu’après avoir discuté de cette affaire avec son procureur, ils avaient convenu de ne pas le faire entendre comme témoin. À l’époque, le demandeur était lui-même avocat.

 

[6]               Lors du deuxième procès le demandeur a présenté une défense de contrainte soumettant qu’il avait été obligé d’introduire l’héroïne en prison par Di Capua, mais il n’a pas appelé ce dernier comme témoin.

 

[7]               Le 20 décembre 2000, le demandeur a été reconnu coupable de possession d’héroïne et le 4 janvier 2001, il a été condamné à dix ans d’emprisonnement. La Cour d’appel du Québec a maintenu la condamnation ainsi que la décision du juge de première instance de ne pas autoriser la divulgation de l’identité de l’informateur, mais sa peine a été réduite à 8 ans (R. c. Daoulov, [2002] J.Q. no 1203 (QL); R. c. Daoulov, [2002] J.Q. no 3003 (QL)). La Cour suprême a refusé la demande d’autorisation d’appel du demandeur.

 

[8]               Au cours du mois de juin 2003, le demandeur a déposé une plainte privée pénale contre Di Capua alléguant qu’il avait été l’objet de menaces et contraint quant au trafic de drogues. Cependant, les poursuites concernant cette plainte ont été suspendues par un nolle prosequi deposé  par le substitut du Procureur général du Québec.

 

[9]               Le demandeur a ensuite soumis une demande de révision de sa condamnation auprès du GRCC, à la lumière de cette décision du substitut du Procureur général, qui, selon le demandeur, démontrait que c’était Di Capua qui était l’informant de la police concernant les drogues que possédait le demandeur. Lorsque le demandeur n’a reçu aucune réponse, tel que requis par le Règlement sur les demandes de révision auprès du ministre (erreurs judiciaires), DORS/2002-416 (ci-après le « Règlement »), le demandeur a contacté un représentant du défendeur, qui lui a informé que son dossier avait été égaré.

 

[10]           Le demandeur a soumis une nouvelle demande, soit le 1er mars 2004 (selon la lettre de Me Lamontagne datée le 12 juin 2007) ou le 2 juin 2004 (selon l’affidavit du demandeur). La date précise n’est pas pertinente à la demande en l’espèce.

 

[11]           Par lettre explicative de neuf pages datée du 26 juillet 2005, Me Lamontagne a informé le demandeur de sa conclusion préliminaire qu’il « n’y a pas de motif(s) raisonnable(s) qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite dans votre dossier, par conséquent, votre demande ne sera pas renvoyée à l’étape de l’enquête. » Selon Me Lamontagne :

La plupart des motifs aujourd’hui invoqués au soutien de votre demande furent non seulement étudiée par la Cour d’Appel du Québec, mais par surcroît, un panel de juges de la plus haute cour du pays décida de ne pas vous octroyer une autorisation de vous pourvoir en appel devant elle.

 

[…]

 

Votre dossier ne révèle aucune preuve nouvelle susceptible de correspondre à un élément significatif quant à votre responsabilité criminelle pouvant ordonner ouverture à une révision de votre condamnation.

 

[12]           Après avoir noté que la Cour d’appel avait refusé la demande de divulgation de l’identité de l’informateur, Me Lamontagne a traité les arguments du demandeur concernant sa plainte contre Di Capua, à la lumière de la discrétion que possède le procureur général en matière de poursuites criminelles :

Le fait que la poursuite ait déposé un arrêt des procédures à l’égard de cette dénonciation s’inscrit dans les pouvoirs qui lui incombe et ne modifie en rien la reconnaissance judiciaire de votre responsabilité criminelle. Ni ne modifie sous quelques rapports la reconnaissance de l’établissement par le ministère public des éléments constitutifs des infractions vous étant reprochées.

 

Par surcroît, aucune preuve tangible, ni crédible, ne vient établir que cette discrétion ne fut pas bien exercée ni non plus établir que vous auriez été victime d’une erreur judiciaire.

 

[13]           Cependant, Me Lamontagne a invité le demandeur à transmettre de nouveaux renseignements. Il avait un an pour faire une soumission et il a déposé des lettres datées du 21 novembre 2005 et du 12 décembre 2005. Selon le demandeur, Me Lamontagne a passé sous silence son argument principal selon lequel Di Capua et l’informateur sont la même personne. Dans sa lettre du 12 décembre 2005, le demandeur ajoute que c’était un abus du pouvoir discrétionnaire du Procureur général d’arrêter la poursuite contre Di Capua parce que ça démontre que ce dernier était protégé par « la police et poursuite ».

 

[14]           Il apparaît qu’il y a eu des communications par téléphone entre le demandeur et des représentants du défendeur, et une rencontre entre le demandeur et Me Lamontagne. Finalement, par lettre de quatre pages datée du 12 juin 2007, Me Lamontagne a informé le demandeur qu’il est venu à la conclusion suivante :

J’ai récemment complété un autre segment de l’évaluation préliminaire de ce dossier en tenant compte de ce que vous nous aviez fourni en décembre dernier, lors de notre rencontre à Montréal, à titre de preuve dite nouvelle. Mais celle-ci confirmait simplement l’identité de l’indicateur et nous sommes toujours d’avis que cet élément n’est pas déterminant et significatif en soi pour justifier une enquête pavant ultimement la voie à un remède quelconque auprès du ministre.

 

I. Législation pertinente

 

[15]           Les dispositions suivantes du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, sont pertinentes en l’espèce :

696.1 (1) Une demande de révision auprès du ministre au motif qu’une erreur judiciaire aurait été commise peut être présentée au ministre de la Justice par ou pour une personne qui a été condamnée pour une infraction à une loi fédérale ou à ses règlements ou qui a été déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en application de la partie XXIV, si toutes les voies de recours relativement à la condamnation ou à la déclaration ont été épuisées.

 

[…]

 

696.2 (1) Sur réception d’une demande présentée sous le régime de la présente partie, le ministre de la Justice l’examine conformément aux règlements.

 

[…]

 

696.3 […] (3) Le ministre de la Justice peut, à l’égard d’une demande présentée sous le régime de la présente partie :

a) s’il est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite :

(i) prescrire, au moyen d’une ordonnance écrite, un nouveau procès devant tout tribunal qu’il juge approprié ou, dans le cas d’une personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, une nouvelle audition en vertu de cette partie,

(ii) à tout moment, renvoyer la cause devant la cour d’appel pour audition et décision comme s’il s’agissait d’un appel interjeté par la personne déclarée coupable ou par la personne déclarée délinquant dangereux ou délinquant à contrôler en vertu de la partie XXIV, selon le cas;

 

b) rejeter la demande.

 

(4) La décision du ministre de la Justice prise en vertu du paragraphe (3) est sans appel.

 

 

696.4 Lorsqu’il rend sa décision en vertu du paragraphe 696.3(3), le ministre de la Justice prend en compte tous les éléments qu’il estime se rapporter à la demande, notamment :

a) la question de savoir si la demande repose sur de nouvelles questions importantes qui n’ont pas été étudiées par les tribunaux ou prises en considération par le ministre dans une demande précédente concernant la même condamnation ou la déclaration en vertu de la partie XXIV;

b) la pertinence et la fiabilité des renseignements présentés relativement à la demande;

c) le fait que la demande présentée sous le régime de la présente partie ne doit pas tenir lieu d’appel ultérieur et les mesures de redressement prévues sont des recours extraordinaires.

696.1 (1) An application for ministerial review on the grounds of miscarriage of justice may be made to the Minister of Justice by or on behalf of a person who has been convicted of an offence under an Act of Parliament or a regulation made under an Act of Parliament or has been found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV and whose rights of judicial review or appeal with respect to the conviction or finding have been exhausted.

 

[…]

 

696.2 (1) On receipt of an application under this Part, the Minister of Justice shall review it in accordance with the regulations.

 

[…]

 

696.3 [… ] (3) On an application under this Part, the Minister of Justice may

(a) if the Minister is satisfied that there is a reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred,

 

(i) direct, by order in writing, a new trial before any court that the Minister thinks proper or, in the case of a person found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV, a new hearing under that Part, or

(ii) refer the matter at any time to the court of appeal for hearing and determination by that court as if it were an appeal by the convicted person or the person found to be a dangerous offender or a long-term offender under Part XXIV, as the case may be; or

 

 

 

 

 

(b) dismiss the application.

 

(4) A decision of the Minister of Justice made under subsection (3) is final and is not subject to appeal.

 

696.4 In making a decision under subsection 696.3(3), the Minister of Justice shall take into account all matters that the Minister considers relevant, including

 

(a) whether the application is supported by new matters of significance that were not considered by the courts or previously considered by the Minister in an application in relation to the same conviction or finding under Part XXIV;

(b) the relevance and reliability of information that is presented in connection with the application; and

(c) the fact that an application under this Part is not intended to serve as a further appeal and any remedy available on such an application is an extraordinary remedy.

 

Les demandes de révision sont régies par le Règlement, les dispositions pertinentes duquel sont les suivantes :

3. Sur réception d'une demande de révision présentée conformément à l'article 2, le ministre :

a) transmet un accusé de réception au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui a présenté la demande en son nom;

b) procède a une évaluation préliminaire de la demande.

 

 

 

4. (1) Une fois l'évaluation préliminaire terminée, le ministre :

a) enquête sur la demande s'il constate qu'il pourrait y avoir des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite;

 

 

b) ne mène pas d'enquête dans les cas où :

(i) il est convaincu qu'il y a des motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite et que, pour éviter un déni de justice ou pour des raisons humanitaires, une décision doit être rendue promptement en vertu de l'alinéa 696.3(3)a) du Code,

 

(ii) il est convaincu qu'il n'y a pas de motifs raisonnables de conclure qu'une erreur judiciaire s'est probablement produite.

 

  (2) Le ministre transmet au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui présente la demande en son nom, un avis indiquant si une enquête sera ou non menée en application du paragraphe (1).

 

  (3) Si le ministre ne mène pas d'enquête pour le motif visé au sous-alinéa (1)b)(ii), l'avis prévu au paragraphe (2) doit mentionner que le demandeur peut transmettre au ministre des renseignements additionnels à l'appui de la demande dans un délai d'un an à compter de la date d'envoi de l'avis.

 

  (4) Si le demandeur ne transmet pas les renseignements additionnels dans le délai prévu au paragraphe (3), le ministre l'avise par écrit qu'il ne mènera pas d'enquête.

 

  (5) Si des renseignements additionnels sont transmis après l'expiration du délai prévu au paragraphe (3), le ministre procède à une nouvelle évaluation préliminaire de la demande en application de l'article 3.

 

5. (1) Une fois l'enquête visée à l'alinéa 4(1)a) terminée, le ministre rédige un rapport d'enquête, dont il transmet copie au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui présente la demande en son nom. Le ministre doit informer par écrit le demandeur que des renseignements additionnels peuvent lui être fournis à l'appui de la demande dans un délai d'un an à compter de la date d'envoi du rapport d'enquête.

  (2) Si le demandeur ne transmet pas les renseignements additionnels dans le délai prévu au paragraphe (1), ou s'il informe le ministre par écrit qu'aucun autre renseignement ne sera fourni, le ministre peut rendre une décision en vertu du paragraphe 696.3(3) du Code.

 

 

 

6. Le ministre transmet au demandeur et, le cas échéant, à la personne qui présente la demande en son nom, une copie de la décision rendue en vertu du paragraphe 696.3(3) du Code.

3. On receipt of an application completed in accordance with section 2, the Minister shall

 

(a) send an acknowledgment letter to the applicant and the person acting on the applicant's behalf, if any; and

 

(b) conduct a preliminary assessment of the application.

 

 

4. (1) After the preliminary assessment has been completed, the Minister

(a) shall conduct an investigation in respect of the application if the Minister determines that there may be a reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred; or

 

(b) shall not conduct an investigation if the Minister

(i) is satisfied that there is a reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred and that there is an urgent need for a decision to be made under paragraph 696.3(3)(a) of the Code for humanitarian reasons or to avoid a blatant continued prejudice to the applicant, or

(ii) is satisfied that there is no reasonable basis to conclude that a miscarriage of justice likely occurred.

 

 

 (2) The Minister shall send a notice to the applicant and to the person acting on the applicant's behalf, if any, indicating whether or not an investigation will be conducted under subsection (1).

 

  (3) If the Minister does not conduct an investigation for the reason described in subparagraph (1)(b)(ii), the notice under subsection (2) shall indicate that the applicant may provide further information in support of the application within one year after the date on which the notice was sent.

  (4) If the applicant fails, within the period prescribed in subsection (3), to provide further information, the Minister shall inform the applicant in writing that no investigation will be conducted.

  (5) If further information in support of the application is provided after the period prescribed in subsection (3) has expired, the Minister shall conduct a new preliminary assessment of the application under section 3.

 

5. (1) After completing an investigation under paragraph 4(1)(a), the Minister shall prepare an investigation report and provide a copy of it to the applicant and to the person acting on the applicant's behalf, if any. The Minister shall indicate in writing that the applicant may provide further information in support of the application within one year after the date on which the investigation report is sent.

  (2) If the applicant fails, within the period prescribed in subsection (1), to provide any further information, or if the applicant indicates in writing that no further information will be provided in support of the application, the Minister may proceed to make a decision under subsection 696.3(3) of the Code.

 

6. The Minister shall provide a copy of the Minister's decision made under subsection 696.3(3) of the Code to the applicant and to the person acting on the applicant's behalf, if any.

 

II. Les questions en litiges

 

[16]           La seule question générale qui est soulevée en l’espèce est celle de savoir si Me Lamontagne est venu à une conclusion erronée concernant la demande du demandeur.

 

[17]           Le demandeur soulève aussi la question de l’équité procédurale concernant la perte de la première demande qu’il avait soumise. Le demandeur cherche que cette Cour ordonne « à la Partie défenderesse de restituer en son intégrité le dossier égaré du soussigné ». Cependant, il ne m’apparaît pas que ce sera possible, considérant que le dossier est, selon la preuve, perdu.

 

III. Analyse

 

[18]           Le demandeur prétend que Me Lamontagne s’est basé sur trois raisons pour rejeter sa demande :

(1)   Les faits avaient déjà été traités par les diverses instances judiciaires;

(2)   Le procureur général ne faisait qu’exercer son pouvoir discrétionnaire en arrêtant les procédures contre Di Capua;

(3)   Le fait que l’identité de l’informateur n’est pas pertinente.

 

Selon le demandeur, ces raisons sont basées sur des conclusions erronées, ce qui justifie l’intervention de cette Cour dans la décision de Me Lamontagne.

 

IV. Le pouvoir discrétionnaire du ministère public en matière criminelle

 

[19]            Il est reconnu par la jurisprudence, que dans la conduite des affaires criminelles, le ministère public bénéficie d’un large pouvoir discrétionnaire surtout quant à la décision d’instituer des poursuites criminelles. Reconnaissant que le pouvoir est celui du ministère public, ce domaine se prête mal au contrôle judiciaire. À moins d’un cas flagrant de violation des principes de justice fondamentale, de fraude ou d’abus de procédures, il ne peut y avoir d’intervention judiciaire dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire (R. v. T. (V.) [V.T.], [1992] 1 S.C.R. 749; R. v. Durette (1992), 72 C.C.C. (3d) 421).

 

[20]           Il semble que ce soit la première fois que le contrôle judiciaire d’une décision du ministre en vertu de l’article 696.3 du Code criminel se présente à la Cour. La première question, alors, est de savoir quelle est la norme de contrôle applicable à une telle décision. Le demandeur n’a présenté aucune prétention concernant cette question. Selon le défendeur, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[21]           Les parties ont soumis leurs prétentions écrites avant la décision de la Cour suprême de Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, dans laquelle la Cour suprême a expliqué comment déterminer la norme de contrôle applicable :

[53] En présence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrétionnaire ou à la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblée (Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, p. 599‑600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29‑30).  Nous sommes d’avis que la même norme de contrôle doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisément être dissociés.

 

[…]

 

[55] Les éléments suivants permettent de conclure qu’il y a lieu de déférer à la décision et d’appliquer la norme de la raisonnabilité:

 

·      Une clause privative : elle traduit la volonté du législateur que la décision fasse l’objet de déférence.

 

·      Un régime administratif distinct et particulier dans le cadre duquel le décideur possède une expertise spéciale (p. ex., les relations de travail).

 

·      La nature de la question de droit.  Celle qui revêt « une importance capitale pour le système juridique [et qui est] étrangère au domaine d’expertise » du décideur administratif appelle toujours la norme de la décision correcte (Toronto (Ville) c. S.C.F.P., par. 62).  Par contre, la question de droit qui n’a pas cette importance peut justifier l’application de la norme de la raisonnabilité lorsque sont réunis les deux éléments précédents.

 

[56] Dans le cas où, ensemble, ces facteurs militent en faveur de la norme de la raisonnabilité, il convient de déférer à la décision en faisant preuve à son endroit du respect mentionné précédemment. 

 

 

[22]           En l’espèce, il n’y a pas de clause privative, la décision est sous appel mais elle milite en faveur d’une large mesure de retenue judiciaire. L’expertise de Me Lamontagne dans le domaine impliqué, a été démontrée, il faut donc en tenir compte (Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.c.s. 982, p. 32 à 35). De plus, la question de savoir s’il existe des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite est une question mixte, qui nécessite une analyse des faits par rapport au droit. À mon avis, la norme de contrôle de la décision raisonnable est celle qui est applicable en l’espèce.

 

[23]           Par conséquent, la question est de savoir si la décision de Me Lamontagne, selon laquelle il a déterminé qu’il n’existe pas de motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire s’est probablement produite, était déraisonnable. Encore selon la Cour suprême :

Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à  l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. (Dunsmuir, supra au para. 47)

 

 

[24]           Je ne suis pas d’avis que le demandeur ait démontré que la décision de Me Lamontagne n’appartient pas « aux issues possibles acceptables ».

 

V. La présumée « preuve nouvelle »

 

[25]           Le demandeur fonde sa demande de contrôle judiciaire surtout sur sa défense de contrainte. Il soutient que selon lui, l’informateur de la police était nul autre que Di Capua, soit celui qui l’a obligé à transporter l’héroïne. Il a alors déposé une plainte privée contre ce dernier, mais le procureur général du Québec a déposé un nolle prosequi; ce que, selon le demandeur, l’empêche de forcer le dit témoin à témoigner.

 

[26]           Or toute la question concernant Di Capua a fait l’objet des procès et des appels et le demandeur ne l’a pas appelé comme témoin, alors qu’il aurait pu le faire. En second lieu, même si la plainte privée avait procédé jusqu’au procès, comme le souhaitait le demandeur, Di Capua n’était pas obligé de témoigner.

 

[27]           Il est donc maintenant incongru de prétendre qu’il s’agit d’une preuve nouvelle qui pourrait innocenter le demandeur.

 

[28]           La question de la pertinence de l’identité de l’informateur a déjà été considérée par la cour du Québec, la Cour d’appel du Québec et la Cour suprême. À mon avis, la conclusion de Me Lamontagne que, peu importe d’identité de l’informateur, cette information n’est pas pertinente à la responsabilité criminelle du demandeur, n’est pas déraisonnable.

 

VI. La jurisprudence additionnelle citée par le demandeur

 

[29]           Dans son mémoire, le demandeur a cité plusieurs arrêts qui selon lui, supportent ses prétentions. Une simple analyse de ces arrêts démontre le contraire. À titre d’exemplatif, il cite l’arrêt R. v. Kelly (1999), 135 C.C.C. (3d) 449, [2001] 1 R.C.S. 741.

 

[30]           Dans cette affaire, Kelly fut condamnée pour le meurtre de son épouse; subséquemment une des principaux témoins à changée de version. Le ministre de la justice, exerçant son pouvoir discrétionnaire en vertu de l’article 96 (690 à l’époque), refera l’affaire à la Cour d’appel qui statua sur l’admissibilité de cette nouvelle preuve. Par ailleurs, la Cour suprême rejeta l’appel parce que l’opinion de la Cour d’appel sur le sujet ne constituait pas une décision susceptible d’appel.

 

[31]           L’autre arrêt d’importance invoqué par le demandeur, est celui de R. c. Stolar, [1998] 1 R.C.S. 480. Dans cette affaire, après condamnation, le requérant alléguait qu’une preuve nouvelle avait été découverte. La Cour d’appel a statué que cette preuve « nouvelle » ne portait pas à conséquence sur la décision et rejeta la requête. La Cour suprême refusa d’intervenir.

 

[32]           Aucun des arrêts cités n’ont une pertinence ou relation factuelle avec la présente demande.

 

[33]           Considérant ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

 

 

 

 

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

 

 

« Orville Frenette »

Juge suppléant


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1249-07

 

INTITULÉ :                                       M. Anthony Daoulov

                                                            c.

                                                            PGC et al.

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :               April 22, 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT PAR :                     FRENETTE J.S.

 

DATE DES MOTIFS :                      29 avril 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Anthony Daoulov, pour lui-même

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Jacques Savary

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Non-représenté

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

                                                                                   

 

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